Principes de pharmacocinétique appliqués à l'anesthésie





Frédérique Servin : Praticien hospitalier
Service d'anesthésie-réanimation chirurgicale, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18 France


Résumé
La pharmacocinétique se préoccupe du devenir des xénobiotiques dans l'organisme. Si certains aspects fondamentaux sont communs à l'anesthésie et aux traitements chroniques (distribution, rôle de la fraction libre, excrétion et métabolisme, facteurs de variation...), la pharmacocinétique appliquée à l'anesthésie se caractérise surtout par l'analyse d'états instables, où les phénomènes de redistribution ont une importance prééminente. Ceci explique qu'aient pu être définis des paramètres pharmacocinétiques nouveaux dont les autres spécialités médicales n'avaient pas ressenti aussi clairement le besoin : le temps de transfert vers les récepteurs, la demi-vie contextuelle, le temps de décroissance. De même, l'importance d'assurer un contrôle précis des différentes composantes de l'anesthésie, a imposé une analyse approfondie des interactions médicamenteuses et des relations concentration/effet, frontière entre la pharmacocinétique et la pharmacodynamie. Les conséquences pratiques de cette analyse spécifique sont nombreuses : meilleure compréhension, donc optimisation des schémas thérapeutiques des différents temps de l'anesthésie : induction, entretien, réveil ; mise au point de dispositifs de perfusion qui rendent transparente l'étape pharmacocinétique de la relation dose/effet et permettent à l'anesthésiste d'appliquer directement la relation concentration/effet. L'avenir s'oriente vers la mise au point de modèles plus physiologiques, de dispositifs de perfusion ciblant non plus la concentration plasmatique, mais la concentration au site d'action, et d'agents aux propriétés pharmacocinétiquesconçues pour l'anesthésie.


INTRODUCTION
La pharmacocinétique a pour but de décrire le devenir des agents pharmacologiques dans l'organisme depuis leur administration jusqu'à leur disparition. Lors d'une anesthésie, les agents sont administrés pendant un laps de temps court, inférieur à 24 heures, le plus souvent par voie intraveineuse (IV) ou pulmonaire, et la persistance de concentrations tout à fait infracliniques de ces agents est de peu d'intérêt. Les agents eux-mêmes sont originaux dans la pharmacopée, car de plus en plus le clinicien attend d'eux un effet rapide et bref (hit and run des Anglo-saxons). Ils sont rarement utilisés seuls et leurs associations peuvent modifier leur devenir. Jusqu'à ces dernières années, la pharmacocinétique cherchait surtout à comprendre et à expliquer, mais l'avènement des perfusions à objectif de concentration a pour la première fois intimement lié l'analyse pharmacocinétique à la pratique clinique.


ANALYSE PHARMACOCINÉTIQUE

L'intérêt en pratique clinique de la pharmacocinétique descriptive telle que nous venons de l'évoquer est d'expliquer la cinétique d'action des produits avec ses variations, et de définir les meilleurs schémas posologiques possible en fonction des associations médicamenteuses, du terrain et de la nature de l'intervention projetée. Pour cela, il nous faut convertir des notions générales en concentrations, puis en doses. Pour nous aider nous ne disposons pratiquement chez l'homme que de prélèvements sanguins et urinaires, de la mesure de quelques effets pharmacodynamiques (électroencéphalogramme [EEG], monitorage de la curarisation) et de techniques analytiques de dosage des médicaments.

Amélioration des techniques de dosage des médicaments, facteur de meilleure analyse pharmacocinétique
L'analyse pharmacocinétique quantitative est entièrement dépendante de la mesure des concentrations de médicaments. Cette mesure n'est pas toujours aisée, et les progrès de la pharmacocinétique ont été liés à l'amélioration des techniques de séparation et de dosage des agents dans les liquides biologiques (chromatographie, méthodes immunoenzymatiques, utilisation d'isotopes radioactifs...). Ainsi par exemple la décomposition d'une courbe de décroissance plasmatique peut s'arrêter à deux exponentielles si la technique de dosage, peu sensible, ne permet pas de détecter les concentrations résiduelles correspondant à une troisième exponentielle. L'amélioration de la sensibilité des dosages de certains agents a permis une meilleure analyse de leur élimination : les premières publications décrivaient un modèle à deux compartiments puis un troisième compartiment est apparu au fil du temps. Seules des techniques très sensibles radio-immunologiques permettent de mesurer les concentrations de certains agents très puissants (sufentanil). L'amélioration des techniques de séparation a parfois permis de discriminer le composé natif de ses métabolites (morphine).
La mesure extemporanée des concentrations d'halogénés dans les mélanges gazeux a transformé l'administration de ces agents et a considérablement amélioré la sécurité des patients lors de leur usage.
Les techniques de chimie sèche permettront dans un avenir proche d'avoir une estimation très rapide de la concentration plasmatique de certains agents à index thérapeutique étroit (lidocaïne par exemple) pour guider leur administration soit en perfusion massique, soit mieux en perfusion à objectif de concentration (cf infra) avec adaptation bayesienne dans les situations où la pharmacocinétique peut être altérée (par exemple : défaillance circulatoire).

