Hyponatrémies en réanimation


Hyponatrémies en réanimation





Résumé. – Les hyponatrémies hypertoniques dites fausses hyponatrémies, en rapport avec une hyperglycémie, sont dues à un transfert d’eau du secteur intracellulaire vers le secteur extracellulaire.Elles nécessitent une réhydratation car elles s’accompagnent d’une déshydratation intracellulaire.Les pseudohyponatrémies qui sont isotoniques sont dues à des hyperlipidémies ou hyperprotidémies majeures et ne demandent aucun traitement spécifique.Seules les hyponatrémies hypotoniques s’associent
àune hyperhydratation intracellulaire.La gravité de ces hyponatrémies hypotoniques dépend des capacités d’adaptation du volume cérébral.
L’efficacité de cette osmorégulation cérébrale dépend en grande partie de la rapidité d’installation de l’hyponatrémie, mais aussi de certains facteurs de risque dont les principaux sont la période d’activité génitale chez la femme, l’enfance, la période postopératoire, la prise de diurétiques thiazidiques, le terrain psychiatrique et l’hypoxie.
Lorsque l’hyponatrémie est symptomatique, elle doit être considérée comme grave et comme une urgence thérapeutique, témoin d’une adaptation de volume
cérébral insuffisante. Lorsqu’elle est asymptomatique, l’hyponatrémie n’est pas grave et indique que l’osmorégulation cérébrale est quasi complète, de sorte que le traitement doit être prudent. Les hyponatrémies hypotoniques se classent en hyponatrémies à volume extracellulaire normal, diminué ou augmenté. Les causes les plus fréquentes des hyponatrémies normovolémiques sont le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH) et la prise de thiazidiques, celles des hyponatrémies hypovolémiques sont les pertesgastro-intestinales surtout en période postopératoire, et celles des hyponatrémies hypervolémiques sont l’insuffisance cardiaque et la cirrhose oedématoascitiques.
Les hyponatrémies aiguës et chroniques symptomatiques nécessitent un traitement actif par sérum salé hypertonique, sans dépasser une augmentation de la natrémie de plus de 15 mmol/j et une natrémie supérieure à 130 mmol/L. Ce traitement doit être arrêté dès la disparition des signes neurologiques.
Le traitement des hyponatrémies chroniques asymptomatiques repose principalement sur la restriction hydrique et le traitement étiologique.
Le risque de complications d’un traitement trop rapide est la survenue d’une myélinolyse centropontine, favorisée par l’hypoxie, la malnutrition, l’alcoolisme et l’hypokaliémie.
Mots-clés : antidiurèse, hormone antidiurétique, hyperhydratation intracellulaire, osmorégulation cérébrale, syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique, tonicité plasmatique, volémie.
Introduction
L’hyponatrémie, définie comme une diminution de concentration plasmatique de sodium, représente le désordre hydroélectrolytique le plus fréquent en milieu hospitalier [15]. Son incidence serait de 15 à 22 % pour un seuil d’hyponatrémie inférieur à 135 mmol/L et de 1 à 4 % pour un seuil inférieur à 130 mmol/L [38]. L’approche rationnelle des hyponatrémies nécessite de connaître les osmolarité et tonicité plasmatiques [1, 11, 33], ainsi que les mécanismes d’adaptation du volume cérébral [1, 11, 19, 35].
 Après avoir éliminé les pseudo- et fausses hyponatrémies, les hyponatrémies
hypotoniques nécessitent d’établir un diagnostic de gravité et un diagnostic étiologique.
Ces deux étapes conditionnent la prise en charge thérapeutique et le pronostic [1, 14, 23, 31, 33]. Rappels physiologiques. Définitions
COMPARTIMENTS HYDRIQUES DE L’ORGANISME
La quantité d’eau totale de l’organisme représente 50 à 70 % du poids corporel chez l’adulte. L’eau totale se répartit en deux secteurs [10, 23, 43] :
– le secteur ou volume intracellulaire (VIC) représente deux tiers de l’eau totale, soit 40 à 50 % du poids du corps. Il est riche en potassium et pauvre en sodium ;
– le secteur ou volume extracellulaire (VEC) représente 20 à 25 % du poids du corps et comprend deux sous-secteurs : l’un plasmatique appelé volémie circulante, riche en sodium et en protéines (5 % du poids corporel) ; l’autre interstitiel caractérisé par sa pauvreté en protéines.
OSMOLARITÉ ET TONICITÉ PLASMATIQUES :
DÉFINITIONS
L’osmolarité plasmatique (OsmP) se définit comme la concentration d’osmoles contenues dans 1 L de plasma (mOsm/L). L’osmolalité plasmatique, elle, est la concentration d’osmoles par kilogramme d’eau plasmatique (mOsm/kg). En pratique, la différence entre ces deux paramètres est souvent négligeable et les deux termes sont confondus. Les mouvements d’eau transmembranaires sont passifs, mais ceux des substances osmotiques sont de deux types :
– passifs,libres pour les substances diffusibles :ce sont les osmoles inactives
représentées principalement par l’urée (présente physiologiquement), le méthanol, l’éthanol et l’éthylène glycol (étrangères à l’organisme). Elles n’entraînent pas de gradient osmotique transmembranaire, donc pas de mouvement d’eau entre ces deux secteurs ;
– actifs, nécessitant de l’énergie pour les substances non diffusibles : ce sont les osmoles actives présentes habituellement dans le VEC (sodium, glucose) ou étrangères à l’organisme (mannitol, glycérol).
Toute modification de leur concentration plasmatique détermine un gradient osmotique transmembranaire et donc un mouvement d’eau à travers la membrane cellulaire du compartiment le plus dilué vers le plus concentré.
Selon le type d’osmoles considéré, on définit plusieurs OsmP [1, 14, 23, 33] :
– l’OsmP calculée est la somme de toutes les osmoles plasmatiques, actives et inactives, dosées en routine par l’ionogramme sanguin.
Elle est calculée par la formule : ([natrémie × 2] + glycémie + urée) (mmol/L) = 280 - 295 mOsm/L ;
– la tonicité plasmatique est la somme des seules osmoles actives dosées par l’ionogramme sanguin. Elle est donc calculée, sans tenir compte de l’urée, par la formule : ([natrémie × 2] + glycémie) (mmol/L) = 275 - 290 mOsm/L ;
– l’OsmP mesurée est déterminée par le delta cryoscopique ou par la mesure de la résistivité plasmatique. Elle mesure toutes les substances osmotiques actives et inactives présentes dans le plasma, y compris celles qui ne sont pas dosées par l’ionogramme sanguin.
Elle est donc toujours supérieure à l’OsmP calculée. Cette différence entre OsmP mesurée et calculée s’appelle trou osmotique (normale < 10 mOsm/L). Il est élevé quand sont anormalement présentes dans le plasma des osmoles non dosées par l’ionogramme sanguin.

