Le syndrome de Guillain-Barré : Polyradiculonévrite aiguë.





Résumé. – Le syndrome de Guillain-Barré est caractérisé par une démyélinisation aiguë avec respect habituel de l’axone, induisant un déficit moteur bilatéral, symétrique, ascendant, avec abolition des réflexes ostéotendineux, habituellement associé à des troubles sensitifs et à une hyperprotéinorachie sans réaction cellulaire dans le liquide céphalorachidien. Des formes axonales semblent s’individualiser.
L’électromyogramme peut aider à poser le diagnostic en objectivant un ralentissement des vitesses de conduction, une augmentation des latences distales, un allongement des ondes F et peut, dans certains cas, donner une idée du pronostic. Le syndrome de Guillain-Barré tire sa gravité de la possible atteinte du carrefour aérodigestif responsable de pneumopathies de déglutition, de l’extension du déficit aux muscles respiratoires justifiant la mise sous ventilation mécanique, et des graves troubles dysautonomiques accompagnant les formes sévères.
L’aggravation peut être rapide justifiant, dans les formes évolutives, une hospitalisation en réanimation.
La physiopathologie du syndrome de Guillain-Barré reste mal connue mais implique une participation immunologique justifiant les thérapeutiques à « visée immunologique ».
Le traitement des formes graves comporte un volet symptomatique qui est fondamental chez des patients parfois entièrement dépendants de l’équipe soignante (changements fréquents de position, nutrition, prévention de la maladie thromboembolique, ventilation artificielle, kinésithérapie, mais aussi soutien psychologique).
Le traitement spécifique doit être précoce et repose sur les échanges plasmatiques ou les immunoglobulines humaines polyvalentes qui semblent avoir une efficacité similaire.
Si une évolution favorable est habituelle, il faut cependant noter que la mortalité reste non nulle, pouvant atteindre 12 % chez les patients ventilés mécaniquement, et que les séquelles motrices sévères 1 an après le début de la maladie peuvent atteindre 19 % chez les malades le plus gravement atteints initialement.

Introduction
La polyradiculonévrite aiguë, ou syndrome de Guillain-Barré (SGB), est une maladie neurologique périphérique dont la gravité peut justifier une hospitalisation dans un service de réanimation.
Le diagnostic pose habituellement peu de difficultés. Le traitement repose sur des mesures symptomatiques, fondamentales, chez des patients pouvant être totalement dépendants de l’équipe soignante, mais également sur des thérapeutiques spécifiques qui tiennent compte de connaissances physiopathologiques récentes. C’est ainsique l’on peut proposer dans la phase aiguë un traitement par échanges plasmatiques (EP) ou par immunoglobulines humaines polyvalentes.
Épidémiologie
Une récente revue des cas de SGB dans les 40 dernières années indique une incidence annuelle de la maladie entre 0,4 et 4 cas pour 100 000 habitants (médiane 1,3) [15].

