Résumé. – Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) comportent les infarctus cérébraux (80 % des cas) et les hématomes intracérébraux (20 % des cas) ; les hémorragies méningées constituent un groupe distinct.
La prise en charge optimale de tout accident vasculaire cérébral constitué devrait se faire de préférence dans une unité neurovasculaire. De nombreuses études randomisées ont montré le bénéfice de ces centres sur la mortalité, le degré de handicap 3 ou 6 mois après l’AVC initial, la durée du séjour hospitalier, le taux de retour à domicile, et le taux de déficit à moyen et à long termes.
Le bénéfice socioéconomique de ces unités neurovasculaires semble indiscutable.
Récemment, le traitement spécifique des infarctus cérébraux a beaucoup évolué. Le traitement le plus efficace est la thrombolyse cérébrale par le rt-PA (recombinant tissue plasminogen activator) réalisée dans un délai de 3 heures, à la dose de 0,9 mg·kg-1 (dose préconisée par le National Institute of Neurological Disorders and Stroke [NINDS]) administrée pendant 60 minutes, ou à la dose de 0,8 mg·kg-1 administrée sur une période de 90 minutes (protocole de Lyon). Le bénéfice de la thrombolyse est une augmentation de 50 % du nombre de patients indemnes de séquelles neurologiques à 3 mois, et ceci au prix de seulement 7 % d’hématomes intracérébraux. La thrombolyse intra-artérielle est plus particulièrement indiquée dans les thromboses du tronc basilaire et de l’artère vertébrale intracrânienne, faisant passer la mortalité de 95 % à 50 %.
Les autres méthodes antithrombotiques, aspirine, héparine non fractionnée ou de bas poids moléculaire (HBPM), n’ont qu’un effet marginal sur le pronostic.Cependant, le traitement par l’héparine participe à la prévention de la maladie thromboembolique veineuse.L’intérêt d’un volet décompressif dans les infarctus malins doit être discuté. L’hypothermie est à l’étude.Pour les hématomes intracérébraux, le traitement de base reste le traitement antioedémateux par le mannitol, et le contrôle de la pression artérielle. La méthylprednisolone a une certaine efficacité, mais son utilisation n’a pas été pas validée par des études randomisées. L’évacuation endoscopique, par un trou de trépan, des hématomes de plus de 20 mL dans les 48 heures, paraît intéressante. La craniotomie pour les hématomes lobaires et la ponction-aspiration-thrombolyse par voie stéréotaxique (pour les hématomes profonds) peuvent améliorer, dans certains cas, le pronostic, si elles sont pratiquées dans un délai de 24 heures. En pratique, la méthode endoscopique paraît la plus efficace.
Mots-clés : aspirine, évacuation endoscopique, hématome intracérébral, héparine, infarctus cérébral aigu, occlusion artérielle, thrombolyse intra-artérielle, thrombolyse intraveineuse.
Introduction
Les accidents vasculaires cérébraux constituent un des chapitres essentiels de la pathologie générale, puisqu’ils représentent la troisième cause de mortalité et la première cause de handicap, dans les pays développés [72].Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) comportent classiquement les infarctus cérébraux et les hématomes intracérébraux.
Les hémorragies méningées sont regroupées avec les AVC dans certaines statistiques.
Ce n’est pas la règle, car leur étiologie et leur évolution sont sensiblement différentes.
La prise en charge des accidents vasculaires cérébraux est très variable selon les pays, et, à l’intérieur d’un même pays, selon les régions. Beaucoup de centres hospitaliers ont négligé pendant longtemps la prise en charge des AVC, aussi bien pour l’accueil rapide en phase aiguë, que pour l’admission en centre de rééducation à la phase des séquelles.
Dans certains centres hospitaliers, au contraire, est née l’idée de créer des centres spécialisés spécifiques qui sont en liaison avec des services de réanimation.Même en l’absence d’une thérapeutique spécifique validée, l’apparition de centres d’urgence neurovasculaire aux États-Unis (Stroke Centers), en France et dans d’autres pays européens, a modifié favorablement la prise en charge de ces malades.
La thrombolyse est la première thérapeutique véritablement efficace dans les infarctus cérébraux [62]. Elle a été agréée en Allemagne en septembre 2000, et pourrait de ce fait recevoir l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France à court terme, probablement dans les mêmes indications. Sa mise en oeuvre modifierait radicalement le système de prise en charge des AVC, et entraînerait une augmentation programmée des centres spécialisés.
Dans cet exposé seront envisagés successivement :
– le transport et l’accueil dans un centre d’urgence spécialisé ;
– les thérapeutiques spécifiques des infarctus cérébraux ;
– les thérapeutiques spécifiques des hématomes intracérébraux.
Prise en charge précoce en centre d’urgence neurovasculaire
spécialisé des accidents vasculaires cérébraux
Cette prise en charge, à elle seule, apparaît comme un « traitement » essentiel des AVC. Actuellement, elle est très variable selon les structures sanitaires, et peut être classée en sept niveaux (tableau I).
Parmi les structures d’accueil, l’unité neurovasculaire classique correspond au niveau 3, avec des soins spécialisés, mais sans notion particulière d’urgence ni de soins intensifs, tandis que les unités d’urgence neurovasculaire (niveaux 2, 1 et 1+) sont caractérisées par une admission directe des patients, la disponibilité de soins intensifs ou continus, et par un accès direct à la neurochirurgie, la neuroréanimation et la radiologie interventionnelle.
La spécialisation de ces unités neurovasculaires (niveau 3) permet d’améliorer le pronostic (mortalité, handicap fonctionnel à 3 ou 6 mois, rapidité du retour à domicile) comparé à une hospitalisation en médecine générale ou en neurologie générale [11, 19, 27, 28, 31, 32, 33, 40, 41].Non seulement la qualité du devenir neurologique est améliorée, mais l’impact économique de ce type de prise en charge est favorable [32, 33]. Une méta-analyse a montré le bénéfice clinique de la prise en charge spécialisée des AVC [39], en notant une amélioration de la mortalité de 20 %, et des séquelles graves avec dépendance du patient de 30 %.