Au total : en pratique, la tonicité plasmatique, calculée au lit du patient, permet la détermination de l’hydratation intracellulaire. L’hypertonicité plasmatique témoigne toujours d’une déshydratation intracellulaire et inversement. L’OsmP mesurée n’a qu’un intérêt limité (surveillance d’un traitement par mannitol, diagnostic de certaines intoxications).

RÉGULATION DE LA BALANCE HYDRIQUE
Malgré de nombreuses variations des entrées et des sorties journalières d’eau, le volume et la composition électrolytique de l’organisme sont maintenus dans des valeurs quasi constantes, grâce à un bilan hydrique nul (fig 1). La régulation de la balance hydrique, qui est une régulation de concentration des substances osmotiques, contrôle ainsi le VIC de l’organisme. Elle est assurée par deux mécanismes principaux : l’hormone antidiurétique (antidiuretic hormone [ADH]) et la soif [11, 14, 42].
Hormone antidiurétique
L’ADH produit ses effets en activant trois types de récepteurs (V1a, V1b et V2) qui vont déclencher l’insertion dans les membranes cellulaires de canaux à eau. Au niveau rénal, l’ADH active les récepteurs V2 localisés au niveau de la membrane basolatérale des cellules du tube collecteur de la médullaire. Cette activation induit une cascade d’événements qui permet l’insertion des canaux à eau [10]. L’effet rénal terminal principal de l’ADH est d’augmenter la perméabilité à l’eau au niveau du tube collecteur, donc de diminuer les pertes hydriques urinaires, conduisant à une négativation de la clairance rénale de l’eau libre. La sécrétion d’ADH dépend de différents stimuli (fig 2) :
– stimulus osmotique : c’est le plus important et le plus sensible.
Toute hypotonie plasmatique inhibe la sécrétion d’ADH et inversement. Pour une tonicité plasmatique entre 280 et 295 mOsm/L, la quantité d’ADH libérée est corrélée de façon linéaire à l’élévation de la tonicité plasmatique. En deçà de 280 mOsm/L, la sécrétion d’ADH est indétectable ; au-delà de 295 mOsm/L, les capacités de rétention d’eau par le rein ont atteint leur maximum (1 200 mOsm/L) ;
– stimuli non osmotiques : l’hypovolémie et l’hypotension artérielle stimulent la sécrétion d’ADH par l’intermédiaire de volo- et barorécepteurs. La sécrétion d’ADH n’est stimulée qu’à partir d’une diminution de volémie d’au moins 10 %. Les autres stimuli non osmotiques sont cités dans la figure 2.
Soif
La soif contrôle la balance hydrique par les apports exogènes d’eau [1, 11, 14, 23]. Il s’agit d’une sensation déclenchée par la survenue d’une hypertonie plasmatique, d’une hypovolémie ou d’une hypotension artérielle. Contrairement à l’ADH, la sensation de soif n’a pas de seuil maximal de stimulation, mais elle apparaît à partir d’un seuil d’OsmP de 290-295 mOsm/L.
Au total : pour une OsmP normale (285 mOsm/L), l’ADH plasmatique règle la concentration urinaire aux environs de 600 mOsm/L et il n’existe pas de sensation de soif. Au-delà de 290 mOsm/L, la concentration d’ADH augmente linéairement, jusqu’à une concentration urinaire maximale (1 200 mOsm/L). Parallèlement, apparaît la sensation de soif qui est sans limite supérieure. Ainsi, une hypertonicité plasmatique ne peut théoriquement se développer qu’en l’absence de sensation de soif ou d’impossibilité de boire. Inversement, il est théoriquement possible d’ingérer 10 à 15 L d’eau sans modification de tonicité plasmatique grâce à une excrétion d’urines très hypotoniques (100 mOsm/L).



Classification des hyponatrémies





HYPONATRÉMIES HYPEROSMOLAIRES OU FAUSSES HYPONATRÉMIES
Elles sont dues à l’accumulation d’osmoles plasmatiques autres que le sodium.
Les osmoles actives (glucose, mannitol, glycérol) induisent une hyperosmolarité et une hypertonie plasmatiques responsables d’un transfert d’eau du secteur intracellulaire vers le secteur extracellulaire. Il s’agit donc d’une hyponatrémie par simple dilution, qui s’accompagne alors d’une déshydratation intracellulaire.
L’accumulation d’osmoles inactives (éthanol, méthanol, éthylèneglycol) conduit aussi à une hyponatrémie par translocation, mais dans ce cas, l’hyperosmolarité plasmatique est isotonique et donc l’hydratation intracellulaire est normale.
HYPONATRÉMIES ISO-OSMOLAIRES OU PSEUDOHYPONATRÉMIES
Elles sont dues à la présence dans le plasma de quantités anormalement élevées de substances non aqueuses telles qu’on les observe dans les hyperlipidémies et hyperprotidémies. Ces hyponatrémies sont iso-osmotiques et isotoniques.
HYPONATRÉMIES HYPO-OSMOLAIRES OU VRAIES HYPONATRÉMIES
Elles sont hypotoniques et s’associent à une hyperhydratation intracellulaire. Selon leur mécanisme d’apparition, elles s’associent à certaines modifications du VEC [1, 14, 23, 33] :
– les hyponatrémies hypotoniques à VEC normal sont dues à une inflation hydrique secondaire à une perte d’eau insuffisante par rapport aux entrées. Le capital sodé est conservé, de sorte que l’hyperhydratation intracellulaire s’associe à une volémie normale ; – les hyponatrémies hypotoniques à VEC diminué sont dues à des pertes hydriques et sodées, mais le déficit en sel excède celui en eau.
Dans ce cas, les pools sodé et hydrique sont initialement diminués, mais l’hypovolémie qui stimule la sécrétion d’ADH associée à un apport exogène d’eau contribue à aggraver l’hyponatrémie hypotonique ;
– les hyponatrémies hypotoniques à VEC augmenté sont dues à une rétention d’eau et de sel, prédominant sur l’eau. Comme le capital sodé est augmenté, l’hyperhydratation intracellulaire s’associe à une hypervolémie.