Analyse compartimentale. Modèles pharmacocinétiques
Décomposition de la courbe de décroissance des concentrations plasmatiques après une dose unique
L'administration intraveineuse d'une dose unique de médicament génère dans le sang une concentration dont la valeur décroît au cours du temps. La courbe de décroissance des concentrations plasmatiques après une dose unique peut toujours être décomposée en une somme de n exponentielles de forme : où C (t) représente la concentration au temps t et D la dose administrée. Cette équation est la première représentation du " modèle " pharmacocinétique.
La construction des modèles pharmacocinétiques représente un compromis entre une description précise des données et un traitement mathématique réalisable. Souvent l'adjonction d'autres exponentielles au modèle (l'augmentation de n) permet de mieux décrire les données. Cependant, le fait d'ajouter des exponentielles diminue généralement la fiabilité de l'estimation de chaque coefficient et de chaque exposant et augmente considérablement le fardeau mathématique que représentent ces modèles. C'est pourquoi la plupart d'entre eux se limitent à deux ou trois exponentielles.
Le modèle pharmacocinétique représenté ci-dessus a quelques caractéristiques utiles, qui expliquent sa popularité persistante en analyse pharmacocinétique.
Dans la zone thérapeutique, l'immense majorité des agents, et en tous cas tous ceux qui sont utilisés en anesthésie, répondent au principe de linéarité : si vous doublez la dose, vous doublez la concentration. Considérons l'équation ci-dessus pour deux valeurs de D (l'apport de produit), l'une étant exactement le double de l'autre. L'équation prédit que la C (t) sera deux fois plus élevée si l'apport est deux fois plus important : le modèle suit lui aussi le principe de linéarité. Plus généralement, la linéarité implique que le système se comporte en suivant le théorème de superposition. Ce théorème stipule que la réponse d'un système linéaire ayant des apports multiples peut être calculée en déterminant la réponse de chaque apport individuel et en faisant la somme des réponses élémentaires pour obtenir la réponse totale. En d'autres termes, lorsqu'un organisme traite chaque dose élémentaire d'agent selon une décroissance polyexponentielle dans le temps, le devenir de chaque dose élémentaire n'influence pas le devenir des autres.
Une autre raison pour laquelle ces modèles restent si populaires est qu'ils peuvent être transformés mathématiquement de la forme polyexponentielle considérée comme peu parlante exposée plus haut en une forme compartimentale plus intuitivement appréhensible, dont la figure 3 propose deux schématisations. L'organisme est considéré vis-à-vis du médicament concerné comme un ensemble de compartiments dans chacun desquels le médicament se trouve à chaque instant à une concentration uniforme (fig 3A)Le produit circule du compartiment central vers les compartiments périphériques et en revient par diffusion passive le long d'un gradient de concentration, à une vitesse dépendante d'une constante de transfert appelée par convention k 1 n pour les transferts du compartiment central (1) vers le compartiment périphérique (n) et kn 1 pour le retour du compartiment n vers le compartiment central. Par postulat, l'élimination définitive se fait à partir du compartiment central selon une constante de transfert appelée k10 (1 = compartiment central, 0 = extérieur). La concentration dans chaque compartiment décroît de façon monoexponentielle en fonction du temps, et il est possible de construire à partir de l'équation polyexponentielle une représentation du devenir de l'agent dans l'organisme, appelée modèle à n compartiments. Ces compartiments peuvent également être représentés par un système de baquets et de tuyaux appelé modèle hydraulique (fig 3B) où les transferts entre compartiments sont représentés par les clairances systémique (Cl1) et intercompartimentales (Cl2, Cl3). Il existe une relation mathématique que nous ne détaillerons pas entre les constantes de l'équation et les microconstantes (constantes de transfert entre les compartiments) des modèles compartimentaux, de même qu'il existe une relation mathématique entre les microconstantes et les macroconstantes que sont les clairances (systémique et intercompartimentales rapide et lente) ou les volumes de distribution (central et périphériques d'équilibration rapide et lente), paramètres fondamentaux du modèle compartimental.