Les hommes sont légèrement plus atteints que les femmes, avec un sex-ratio de 1,25 pour 1 et l’incidence de la maladie augmente chez les jeunes adultes et les personnes âgées. Il n’y a pas de recrudescence saisonnière, à l’exception de formes motrices pures notées en Chine du Nord pendant les mois d’été. Cette absence de recrudescence saisonnière pourrait être liée au fait que les infections respiratoires et digestives ont des pics d’incidence annuels opposés.
Pathogénie
Le SGB peut être considéré comme le prototype d’une maladie postinfectieuse bien que la plupart des cultures virales ou bactériennes soient négatives. Plusieurs infections peuvent initier un SGB, particulièrement les infections à Campylobacter jejuni mais aussi à cytomégalovirus (CMV) ou à mycoplasme. La relation entre vaccination et SGB est discutée, en dehors d’une épidémie de SGB aux États-Unis en 1976 après une campagne de vaccination antigrippale. Une étude récente réalisée à partir du Registre national américain des effets secondaires des vaccinations documente, après vaccination contre la grippe, un risque relatif de SGB de 1,7 (IC 1 – 2,7 ; p = 0,04) après ajustement sur l’âge, le sexe et la saison, ce qui représente un peu plus d’un cas de SGB par million de personnesvaccinées contre la grippe [15]. Dans neuf cas sur 19, le début des symptômes apparaissait dans la deuxième semaine suivant la vaccination [15]. Le rapport risque-bénéfice est très en faveur de la vaccination, et en pratique, un antécédent de SGB ne contre-indique pas les vaccinations nécessaires [23].
L’association entre une entérite à Campylobacter jejuni et un SGB a été documentée dans 14 séries [13]. Les symptômes neurologiques apparaissent après une période médiane de 10,5 jours et un traitement par érythromycine n’a pas prévenu la survenue du SGB dans sept cas. Dans une série de 103 patients, Campylobacter jejuni a été documenté chez 27 patients, avec une forme plus grave de la maladie authentifiée par une neuropathie axonale et des séquelles plus fréquentes et plus graves à 1 an [22]. De plus, il est à noter que dans un sous-groupe de cinq patients avec une forme hyperaiguë caractérisée par une progression vers la tétraplégie en moins de 48 heures, quatre avaient une sérologie positive à Campylobacter jejuni. Les gangliosides sont des glycoprotéines de membrane fortement représentés dans le système nerveux. Il existe une relation forte entre la présence d’anticorps antiganglioside (anti-GM1) et le SGB [31]. L’identification de formes motrices pures de SGB associée à des diarrhées, des anti-GM1, avec ou non documentation d’une infection à Campylobacter jejuni, est peut-être importante car ces formes répondraient mieux à un traitement par immunoglobulines à fortes doses qu’aux EP [29].
La deuxième cause postinfectieuse de SGB est le CMV.
Le SGB post- CMV a des caractéristiques particulières, avec une atteinte de patients plus jeunes, des formes volontiers graves avec insuffisance respiratoire, atteinte des nerfs crâniens et surtout atteinte sensitive sévère. Comme pour les SGB post-Campylobacter jejuni, larécupération est plus tardive et les séquelles plus fréquentes que dans les autres SGB [30].
La physiopathologie du SGB est mal connue, mais il existe un facteur démyélinisant sérique [11]. Cette activité démyélinisante est d’autant plus intense que le sérum est prélevé chez un malade avec une forme grave de la maladie [17]. Des anticorps dirigés contre les gangliosides GM1 sont présents dans 25 % des cas de SGB, principalement lorsqu’il existe une dégénérescence axonale [21]. Des anticorps contre les gangliosides GQ1b sont presque toujours présents dans le syndrome de Miller-Fisher qui associe ophtalmoplégie et ataxie [5]. Dans cette forme particulière, les GQ1b peuvent peut-être jouer un rôle pathogène [31].