Les raisons de l’amélioration du pronostic, en dehors de la thérapeutique spécifique, tiennent aux éléments suivants :
– une surveillance neurologique continue, permettant la détection précoce des aggravations et la réalisation des scanners, ce qui permet un diagnostic anatomique rapide et donc une thérapeutique adaptée ;
– une qualité des soins plus exigeante, intégrant la qualification et l’expérience acquises par le personnel soignant ;
– une prévention systématique des accidents thromboemboliques, par l’utilisation des bas de contention, la mobilisation passive et la prescription des héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ;
Typologie des différents types d’acccueil des accidents neurovasculaires.
Selon le niveau de spécialisation et la qualité de l’accueil en urgence, on peut distinguer la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC) selon la typologie suivante :
– niveau 6 : hospitalisation sans urgence, en service ou clinique de médecine générale.
Le patient reste au domicile jusqu’à ce qu’une place soit libérée dans ces services : l’AVC n’est pas considéré comme une urgence ;
– niveau 5 : hospitalisation en service d’urgence non spécialisé (service d’accueil des urgences [SAU], unité pour l’accueil, le traitement et l’orientation des urgences [UPATOU]), sans prise en charge particulièrement rapide (hospitalisation en 12 ou 48 heures), réalisation du scanner dans un délai variable, pas de thérapeutique particulière sauf symptomatique, pas de transfert en neurologie, mais transfert enmédecine générale ;
– niveau 4 : accueil dans un service d’urgence non spécialisé (SAU, UPATOU), avec ou sans scanner réalisé en urgence, pas de thérapeutique neurologique particulière sauf symptomatique, transfert retardé en neurologie générale ;
– niveau 3 : accueil direct en unité neurovasculaire dans la journée et les jours ouvrables, mais sans accueil en urgence la nuit et le weekend, par un senior neurologue (pas d’astreinte), scanner possible dans les 24 heures, pas d’accès dans la structure même à la neurochirurgie, la neuroréanimation et la neuroradiologie interventionnelle ;
– niveau 2 : accueil en unité d’urgence neurovasculaire disposant de l’astreinte d’un neurologue senior 24 heures/24, 7 jours/7 et de lits de soins continus neurologiques, sans accès dans la structure même à la neurochirurgie, la neuroréanimation et la neuroradiologie interventionnelle ; scanner possible à l’arrivée. Hospitalisation dans les 3 heures possible, mais difficile ;
– niveau 1 : accès en hyperurgence (< 3 heures) à une unité d’urgence neurovasculaire disposant d’une astreinte de neurologues seniors et de soins continus neurologiques, avec scanner à l’arrivée, angio-IRM et imagerie par résonance magnétique (IRM) de diffusion-perfusion en urgence ; accès local à la neurochirurgie, la neuroréanimation et la neuroradiologie interventionnelle ;
– niveau 1+ : même procédure que niveau 1, mais avec en plus une garde sur place d’un neurologue senior, permettant :
– une plus grande rapidité d’admission et de traitement ;
– une surveillance permanente des malades graves par le neurologue senior.
Cette dernière modalité est la modalité optimale. Elle existe en France et particulièrement en Île-de-France, à Lille et à Montpellier.
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– une meilleure prévention des infections :
– bronchopulmonaires (compliquant le plus souvent une inhalation bronchique survenue à la phase initiale de l’AVC) :
– par l’arrêt provisoire de l’alimentation par voie orale en raison de la fréquence initiale des troubles de la déglutition et par la prévention des vomissements (prescription d’antiémétiques) ;
– par une kinésithérapie respiratoire adaptée ;
– urinaires par une surveillance attentive des sondes vésicales à demeure ;
– une prévention des complications digestives (ulcère de stress) par la prescription de médicaments anti-H2 ou d’inhibiteurs de la pompe à protons ;
– une meilleure assistance psychologique des patients en détresse.
Les unités d’urgence neurovasculaire (niveaux 2, 1, 1+) permettant de traiter les malades en moins de 6 heures, et selon les critères exigés pour la thrombolyse intraveineuse par le rt-PA en moins de 3 heures, cumulent les bénéfices d’une prise en charge rapide et d’une thérapeutique spécifique. Avec l’acceptation par l’Allemagne de l’AMM pour la thrombolyse par le rt-PA dans un délai de moins de 3 heures dans les seules unités d’urgence neurovasculaire, ce modèle est en passe de devenir le modèle européen de référence. Il reste qu’actuellement, en France, 5 % des patients seulement ont accès à des unités neurovasculaires, de niveau 3 à 1+, alors que ce chiffre atteint 40 % en Allemagne et 70 % en Scandinavie [19].
Lorsque l’assistance respiratoire est nécessaire, les malades doivent être admis directement ou secondairement dans un service de réanimation, celui-ci pouvant le plus souvent réaliser la surveillance de la pression intracrânienne et du doppler transcrânien.
Néanmoins, la majorité des accidents sylviens et des hématomes ne nécessite pas l’assistance respiratoire. Seuls, les grands infarctus dits « malins » [22], correspondant à des thromboses sylviennes complètes ou à des thromboses de la carotide, et les thromboses du tronc basilaire ou de la vertébrale intracrânienne, nécessitent l’intubation trachéale et la ventilation contrôlée, soit environ 5 % des malades.De même, les hématomes massifs ou en poussées oedémateuses nécessitent l’assistance respiratoire. Ainsi, dans les hôpitaux universitaires, la prise en charge optimale se fait par l’accueil en unité d’urgence neurovasculaire, avec la possibilité d’un séjour en réanimation soit d’emblée, soit secondairement pour « passer un cap ».
Dans les hôpitaux généraux, l’accueil en urgence des malades graves en réanimation est une bonne solution. Le dialogue permanent avec un neurologue d’astreinte, présent dans le service de réanimation et collaborant avec les réanimateurs sur les grandes décisions, éventuellement chirurgicales, est pertinent (niveau 4).