À ces compartiments théoriques ont été associées des réalités physiologiques : le compartiment central (compartiment 1) représente le volume de distribution quasi instantanée et comprend la fraction sanguine de mélange rapide et la captation pulmonaire de premier passage ; les compartiments périphériques sont composés des tissus et des organes dans lesquels la cinétique et l'importance de l'accumulation (ou de la dissipation) de l'agent sont différentes de celles du compartiment central. Dans le modèle tricompartimental, les deux compartiments périphériques peuvent correspondre grossièrement aux tissus splanchniques et aux muscles (équilibration rapide) et au tissu adipeux (équilibration lente). La somme des volumes des compartiments est le volume apparent de distribution à l'équilibre (Vss). C'est la constante de proportionnalité qui lie la concentration plasmatique de l'agent à l'équilibre, à la quantité totale d'agent présente alors dans l'organisme.
Malgré la connotation " physiologique " donnée aux modèles compartimentaux, il est important de réaliser que ce ne sont que des transformations mathématiques des fonctions polyexponentielles décrites plus haut et calculées entièrement à partir de concentrations plasmatiques observées. Par conséquent l'interprétation physiologique des volumes et des clairances, à l'exception peut-être de la clairance systémique et du Vss (qui peuvent être calculés indépendamment des modèles, cf infra) est pure spéculation.

Pharmacocinétique de population
En pratique, l'établissement de l'équation initiale pour un agent donné se fait en recherchant la courbe polyexponentielle statistiquement la plus proche de la courbe expérimentale obtenue après administration d'une dose unique. Cette estimation est d'autant plus précise et fiable que le nombre de points (de prélèvements...) est plus grand.
Or ce que l'on recherche en général, ce sont les paramètres pharmacocinétiques moyens qui décrivent une population donnée. Par conséquent, les résultats de plusieurs sujets devront être confrontés pour définir les paramètres pharmacocinétiques moyens, mais la lourdeur de ces protocoles et le nombre de prélèvements nécessaires limitent très rapidement le nombre de sujets concernés. Par ailleurs avec cette approche, les imprécisions statistiques observées chez un ou plusieurs sujets ne sont plus prises en compte pour le calcul des paramètres " moyens " qui peuvent donc se trouver entachés d'erreur. Une autre méthode consiste à regrouper tous les prélèvements en provenance des différents sujets (et on peut alors faire moins de prélèvements par sujet en étudiant plus de sujets...), après les avoir harmonisés en fonction de la dose reçue, et à faire une analyse statistique par régression globale sur l'ensemble des points. Cette technique, étonnamment robuste dès lors qu'il s'agit de définir des paramètres moyens, est appelée pharmacocinétique de population [59]. Elle permet en outre de définir les facteurs de variation significatifs pour un agent donné (poids, âge...) et de calculer les coefficients de pondération correspondants.

Modèles physiologiques
Les modèles compartimentaux ont l'avantage de la simplicité mais, comme nous l'avons vu, ce sont des manipulations mathématiques qui ne présentent qu'un aspect très schématique de l'organisme. À l'inverse, un modèle physiologique consiste en un ensemble structurel dont la charpente mathématique tente de représenter au plus près la réalité physiologique des différents organes ou tissus[18]. La complexité d'un modèle physiologique n'est limitée que par deux facteurs : l'existence de données fiables pour les très nombreux paramètres mis en jeu, et la puissance de calcul de l'ordinateur disponible.
La construction d'un modèle physiologique comporte schématiquement trois étapes : on construit d'abord un modèle physiologique chez l'animal, en mesurant les débits régionaux, les clairances métaboliques, les liaisons protéiques etc. On recueille le plus grand nombre possible de données physiologiques chez l'homme (débits, poids d'organes...). En associant au modèle animal des données biochimiques extrapolées à l'homme et les données physiologiques humaines, un modèle physiologique chez l'homme est élaboré que l'on perfectionnera au fur et à mesure de l'acquisition de nouvelles données. Ces systèmes complexes, inapplicables au quotidien, permettent cependant de mieux comprendre par exemple le devenir d'agents qui interfèrent avec leur propre élimination soit par les effets hémodynamiques qu'ils induisent, soit par leur action propre sur les systèmes enzymatiques qui les détruisent (propranolol, halothane...). Comme ils intègrent facilement des données d'évolution dans le temps des paramètres, ils permettent également de simuler des situations importantes en anesthésie-réanimation comme par exemple l'hémorragie aiguë ou la défaillance viscérale.

Application de l'analyse compartimentale à l'anesthésie
La pharmacocinétique traditionnelle, bien adaptée aux traitements chroniques, nous est d'un maigre secours pour visualiser les mouvements très rapides des agents pendant le cours d'une anesthésie. Il a donc fallu repenser la pharmacocinétique clinique pour l'adapter à la situation très particulière de l'anesthésie. Ainsi est apparu un nouveau paramètre : la demi-vie apparente ou contextuelle (en anglais : context sensitive half fortement dépendante des paramètres de distribution de l'agent, augmente progressivement, de façon plus ou moins importante selon l'agent, avec la durée de la perfusion [31]. Son étude dans des programmes de simulation a permis d'expliquer les différences de comportement d'agents dont la cinétique traditionnelle n'est pas très différente (fentanyl/sufentanil [fig 4]).