Présentation clinique et évolution naturelle de la maladie



PHASE D’INSTALLATION DES PARALYSIES
Les critères diagnostiques ont été définis à l’occasion d’une conférence de consensus et publiés en 1978 [1]. La présence de prodromes ou d’événements antérieurs au début de l’atteinte neurologique n’est pas un prérequis pour faire le diagnostic de SGB.
La période d’extension des paralysies dure habituellement entre 6 et 13 jours [8, 11].
Éléments nécessaires au diagnostic :
– faiblesse motrice progressive, bilatérale, symétrique, ascendante, pouvant conduire à une tétraplégie complète ; il peut y avoir une atteindre des muscles respiratoires, du carrefour aérodigestif, de la musculature extrinsèque de l’oeil et du bulbe. Le déficit peut atteindre les nerfs crâniens, particulièrement le nerf facial, la paralysie faciale pouvant d’ailleurs inaugurer la maladie ;
– les réflexes ostéotendineux (ROT) sont absents ou très faibles ;
– le déficit moteur doit être installé sur une période de moins de 1 mois ;
– à cette atteinte motrice, s’associe habituellement une atteinte sensitive sous forme de paresthésies qui souvent précèdent l’atteinte motrice, avec parfois des myalgies, des rachialgies, des sciatalgies,sources potentielles d’erreurs diagnostiques.
La ponction lombaire met en évidence une hyperprotéinorachie sans réaction cellulaire avec moins de 10 éléments/mm3. Ce profil peut manquer à la phase initiale. Une pléiocytose du liquide céphalorachidien (LCR), jusqu’à 50 cellules/mm3, est très rarement observée.
L’électromyogramme (EMG) permet de confirmer rapidement le diagnostic en cas de doute et permet par ailleurs de différencier forme démyélinisante et forme axonale. Enfin, dans certains cas,
il permet d’évaluer le pronostic. Dans la forme démyélinisante classique, il montre un ralentissement des vitesses de conduction nerveuse (inférieur à 80 % de la réponse normale) avec blocs de conduction proximaux et distaux, allongement de la latence distale (supérieure de 125-150 % de la limite supérieure de la normale) et des ondes F (supérieures de 125-150 % de la limite supérieure de la normale). L’atteinte peut être dissociée, ce qui justifie l’étude de plusieurs nerfs.
La forme axonale peut être définie par l’absence des critères de démyélinisation. La valeur de l’amplitude du potentiel d’action musculaire composite après stimulation distale est inférieure à 80 % de la limite inférieure de la normale.
PHASE DE PLATEAU
Après installation des paralysies, suit une phase de plateau dont la durée est extrêmement variable, de l’ordre de 1 mois, et dépendant de la gravité du déficit moteur. Le déficit neurologique peut rester localisé et modéré ou être complet avec tétraplégie flasque. Aux troubles moteurs peuvent s’associer des troubles végétatifs, avec poussées d’hypertension artérielle, tachycardie ou surtout bradycardie paroxystique spontanée ou provoquée par les aspirations trachéales et sueurs profuses.
Ces troubles dysautonomiques s’observent essentiellement dans les formes graves et ont été considérablement diminués par les thérapeutiques actives par EP.
L’intensité des troubles moteurs et la possibilité d’atteintes dysautonomiques justifient que ces malades soient hospitalisés en réanimation pour surveillance étroite.
Environ 30 % des malades doivent être ventilés mécaniquement [10, 19, 27]. Ce pourcentage dépend des critères d’entrée dans les essais thérapeutiques. Il est évidemment plus élevé si les formes mineures sont exclues [6]. La durée moyenne de ventilation mécanique va de18 [19] à 50 jours [27]. La ventilation est un élément de gravité, car la mortalité passe de 1,7 % chez les malades non ventilés à 12 % chez les malades ventilés [19].
Biologiquement, peuvent être notées une hyperglycémie, une hyponatrémie traduisant une sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique.
Pendant toute cette phase de plateau, le malade est exposé à toutes les complications propres à un séjour prolongé en réanimation :
 thrombose veineuse, infection nosocomiale, escarres, ankylose articulaire. À ces problèmes somatiques s’ajoute une anxiété majeure [12].
Pendant la phase d’extension des paralysies ou pendant la phase de plateau, la mortalité était de 10 % dans les années 1970-1980. Elle reste à 5 % dans les séries les plus récentes [19].
PHASE DE RÉCUPÉRATION
La phase de récupération peut s’étendre sur plusieurs semaines ou mois. Le délai de reprise de la marche sans aide est utilisé pour évaluer la récupération motrice. Dans l’étude multicentrique française, il est de 28 jours chez les malades le moins gravement atteints, de 64 jours chez les malades de gravité intermédiaire, de 113 jours chez les malades ventilés [8]. Après exclusion des formes mineures, il est de l’ordre de 2 à 3 mois [6, 19, 27].
Deux éléments de mauvais pronostic fonctionnel ont été identifiés :
– importance des paralysies ;
– durée de la phase de plateau.
Quatre autres facteurs de mauvais pronostic ont été récemment identifiés :