Conséquences physiopathologiques des hyponatrémies hypotoniques





Seules les hyponatrémies hypotoniques entraînent un gradient osmotique
transmembranaire responsable d’une hyperhydratation intracellulaire. Comme le cerveau est contenu dans une boîte rigide inextensible, les modifications brutales de son volume sont mal tolérées.
 Dans le cas d’une hyponatrémie hypotonique, l’oedème cérébral conduit à une
hypertension intracrânienne, avec son cortège symptomatique neurologique et peut conduire au décès du patient.
Néanmoins, le cerveau n’est pas un osmomètre parfait, car il possède les moyens de minimiser les variations de volume induites par l’hypo- ou l’hypertonie plasmatique [19, 35]. Ce processus, appelé « osmorégulation cérébrale », passe par une modulation du contenu intracérébral en osmoles actives dites molécules osmoprotectrices qui sont de deux types :
– inorganiques : ce sont des électrolytes (Na, K, Cl) [25] ;
– organiques : ce sont les osmoles idiogéniques qui appartiennent à trois grandes familles actuellement identifiées : les acides aminés, les polyols et les triéthylamines [35, 37].
En situation d’hypotonie plasmatique, le contenu intracérébral en osmoles protectrices diminue, de sorte que le gradient osmotique transmembranaire décroît lui aussi. Ainsi, l’oedème cérébral qui devrait en résulter est atténué [19, 25]. L’osmorégulation cérébrale, en termes de moyen et d’efficacité, dépend surtout de la rapidité d’installation et de la durée de l’hypotonie plasmatique (fig 3). Au cours des premières heures d’une hypotonie plasmatique aiguë, l’osmorégulation cérébrale se fait par diminution du contenu intracérébral en électrolytes. Bien que rapide (30 minutes), ce mécanisme d’adaptation du volume reste incomplet, si bien que l’oedème cérébral est atténué, mais présent.Lorsque l’hypotonie plasmatique s’installe lentement (elle est alors appelée chronique), l’osmorégulation se fait principalement par diminution du
contenu intracérébral en osmoles idiogéniques. Ce mécanisme est plus lent mais plus complet que le précédent, de sorte que l’oedème cérébral est quasi inexistant [33, 35, 38]. Au cours d’un traitement hypertonique, la normalisation de la tonicité cérébrale, qui demande environ 5 à 7 jours, est retardée par rapport à celle de la tonicité plasmatique.
Ce décalage est d’autant plus important que le trouble s’est installé lentement.
D’autres facteurs, le plus important étant le sexe, peuvent influencer l’efficacité de l’osmorégulation cérébrale.
Les oestrogènes et la progestérone inhibent le fonctionnement des pompes Na+-K+- ATPase cérébrales, ce qui limite la régulation du volume cérébral chez les femmes en période d’activité génitale [3, 4, 5, 12]. L’hypoxie et l’hypoperfusion cérébrales peuvent également altérer l’efficacité de l’osmorégulation cérébrale par le même mécanisme [39].


Conduite à tenir devant une hyponatrémie





Elle comprend quatre étapes [1, 14, 23, 33] : affirmer le diagnostic des hyponatrémies hypotoniques, apprécier leur gravité, chercher leur cause, les traiter.


Au total : les mécanismes d’adaptation du volume cérébral imposent de distinguer troubles aigus et chroniques. L’hypotonie plasmatique aiguë, installée en moins de 24 à 48 heures, induit une osmorégulation incomplète. Le tableau neurologique est d’autant plus grave que l’hypotonie est brutale, expliquant la nécessité d’un traitement actif et rapide. Lorsque l’hypotonie plasmatique est chronique, installée en plus de 48 heures, l’efficacité de l’osmorégulation cérébrale est variable. Si l’hypotonie est chronique mais symptomatique, le traitement actif est aussi nécessaire. Si elle est chronique mais asymptomatique, l’osmorégulation cérébrale est complète et la normalisation du trouble doit être lente.