Traitement spécifique des accidents vasculaires cérébraux
Infarctus cérébraux
Les infarctus cérébraux aigus, encore appelés accidents ischémiques cérébraux constitués, présentent un déficit neurologique d’emblée dans près de 50 % des cas ; ils évoluent par à-coups dans 35 % des cas et présentent une évolution progressive dans 15 % des cas. Les accidents dont les symptômes régressent en moins de 24 heures sont qualifiés d’accidents ischémiques transitoires (15 % seulement de l’ensemble des accidents ischémiques) et posent des problèmes radicalement différents. Cependant le risque de survenue d’un infarctus constitué, estimé entre 5 et 8 % dans le premier mois, implique un diagnostic étiologique rapide, ce qui nécessite pour certains auteurs une hospitalisation en urgence.
Chez l’animal, la thrombolyse cérébrale avec le rt-PA s’est révélée inefficace après un délai de 3 heures. Ces constatations expérimentales ont fait définir une « fenêtre thérapeutique » de 3 heures [75]. Cette « fenêtre thérapeutique » de 3 heures a été choisie pour l’application de la thrombolyse aux infarctus cérébraux humains, d’abord dans des essais ouverts, puis pour le protocole d’étude en double aveugle du National Institute of Neurological
Disorders and Stroke (NINDS), publié en 1995 aux États-Unis [62].
Les résultats favorables de cette étude ont démontré que la rapidité du traitement apparaît, désormais, comme un paramètre essentiel de la prise en charge des infarctus cérébraux. Les agences du médicament ont suivi ces recommandations, aux États-Unis, au Canada, et récemment en Allemagne.
THÉRAPEUTIQUES ÉTIOLOGIQUES DE LA THROMBOSE
Thrombolyse cérébrale
La principale thérapeutique étiologique est la thrombolyse, dans la mesure où elle réalise la désobstruction de l’artère. Il y a deux types de thrombolyse : la thrombolyse intra-artérielle et la thrombolyse intraveineuse.
Thrombolyse intra-artérielle
La thrombolyse intra-artérielle (IA) suppose une prise en charge ultraspécialisée, avec une équipe de neuroradiologie interventionnelle disponible 24 heures sur 24. Elle est réalisée par voie fémorale, à l’aide de sondes sélectives ou supersélectives.
L’injection se fait soit par bolus au niveau du caillot, parfois après perforation du caillot, soit par perfusion lente.
La thrombolyse IA des thromboses basilaires, maladies mortelles dans 95 % des cas, a été proposée par des pionniers [23, 74], avec des molécules aussi différentes que l’urokinase, la pro-urokinase et le rt-PA. Avec ces différents fibrinolytiques, environ 50 % des malade ayant une thrombose vertébrobasilaire survivent [6]. Lorsque après la thrombolyse il existe une sténose sous-jacente de l’artère vertébrale intracrânienne et du tronc basilaire, certains auteurs proposent l’angioplastie secondaire, avec ou sans pose d’un stent [49].La thrombolyse IA des infarctus par thrombose de l’artère sylvienne, proposée initialement par Théron et al [65], a été validée dans un délai de 6 heures dans une grande étude en double aveugle, l’étude PROACT II, qui utilise une perfusion, dans le thrombus, de 9 mg de pro-urokinase pendant 2 heures [16]. À noter que certains opérateurs complètent la thrombolyse sylvienne, en cas de sténose persistante, par une angioplastie sylvienne [68].
La thrombolyse IA des thromboses de la carotide apparaît globalement peu efficace. Les thromboses distales de la carotide, avec enclavement du caillot dans la cérébrale antérieure et la sylvienne (thromboses en « T »), ne sont pas améliorées par ce traitement [74]. Dans les thromboses proximales de la carotide, la thrombolyse IA classique ne permet la recanalisation de l’artère que dans environ 12 % des cas [47]. De nouvelles méthodes utilisant la perforation du caillot carotidien à l’aide d’un microcathéter [50], ou l’angioplastie post-thrombolytique, avec ou sans pose d’un stent [24], sont actuellement à l’essai.
De ces différentes études, on retient que la thrombolyse IA des thromboses basilaires est une très bonne indication dans les thromboses basilaires et vertébrales intracrâniennes. En revanche, la thrombolyse IA des occlusions sylviennes ne peut pas être proposée dans tous les cas, compte tenu de l’important nombre de malades à traiter et de l’investissement nécessaire. D’autant que, dans ce cas, l’avantage de la thrombolyse IA sur la thrombolyse intraveineuse n’est pas établi. D’après les résultats de Furlan et al [16], le taux de récupération clinique à 3 mois après thrombolyse IA dans les thromboses sylviennes n’est que de 26 %, un chiffre inférieur au chiffre obtenu dans cette indication par la thrombolyse intraveineuse (46 %), il est vrai en l’absence de vérification artériographique [66].
Thrombolyse intraveineuse
La thrombolyse intraveineuse utilisant la streptokinase ou le rt-PA a fait l’objet de nombreuses études ouvertes. Les études en double aveugle ont montré que la streptokinase était dangereuse, à cause du risque d’hémorragies, et inefficace [13, 48, 61]. Concernant le rt-PA, les études de doses ont montré que le meilleur rapport bénéfice/risque se situait à 0,9 mg·kg–1 [8], tandis que l’étude française de phase II, avec 0,8 mg·kg–1, montrait 45 % de bons résultats [66]. Dans l’étude contrôlée américaine du NINDS [62], le rt-PA s’est avéré actif dans un délai thérapeutique de 3 heures et à la dose de 0,9 mg·kg–1 perfusée en 60 minutes : 39 % des patients ont une récupération neurologique complète à 3 mois, contre 26 % dans le groupe placebo. Les deux études européennes en double aveugle ont été menées dans le délai thérapeutique de 6 heures : ECASS I avec une dose de 1,1 mg·kg–1 [20] et ECASS II avec une dose de 0,9 mg·kg–1 [21]. Les résultats de ces deux études ne sont pas franchement positifs, mais la tendance est favorable à la thrombolyse. Une méta-analyse regroupant les patients de l’étude NINDS et les patients des études ECASS I et II traités en moins de 3 heures montre des résultats favorables [15].