– diminution de l’amplitude des réponses musculaires à une stimulation électrique distale inférieure à 20 % de la normale ;
– âge supérieur à 60 ans ;
– ventilation mécanique précoce ;
– extension des paralysies sur une période de moins de 7 jours [16].
L’évaluation des séquelles à 1 an montre que la réputation de bénignité du SGB est usurpée dans la mesure où plus de 10 % des patients gardent des séquelles, certains même ayant un déficit suffisamment sévère pour entraver la marche [7]. L’évaluation des séquelles motrices sévères en fonction de la gravité initiale a été réalisée dans le protocole multicentrique français qui testait le nombre optimal d’EP. Dans le groupe le moins grave, non traité par EP, le pourcentage est de 5 % ; dans le groupe de gravité intermédiaire traité par deux EP il est de 17 % ; dans le groupe le plus grave, traité par quatre EP, il est de 19 % [8].

Formes particulières
– Syndrome de Miller-Fisher : il est défini par l’existence d’une ophtalmoplégie, d’une ataxie proprioceptive et d’une aréflexie ostéotendineuse [5]. L’évolution peut se faire vers une forme plus classique avec déficit moteur et troubles respiratoires, justifiant une surveillance étroite.
– Formes motrices pures : elles ont été surtout décrites en Chine ou elles ont été observées sous la forme d’épidémies estivales touchant les enfants et les adultes jeunes. L’EMG révèle des signes d’atteinte axonale, rendant compte de leur désignation par le terme de neuropathie motrice axonale aiguë. En Europe et aux États-Unis, une forme motrice pure, comprenant un déficit volontiers distal et l’absence habituelle d’atteinte des nerfs crâniens est liée à une infection par le Campylobacter jejuni, responsable de diarrhées aiguës et la présence d’anticorps anti-GM1 dans le plasma des malades. La présence de ces anticorps a parfois été considérée comme un facteur de mauvais pronostic, mais il pourrait en fait exister deux modes de récupération, réalisant une forme plus favorable et une forme moins favorable que la forme habituelle.
– Des polyradiculonévrites aiguës peuvent compliquer l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), habituellement à la phase toute précoce de la maladie. Il faut donc effectuer systématiquement une sérologie VIH devant tout patient ayant une polyradiculonévrite aiguë.



Formes particulières de polyradiculonévrite aiguë




– Syndrome de Miller-Fisher : il est défini par l’existence d’une ophtalmoplégie, d’une ataxie proprioceptive et d’une aréflexie ostéotendineuse [5]. L’évolution peut se faire vers une forme plus classique avec déficit moteur et troubles respiratoires, justifiant une surveillance étroite.
– Formes motrices pures : elles ont été surtout décrites en Chine ou elles ont été observées sous la forme d’épidémies estivales touchant les enfants et les adultes jeunes. L’EMG révèle des signes d’atteinte axonale, rendant compte de leur désignation par le terme de neuropathie motrice axonale aiguë. En Europe et aux États-Unis, une forme motrice pure, comprenant un déficit volontiers distal et l’absence habituelle d’atteinte des nerfs crâniens est liée à une infection par le Campylobacter jejuni, responsable de diarrhées aiguëset la présence d’anticorps anti-GM1 dans le plasma des malades. La présence de ces anticorps a parfois été considérée comme un facteur de mauvais pronostic, mais il pourrait en fait exister deux modes de récupération, réalisant une forme plus favorable et une forme moins favorable que la forme habituelle.
– Des polyradiculonévrites aiguës peuvent compliquer l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), habituellement à la phase toute précoce de la maladie. Il faut donc effectuer systématiquement une sérologie VIH devant tout patient ayant une polyradiculonévrite aiguë.