PREMIÈRE ÉTAPE : DIAGNOSTIC POSITIF DES HYPONATRÉMIES HYPOTONIQUES
La première étape du diagnostic d’une hyponatrémie consiste à éliminer les pseudo- et fausses hyponatrémies en calculant l’osmolarité et la tonicité plasmatiques afin d’éliminer les hyponatrémies non hypotoniques (fig 4).
Pseudohyponatrémies
Elles sont le plus souvent peu graves, supérieures à 125 mmol/L, sauf en cas
d’hyperlipidémies ou d’hyperprotidémies sévères.
Comme ces hyponatrémies sont isotoniques, il n’existe aucun trouble de l’hydratation cellulaire.
Fausses hyponatrémies
Elles se caractérisent par une hyperosmolarité plasmatique.
Dans le cas de l’hyperglycémie, il existe aussi une hypertonie plasmatique et donc malgré l’hyponatrémie, une déshydratation intracellulaire.
Il est possible d’évaluer la natrémie qu’aurait le patient si la glycémie était normale : c’est la natrémie corrigée (Na+ c) qui est classiquement calculée par la formule de Katz [17] : Na+ c (mmol/L) = (Na+ labo + [glycémie × 0,3]) (mmol/L). Un travail récent semble montrer que ce facteur de correction serait insuffisant et devrait être réajusté au moins à 0,45, surtout pour des hyperglycémies aiguës et sévères [17].
Les autres hyponatrémies hyperosmolaires, qu’elles soient hypertoniques (mannitol ou glycérol) ou isotoniques (éthanol, méthanol ou éthylène glycol), surviennent dans des contextes cliniques particuliers. Le diagnostic est confirmé devant un trou osmotique élevé.
Hyponatrémies hypotoniques
Le diagnostic d’hyponatrémie hypotonique est confirmé par la biologie qui retrouve une tonicité plasmatique basse, inférieure à 270 mOsm/L.
DEUXIÈME ÉTAPE : DIAGNOSTIC DE GRAVITÉ DES HYPONATRÉMIES HYPOTONIQUES
Le diagnostic de gravité d’une hyponatrémie hypotonique est capital puisqu’il débouche sur une prise en charge thérapeutique adaptéeet qu’il détermine le pronostic.
Il est essentiellement neurologique, le risque vital étant lié à l’importance de l’oedème cérébral.
La gravité de l’hyponatrémie dépend des capacités d’adaptation du volume cérébral, essentiellement conditionnées par la rapidité d’installation du trouble.La relation entre rapidité d’installation et mortalité-morbidité de l’hyponatrémie est largement établie [1, 14, 23].
Une hyponatrémie aiguë est toujours symptomatique, ce qui traduit l’existence d’un oedème cérébral. L’hyponatrémie chronique peut être symptomatique chez certains patients à risque accru d’oedème cérébral et doit aussi être considérée comme grave. Sil’hyponatrémie chronique est asymptomatique, il n’existe pas d’urgence vitale et le traitement doit être progressif. Les hyponatrémies chroniques sévères (< 105-110 mmol/L) peuvent se traduire par quelques signes neurologiques [14, 23, 36].
L’encéphalopathie hyponatrémique se traduit par des manifestations neurologiques non spécifiques. Les premiers symptômes incluent asthénie, nausées, vomissements, céphalées, fatigue et crampes musculaires. À un stade plus avancé, surviennent stupeur, obnubilation, puis coma avec mouvements de décortication et décérébration, convulsions, manifestations neurovégétatives et mydriase bilatérale [1, 11, 14, 33]. Le scanner cérébral peut préciser la gravité de l’oedème cérébral [2, 33].
TROISIÈME ÉTAPE : DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE DES HYPONATRÉMIES HYPOTONIQUES
L’approche diagnostique étiologique débute par un interrogatoire précisant les antécédents du patient, son histoire et les prises médicamenteuses. Après évaluation du statut neurologique, le diagnostic étiologique repose sur l’évaluation du VEC (tableau I) [1, 23, 33, 36]. Le bilan biologique de débrouillage inclut au minimum un ionogramme sanguin et urinaire, la glycémie, l’azotémie et la créatininémie. Les autres examens complémentaires sont demandés en fonction de l’orientation étiologique .
Hyponatrémies hypotoniques à volume extracellulaire normal
Ce sont les plus fréquentes chez les patients hospitalisés [36]. Ces hyponatrémies relèvent de mécanismes différents associant altération de l’excrétion urinaire de l’eau libre et ingestion excessive d’eau. Dans les formes sévères ou pérennisées, des signes d’hypervolémie peuvent se surajouter.
La concentration des urines est inappropriée, caractérisée par une osmolarité urinaire trop élevée par rapport à l’hypotonie plasmatique : ce sont les situations d’antidiurèse anormale [1, 23, 29]. La fonction rénale est normale. Parmi ces hyponatrémies, les causes les plus fréquentes sont le syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH (SIADH), les anomalies endocriniennes et la potomanie .
Syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH
Évoqué sur l’histoire et le contexte clinique, le SIADH, anciennement appelé syndrome de Schwartz-Bartter, reste un diagnostic d’élimination. Au début, il n’existe pas d’oedèmes interstitiels et la natriurèse est élevée (> 20 mmol/L).
Lorsque le syndrome se chronicise, la natriurèse peut devenir inférieure à 20 mmol/L, en rapport avec un effondrement du capital sodé total de l’organisme.

Le diagnostic est confirmé par la mise en évidence d’une antidiurèse anormale. Les critères diagnostiques du SIADH sont à la fois cliniques et biologiques [1, 14, 23, 24]. Le taux d’ADH plasmatique, variable, ne constitue pas une aide formelle au diagnostic [29, 33, 36, 42, 43], de sorte que certains auteurs [36] parlent de syndrome d’antidiurèse inappropriée (SIAD).
· Critères absolus ou essentiels : hyponatrémie hypotonique ; antidiurèse anormale ; volémie normale ; absence d’autres causes d’hypotonie plasmatique à VEC normal (fonctions surrénalienne, thyroïdienne et rénale normales) ; absence de prise de diurétiques.
· Critères relatifs : correction partielle de l’hyponatrémie par simple restriction hydrique ; absence de réponse normale à la charge en eau ; natriurèse élevée (20-30 mmol/L).