L’étude de phase II menée en France [66], avec la dose de 0,8 mg·kg–1, en perfusion de 90 minutes, dans un délai de 7 heures (moyenne des temps d’administration de 4 heures), dans les infarctus du territoire carotidien, montre des résultats intéressants, le taux de mortalité n’étant que de 6 %, et une récupération complète à 3 mois est observée dans 45 % des cas. Le mannitol est utilisé dans les cas graves. L’étude de l’équipe de Cologne utilisant le protocole du National Institute of Health [18], avec 0,9 mg·kg–1 perfusés en 60 minutes, et dans un délai de moins 3 heures, montre seulement 40 % de bons résultats et une mortalité de 12 %.
Selon les résultats des études publiées, la pratique de la thrombolyse avec une dose de 0,9 mg·kg–1 dans un délai de 3 heures est donc éthique pour tous les infarctus. Elle est aussi justifiée dans un délai de 7 heures et avec une dose de 0,8 mg·kg–1 pour les infarctus du territoire carotidien, en sachant que, même dans ce cas, le traitement doit être le plus précoce possible.
Antiagrégants plaquettaires majeurs
En cardiologie, le rôle des molécules anti-GPIIb/IIIa est bien établi dans l’angor instable [63]. Dans les infarctus cérébraux, les premiers essais avec l’abciximab (Réoprot) administré dans un délai de 24 heures [60] montrent une tolérance excellente et des signes d’efficacité dans les accidents ischémiques. Des études complémentaires sont nécessaires pour préciser quel sous-type d’infarctus est susceptible de bénéficier de ces nouvelles molécules.
Une étude en double aveugle avec le Réoprot intraveineux dans un délai de 3 heures est en cours (étude AbESTT : Abciximab in Emergent Stroke Treatment Trial).
Thérapeutiques antithrombotiques classiques en phase aiguë
À côté des traitements étiologiques de désobstruction, divers travaux ont proposé l’héparine et l’aspirine en phase aiguë.
Héparines
· Héparine non fractionnée
– Héparine non fractionnée intraveineuse.
L’efficacité de l’héparine pour les infarctus d’origine cardioembolique est vraisemblable, mais n’a jamais pu être démontrée. Une étude contrôlée [14] n’a pas permis de démontrer l’efficacité de l’héparine. Néanmoins, la majorité des neurologues prenant en charge ce type de patients administrent l’héparine à une dose qui augmente le temps de céphaline activé (TCA) d’environ 1,5 fois par rapport à celui du témoin, et ceci pour les infarctus de taille modérée, d’origine cardioembolique certaine et sans transformation hémorragique. L’utilisation de l’héparine pour arrêter l’extension de la thrombose artérielle, présumée responsable des accidents dits « en progression », n’est plus retenue.
– Héparine non fractionnée sous-cutanée.
Le protocole IST (International Stroke Trial) [29] a étudié spécifiquement ce problème, sur un grand nombre de malades, avec un groupe héparine sous-cutanée à dose faible (5 000 UI deux fois par 24 heures) et un groupe avec une dose élevée (12 500 UI deux fois par 24 heures) dans un délai de 48 heures. Les deux groupes recevaient en plus 300 mg d’aspirine. Cette étude n’exigeait pas la réalisation d’un scanner à l’inclusion des patients. Pour l’analyse des résultats, les deux groupes héparine ne sont pas individualisés, et les résultats ne sont donnés que pour les groupes héparine versus placebo. Le biais méthodologique de cette étude est considérable, et il est difficile d’en tirer des conclusions valides. Selon les auteurs, il n’existerait pas de bénéfice de l’héparine sur la mortalité dans les 2 premières semaines (9 % versus 9,3 %), ainsi que sur les décès et la dépendance à 6 mois (62,9 % dans les deux groupes).
· Héparines fractionnées dites de bas poids moléculaire
L’étude TOAST (Trial of ORG 10172 in Acute Stroke Treatment) [64], utilisant une HBPM par voie intraveineuse contre placebo, dans un délai de 24 heures, n’a pas montré de résultats favorables dans l’infarctus aigu (toutes étiologies confondues) sur le pronostic fonctionnel à 3 mois. L’étude contrôlée de Kay et al [36] a montré un bénéfice de la nadroparine calcique sous-cutanée (Fraxiparinet) à la dose de 4 100 et 8 200 unités anti-Xa/j pendant 10 jours versus placebo, dans un délai de 48 heures. Le pronostic fonctionnel à 3 mois est amélioré avec la dose la plus élevée d’HBPM, et ceci sans augmentation du risque hémorragique. Il y a donc un bénéfice dosedépendant.
L’étude FISS bis (Fraxiparinet in Ischaemic Stroke Study) [25] semble contredire ce résultat, mais l’article définitif n’a pas été publié.
Ainsi, l’héparine non fractionnée par voie intraveineuse, et les HBPM n’améliorent pas le pronostic des infarctus cérébraux.
Cependant, elles participent à la prévention des phlébites et des embolies pulmonaires chez les patients alités atteints d’un infarctus cérébral.
Aspirine
Le protocole CAST (Chinese Acute Stroke Trial) [9] a comparé un groupe traité par l’aspirine (160 mg) pendant 4 semaines à un groupe témoin, le traitement étant institué dans un délai de 48 heures. Dans cette étude, entachée d’erreurs méthodologiques, les patients n’avaient pas systématiquement un scanner avant le traitement. Le groupe traité par aspirine avait une diminution de 14 % de la mortalité avant la 4e semaine (3,3 % versus 3,9 % ; p = 0,04), une réduction des récidives ischémiques (1,6 % versus 2,1 % ; p = 0,01), une réduction de 12 % de la mortalité et des AVC à 4 semaines (p = 0,03), une réduction non significative du nombre de patients décédés ou dépendants à 6 mois (30,5 % versus 31,6 % ; p = 0,08), tandis que le traitement a été associé à une augmentation non significative des hémorragies cérébrales dans les cas d’infarctus (dites « transformations hémorragiques ») (1,1 % versus 0,9 % ; p > 0,1).
Le protocole IST [29] a comparé, dans un délai de 48 heures, l’aspirine à dose de 300 mg/j dans un groupe, le placebo et l’association aspirine + HBPM dans les deux autres. Cette étude ne fournit que les résultats du groupe aspirine par rapport à ceux des deux autres groupes confondus. Selon les auteurs, l’aspirine entraîne une diminution des récidives précoces (2,8 % versus 3,9 % ; p < 0,001) et la mortalité-dépendance à 6 mois, mais n’a pas d’effet sur la mortalité à 14 jours (9 % versus 9,4 %) ; elle n’augmente pas les transformations hémorragiques (0,9 % versus 0,8 %), mais accroît les complications hémorragiques systémiques (1,1 % versus 0,6 % ; p < 0,001).