Les modèles pharmacocinétiques tricompartimentaux à partir desquels est calculée la demi-vie contextuelle peuvent également nous servir : à simuler un certain nombre de situations cliniques et par là même à réduire les besoins en investigations chez l'homme ; à reconstituer l'évolution de la concentration d'un agent dans certains cas difficiles (par exemple lors d'une expertise médicolégale) ou à partir des schémas posologiques proposés dans la littérature ; à créer de nouveaux schémas posologiques manuels à partir de profils de concentration souhaités ; à construire des abaques avec des courbes d'isoconcentration pour guider les perfusions manuelles ; à piloter des seringues autopousseuses en leur imposant un objectif de concentration plutôt qu'un débit massique (cf infra).
Analyse non compartimentale
Les postulats et les limitations de l'analyse compartimentale ont conduit à rechercher des modes d'analyse plus globaux, mais aboutissant éventuellement à des résultats moins entachés d'erreur. À l'aide de la théorie statistique des moments, et de l'analyse de l'aire sous la courbe des concentrations plasmatiques (AUC : area under the curve), quelques paramètres particulièrement importants peuvent être calculés : la clairance d'élimination (Cl=dose/AUC) ; le temps de résidence moyen (MRT) d'une molécule de l'agent dans l'organisme et le volume de distribution à l'équilibre de l'agent Vss (Vss=Cl × MRT). Les paramètres ainsi calculés ne présument pas de la structure du modèle associé et ils peuvent être considérés comme vrais en toutes circonstances. On doit cependant remarquer que l'analyse des courbes " de zéro à l'infini " implique une extrapolation qui sera d'autant moins importante que les prélèvements sanguins auront été poursuivis plus avant dans le temps.

Compartiment au site d'action
Lorsqu'on administre un agent dans le sang, l'effet pharmacologique obtenu n'est pas instantané (par exemple, la perte de connaissance après une administration rapide de thiopental est de plusieurs dizaines de secondes), et l'effet maximal est retardé par rapport au pic de concentration plasmatique. Si l'on postule que l'effet obtenu est proportionnel à la concentration en face des récepteurs, il est tentant d'assimiler la biophase (ensemble des récepteurs de l'agent et de leur environnement immédiat) à un tout petit compartiment dont le volume, négligeable, n'interférerait pas avec le modèle calculé.
L'évolution de la concentration dans ce compartiment pourrait alors être déduite de l'évolution de la concentration plasmatique, à condition de postuler qu'il n'existe pas de décalage dans le temps (hystérésis) entre l'évolution de la concentration dans la biophase et l'effet pharmacologique obtenu (fig 5). Ce postulat est important car, comme on ne peut pas calculer la concentration dans la biophase, il va falloir la définir par rapport à l'effet qu'elle entraîne. Si, pour un agent donné, nous connaissons les paramètres traditionnels du modèle (par exemple tricompartimental), ainsi que l'ensemble des valeurs possibles de la clairance intercompartimentale vers le compartiment au site d'action, nous pouvons calculer les équations d'un ensemble de courbes représentant l'évolution de la concentration de l'agent dans la biophase et confronter ces courbes à la courbe qui représente l'évolution mesurée de l'effet pharmacologique. La bonne valeur de la clairance intercompartimentale sera celle pour laquelle, par définition, il n'y a pas d'hystérésis entre la courbe de concentration de l'agent et la courbe d'évolution de l'effet.

La courbe qui décrit la concentration dans la biophase en fonction de l'intensité de l'effet est dans la grande majorité des cas une sigmoïde (équation de Hill). Selon l'équation de Hill, on peut calculer pour chaque agent, par régression, une concentration correspondent à 50 % de l'effet (CE50). Comme les conditions de liaison protéique dans la biophase sont inconnues, cette CE50 représente en fait la concentration plasmatique qui, à l'équilibre (quand tous les transferts sont annulés), correspondrait au même effet. Cependant, le postulat selon lequel la courbe concentration / effet suit l'équation de Hill n'est pas toujours vrai. Ceci a conduit à l'élaboration de modes de calcul non compartimentaux de la CE50 et de la constante de transfert ke0 [58]. Ces calculs valent ce que vaut la mesure de l'effet. Pour les curares par exemple, nous disposons d'une mesure fiable et reproductible de l'effet. La ke0 des curares est donc une valeur solide. Pour les hypnotiques, le " bon " paramètre de mesure de la profondeur de l'anesthésie reste à valider. Lorsqu'on utilise les calculs actuels, fondés sur l'analyse spectrale de l'EEG, il faut garder en mémoire les limitations de cette analyse comme mesure effective de l'effet hypnotique.