Les principales causes de SIADH sont rapportées dans le tableau III.
En anesthésie-réanimation, il est fréquemment évoqué au cours des pathologies pulmonaires et neurologiques, des infections graves et en période postopératoire. Le SIADH doit être distingué d’une autre cause d’hyponatrémie hypotonique, observée aussi dans les contextes de pathologie cérébrale. Il s’agit du cerebral salt wasting (CSW) ou syndrome de perte de sel en rapport avec une fuite rénale de sodium. Cette dernière conduit à une hyponatrémie hypotonique, mais contrairement au SIADH, elle est hypovolémique. Le mécanisme précis du CSW est encore mal élucidé, mais il semble en partie dû à une altération de l’innervation périphérique rénale et/ou une sécrétion anormale de facteur natriurétique [9, 16, 27].
Potomanie ou polydipsie psychotique
Elle est présente chez environ 60 % des patients psychiatriques au long cours souffrant de schizophrénie ou de psychose aiguë. Les mécanismes de survenue d’une hyponatrémie dans ce contexte sont mal expliqués : absorption massive et rapide d’eau, SIADH, sensibilité rénale accrue à l’ADH [6, 11, 14, 23].
Maladies endocriniennes
Les atteintes surrénaliennes et thyroïdiennes ont en commun une altération de l’excrétion rénale d’eau libre [14, 23, 33, 36]. Le déficit minéralocorticoïde entraîne une déplétion du pool sodé et une stimulation de l’ADH. Le déficit en glucocorticoïdes est une cause fréquente d’hyponatrémie, due principalement à un taux élevé d’ADH. L’hypothyroïdie sévère avec myxoedème peut entraîner une hyponatrémie d’origine multifactorielle : bas débit cardiaque, insuffisance cortisolique, hypovolémie. Toutes ces hyponatrémies sont difficiles à distinguer de celles observées lors d’un SIADH, car cliniquement et biologiquement superposables : hyponatrémies normovolémiques avec azotémie normale.
Hyponatrémies à volume extracellulaire augmenté
Les mécanismes physiopathologiques de ces hyponatrémies sont complexes : altérations hémodynamiques capillaires, rétention hydrosodée.
 Il se crée un cercle vicieux avec inflation hydrosodée interstitielle, hypovolémie,
hyperaldostéronisme secondaire et hyperréninisme [1, 11, 14, 23, 36].
D’autres anomalies peuvent entretenir le phénomène : hypoprotidémie, atteinte de la fonction membranaire cellulaire, hypersécrétion d’ADH par stimulus non osmotique [7, 33].
L’inflation hydrosodée interstitielle est cliniquement apparente sous forme d’oedèmes associés à une prise de poids et une oligurie. Cela peut aller jusqu’à l’oedème pulmonaire.
Le diagnostic étiologique repose surtout sur le contexte. Normalement, la natriurèse est basse du fait de l’hyperaldostéronisme secondaire, mais elle est souvent ininterprétable du fait de la prise de diurétiques. Les principales causes de ces hyponatrémies sont la décompensation oedématoascitique de l’insuffisance cardiaque et de la cirrhose (tableau II). Elles peuvent aussi s’observer au cours de l’insuffisance rénale aiguë oligurique à la faveur de perfusions trop abondantes ou classiquement dans le syndrome néphrotique. Des études récentes, chez des rats cirrhotiques et insuffisants cardiaques, ont montré une augmentation de l’expression génétique des canaux à eau, responsable de l’hypersensibilité du rein à l’ADH [13, 41].
Hyponatrémies à volume extracellulaire diminué
Elles sont dues à des pertes hydrosodées d’origine rénale ou extrarénale.
Le plus souvent, ces pertes sont hypotoniques, parfois isotoniques, mais substituées par des solutés encore plus hypotoniques, si bien qu’apparaît une hyponatrémie [33].
Au départ, les modifications du volume plasmatique sont minimes, mais si les pertes persistent, la baisse du volume plasmatique devient cliniquement patente, se traduisant par des signes d’hypovolémie (tableau I) associés à ceux d’une hyperhydratation intracellulaire.
Sur le plan biologique, à l’hyponatrémie et à l’hypotonicité plasmatique s’associe une insuffisance rénale fonctionnelle. La natriurèse est fonction de la cause, supérieure à 20 mmol/L lorsque les pertes hydrosodées sont d’origine rénale et inférieure à 20 mmol/L lorsque ces pertes sont extrarénales.
Les causes des hyponatrémies à VEC diminué sont résumées dans le tableau II.Elles se rencontrent lors de pertes hydrosodées gastro-intestinales ou cutanées abondantes et souvent compensées par des liquides hypotoniques.
Les hyponatrémies par pertes urinaires de sel s’observent dans différentes situations :
– lors d’un traitement par diurétiques [32, 33]. L’hypokaliémie associée favorise la survenue de l’hyponatrémie et oriente le diagnostic ;
– au cours des tubulopathies avec pertes de sel ou dans la maladie d’Addison ;
– au cours du syndrome CSW dans un contexte de lésion cérébrale.
Diagnostics particuliers
Certaines hyponatrémies méritent une mention particulière.
Hyponatrémies postopératoires
Le risque de survenue d’hyponatrémie après un acte opératoire est important puisque 1 à 4% des patients présentent une hyponatrémie dans la semaine qui suit, avec une prédominance pour le sexe féminin en période d’activité génitale et pour les enfants [2, 4, 5]. Il est favorisé par une stimulation non osmotique de l’ADH et une incapacité de dilution des urines [1, 23, 33]. Les stimuli non osmotiques périopératoires de sécrétion d’ADH sont nombreux : hypoxie, douleur, hypoglycémie, nausées, hypovolémie, hypotension artérielle, morphiniques... Le facteur déclenchant le plus fréquent est l’utilisation abusive périopératoire de solutés hypotoniques (glucosé à 5 %) qui peut conduire à une hyponatrémie aiguë grave, avec une mortalité d’environ 5 % [2, 4, 5].
Hyponatrémies induites par les traitements diurétiques
Les thiazidiques représentent la cause la plus fréquente d’hyponatrémie sévère
 médicamenteuse.
Les mécanismes sont complexes : perte urinaire de sel, balance hydrique positive induite par une altération de l’excrétion urinaire d’eau, une sécrétion d’ADH et une polydipsie. Ces hyponatrémies surviennent préférentiellement chez des femmes âgées, de petite taille, traitées pour hypertension artérielle [1, 14, 23]. Les diurétiques de l’anse sont moins fréquemment mis en cause et l’hyponatrémie a une gravité moindre.
Il s’agit plutôt de patients ayant une insuffisance cardiaque traitée au long cours [32].
Hyponatrémies des résections endoscopiques
L’utilisation de glycocolle pour le lavage au cours des résections endoscopiques urétrales de la prostate peut engendrer des troubles hydroélectrolytiques, individualisés sous le nom de transurethral resection of prostate syndrome (TURP syndrome) [20, 33, 34].Les solutions de glycocolle isotoniques (2,2 %) sont responsables
d’hyponatrémies isotoniques. Les hyponatrémies hypotoniques s’observent précocement lors d’une absorption intravasculaire rapide de glycocolle hypotonique à 1,5 %, ou de façon retardée si la quantité de glycocolle réabsorbée est importante. Ce syndrome est aussi décrit au cours des manoeuvres endoscopiques intra-utérines et arthroscopiques [18, 20].
Hyponatrémies du buveur de bière
Le syndrome du buveur de bière se caractérise par une hyponatrémie associée à une hypochlorokaliémie, une alcalose métabolique et une hypovolémie. Le mécanisme de l’hyponatrémie est complexe [14, 28] : SIADH, existence d’une potomanie et pertes hydroélectrolytiques induites par une polyurie et une diarrhée osmotiques.
Hyponatrémies au cours du syndrome d’immunodéficience acquise (sida)
L’hyponatrémie est retrouvée chez 30 à 56 % des patients atteints de sida [23, 40]. Les trois principales causes sont la présence d’un SIADH pouvant avoir de multiples origines dans ce contexte (pneumopathies, méningoencéphalites), une hypovolémie par diarrhée profuse, ou plus rarement une insuffisance surrénale.
Au total : les hyponatrémies observées à l’hôpital se répartissent globalement pour 20 %en hyponatrémies hypotoniques
hypovolémiques, 30 %en hyponatrémies hypotoniques
hypervolémiques, 33 %en hyponatrémies hypotoniques
normovolémiques et 15 %en fausses hyponatrémies. Les causes les plus fréquentes de ces hyponatrémies sont le SIADH, la prise de diurétiques et les pertes gastro-intestinales[36].