Utilisation pratique de l’héparine et de l’aspirine
Le dilemme est de savoir s’il vaut mieux prévenir efficacement la
maladie thromboembolique par une héparine, ou obtenir une minime amélioration du pronostic neurologique par l’utilisation de l’aspirine.
Compte tenu du caractère discutable des résultats observés avec l’aspirine, il est logique d’opter pour l’utilisation systématique de l’HBPM. L’adjonction de l’aspirine pourrait se discuter, mais le risque hémorragique devient alors important. En effet, lorsque le scanner est normal, les nouvelles méthodes d’imagerie comme l’IRM de diffusion ou l’IRM de gradient, objectivent souvent des complications hémorragiques [51].
Aspirine et héparine après thrombolyse
L’étude Multicenter Acute Stroke Trial – Italy (MAST-I) a montré que l’aspirine associée à la thrombolyse par la streptokinase, augmente le taux des hématomes intracérébraux [48]. On peut en inférer que l’aspirine est également dangereuse en association avec le rt-PA, et qu’il faut proscrire une telle association.
L’héparine, associée à la thrombolyse par le rt-PA dans les 24 premières heures, augmente aussi les saignements intracérébraux [66]. Ni l’étude NINDS, ni l’étude ECASS I ne comportaient de l’héparine dans les 24 premières heures [20, 62].
L’étude ECASS II, qui autorisait des HBPM dans les 24 premières heures, pour une dose rigoureusement identique à celle préconisée par le NINDS, a montré une discrète augmentation des hémorragies cérébrales [21]. Il faut donc proscrire la prescription d’héparine non fractionnée ou d’HBPM pendant les 24 premières heures, jusqu’au scanner du 1er jour. En l’absence de tout signe de transformation hémorragique, il est possible ensuite de prescrire l’héparine intraveineuse en cas de cause cardioembolique identifiée, lorsque l’infarctus est de taille moyenne (dans ce cas l’objectif est un TCA à environ 1,5 fois le témoin), tandis que les cas non emboliques peuvent bénéficier d’une HBPM.
La série de Lyon a montré qu’une augmentation des produits de dégradation de la fibrine (PDF) à plus de 150 mg·L–1 30 minutes après la fin de la thrombolyse, était un signe biologique qui multipliait par 7 le risque de saignement cérébral [67]. Il est clair que, lorsque ce type d’anomalie biologique est détecté, il est sage de suspendre tout traitement par l’héparine jusqu’à la normalisation des paramètres de la coagulation, y compris au-delà de la 24e heure, et dans ce cas de se limiter à l’administration d’une HBPM.
Chirurgie de désobstruction
La chirurgie de désobstruction qui a été proposée pour les embolies carotidiennes ou les thromboses carotidiennes, dans un délai de 6 heures [38], n’est plus appliquée, du fait de sa complication principale, l’hémorragie de reperméation.
TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES DE L’INFARCTUS
Traitement de l’ischémie : oxygénothérapie hyperbare
Cette méthode est logique sur le plan physiopathologique, dans la mesure où elle permet d’augmenter la pression partielle d’oxygène cérébrale, dont la chute est liée à l’ischémie. Cette élévation de la pression partielle en oxygène (PaO2) est susceptible d’améliorer la zone infarcie, ainsi que les zones dites de pénombre, dans lesquelles la chute de la pression partielle d’oxygène est moins nette en raison de la persistance d’un débit résiduel.
Les études en double aveugle sont rares. Le rôle positif de l’oxygénothérapie hyperbare (OHB) sur le pronostic à 1 an a été établi par l’étude de Lyon [52] et son innocuité, qui avait été mise en doute [2], a été démontrée. De nouvelles études sont nécessaires pour préciser les indications de la méthode.
Traitement de l’oedème cérébral
Le traitement de l’oedème cérébral est utile dans l’infarctus, particulièrement dans les infarctus malins correspondant à des thromboses sylviennes complètes ou à des thromboses de la carotide. L’administration du mannitol à la concentration de 10 ou 20 % toutes les 2 à 4 heures, tant que l’effet de masse de la zone infarcie est menaçant, est utile dans ces cas [37].
Une thérapeutique symptomatique de l’oedème cérébral, associant la réanimation hydroélectrolytique, la ventilation assistée après intubation, et la surveillance de la pression intracrânienne, est indiquée dans les formes sévères.
Traitement de l’hypertension intracrânienne : décompression en phase aiguë par volet
Cette méthode, testée lors d’essais ponctuels, a été réétudiée de façon plus
systématique par l’équipe de Hacke [57] dans les infarctus malins droits.
Ces auteurs préconisent la réalisation précoce, dans les 12 heures qui suivent le diagnostic d’une détérioration neurologique sévère, d’un très large volet. Ils constatent, dans une étude comparative ouverte, une importante diminution de la mortalité, et même du handicap. Le contrôle de l’hypertension intracrânienne par la réalisation d’un volet permet également une mise en jeu plus importante de la circulation collatérale. La méthode est aussi proposée pour les accidents hémisphériques gauches par certains auteurs.
Hypothermie
Elle est également proposée par Schwab et al [56], la température centrale du patient étant abaissée à 33-35 °C à l’aide de couvertures réfrigérantes. Cette méthode expose à la survenue de troubles du rythme cardiaque lors de la réascension thermique.
Contrôle de l’hyperglycémie
Il aurait un impact sur la diminution du volume de l’infarctus et sur le pronostic fonctionnel [71].
Hématomes cérébraux
Il s’agit d’une pathologie particulièrement grave, avec une mortalité à 3 mois variant de 35 à 52 % dans les séries publiées depuis l’avènement du scanner [1, 7, 10, 17]. Quatre survivants sur cinq sont dépendants à 6 mois [10]. Les facteurs de mauvais pronostic les plus importants sont l’âge, l’hypertension artérielle, la taille del’hématome, et la présence d’une inondation ventriculaire.
