L’appareil urinaire est physiologiquement un site stérile, mais du fait des pathologies conduisant à l’indication opératoire, ou en raison des systèmes de drainage urinaires mis en place au préalable, la colonisation ou l’infection des différentes parties de cet appareil est fréquente. La réalisation d’un geste chirurgical sur des urines infectées a conduit autrefois à une incidence d’épisodes infectieux peropératoires importants, responsables d’une morbidité et d’une mortalité élevées. [13] La reconnaissance de ce risque et la politique de stérilisation préopératoire systématique des urines, lorsqu’elle est possible, est probablement un des grands progrès dans ce domaine.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Sur des urines stériles, et en dehors de l’indication pour pyélonéphrite obstructive, les néphrostomies entraînent un risque septique comparable à celui des cystoscopies, c’est-à-dire inférieur à 5 %. En revanche, lorsqu’il existe une infection préalable, [11] la cystoscopie entraîne une bactériémie dans 15 à 20 % des cas.
Le risque lié à la mise en place de prothèses endo-urétérales (sondes urétérales, sondes JJ) est mal connu. En 2002, Kehinde et al. ont montré que le risque de bactériurie et de colonisation d’une sonde JJ augmente avec la durée de sondage et qu’il est significativement plus élevé chez les femmes et les patients atteints de diabète ou d’insuffisance rénale chronique. [41]
Une méta-analyse récente montre que l’utilisation d’une antibioprophylaxie au cours de la RTUP diminue les bactériuries postopératoires de 26 à 9,1 % et les épisodes septicémiques de 4,4 à 0,7 %. De même, la mortalité liée au développement d’un sepsis grave après RTUP, si l’examen cytobactériologique des urines (ECBU) préopératoire est stérile, est de 0,1 %. [10] En ce qui concerne la RTUP, les trois facteurs principaux reconnus comme favorisant l’infection postopératoire sont un drainage urinaire ou une bactériurie préopératoire et l’absence d’antibioprophylaxie. D’autres facteurs comme l’âge, la durée de l’intervention, l’expérience du chirurgien ou la rupture du système clos de drainage des urines ont été rapportés dans certaines études.
De plus, l’infection péri-opératoire a un impact économique ; à titre d’exemple, dans les RTUP, elle prolonge la durée d’hospitalisation de 0,6 à 5 jours et en augmente les coûts.
ATTITUDE THÉRAPEUTIQUE
Le dépistage et le traitement systématique d’une infection urinaire en préopératoire sont maintenant rentrés dans la pratique courante et diminuent la morbidité peropératoire. Schématiquement, l’attitude thérapeutique va donc dépendre de l’existence ou non de cette infection.
Urines préopératoires infectées (Tableau 1)
Il peut s’agir d’une bactériurie asymptomatique ou d’une infection parenchymateuse.
La bactériurie asymptomatique se définit classiquement par un ECBU positif retrouvant plus de 105 unités formant colonie (UFC) par ml, en l’absence de signes cliniques infectieux.
A. Infection parenchymateuse (pyélonéphrite – prostatite).
Pyélonéphrite obstructive : la levée de l’obstacle est une urgence
– Montée de sonde ou néphrostomie en urgence sous traitement antibiotique adapté
– Durée du traitement 15 jours minimum avant la prise en charge urologique de l’obstacle (calcul)
– Infection acquise en ville : monothérapie possible (CP3G ou fluoroquinolones)
– Infection à germes hospitaliers multirésistants : association de deux antibiotiques bactéricides à élimination urinaire (CP3G, quinolones, uréidopénicillines ou aminosides) Prostatite
– Si possible 3 semaines de traitement avant l’intervention (ECBU de contrôle), cathéter sus-pubien si rétention
B. Infection urinaire simple
Monothérapie adaptée à l’antibiogramme (fluoroquinolones, aminopénicillines, CP3G) afin d’obtenir des urines stériles dans les 48 heures qui précédent l’intervention
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Tableau 1. – Urines préopératoires infectées
Elle est extrêmement fréquente chez les patients porteurs de drainage urinaire (sonde vésicale, cathéter sus-pubien, drain de néphrostomie) et même pour un seuil de détection à 102 UFC ml–1, de nombreuses équipes la prennent en considération car 95 % des patients non traités, s’ils sont sondés, évoluent en 24 à 72 h vers une bactériurie supérieure ou égale à 105 UFC ml–1. [37] Une leucocyturie de 102 à 10 [3] cellules mm–3 est présente dans 85 à 90 % des cas d’infections sur sonde, mais n’est pas indispensable au diagnostic. [3, 26, 62]
Le risque de bactériurie chez les patients sondés augmente linéairement avec la durée du sondage vésical de 3 à 8 % par jour pendant les dix premiers jours. [59] Après un mois de sondage vésical, la prévalence de la bactériurie est pratiquement de 100 %.[67] Bien que, de manière générale, le traitement antibiotique d’une bactériurie asymptomatique ne soit pas recommandé car il favorise l’apparition de résistance bactérienne, dans le contexte chirurgical, la stérilisation des urines par une antibiothérapie préopératoire adaptée est une attitude largement adoptée par les différentes équipes.[10]L’encadrement du geste chirurgical doit être assuré par une antibiothérapie curative, le plus souvent une monothérapie adaptée au germe isolé par un ECBU réalisé le plus près possible de l’intervention. [13] L’objectif sera d’obtenir des urines stériles dans les quarante-huit heures qui précédent l’intervention.