TRAITEMENT DES HYPONATRÉMIES HYPOTONIQUES
Le traitement des hyponatrémies hypotoniques doit toujours s’accompagner d’un
traitement étiologique qui n’est pas développé ici. Le traitement symptomatique est délicat puisqu’il faut mettre en balance les risques de l’hypotonie plasmatique avec ceux du traitement choisi, qui peut être tout aussi dangereux.La conduite thérapeutique dépend de la gravité du tableau neurologique qui est sous-tendue par la rapidité d’installation du trouble et par les éventuels facteurs de risque de complications (tableau IV) [1, 11, 23, 24, 31, 36]. En effet, l’hyponatrémie hypotonique peut conduire au décès du patient par mort cérébrale si le traitement n’est pas mené rapidement. Cependant, la correction trop rapide d’une hyponatrémie hypotonique peut induire un tableau de myélinolyse centropontine (MCP) qui se caractérise par des zones de démyélinisation cérébrale localisées au centre de la base du pont, mais aussi à d’autres zones (substance grise et substance blanche, thalamus, cervelet) [1, 8, 14]. Survenant après la correction totale ou partielle d’une hyponatrémie et après un intervalle libre de 1 à plusieurs jours, ce syndrome se caractérise par une détérioration neurologique progressive : fluctuations du niveau de conscience, convulsions, mutisme akinétique, hypoventilation, hypotension.
 Dans les formes sévères, il peut être observé une paralysie pseudobulbaire avec dysphagie, dysarthrie, quadriparésie et locked-in syndrome.
Les malades évoluent le plus souvent vers un coma chronique ou le décès. Le diagnostic peut reposer sur la résonance magnétique nucléaire [8], mais il est en général affirmé sur les données anatomopathologiques de l’autopsie. Ce syndrome a été pendant de nombreuses années attribué exclusivement à une recharge sodée et une normalisation de l’hyponatrémie trop rapides, surtout si l’hyponatrémie est chronique [37, 38].Néanmoins, la survenue de MCP dans d’autres contextes que l’hyponatrémie remet largement en question l’exclusivité d’un tel mécanisme. L’hypoxie se présente comme un facteur de risque majeur de survenue de MCP, même en dehors de toute hyponatrémie. Les autres groupes de patients à risque sont les patients alcooliques, dénutris, brûlés et les patients hypokaliémiques (tableau IV). La prévention de la MCP passe par une correction lente du trouble associée au maintien d’une normoxie et une correction active de l’hypokaliémie.
Traitement des hyponatrémies aiguës
Toujours symptomatiques, elles nécessitent un traitement urgent et actif avec surveillance étroite en unité de soins intensifs ou de réanimation.
Le traitement repose sur l’apport de sérum salé hypertonique à 3 % car le risque d’oedème cérébral est important [11, 14, 15, 23, 31, 33].
Il faut assurer une bonne oxygénation, si nécessaire une protection des voies aériennes supérieures par intubation orotrachéale avec ou sans ventilation contrôlée, et faire cesser les convulsions. Les règles de vitesse de correction de la natrémie qui dépendent de l’état neurologique sont résumées dans la figure 6. Le but est généralement obtenu en perfusant 4 à 6 mL/kg/h de sérum salé à 3 % pendant 4 à 6 heures. Dans tous les cas, l’élévation de la natrémie ne doit pas dépasser plus de 15 mmol après 24 heures et 20 mmol après 48 heures de traitement. Le traitement par sérum salé à 3 % doit être arrêté si le patient devient asymptomatique et si la natrémie atteint 125-130 mmol/L pour éviter un rebond hypernatrémique. La conduite thérapeutique alors recommandée est celle des hyponatrémies chroniques asymptomatiques. Le furosémide peut accélérer la correction de l’hyponatrémie, surtout si l’OsmU est égale ou supérieure à 200 mOsm/L. Un examen clinique et un ionogramme sanguin toutes les 2 à 4 heures sont nécessaires jusqu’à la disparition des signes neurologiques.
Traitement des hyponatrémies chroniques symptomatiques
Malgré la nécessité d’un traitement actif, les risques de survenue de MCP sont plus importants dans ces situations, incitant à une plus grande prudence que dans les hyponatrémies aiguës. La vitesse de correction doit se situer entre 1,5 et 2 mmol/L/h, sans dépasser 15 mmol/j (fig 6) [1, 11, 14, 15, 23, 31, 33].
Une restriction hydrique et un traitement par furosémide peuvent être associés.
Une surveillance par des ionogrammes sanguins répétés toutes les 2 à 4 heures pendant les 24 premières heures du traitement est également nécessaire.
Traitement des hyponatrémies chroniques asymptomatiques
Les hyponatrémies chroniques asymptomatiques ne nécessitent pas de thérapeutique active car l’augmentation rapide de tonicité plasmatique pourrait induire une MCP. Le traitement passe par le traitement de la cause (traitement substitutif hormonal en cas d’insuffisances surrénalienne ou thyroïdienne). L’élément clé de ce traitement est la restriction hydrique (< 800 mL/j) [1, 11, 14, 15, 23, 31, 33].
L’élévation de la natrémie ne doit pas dépasser 1,5 mmol/L/j.
Le traitement du SIADH chronique peut faire appel à la déméclocycline (600 à 1 200 mg/j) qui a un délai d’action de 4 à 6 jours. Elle doit être administrée 1 à 2 heures après les repas, en évitant l’association aux antiacides. Mais ce traitement induit de nombreux effets secondaires (neurotoxicité, photosensibilisation, néphrotoxicité), qui rendent le patient peu compliant au traitement.
Au total : les hyponatrémies aiguës et chroniques symptomatiques doivent faire appel à un traitement rapide et actif par sérum salé hypertonique pour éviter l’oedème cérébral. Dans les hyponatrémies chroniques asymptomatiques, il n’existe aucune urgence et le traitement fait appel à la restriction hydrique et au traitement étiologique qui permettent de limiter le risque de survenue de MCP.
Il peut être difficile de mettre en adéquation le débit de perfusion des solutés utilisés et la vitesse de correction de la natrémie, de sorte que des formules de prédiction de correction ont été proposées [1, 14, 15]. Mais celles-ci doivent être utilisées avec précaution et elles ne peuvent que guider le traitement à la phase initiale.
Les diurétiques de l’anse (furosémide) agissent rapidement et permettent d’avoir un effet en attendant l’efficacité de la déméclocycline. Les antagonistes des récepteurs V2 de la vasopressine, appelés « aquarétiques », qui agissent par inhibition compétitive des récepteurs V2 rénaux de l’ADH, positivent la clairance de l’eau libre. Des antagonistes administrés per os ont été testés avec succès [26]. Une étude récente chez des patients présentant un SIADH chronique confirme l’efficacité de l’administration intraveineuse de l’un d’entre eux [30]. Néanmoins, ces résultats méritent des travaux complémentaires pour généraliser et utiliser de façon courante ces molécules en clinique [22].
Traitement de l’hypovolémie et de l’hypervolémie
– Les hyponatrémies hypotoniques hypovolémiques nécessitent l’apport de cristalloïdes ou de macromolécules pour restaurer rapidement la volémie circulante.