Anatomiquement, on distingue les hématomes lobaires et les hématomes profonds.Les symptômes sont d’emblée maximaux dans 40 % des cas, plus progressifs (ingravescent apoplexy) dans les autres cas. Une atteinte précoce de l’état de vigilance, et des vomissements, sont observés dans environ 50 % des cas. Une élévation de la pression artérielle, souvent très marquée, survient dans 90 % des cas. Des crises épileptiques sont observées chez 6 à 7% des patients, le plus souvent en cas d’hémorragie lobaire.
HOSPITALISATION EN CENTRE D’URGENCE NEUROVASCULAIRE
La prise en charge spécifique, dans un centre d’urgence neurovasculaire, est un « traitement » efficace, comme cela a été montré pour l’ensemble desAVC [11, 19, 27, 28, 31, 32, 39, 40, 41].
L’hyperurgence de cette prise en charge (moins de 3 heures, parfois moins de 7 heures), telle qu’elle est déjà réalisée dans certaines unités d’urgence neurovasculaire pratiquant la thrombolyse des infarctus cérébraux, permet d’appliquer un traitement
médical précoce, ou une évacuation chirurgicale de l’hématome. Il n’existe pas à l’heure actuelle d’arguments expérimentaux ou cliniques démontrant les avantages d’un tel traitement. Cependant, deux études randomisées ont montré des résultats favorables [3, 76] lorsque l’intervention neurochirurgicale était réalisée dans un délai maximal, respectivement de 48 et de 24 heures.
TRAITEMENT MÉDICAL
Traitement antioedémateux
Ce traitement utilise classiquement, le mannitol à 10 % ou 20 %, à des doses adaptées à l’importance de l’hypertension intracrânienne, sur des périodes pouvant durer 2 à 3 semaines, et les corticoïdes, essentiellement la méthylprednisolone (Solu-Médrolt).
L’administration précoce de ce traitement dans les 3 à 6 premières heures a probablement une certaine efficacité, mais ceci n’a pas été démontré par une étude randomisée [54, 59].
On peut avoir recours, en cas d’effet de masse menaçant, à des doses fortes de méthylprednisolone, qui peuvent aller jusqu’à 1 g/j administré à la seringue électrique ; des doses moins importantes, adaptées à l’effet de masse, par exemple 400 mg/j, ou 100-120 mg/j sont utilisées dans les 3 à 7 premiers jours. À ces doses, surtout en cas de sondage à demeure, il est prudent d’adjoindre un traitement antibiotique, en évitant les céphalosporines (cf infra).
Les études avec le glycérol [73] et l’hémodilution [30] n’ont pas non plus mis en évidence de bénéfice clinique significatif.
Traitement anticomitial
Il est raisonnable d’utiliser, à titre préventif, dans les hématomes lobaires affleurant à la corticalité, ou dans les hématomes franchement corticaux, un traitement anticomitial utilisant la phénytoïne (Di-Hydant) ou le valproate de sodium (Dépakinet).
En cas de crise partielle ou généralisée, inaugurale ou survenant en cours d’évolution, le traitement anticomitial est a fortiori systématique. Le traitement des états de mal, inauguraux ou intercurrents, fait appel aux benzodiazépines injectables ou à la phénytoïne injectable (Dilantint).
En cas de traitement antibiotique, il est raisonnable de ne pas utiliser de dérivés des bêtalactamines, en particulier les céphalosporines, du fait de leur effet proconvulsivant.
Traitements symptomatiques
Le patient ayant un hématome intracérébral doit être maintenu en normovolémie et en normothermie. Le bilan hydrique est maintenu en ajoutant à la diurèse quotidienne les pertes hydriques insensibles normales (500 à 800 mL/j) ainsi que 300 mL par degré Celsius audessus de 37 °C, chez les patients fébriles. Cette surveillance est particulièrement importante pour éviter l’insuffisance rénale fonctionnelle induite par le traitement au mannitol.
La pression artérielle doit être surveillée de façon étroite, et contrôlée par un antihypertenseur administré de façon continue à la seringue électrique. Le plus utilisé est la nicardipine (Loxent injectable), avec un objectif de pression systolique inférieure à 150 mmHg et de pression diastolique inférieure à 90 mmHg.
Le but du traitement de l’hypertension artérielle à la phase aiguë de l’accident est de limiter le risque de poursuite du saignement au niveau d’une artériole rompue.
Traitement de l’aggravation par hypertension intracrânienne ou hydrocéphalie
Le traitement de l’hypertension intracrânienne est envisagé dans le fascicule 36-910-B-10 de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale.
Lorsque l’état d’un patient s’aggrave, et que la chirurgie n’est pas possible, le mannitol à doses croissantes, et des doses élevées de méthylprednisolone, peuvent permettre de passer un cap, le patient bénéficiant en outre d’une surveillance régulière au scanner. Si malgré ce traitement, l’état du patient s’aggrave, et si une détresse respiratoire apparaît, l’intubation et la ventilation assistée sont indiquées pour assurer l’hématose et/ou contrôler la pression intracrânienne. L’admission en service de réanimation permet en outre la surveillance de la pression intracrânienne, le maintien de cette dernière à moins de 20 mmHg étant essentiel. Les traitements habituels de l’hypertension intracrânienne sont les agents osmotiques, la correction de l’hypoventilation et la sédation.
En plus de l’effet de masse lié à l’hématome, l’hydrocéphalie secondaire peut contribuer à l’élévation de la pression intracrânienne, et doit conduire à la pose d’un drainage ventriculaire externe. Celui-ci ne doit pas être maintenu plus de 7 jours, du fait du risque infectieux, pour lequel une antibiothérapie prophylactique est d’ailleurs conseillée.
Prévention des embolies pulmonaires
Les thromboses veineuses patentes ou latentes, et les embolies pulmonaires, sont des complications fréquentes des hématomes intracérébraux. Bien qu’il n’existe pas de travail sur le sujet, la nadroparine calcique (Fraxiparinet) à la dose de 0,3 mL chez un adulte de 60 kg est compatible avec l’existence de l’hématome, et ceci à partir de la 24e heure. Cette dose de nadroparine ne provoque pas la reprise de l’hémorragie, et n’augmente pas le volume de l’hématome.