Relations pharmacocinétiques / pharmacodynamiques : de la nécessité d'une recherche pharmacodynamique
La plupart des tentatives faites pour comprendre la cinétique d'action d'un agent anesthésique ont été fondées sur une analyse pharmacocinétique. Néanmoins bien souvent une analyse pharmacodynamique est indispensable : si un paramètre évolue de façon continue (par exemple la dépression du twitch lors de la curarisation) et si l'on définit avec précision quelle est la valeur qui correspond à une récupération, la durée d'action de l'agent est simplement le temps nécessaire pour que la concentration au site d'action atteigne la valeur qui correspond à la récupération.
Malheureusement en anesthésie bien des paramètres évoluent de façon binaire et suivent la loi du " tout ou rien " : le patient est conscient ou non... Définir la concentration sanguine qui correspond précisément à l'effet pharmacologique recherché (par exemple l'ouverture des yeux) devient aléatoire. On ne peut se fonder sur l'évolution du paramètre chez le patient en cause, mais il faut présager du comportement dudit patient à partir d'études statistiques sur le comportement d'une cohorte de patients. Une courbe doseréponse moyenne est ainsi construite. Elle a en général l'allure d'une sigmoïde dont le point d'inflexion correspond à la CE50 de l'agent. Si la courbe dose-réponse de l'agent pour le paramètre considéré est très abrupte, on pourra caractériser avec précision la bande étroite de concentration correspondant statistiquement à l'apparition (ou à la disparition) de l'effet. En revanche, si la courbe est aplatie, il devient très difficile de faire correspondre une valeur de concentration à une probabilité réaliste d'apparition de l'effet (fig 6). Une façon de répondre à cette difficulté est de faire des études pharmacodynamiques de population pour caractériser plus précisément les courbes dose-réponse et leur donner une correspondance en pratique clinique [4]. La courbe trop aplatie est alors décomposée en une famille de courbes plus verticales de CE50 différentes, définies à partir de covariables significatives (âge, traitements associés...). Selon la valeur de ces covariables, le patient appartient à une courbe spécifique et bien verticalisée autour d'une CE50 particulière. Ainsi par exemple la demi-vie apparente ou contextuelle est un paramètre purement pharmacocinétique et en faire un paramètre de prévision du délai de réveil, bien que cela soit tentant, expose à bien des déboires (si la concentration doit diminuer non pas de 50 mais de 80 % pour atteindre la zone des concentrations de réveil...). Si la concentration correspondant à une probabilité de réveil de 50 % (CE50 pour le réveil) peut être estimée avec une précision raisonnable, il devient beaucoup plus intéressant de calculer (qu'un perfuseur calcule pour nous...) le temps de décroissance, c'est-à-dire le temps nécessaire pour atteindre la CE50 à partir de la concentration de fin de perfusion. Il est donc particulièrement important de définir le plus précisément possible les relations concentration / effet des agents et de leurs associations dans les situations cliniques les plus fréquentes (induction, intubation, incision chirurgicale, fermeture cutanée...) pour guider connaissance de cause la séquence d'administration des agents au cours d'une anesthésie.

APPLICATIONS DE LA PHARMACOCINÉTIQUE À L'ANESTHÉSIE CLINIQUE


Étapes de l'anesthésie
Induction
Lorsqu'un anesthésiste " induit " une anesthésie générale, il cherche à obtenir une concentration sanguine (cérébrale...) de l'agent anesthésique qui entraîne la perte de connaissance. Pour cela, il doit administrer une dose D qui se dilue dans un volume V pour aboutir à la concentration C recherchée. Beaucoup de textes d'initiation à la pharmacocinétique suggèrent d'utiliser cette formule pour calculer la " dose de charge " nécessaire pour atteindre une concentration donnée. Le problème pour appliquer cette formule aux agents anesthésiques est qu'il y a plusieurs volumes : V1 (compartiment central), V2 et V3 (compartiments périphériques), Vss, somme des volumes individuels... V1 est en général beaucoup plus petit que Vss, et il est tentant de suggérer que la dose de charge doit être quelque part entre C × V1 et C × Vss. Administrer un bolus égal à C × V1 atteindra la concentration recherchée pour un instant au début, mais le niveau baissera rapidement au-dessous de la valeur cible. Administrer un bolus égal à C × Vss dépassera la cible au début et peut-être pendant plusieurs minutes. Cependant V1 et Vss sont en général si différents que la fourchette de doses ainsi obtenue n'apporte pas grand-chose en pratique courante (exemple : pour le propofol C = 4 μg/mL donc la dose d'induction est comprise entre 60 et 800 mg). Essayons d'affiner l'analyse.
Les schémas posologiques habituels pour l'injection de bolus, comme ci-dessus, visent à produire une concentration plasmatique donnée. Cependant, dans la mesure où le plasma n'est pas le site d'action de l'agent, il est illogique de fonder le calcul de la dose initiale sur une concentration plasmatique. En connaissant le ke0 d'un agent anesthésique, nous pouvons établir un schéma posologique qui réalise la concentration souhaitée au site d'action de l'agent. La concentration plasmatique diminue en permanence, tandis que la concentration au site d'action s'élève jusqu'à atteindre la concentration plasmatique après quoi les deux diminuent ensemble. Si nous ne voulons pas surdoser le patient, nous devons choisir le bolus qui produit la concentration choisie au site d'action.
Le Vd(pic d'action) moyen chez l'adulte du propofol est 37 L. Pour produire un pic de concentration de propofol au site d'action de 4 μg/mL, il faut administrer 148 mg qui auront leur effet maximal au bout de 2,2 minutes. Voilà une recommandation beaucoup plus raisonnable que la suggestion basée sur le V1 et le Vss de choisir simplement une dose entre 60 et 800 mg. Le tableau I [25]montre le V1 le délai de maximum d'action et le Vd(pic d'action) du fentanyl, de l'alfentanil, du sufentanil et du propofol.