Diagnostic différentiel de polyradiculonévrite aiguë





Il faut éliminer une méningoradiculite comme dans la maladie de
Lyme (Borrelia burgdoferi). Les autres diagnostics différentiels sont la porphyrie aiguë intermittente, la méningoradiculite néoplasique, les hémopathies (particulièrement la dysglobulinémie), les maladies de système, le diabète, le botulisme, la diphtérie, la brucellose.
Parmi les intoxications médicamenteuses ou professionnelles, de nombreux agents peuvent être incriminés : colchicine, amiodarone, nitrofurantoïne, vincristine, solvants organiques...
Des formes sont trompeuses, prenant le masque d’autres pathologies bien caractérisées. Ce sont :
– une pandysautonomie aiguë, s’exprimant par une atteinte aiguë ou subaiguë du système nerveux végétatif et une relative intégrité des fonctions sensitives et motrices.La symptomatologie associe hypotension orthostatique, flou visuel, douleurs abdominales et troubles mictionnels. L’examen clinique confirme l’atteinte diffuse des fonctions végétatives ;
– un déficit cervicobrachial et pharyngé, avec diplopie, ptôsis, déficit oropharyngé et scapulaire marqué, détresse respiratoire avec respect relatif de la sensibilité et abolition des ROT des membres supérieurs.