TRAITEMENT CHIRURGICAL
Le traitement chirurgical des hématomes spontanés demeure controversé. Idéalement, le but de la chirurgie est d’évacuer, aussi rapidement que possible, le plus grand volume d’hématome, et ceci avec le moins de dommages induits par le geste chirurgical au niveau du cerveau.
Techniques chirurgicales
– La technique chirurgicale classique est la craniotomie par volet, avec cortectomie et évacuation conventionnelle la plus complète de l’hématome. Elle permet de limiter l’élévation de la pression intracrânienne, mais peut entraîner des lésions cérébrales, en particulier dans les hématomes profonds. Elle est plus facile au niveau des hémisphères cérébelleux. Elle pourrait également permettre l’exérèse d’une malformation sous-jacente, tel un angiome.
Cependant, plusieurs études en double aveugle, qui ont comparé le traitement chirurgical au traitement médical, n’ont pas démontré de bénéfice de la chirurgie [5, 34, 43, 46].
– L’évacuation par ponction-aspiration stéréotaxique, par un simple trou de trépan, sans [4, 35, 42, 53] ou avec utilisation d’un thrombolytique pour liquéfier l’hématome [12, 44, 55], a été proposée. La ponctionévacuation stéréotaxique n’a pas fait l’objet d’études contrôlées. Les études ouvertes de ponction-aspiration simple [4, 35, 42, 53] utilisées dans les hématomes profonds, ont montré la difficulté à réduire la taille de l’hématome. L’utilisation d’un produit thrombolytique semble apporter une meilleure efficacité en matière de réduction du volume de l’hématome [12, 26, 44, 45, 55], mais l’efficacité globale n’est pas clairement démontrée : 25 % de décès, et 25 % seulement de récupération acceptable [45].
– La ponction-évacuation sous contrôle visuel endoscopique est un لاprogrès important : elle ne comporte qu’un trou de trépan, avec un abord de la cavité guidé par les ultrasons, l’évacuation (qui se fait par un autre canal du drain) se faisant sous contrôle de la vue, avec possibilité de révision de la cavité hémorragique et coagulation éventuelle des vaisseaux. Une étude randomisée avec cette technique a fourni des résultats favorables [3] : elle a inclus des hématomes de plus de 10 mL, évacués dans un délai de 48 heures.
Dans le groupe soumis au traitement chirurgical, le taux de mortalité à 6 mois a été significativement moindre que dans le groupe traité médicalement (42 % versus 70 % ; p < 0,01), tandis que le taux de récupération clinique comportant un déficit neurologique mineur ou l’absence de déficit, est significativement supérieur.
– Une stratégie multimodale, utilisant la chirurgie traditionnelle pour les hématomes lobaires (craniotomie) et la ponction-aspiration stéréotaxique avec l’injection de 6 000 UI d’urokinase dans les hématomes profonds, dans un délai de 24 heures (délai moyen entre l’accident et la réalisation de l’intervention de 8 heures 35 minutes) [76], a montré des résultats positifs sur le score neurologique du National Institute of Health (NIH) à 3 mois, mais non sur la mortalité globale. Dans la pratique, la grande étude prospective randomisée multicentrique comparant l’évacuation chirurgicale et le traitement médical, les deux traitements étant appliqués précocement, reste à mener.
Problème de l’intervention précoce
L’étude qui a utilisé le traitement multimodal décrit ci-dessus [76], et dont les résultats ont été favorables, a comporté un délai maximal de 24 heures pour la mise en oeuvre du traitement chirurgical.
Ainsi, le traitement très précoce des hémorragies intracérébrales spontanées pourrait bien s’avérer aussi important que pour les infarctus cérébraux. Wagner et al [70] ont montré, dans un modèle expérimental d’hémorragie intracérébrale lobaire chez le porc, que des protéines sériques provenant de l’hématome lui-même s’accumulaient dans la substance blanche adjacente, et entraînaient un oedème précoce et prolongé. Cet oedème interstitiel pourrait correspondre à l’hypodensité périlésionnelle visible de façon précoce au scanner cérébral, chez 70 % des patients évalués dans les 3 premières heures suivant l’installation des symptômes. Enfin, dans le modèle porcin d’hématome intracérébral, l’évacuation de l’hématome dans les 3 heures, a montré une réduction significative de l’effet de masse et de l’oedème autour de l’hématome à la 24e heure [69].
Indications chirurgicales dans les hématomes
Les seules indications chirurgicales indiscutables sont l’hématome intracérébelleux d’un diamètre de plus de 3 cm, et la menace d’engagement pour les hématomes hémisphériques.
Dans les autres situations, la chirurgie ne s’adresse qu’aux patients ayant un gros hématome, lobaire ou profond, et dont l’état neurologique se détériore. Pour justifier son évacuation chirurgicale, la taille de l’hématome doit être supérieure à 10 mL.
En cas de détérioration neurologique échappant au traitement médical, une intervention par voie endoscopique peut être tentée.
Rééducation neurologique
Dans les cas d’AVC comportant un déficit moteur après la phase aiguë, la prise en charge comporte une kinésithérapie après un certain délai (3 à 4 jours), visant à la mobilisation des membres atteints, et à une récupération plus précoce. Le transfert dans un centre de rééducation est, en l’absence de récupération rapide, la solution adoptée dans la plupart des centres. Le rôle fondamental de cette prise en charge secondaire a été souligné par des études randomisées [58].
Le retour à domicile, précoce lorsque les conditions sont favorables, plus tardif lorsque le déficit reste notable, est l’aboutissement du processus de réhabilitation.
Les aspects particuliers d’une vie après l’accident vasculaire cérébral soulèvent des problèmes sur lesquels on attire de plus en plus l’attention : vie professionnelle, vie sociale et même vie sexuelle (Love after Stroke, document de l’American Heart Association). Chez les sujets en activité professionnelle, le retour au travail, total ou partiel, après récupération, reste une possibilité non négligeable : à titre d’exemple, dans la série de patients porteurs d’infarctus cérébraux traités par thrombolyse, à Lyon, 42 % des malades en situation professionnelle active sont retournés au travail [66].