Entretien de l'anesthésie : AIVOC (anesthésie intraveineuse à objectif de concentration)
Pendant l'entretien de l'anesthésie, le praticien tente de maintenir une concentration efficace adaptée à l'intensité du stimulus. Pour entretenir une concentration plasmatique stable Css, l'agent doit être administré à la même vitesse qu'il est éliminé du compartiment central. Pour des agents dont la pharmacocinétique est multicompartimentale, soit presque tous les agents intraveineux utilisés en pratique courante, l'agent se distribue vers la périphérie autant qu'il s'élimine de l'organisme. La vitesse de transfert vers les tissus périphériques évolue en fonction du temps au fur et à mesure que les concentrations tissulaires s'équilibrent avec la concentration plasmatique.
Puisque le flux net de l'agent vers les tissus périphériques diminue avec le temps, le débit de perfusion requis pour maintenir une concentration prédéterminée doit également diminuer avec le temps. Si le bolus initial a été calculé à partir du Vd (pic d'action), il n'y a pas lieu d'administrer une perfusion avant que la concentration au site d'action n'ait atteint un pic. Après ce pic, la bonne équation pour fixer le débit de perfusion qui maintienne la concentration désirée est : Perfusion d'entretien : Cc × Vl (K10 + K12e-k21t + K13e-k31t) où Cc est la concentration recherchée, V1 le volume du compartiment central, k10, k12, k21, k13 et k31 les microconstantes du modèle.
Cette équation montre qu'au début, un débit de perfusion élevé est nécessaire, et que ce débit diminue systématiquement avec le temps. À l'équilibre, le transfert k12 e-k21t + k13 ek31t vers la périphérie s'annule et le débit de perfusion tend vers CcV1k10. Aucun anesthésiste ne peut résoudre de tête une telle équation pendant l'administration d'un agent anesthésique, mais un ordinateur le fait sans problème.
Il existe également des schémas " manuels " d'administration des agents anesthésiques pour l'entretien de l'anesthésie. Ainsi par exemple, le schéma posologique très connu de Roberts et al [50] pour le propofol (1mg/kg en bolus, puis 10 mg/kg/h pendant 10 minutes, puis 8 mg/kg/h pendant 10 minutes, puis 6 mg/kg/h pendant le reste de la perfusion) assure une concentration sanguine stable d'environ 3 μg/mL. L'inconvénient majeur de tous ces schémas est qu'ils deviennent caducs dès lors que la concentration obtenue ne convient plus. Aucun ne décrit précisément de combien il faut diminuer le débit si l'anesthésie est trop profonde, ni de combien il faut l'augmenter, et associer quel bolus si l'anesthésie est insuffisante. L'anesthésiste ne peut se fier qu'à l'expérience qu'il a acquise par tâtonnement, et ceci est un frein évident à l'usage de ces produits.
C'est la réponse du patient, parce qu'elle montre que l'anesthésie est appropriée ou non, qui va imposer in fine la vitesse d'administration de l'agent. La réponse à un agent et à une concentration donnés varie considérablement d'un individu à l'autre et par conséquent il est essentiel de maintenir pour chaque individu la concentration qui lui convient. Les concentrations anesthésiques efficaces varient selon le type de chirurgie (par exemple : chirurgie de surface ou chirurgie abdominale haute). Le schéma de perfusion doit donc essayer de fournir des concentrations plus ou moins hautes selon la chirurgie prévue. À la fin de la chirurgie, on a besoin de concentrations moindres, et donc un ajustement permanent du débit de perfusion à une variable pharmacodynamique s'accompagnera de moindres concentrations à la fin de la chirurgie et facilitera un réveil plus rapide. Si le débit de perfusion se révèle insuffisant pour entretenir une anesthésie adaptée, il faudra à la fois administrer une nouvelle dose de charge (bolus) et augmenter le débit de perfusion pour élever rapidement la concentration plasmatique.
L'idéal serait donc d'adapter en permanence la concentration sanguine de l'agent proportionnellement à l'intensité du stimulus adrénergique. Cette notion de proportionnalité est particulièrement importante, compte tenu de la grande variabilité pharmacodynamique observée en anesthésie : l'important n'est pas la valeur absolue de la concentration nécessaire à tel ou tel moment, l'important c'est de pouvoir de façon fiable doubler par exemple la concentration par rapport à celle qui a permis la perte de connaissance lorsqu'on veut intuber le patient. Le développement des techniques de calcul et la miniaturisation des microprocesseurs, associés aux progrès techniques considérables dans les dispositifs de perfusion permettent aujourd'hui précisément cela : c'est l'AIVOC, en anglais TCI : target controlled infusion : entre l'anesthésiste et le dispositif de perfusion s'interpose un bloc de calcul composé de deux parties : un modèle pharmacocinétique qui permet, à partir de paramètres pharmacocinétiques moyens de l'agent considéré, de calculer la concentration résultant de la quantité d'agent perfusée, dite concentration prédite, ou calculée, et un algorithme de contrôle du dispositif de perfusion qui permet de calculer à chaque instant la quantité d'agent nécessaire pour atteindre une concentration prédéterminée, dite concentration cible. L'anesthésiste " prescrit " une concentration cible.
L'algorithme calcule la quantité d'agent nécessaire pour obtenir cette concentration, et, connaissant l'agent qui est dans le dispositif, et sa dilution éventuelle, impose au dispositif de perfusion le débit adéquat. Cette façon de prescrire l'anesthésie débute bien entendu dès l'induction.