– Les hyponatrémies hypotoniques hypervolémiques sont celles dont le traitement est le plus délicat car il s’agit d’un trouble hydroélectrolytique complexe associant
hyperhydratation intracellulaire, hyperhydratation du secteur interstitiel et hypovolémie efficace. Il est nécessaire de traiter la cause sousjacente. En dehors des formes aiguës rares traitées par apport de sel, la correction de l’hyponatrémie repose sur la restriction hydrique et sodée.
L’apport de sel est contre-indiqué car il majorerait l’inflation hydrosodée interstitielle. Le remplissage vasculaire est essentiel pour lutter contre l’hypovolémie qui entretient le trouble. Les salidiurétiques ont un effet bénéfique sur l’hyponatrémie et l’inflation hydrosodée. Les antagonistes des récepteurs V2 de l’ADH pourraient trouver dans le futur des indications dans ces situations.
Chez l’insuffisant rénal oligoanurique résistant aux diurétiques, le traitement passe par l’épuration extrarénale en choisissant de préférence une technique d’hémofiltration continue [21].
Conclusion
Seules les hyponatrémies hypotoniques entraînent une hyperhydratation intracellulaire et donc un oedème cérébral. La gravité de ces hyponatrémies dépend de la présence ou non de signes neurologiques dont la survenue est liée à la rapidité d’installation de l’hyponatrémie, mais aussi au terrain et au contexte.
Les deux causes les plus fréquentes d’hyponatrémies à VEC normal sont le SIADH et la prise de thiazidiques. La troisième circonstance de survenue d’hyponatrémie est la période postopératoire. Dans les hyponatrémies aiguës et chroniques symptomatiques, le traitement doit être intensif par du sérum salé hypertonique. Dans les hyponatrémies chroniques asymptomatiques, le traitement fait appel à une simple restriction hydrique, de façon à éviter la survenue d’une myélinolyse centropontine. Grâce à ces règles de prudence, la mortalité des hyponatrémies semble diminuée puisque Sterns [33] rapporte des chiffres de 8 % pour des patients ayant une hyponatrémie égale ou inférieure à 110 mmol/L.
Points essentiels.
· C’est la tonicité plasmatique qui témoigne de l’état d’hydratation du secteur intracellulaire.
· Les pseudohyponatrémies sont isotoniques et ne nécessitent pas de traitement hydroélectrolytique particulier. Les fausses hyponatrémies sont hypertoniques et se traitent donc comme les déshydratations intracellulaires.
· L’osmorégulation cérébrale permet une adaptation du volume cérébral à l’hyponatrémie hypotonique. Ce mécanisme de protection est d’autant moins efficace que le trouble s’installe rapidement et qu’il existe des facteurs de risque (période d’activité génitale chez la femme, enfance, prise de thiazidiques, hypoxie, terrain psychiatrique).
· Seules les hyponatrémies hypotoniques dites « vraies hyponatrémies » entraînent une hyperhydratation intracellulaire.
· Les signes cliniques neurologiques des hyponatrémies hypotoniques sont peu spécifiques. Leur sévérité dépend de l’importance de l’oedème cérébral, et donc de l’efficacité de l’osmorégulation cérébrale.
· Les hyponatrémies hypotoniques se classent en hyponatrémies à VEC normal, augmenté ou diminué.
· La distinction entre hyponatrémies aiguës (installées en moins de 24 à 48 heures) et chroniques symptomatiques ou asymptomatiques chroniques (installées en plus de 48 heures) est capitale, tant sur le plan diagnostique que thérapeutique et pronostique.
· La complication majeure du traitement des hyponatrémies chroniques asymptomatiques est la myélinolyse centropontine qui est favorisée par l’hypoxie, l’alcoolisme, la malnutrition et l’hypokaliémie.
· Un traitement « lent » par simple restriction hydrique est conseillé pour les hyponatrémies chroniques asymptomatiques, alors qu’un traitement « rapide » par sérum salé hypertonique est nécessaire pour les hyponatrémies symptomatiques aiguës et chroniques.
· Les antagonistes V2 des récepteurs de l’ADH appelés « aquarétiques » semblent représenter un avenir thérapeutique des hyponatrémies chroniques asymptomatiques.