Traitement de polyradiculonévrite aiguë




La formation et la sensibilisation de l’ensemble de l’équipe soignante à la prise en charge de ces patients totalement dépendants est indispensable afin que le traitement symptomatique soit optimisé. Il faut expliquer au patient la maladie et les soins. Les changements de position fréquents sont indispensables, d’une part pour limiter les points d’appui, et d’autre part pour limiter la douleur. Dès que les troubles de déglutition apparaissent, il faut mettre en place une sonde gastrique, ce qui permet une alimentation entérale. Les gastroparésies sont fréquentes et nécessitent une surveillance du résidu gastrique.
Les durées d’hospitalisation prolongées exposent aux risques d’infection nosocomiale, ce qui justifie encore plus qu’ailleurs la parfaite asepsie dans la réalisation de tous les gestes. Le décubitus, ainsi que les paralysies, nécessitent un traitement prophylactique par héparine. La stase bronchique et la mauvaise qualité de la toux favorisent la survenue d’atélectasies qu’il faut prévenir par une kinésithérapie respiratoire de qualité et des aspirations bronchiques.
Il faut soulager les douleurs tout en surveillant attentivement la fonction respiratoire chez les malades non ventilés.
Un point fondamental est la décision d’instaurer une ventilation mécanique. Il ne faut certainement pas attendre la survenue d’une hypercapnie ou d’une détresse respiratoire clinique. La mesure répétée de la capacité vitale permet de choisir le meilleur moment d’instauration d’une ventilation mécanique. Celle-ci devient nécessaire lorsque la capacité vitale est réduite à 15 à 20 mL/kg [3].
L’indication de la trachéotomie précoce est actuellement discutée dans la mesure où les thérapeutiques spécifiques permettent de réduire la période de plateau. Son indication doit être discutée au cas par cas mais doit être maintenue pour les formes tétraplégiques complètes pour lesquelles une période de plateau prolongée est à prévoir. Le sevrage doit être progressif. La participation des soignants dans cette période est particulièrement importante car il existe souvent une grande anxiété chez les patients qui ont été ventilés pendant plusieurs semaines.
Les patients doivent bénéficier d’un monitorage cardiorespiratoire à la recherche de variations brutales de la fréquence cardiaque ou de la pression artérielle. En cas de bradycardie répétée, l’atropine à la dose de 0,25 mg par voie intraveineuse répétée toutes les 4 à 6 heures permet habituellement de contrôler les bradycardies.
TRAITEMENTS SPÉCIFIQUES
Les traitements par corticoïdes ou adrenocorticotrophic hormone (ACTH) n’ont pas fait la preuve de leur efficacité et ont même parfois montré un effet délétère. La dernière étude multicentrique a inclus 242 patients (injection unique de 500 mg de méthylprednisolone chez 124 patients et injection d’un placebo chez 118 patients) avec déficit de la marche et dans les premiers 15 jours de la maladie. Aucune différence de récupération motrice à 4 semaines n’était notée. Seul le délai de reprise de la marche sans appui est plus court dans le groupe traité (38 jours) par rapport au groupe contrôle (50 jours) mais la différence n’est pas significative [10].
À la fin des années 1970, plusieurs petites séries rapportaient l’efficacité des EP. Une première étude randomisée ne confirmait pas ces résultats, mais les effectifs étaient faibles, le délai d’inclusion tardif (13 jours) et le nombre de patients ventilés élevé (69 %) [9].
Trois essais thérapeutiques randomisés contre placebo ont confirmé l’effet bénéfique des EP [6, 18, 26].Les critères d’inclusion de ces trois études étaient assez similaires, avec un déficit suffisamment sévère pour rendre la marche impossible. Cependant, dans l’étude d’Osterman et al, seuls 5 % des malades étaient ventilés à l’inclusion [18], alors que dans l’étude nordaméricaine, 44 % des malades étaient ventilés [26] et 37 % dans l’étude française [6]. Dans ces deux dernières études, les effectifs dépassaient 200 patients et elles mettaient en évidence une réduction significative des délais de reprise de la marche. L’effet bénéfique des EP était d’autant plus net que ceux-ci étaient mis en oeuvre dans la première semaine après l’apparition du déficit moteur. L’étude française a d’autre part montré que les EP permettaient de diminuer le nombre de séquelles à 1 an [7].
La thérapeutique par EP a été largement utilisée en France pour traiter les SGB comme en atteste le tableau I. Cependant, un certain nombre de patients ont des contre-indications aux EP (infections non contrôlées, contre-indications cardiovasculaires, troubles de l’hémostase) et environ 10 % des EP ne peuvent pas être complètement réalisés, essentiellement du fait d’une mauvaise tolérance cardiovasculaire ou de limitations d’extraction du plasma ne permettant pas d’extraire le volume prévu par le protocole, soit 1,5 de la masse plasmatique [2]. Enfin, l’indication des EP dans les formes bénignes de la maladie où la marche reste possible, ainsi que le nombre optimal d’EP dans les formes plus graves n’ont pas été précisés par ces protocoles.