Réveil de l'anesthésie
Le réveil de l'anesthésie est commandé par les principes pharmacocinétiques qui fixent la sortie de l'agent du compartiment effet à l'arrêt de l'administration. Bien que la demi-vie d'élimination ait longtemps été considérée comme le paramètre fixant si un agent est de durée d'action longue ou brève, la vitesse à laquelle la concentration d'un agent décroît dépend à la fois de l'élimination et de la redistribution de l'agent à partir du compartiment central. Hughes en 1992 a décrit un nouveau paramètre pharmacocinétique particulièrement utile en anesthésie : le context sensitive half time, soit la demi-vie contextuelle ou apparente ou encore le temps de demi-décroissance [31]. Ce paramètre décrit le temps que met la concentration d'un agent à diminuer de moitié à l'arrêt d'une perfusion à concentration constante. Il prend en compte la partie initiale de la courbe de décroissance, celle qui intéresse le plus les anesthésistes puisque l'agent y est encore à des concentrations cliniquement actives, mais aussi celle où les phénomènes de redistribution sont les plus importants. Ce paramètre dépend de l'historique de la perfusion. Cependant, ce paramètre n'est pas le plus utile en pratique clinique dans la il faut que la concentration diminue de 80 ou de 20 %. C'est la raison pour laquelle un nouveau paramètre est récemment apparu : le temps de décroissance (decrement time) à l'arrêt de la perfusion [4]. Ce paramètre est le temps mis à l'arrêt de la perfusion pour atteindre une concentration choisie par l'anesthésiste comme étant celle à laquelle il pense que le patient va se réveiller. Il fait donc intervenir à la fois la pharmacocinétique et la pharmacodynamie, et souligne la nécessité de définir plus précisément les relations cinétiques/dynamiques. Dans le cadre de l'AIVOC, ce paramètre peut également être calculé par le logiciel de commande du pousse-seringue dès lors que l'anesthésiste précise la concentration de réveil comme il prescrit les concentrations-cibles.

Agents anesthésiques et leurs adjuvants
Nous ne donnerons ici qu'un aperçu de la pharmacocinétique des principaux agents utilisés en anesthésie. Le lecteur est invité à se reporter pour de plus amples détails aux chapitres correspondant aux agents qui l'intéressent.
Benzodiazépines (tableau II)

Tableau II. - Paramètres pharmacocinétiques des benzodiazépines.
Paramètre
Diazépam
[37]
Flunitrazépam
Midazolam
[26]
Flumazénil
[10]
F (%)
100 per os
80 per os
90 IM, 50 per os
16 per os
Tmax (min)
90 per os
15 per os
30 IM, 60 per os
20 per os
EH (%)
2
18
41
# 100
Cl (mL/min)
20-35
210-465
500
1 300
élimination urinaire (%)
0
0
0

V (L/kg)
0,3
0,6
0,4
0
Vss (L/kg)
1
3,6
1
1,2
fu (%)
3
22
4
50
passage placentaire
oui
oui (moindre ?)
ou

T 1/2 E (h)
35
25
2-4
0,8
métabolite actif
desméthyl-diazépam
non
-OH-midazolam
non
pKa
3,3