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Hyponatrémies en réanimation: questions et réponses





Questions et réponses
I/
A – Les mouvements des substances osmotiques transmembranaires sont actifs et nécessitent de l’énergie
Faux : les mouvements transmembranaires des substances osmotiques diffusibles (exemple : urée, méthanol, éthanol) sont passifs. Seules les substances non diffusibles (exemple : glucose) sont actives et nécessitent de l’énergie
B – L’osmolarité plasmatique calculée est égale à : [(natrémie ´ 2) + glycémie + urée]
Vrai : elle est normalement comprise entre 280 et 295 mosm·L-1
C – La tonicité plasmatique ne tient pas compte de l’urée
Vrai
D – L’osmolarité plasmatique déterminée par le delta cryoscopique mesure toutes les substances osmotiques actives et inactives présentes dans le plasma
Vrai
E – La tonicité plasmatique conditionne l’hydratation intracellulaire
Vrai : par exemple, l’hypertonicité plasmatique témoigne d’une déshydratation intracellulaire.
L’hypotonicité plasmatique témoigne d’une hyperhydratation intracellulaire
II/
A – La balance hydrique, qui régule la concentration des substances osmotiques, contrôle le volume intracellulaire de l’organisme
Vrai
B – La régulation de la balance hydrique est principalement assurée par l’hormone antidiurétique (ADH) et la soif
Vrai
C – L’ADH positive la clairance de l’eau libre
Faux : c’est l’inverse, l’ADH diminue les pertes hydriques urinaires et donc négative la clairance de l’eau libre
D – Le stimulus osmotique est le plus puissant stimulus de la sécrétion de l’ADH
Vrai : pour une tonicité plasmatique comprise entre 280 et 295 mosm·L-1, la quantité d’ADH libérée est corrélée de façon linéaire à l’élévation de la tonicité plasmatique
E – Contrairement à l’ADH, la soif n’a pas de seuil maximal de stimulation
Vrai
III/
A – Les hyponatrémies hyperosmolaires sont encore appelées fausses hyponatrémies
Vrai
B – Les hyponatrémies iso-osmolaires sont encore appelées hyponatrémies vraies
Faux : elles sont appelées pseudohyponatrémies
C – Les hyponatrémies hypo-osmolaires peuvent être à volume extracellulaire (VEC) normal, diminué ou augmenté
Vrai
D – Seules les hyponatrémies hypotoniques sont responsables d’une hyperhydratation intracellulaire
Vrai
E – Une hyponatrémie isotonique peut à tout moment se compliquer d’un oedème cérébral
Faux : dans les hyponatrémies isotoniques, le volume intracellulairen’est pas modifié
IV/
A – La natrémie corrigée peut être calculée par la formule de Katz : Na+c (mmol·L-1) = (natrémie du laboratoire + [glycémie ´ 0,3])
Vrai
B – La formule de Katz peut sous-estimer la natrémie corrigée au cours des hyperglycémies aiguës et sévères
Vrai : le facteur de correction ne serait plus 0,3 mais proche de 0,45
C – Lors d’une hyponatrémie hypotonique, le risque de survenue d’un oedème cérébral est conditionné par la rapidité d’installation du trouble
Vrai
D – Toute hyponatrémie, même asymptomatique, nécessite un traitement d’urgence
Faux : la correction brutale d’une hyponatrémie chronique asymptomatique peut se compliquer d’un oedème cérébral
E – L’évaluation du VEC est indispensable au diagnostic étiologique d’une hyponatrémie hypotonique
Vrai
V
A – Le syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH (SIADH) est associé à une antidiurèse anormale
Vrai
B – Le taux d’ADH plasmatique est fondamental pour confirmer ou infirmer le diagnostic
Faux : le taux d’ADH plasmatique est variable, normal ou augmenté Anesthésie-Réanimation Hyponatrémies en réanimation 36-860-A-06
3
C – Le SIADH se distingue du cerebral salt wasting (CSW) par l’existence d’une hypovolémie
Vrai
D – Dans les hypothyroïdies sévères, l’hyponatrémie est essentiellement due à un taux élevé d’ADH
Faux : l’origine de l’hyponatrémie est multifactorielle : bas débit cardiaque, insuffisance corticosurrénalienne, hypovolémie…
E – Au cours d’une hyponatrémie à VEC diminué, la natriurèse permet d’orienter sur l’origine des pertes hydrosodées
Vrai : la natriurèse est généralement supérieure à 20 mmol.L-1 lorsque les pertes hydrosodées sont d’origine rénale et inférieure à 20 mmol.L-1 lorsque les pertes sont extrarénales
VI/
A – En postopératoire, les hyponatrémies sont le plus souvent liées, à l’utilisation abusive de solutés hypotoniques
Vrai
B – Les thiazidiques représentent la cause la plus fréquente d’hyponatrémie sévère médicamenteuse
Vrai
C – La conduite thérapeutique face à une hyponatrémie hypotonique est conditionnée par la gravité du tableau neurologique
Vrai
D – La myélinolyse centropontine est exclusivement liée à une recharge sodée trop rapide
Faux : d’autres facteurs étiologiques associés sont retrouvés : hypoxie, alcoolisme chronique, dénutrition, hypokaliémie…
E – Le traitement des hyponatrémies aiguës repose sur l’apport de sérum salé hypertonique
Vrai
VII/
A – Au cours du traitement des hyponatrémies aiguës, l’augmentation de la natrémie doit être inférieure à 15 mmol·L-1·j-1
Vrai
B – Le furosémide peut accélérer la correction d’une hyponatrémie
Vrai : tout particulièrement si l’osmolarité urinaire est égale ou supérieure à 200 mosm·L-1
C – Au cours des hyponatrémies chroniques symptomatiques, la vitesse de correction de l’hyponatrémie doit être lente
Vrai
D – La base du traitement des hyponatrémies chroniques asymptomatiques est la restriction hydrique
Vrai
E – Le traitement du SIADH chronique fait appel dans un premier temps à la restriction hydrique et au furosémide
Vrai

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