Un nouveau protocole multicentrique français a stratifié les malades en fonction de la gravité à l’inclusion [8]. Sur une période de 8 ans, 555 patients ont été inclus avec un délai moyen d’inclusion après le début moteur de 8 jours. Cette étude a montré que pour les malades ventilés mécaniquement (29 % des patients à l’admission), six EP ne donnent pas de meilleurs résultats que quatre. Pour les patients de gravité intermédiaire, c’est-à-dire ventilant spontanément mais incapables de marcher seuls, il est préférable de faire quatre EP plutôt que deux. Dans le groupe des patients le moins sévèrement atteints, encore capables de marcher, les patients randomisés dans le groupe deux EP ont un résultat supérieur, avec une réduction de moitié de la période de plateau et surtout une diminution significative du pourcentage de patients avec une détérioration clinique. Les patients n’ayant pas eu d’EP ont nécessité une ventilation mécanique dans 13 % des cas, alors que ce pourcentage n’est que de 2 % dans le groupe des patients ayant bénéficié de deux EP [8]. Le bilan à 1 an met en évidence dans le groupe modérément atteint, une réduction significative des séquelles.
Dans ce dernier travail, la morbidité des EP était nettement diminuée par rapport aux protocoles antérieurs ; cependant, et comme indiqué dans le tableau I, un certain nombre de séances d’EP s’accompagne d’incidents, voire d’accidents, et les EP ne peuvent pas être réalisés dans tous les centres, ce qui a justifié de tester l’effet thérapeutique des immunoglobulines humaines dont le bénéfice a été initialement documenté dans des maladies auto-immunes, puis secondairement dans les formes chroniques de polyradiculonévrite [28].
Une première étude pilote a montré la faisabilité des immunoglobulines dans le SGB [14].
Deux grandes études randomisées ont testé l’effet des immunoglobulines comparées aux EP (tableau II). Pour ces deux études, les immunoglobulines étaient utilisées à la dose de 0,4 g·kg–1·j–1 sur une période de 5 jours et instaurées précocement après le début du déficit moteur. Chaque EP permettait d’extraire 40 à 50 mL·kg–1 de plasma, et un total de cinq séances sur une période de 7 à 14 jours était réalisé. Le premier travail de Van Der Meché [27] conclut à une équivalence des deux traitements. Le pourcentage de patients avec une amélioration d’au moins un grade du score du déficit neurologique à 4 semaines tend même à être plus important dans le groupe immunoglobulines. Dans un travail plus récent [19], les malades étaient randomisés en trois groupes : traitement par EP seuls (cinq séances), par immunoglobulines seules, ou par association EP et immunoglobulines. Globalement, les trois stratégies thérapeutiques sont équivalentes. Il faut cependant noter que le pourcentage de malades ventilés était plus important dans le groupe EP plus immunoglobulines, et que 18 des 121 patients du bras EP seuls n’ont pas reçu la totalité du traitement. Le coût des traitements par EP et immunoglobulines intraveineuses est globalement similaire.
L’indication respective des immunoglobulines et des EP doit tenir compte de la gravité de la maladie, des conditions locales, des contre-indications respectives des deux traitements.Si le nombre optimal d’EP a été bien défini, on ne sait pas quelle posologie d’immunoglobulines il faut administrer et s’il faut l’adapter en fonction de la gravité de la maladie. La facilité d’administration des immunoglobulines est certainement un avantage, mais elle expose aussi à ce que des patients instables ou évolutifs ne soient pas transférés suffisamment tôt dans un service de réanimation où ils peuvent bénéficier d’une surveillance attentive.
Une nouvelle étude conduite par le groupe francophone est en cours. Elle compare l’effet des immunoglobulines et des EP, avec une stratification selon le stade de gravité de la maladie : deux EP versus 3 jours d’immunoglobulines pour les patients qui marchent encore, quatre EP versus 5 jours d’immunoglobulines pour les patients qui ventilent spontanément, quatre EP versus 7 jours d’immunoglobulines pour les patients ventilés mécaniquement. Les résultats intermédiaires, après inclusion de 163 patients, ne permettent de conclure à la supériorité d’un traitement par rapport à un autre dans aucun des trois groupes.
Les contre-indications des deux traitements doivent être respectées.
Les EP ne doivent pas être réalisés s’il existe un état infectieux non contrôlé ou si l’état hémodynamique est instable. Dans cette situation de contre-indication aux EP, un protocole a comparé deux posologies d’immunoglobulines intraveineuses : 0,4 g–1·kg–1 pendant 3 ou 6 jours. Trente-neuf patients ont été inclus. La cause la plus fréquente de contre-indication aux EP était une infection pulmonaire (62 %). Le délai de reprise de la marche avec appui est réduit dans le groupe 6 jours (médiane 84 jours versus 131 jours dans le groupe 3 jours), mais la différence n’est significative (p = 0,04) que si on analyse les patients ventilés dès l’inclusion [20]. Cet effet favorable doit être confirmé sur une étude incluant plus de malades.Les immunoglobulines, lorsqu’elles sont perfusées suffisamment lentement, et en l’absence d’insuffisance rénale, sont très bien tolérées [4, 24, 25].
Bien que le SGB soit classiquement d’évolution monophasique, ilest décrit des rechutes dans 5 % des cas.
Le pourcentage de rechute ne semble pas affecté par le traitement utilisé ; il paraît donc possible de répéter le premier traitement.
En revanche, dans le cas d’évolution monophasique et en l’absence d’amélioration avec un premier traitement,il n’apparaît pas nécessaire d’augmenter le nombre d’EP ou d’associer les immunoglobulines.
Références
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