6,15

F : biodisponibilité  ; T max : temps maximal ; EH : coefficient d'extraction hépatique ; Cl : clairance 
plasmatique totale ; V : volume ;  
IM : intramusculaire ; fu : fraction libre ; T 1/2 E : demi-vie d'élimination ; pKa : constante de  
dissociation ; F/M : rapport foetomaternel
Le diazépam, du fait de sa faible clairance qui rend l'effet de premier passage hépatique presque inexistant, est très maniable par voie orale pour la prémédication anesthésique. En revanche, sa résorption par voie intramusculaire (IM) est très variable tant en délai d'action qu'en importance de l'effet produit, et cette voie est déconseillée. La lenteur de l'élimination du diazépam, ainsi que l'existence de métabolites actifs de demi-vie plus longue encore ont pratiquement fait disparaître son usage en doses itératives ou en perfusion continue.
Le midazolam subit un effet de premier passage hépatique intense, et si on veut l'utiliser par voie orale, les doses doivent être augmentées. Il n'existe actuellement pas de forme galénique commercialisée d'administration orale. En revanche, la résorption par voie IM est rapide et complète. La brève demi-vie d'élimination du midazolam par rapport aux autres benzodiazépines le rend plus maniable en perfusion continue de longue durée pour la sédation en réanimation par exemple.
Le flumazénil, seul antagoniste des benzodiazépines actuellement disponible, a une demi-vie plus brève que les benzodiazépines qu'il antagonise, même le midazolam. Il faut donc rester très prudent dans son usage car le risque de resédation existe, imposant parfois une perfusion continue. La résorption par voie IM du flumazénil est mal connue, mais elle ne semble pas cliniquement très satisfaisante.
Hypnotiques intraveineux (tableau III)
Quelle que soit leur demi-vie d'élimination, tous les anesthésiques intraveineux ont une durée d'action brève après une injection unique, car la décroissance rapide des concentrations sanguines assure le réveil anesthésique pendant la phase de distribution. Cependant, la lenteur des processus d'élimination du thiopental le rend peu maniable en perfusion continue pour l'entretien de l'anesthésie.
Le méthohexital peut être administré par voie rectale en particulier chez l'enfant pour la prémédication, voire l'induction de l'anesthésie. La perte de connaissance est dans ce cas bien corrélée à la concentration plasmatique du produit.
La kétamine est en fait un mélange racémique de deux isomères dont le pouvoir anesthésique concerne surtout le dérivé dextrogyre. La kétamine peut être administrée par IM pour l'induction de l'anesthésie.
Le propofol a une clairance supérieure au débit sanguin hépatique, ce qui signe l'existence de sites extrahépatiques d'élimination. La vitesse de sortie des compartiments périphériques (K31) est plus lente que la vitesse d'élimination, ce qui explique l'absence de signes d'accumulation même après des perfusions de longue durée.
La clairance de l'étomidate, proche du débit sanguin hépatique, est donc dépendante de celui-ci. L'important volume de distribution suppose une captation tissulaire intense.

Morphiniques (tableau IV)
Ces dernières années ont vu fleurir de nombreuses voies d'administration originales des morphiniques, tirant parti de leurs propriétés pharmacocinétiques : administration orale de morphine en sirop, puis en comprimés, administration péridurale, voire sous-arachnoïdienne, de morphine, de fentanyl ou de sufentanil, administration transdermique de fentanyl. Par ailleurs, l'apparition d'un morphinique de cinétique complètement nouvelle, le rémifentanil, détruit très rapidement par les estérases tissulaires, va sans doute bouleverser nos habitudes de prescription de ces agents. Enfin, l'analgésie postopératoire aussi bien dans le cadre de la chirurgie majeure que de la chirurgie ambulatoire est en pleine évolution.
La rapidité d'action du fentanyl par rapport à la morphine s'explique par sa plus grande liposolubilité. L'alfentanil est cinq fois moins liposoluble que le fentanyl ce qui explique son faible volume de distribution, et donc une demi-vie d'élimination plus courte malgré une clairance trois fois moindre.
Malgré une demi-vie d'élimination plus longue, la décroissance plasmatique des concentrations est plus rapide et aboutit à un réveil plus précoce après une perfusion continue de sufentanil de durée inférieure à 5 heures qu'après une perfusion équipotente d'alfentanil ou plus encore de fentanyl. Les différences de cinétique d'action des morphiniques à l'arrêt d'une perfusion continue ont été expliquées par leurs différentes demi-vies contextuelles.

Curares (tableau V)
Les curares sont les seuls médicaments utilisés en anesthésie qui ne soient pas liposolubles. Leur volume de distribution correspond aux volumes extracellulaires. La cinétique de la succinylcholine est assez mal connue car il n'existe pas de méthode simple de dosage de la molécule native dans le plasma.
Il existe deux grandes familles de curares non dépolarisants : les stéroïdes (pancuronium, vécuronium, rocuronium, ORG 9487) et les benzylisoquinolines (atracurium, mivacurium, cisatracurium...). L'atracurium est un mélange de 10 isomères répartis en trois groupes (cis-cis, cis-trans et trans-trans). Sa grande originalité est d'être partiellement détruit par une réaction chimique non enzymatique : la réaction d'Hofmann, qui libère pratiquement son élimination de l'influence de l'âge et des insuffisances rénale ou hépatique. Le cisatracurium est un des isomères de l'atracurium. Sa cinétique en est probablement très proche, mais les études de cinétique de population manquent encore. Le mivacurium ne bénéficie pas de la dégradation par la réaction d'Hofmann.

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