Points essentiels
· Quatre-vingts pour cent des accidents vasculaires cérébraux (AVC) correspondent à des infarctus cérébraux.
· La simple hospitalisation d’un AVC dans un centre neurovasculaire, et a fortiori dans un centre d’urgence neurovasculaire, provoque un bénéfice en termes de pronostic fonctionnel et de mortalité.
· Les AVC doivent bénéficier d’une hospitalisation précoce, idéalement dans les 3 heures.
· Dans les infarctus cérébraux, la thrombolyse intraveineuse avec le rt-PA (activateur du plasminogène) réalisée dans les 3 heures a montré son efficacité.
· La thrombolyse intraveineuse des infarctus cérébraux dans un délai de 6 heures et même de 7 heures peut être pratiquée.
· Dans les infarctus cérébraux liés à une thrombose du tronc basilaire ou de l’artère vertébrale intracrânienne, les meilleurs résultats sont obtenus en associant l’artériographie réalisée avant la 12e heure, et la thrombolyse intra-artérielle. Le délai de traitement peut aller néanmoins jusqu’à 24 heures.
· Dans les infarctus cérébraux, l’héparine en phase aiguë n’a pas d’effet prouvé. Les héparines de bas poids moléculaire ont un rôle capital dans la prévention des thromboses veineuses et des embolies pulmonaires.
· Dans les infarctus cérébraux, l’aspirine en phase aiguë a un effet démontré, mais marginal.
· Les hématomes intracérébraux bénéficient du traitement antioedémateux cérébral.
· Dans les hématomes intracérébraux, la chirurgie peut être discutée, mais seule l’évacuation endoscopique a un effet démontré.
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Questions et réponses: prise en charge des accidents vasculaires cérébraux
I
A – Une prise en charge spécialisée des AVC permet de réduire leur mortalité de 20 % environ
Vrai
B – Un accident ischémique cérébral dont les symptômes régressent en moins de 24 heures est qualifié d’accident ischémique transitoire
Vrai : le risque de survenue d’un infarctus constitué dans le premier mois (5 à 8 %) implique un diagnostic étiologique rapide
C – La thrombolyse cérébrale par le rt-PA doit être réalisée dans un délai de 6 heures
Faux : la thrombolyse cérébrale est inefficace après un délai de 3 heures
D – Le bénéfice de la thrombolyse est une augmentation de 50 % du nombre de patients indemnes de séquelles neurologiques à 3 mois
Vrai : et ceci au prix de « seulement » 7 % d’hématomes intracérébraux
E – La thrombolyse IA des thromboses basilaires a été abandonnée en raison d’une aggravation du pronostic
Faux : avec la thrombolyse IA, 50 % des malades ayant une thrombose vertébrobasilaire survivent
II
A – La thrombolyse IA peut être associée à une angioplastie lorsqu’il existe une sténose sous-jacente
Vrai : certains auteurs proposent l’angioplastie secondaire, avec ou sans pose d’un stent
B – La thrombolyse IA des thromboses de la carotide est peu efficace
Vrai : la thrombolyse IA des thromboses de la carotide apparaît, soit inefficace dans les thromboses distales, soit peu efficace (12 %) dans les thromboses proximales. De nouvelles méthodes sont à l’essai
C – Dans les occlusions de l’artère sylvienne, la thrombolyse IA est préférable à la thrombolyse intraveineuse en termes d’efficacité
Faux : l’avantage de la thrombolyse IA sur la thrombolyse intraveineuse n’est pas établi. La récupération à 3 mois serait même meilleure avec la thrombolyse intraveineuse
D – Le rt-PA administré en intraveineux dans un délai de 3 heures s’est révélé efficace à la dose de 0,9 mg·kg-1 en 60 minutes
Vrai
E – Le rt-PA administré en intraveineux dans un délai de 3 heures s’est révélé efficace à la dose de 0,8 mg·kg-1 en 90 minutes
Vrai
III
A – L’héparine non fractionnée par voie intraveineuse et les HBPM n’améliorent pas le pronostic des infarctus cérébraux
Vrai : cependant, elles participent à la prévention des phlébites et des embolies pulmonaires chez les patients alités
B – L’association aspirine et héparine augmente le risque hémorragique de façon importante sans améliorer le pronostic de façon significative
Vrai
C – L’héparine non fractionnée ou les HBPM sont à proscrire dans les 24 heures qui suivent une thrombolyse
Vrai : l’héparine augmente le risque hémorragique intracérébral
D – Une augmentation des PDF supérieure à 150 mg·L-1 30 minutes après la fin de la thrombolyse augmente de façon importante le risque de saignement cérébral
Vrai
E – Une augmentation des PDF supérieure à 150 mg·L-1 30 minutes après la fin de la thrombolyse contre-indique l’héparine, même audelà de la 24e heure
Vrai : dans ce cas, il est préconisé de suspendre tout traitement par l’héparine jusqu’à la normalisation des paramètres de la coagulation
IV
A – Les facteurs de mauvais pronostic les plus importants dans les hématomes cérébraux sont l’âge, la présence d’une hypertension artérielle, la taille de l’hématome et la présence d’une inondation ventriculaire
Vrai
B – Le traitement antioedémateux fait appel au mannitol à 10 ou 20 % et à la méthylprednisolone
Vrai : bien que l’efficacité de l’administration précoce de ces traitements dans les 3 à 6 premières heures n’ait pas été démontrée par une étude randomisée
C – Un traitement préventif anticomitial est utile dans les hématomes lobaires affleurant à la corticalité ou dans les hématomes corticaux
Vrai
D – L’objectif de PA en présence d’un hématome intracérébral est une PA systolique inférieure à 150 mmHg et une PA diastolique inférieure à 90 mmHg
Vrai : le but du traitement de l’hypertension artérielle à la phase aiguë de l’accident est de limiter le risque de poursuite du saignement au niveau d’une artériole rompue
E – Les seules indications chirurgicales indiscutables à l’heure actuelle sont l’hématome intracérébelleux de plus de 3 cm de diamètre et la menace d’engagement pour les hématomes hémisphériques
Vrai
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