Étiologie des ischémies mésentériques




La grande diversité des mécanismes pathogéniques des ischémies mésentériques est abordée dans ce chapitre.
Afin de garder une disposition claire, les causes rares sont regroupées dans un paragraphe.
L’ischémie mésentérique compliquant la chirurgie de l’aorte est abordée dans le paragraphe intitulé « ischémie colique ».
 Enfin, l’implication dans la genèse des ischémies mésentériques des médicaments et notamment des catécholamines est évoquée en fin de chapitre.

ISCHÉMIES MÉSENTÉRIQUES ARTÉRIELLES
Embolies
L’embolie de l’artère mésentérique supérieure est l’embolie viscérale la plus fréquente, probablement du fait de l’implantation oblique de l’artère sur l’aorte. La fréquence de cette étiologie est variable selon les séries. Ainsi, pour Inderbitzi et al, 50 à 60 % des ischémies mésentériques artérielles (IMA) sont d’origine embolique [32] alors que Taylor et Moneta ne retrouvent cette étiologie que dans 29 % des cas [63].
L’embolie artérielle peut, par ordre décroissant d’importance :
– provenir du coeur gauche : par atteintes valvulaires, par passage ou par réduction d’arythmies rapides ou secondaire à un infarctus transmural associé à un thrombus intracavitaire ;
– provenir de l’aorte : caillot d’un anévrisme, migration d’une plaque d’athérome ulcérée, lésion intimale traumatique ;
– être d’origine iatrogène : dans les suites de la chirurgie aortique, du cathétérisme artériel pour angiographie ou pour angioplastie transluminale ;
– provenir du coeur droit par embolie paradoxale (communication interauriculaire).
Thrombose aiguë
On lui attribue 23 % des IMA [63].
L’athérome est de loin l’étiologie la plus fréquente des thromboses aiguës. Pour provoquer un tableau d’IMA, en plus de la présence de sténoses serrées sur au moins deux des trois axes artériels digestifs, il faut un facteur déclenchant correspondant le plus souvent à un bas débit ou un état de choc quel qu’il soit. Ainsi, un infarctus du myocarde, un trouble du rythme rapide ou une déshydratation intense sont souvent retrouvés dans les jours ou les heures qui précèdent la survenue d’une IMA.
Il est important de noter que l’athérome vasculaire digestif est constamment associé aux autres localisations de la maladie athéromateuse. Un bilan coronarien et des vaisseaux du cou est donc impératif au décours de l’épisode d’IMA (mais, il ne doit en aucun cas retarder la prise en charge de celui-ci). L’extension d’une thrombose aortique, d’un anévrisme aortique et la thrombose d’une prothèse aortique ou aorticodigestive sont d’autres causes possibles.
Ischémie intestinale non occlusive
Le vasospasme splanchnique est responsable de 20 à 30 % des IMA [3]. Il s’agit d’une ischémie digestive survenant en l’absence de lésion vasculaire anatomique. Si, dans 27 % des cas, aucune cause n’est identifiée [22], chez tous les autres patients une défaillance circulatoire marquée peut être retrouvée. L’étiologie non occlusive est suspectée dans les situations suivantes :
– infarctus du myocarde récent, insuffisance cardiaque ;
– hypovolémie : choc septique, hémorragique ou dans les suites d’une hémodialyse ;
– en période postopératoire, après une circulation extracorporelle par exemple.
La vasoconstriction splanchnique est une réponse précoce, neuroendocrine, à une réduction globale de l’oxygénation tissulaire dont la finalité est de privilégier la vascularisation des organes vitaux. Dans certaines circonstances, encore inexpliquées, ce mécanisme de compensation du choc dépasse les limites de tolérance à l’ischémie du tube digestif et entraîne une ischémie intestinale qui pérennise et entretient la défaillance circulatoire (cf Physiopathologie).
Ischémie mésentérique chronique
C’est le stade qui peut précéder l’IMA de nature thrombotique.
Ainsi, une étude a montré que 27 % des patients qui attendaient d’être opérés pour une ischémie mésentérique chronique (IMC) avaient développé au préalable un tableau d’ischémie aiguë [11]. La maladie athéromateuse est responsable de 95 % des IMC.
Par ailleurs, l’incidence des sténoses artérielles digestives dans la population générale est relativement faible. Les constatations sur autopsie confirment cette notion, évaluant leur fréquence chez le sujet de plus de 60 ans de 3,4 à 10,8 % en fonction du tronc artériel concerné [20].