Les germes les plus souvent rencontrés sont les entérobactéries (E. Coli, Klebsiella, Proteus mirabilis…), Enterococcus, les staphylocoques (surtout S. epidermidis). La chirurgie n’est autorisée que si l’ECBU de contrôle est négatif à l’examen direct. L’antibiothérapie sera alors poursuivie en général en postopératoire jusqu’à l’ablation de la sonde urinaire.
Infections parenchymateuses
Une fièvre et une hyperleucocytose chez un patient ayant un ECBU positif doivent faire rechercher une infection parenchymateuse (pyélonéphrite ou prostatite ou orchi-épididymite chez l’homme).
En dehors d’une chirurgie urologique urgente (levée d’obstacle, abcès), l’infection parenchymateuse sera traitée médicalement avant l’intervention chirurgicale pendant 15 jours à 3 semaines.
L’intervention ne peut être envisagée qu’après ce délai et sous réserve de la stérilisation des urines. L’antibiothérapie sera poursuivie en postopératoire pour une durée qui dépend de l’étiologie et de l’efficacité présumée du geste chirurgical sur la cause
de l’infection. Par exemple, les patients présentant une prostatite en rétention aiguë d’urines qui doivent subir une RTUP devront bénéficier d’un traitement antibiotique adapté d’une durée minimale de 3 semaines avant d’être opérés. Le drainage vésical en urgence se fera par la pose d’un cathéter sus-pubien. La culture des prélèvements peropératoires (copeaux, adénome) est possible, elle permet éventuellement d’adapter l’antibiothérapie en cas de complications septiques postopératoires. [58]
En ce qui concerne la chirurgie du rein pour calcul, les germes retrouvés dans les urines peuvent être différents des germes colonisant les calculs. L’antibiothérapie postopératoire doit alors être adaptée en fonction des germes retrouvés par la culture de ces calculs. [24]
Urines préopératoires stériles (Tableau 2)
Une antibioprophylaxie sera prescrite essentiellement pour les interventions comprenant l’ouverture de viscères creux, notamment ceux normalement colonisés par une flore commensale tels le tractus génital et le bas appareil urinaire. Cependant un ECBU stérile n’élimine pas formellement une infection urinaire en amont d’un obstacle complet. Les prélèvements bactériologiques peropératoires redresseront le diagnostic et permettront d’adapter le traitement antibiotique.
L’intérêt de l’antibioprophylaxie encadrant la chirurgie du bas appareil a fait l’objet d’une littérature abondante et contradictoire. [30]
En ce qui concerne la RTUP, le bénéfice de l’antibioprophylaxie est établi. [41] Le choix du type d’antibiotique doit prendre en compte la présence, dans 27 à 40 % des cas, de germes cocci à Gram positif, notamment les entérocoques isolés dans les complications infectieuses postopératoires. [44]
Les facteurs favorisant cette augmentation ne sont pas complètement expliqués mais peuvent impliquer une colonisation endogène du bas appareil urinaire, l’utilisation incontrôlée d’antibiotiques comme les céphalosporines et des drainages urinaires prolongés.
Un consensus semble s’être développé en faveur d’une antibioprophylaxie de courte durée (Tableau 2). [1] Elle propose de couvrir la période peropératoire par une céphalosporine de deuxième génération (céfuroxime ou céfamandole 1,5 g en dose unique préopératoire). Ces recommandations sont valables pour les résections de tumeurs de vessie et le traitement endoscopique des lithiases rénales et urétérales.
L’évaluation périodique de l’écosystème bactérien du service permet, si nécessaire, de modifier le choix de la molécule antibiotique.
La conférence de consensus de 1999 sur l’antibiopropylaxie périopératoire a conclu que la lithotritie extracorporelle, la cystoscopie ou la fibroscopie urétrale, la chirurgie scrotale propre et celle de l’incontinence urinaire, ne justifiaient pas une antibioprophylaxie. Dans le cadre de la chirurgie à ciel ouvert, la cystectomie totale relève d’une antibioprophylaxie similaire à celle de la chirurgie abdominale de classe II d’Altemeier. Pour la prostatectomie radicale et la néphrectomie, la conférence de consensus ne conseille pas d’antibioprophylaxie. [1]
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