THROMBOSE VEINEUSE MÉSENTÉRIQUE
Elle représente 5 à 15% des IMA[56, 63].
La mortalité y est probablement moins élevée que pour les autres formes d’ischémie digestive et avoisine les 34 %.
On distingue trois types d’ischémie veineuse :
– les thromboses primitives (30 % des thromboses veineuses mésentériques [TVM]) correspondant à des états d’hypercoagulabilité par :

– déficit en antithrombine 3, en protéine C ou S ;
– grossesse ;
– syndromes myéloprolifératifs ;
– les oestroprogestatifs qui ont pu être mis en cause ;
– les thromboses secondaires (60 % des TVM) correspondent à la formation d’un thrombus par diminution du flux mésentérique et portal puis développement centrifuge de celui-ci jusqu’à l’occlusion des vaisseaux intramuraux :
– hypertension portale ;
– sclérothérapie endoscopique ;
– pancréatite ;
– chirurgie digestive, traumatisme abdominal ;
– les thromboses idiopathiques (10 %).

CAUSES RARES [35]
– Causes mécaniques : dissection artérielle, compression du ligament arqué, cancer du sigmoïde, embolie tumorale, neurofibromatose, fibrose rétropéritonéale, étranglement herniaire, volvulus intestinal.
– Causes hématologiques : thrombocytose, amylose, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), polyglobulie, drépanocytose.
– Causes endocriniennes : diabète.
– Causes infectieuses : appendicite, abcès abdominaux et pelviens, cholécystite, angiocholite.
– Vascularites : maladie de Buerger, lupus érythémateux disséminé, périartérite noueuse, maladie de Takayashu, maladie de Behçet, maladie de Crohn.
– Traumatisme : choc direct, désinsertion mésentérique ou secondaire à des brûlures [34].
– Causes iatrogènes : endoscopie digestive par distension de l’intestin et écrasement des vaisseaux, thrombose veineuse après sclérothérapie de varices oesophagiennes, dialyse péritonéale, cathétérisme artériel.
– Causes diverses : maladie de Hambourg, lésion fibrodysplasique de l’intima, embolie tumorale d’un myxome cardiaque ou d’un sarcome aortique. La cocaïne par voie intraveineuse a une action vasoconstrictrice propre sur les artères digestives en plus de son caractère arythmogène et générateur d’infarctus du myocarde.

CAUSES MÉDICAMENTEUSES
Catécholamines [43]
Le traitement des états de choc comprend souvent la prescription de catécholamines. Leurs effets pharmacodynamiques et leur action sur les récepteurs adrénergiques sont de mieux en mieux connus.
Cependant, l’action de ces drogues vasoactives sur la vascularisation splanchnique reste discutée.
– Dopamine : elle pourrait augmenter le flux splanchnique en diminuant les résistances vasculaires mésentériques. Utilisée chez des malades en choc septique, elle augmenterait le flux splanchnique mais ne modifie pas le point isoélectrique (pHi) gastrique [42]. À doses « rénales » (< 5 mg/kg/min), certaines études ont montré une vasoconstriction mésentérique, d’autres une augmentation du flux splanchnique. Ainsi, selon les études, les effets de la dopamine restent controversés puisqu’elle pourrait augmenter ou diminuer le flux mésentérique sans élévation du pHi gastrique ou être associée à une baisse de celui-ci [41, 42].
– Dobutamine : plusieurs études expérimentales et cliniques plaident pour une augmentation du flux gastrique associée à une élévation du pHi gastrique, traduisant une meilleure oxygénation de la muqueuse intestinale [29, 54]. Cet effet persisterait lors de l’association à la noradrénaline ou à l’adrénaline [38].
– Dopexamine : les données expérimentales démontrent que la dopexamine augmenterait le flux splanchnique [40]. Cependant, les études sur les effets de la dopexamine chez des malades en choc septique sont encore trop rares pour conclure.
– Noradrénaline : stimulant fortement les récepteurs alphaadrénergiques, elle devrait entraîner une vasoconstriction mésentérique. Pourtant, de nombreuses études ont montré qu’en augmentant la pression de perfusion systémique, la noradrénaline améliorerait l’oxygénation splanchnique [57, 69].
– Adrénaline : ses effets sur la vascularisation digestive sont controversés. Des données récentes semblent indiquer que l’adrénaline diminuerait plus le flux splanchnique que l’association noradrénaline-dobutamine [39, 44].
Autres médicaments [35]
Les médicaments suivants ont pu être impliqués dans la survenue d’un vasospasme mésentérique : les digitaliques, le propranolol, l’ergotamine et le méthysergide (qui peut induire une vasoconstriction rénale, carotidienne, rétinienne ou mésentérique), les diurétiques employés chez des malades hypovolémiques et la ciclosporine.

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