Anesthésiques par Inhalation : ÉLIMINATION DES GAZ LORS DU RÉVEIL


Élimination pulmonaire
L'arrêt de l'administration d'anesthésique halogéné (FI = 0) se traduit par une baisse progressive de la concentration alvéolaire. FAO est la valeur de la concentration alvéolaire au moment du passage à FI = 0. L'évolution dans le temps du rapport FA/FAO est utilisée pour estimer la vitesse de dissipation de l'effet des différents anesthésiques par inhalation (fig 9). Les facteurs influençant le rapport FA/FAO sont les mêmes en sens inverse que ceux influençant le rapport FA/FI à l'induction.
Le débit de gaz anesthésique entrant dans l'alvéole est égal au débit cardiaque multiplié par la différence artérioveineuse de concentration d'anesthésique et le débit sortant d'anesthésique au produit de la ventilation alvéolaire par FA. La baisse de FA/FAO est d'autant plus rapide que l'anesthésique est insoluble et que la ventilation alvéolaire est élevée. La faible solubilité dans le sang des nouveaux anesthésiques halogénés explique la baisse très rapide du rapport FA/FAO et la récupération plus rapide des principales fonctions cognitives qu'avec les anesthésiques de solubilité moyenne dans le sang [42]. La baisse de la concentration alvéolaire de protoxyde d'azote au-dessous des concentrations anesthésiques s'effectue en 3 à 4 minutes, quelle que soit la durée de l'anesthésie antérieure. Ainsi, il n'est pas nécessaire d'interrompre de façon prématurée l'administration de N2O par rapport à l'heure de réveil escomptée. En revanche, il est nécessaire d'anticiper l'heure de l'arrêt de l'administration des anesthésiques halogénés de solubilité sanguine intermédiaire en tenant compte de la durée totale d'anesthésie.
L'équilibre de pression partielle des différents tissus en N2O est rapidement réalisé, en 10 à 15 minutes, ce qui explique que la vitesse de réveil après N2O soit indépendante de la durée d'exposition au N2O [13]. En revanche, il faut plusieurs heures pour saturer le muscle et la graisse avec l'halothane ; plus l'anesthésie aura été de longue durée plus les différents espaces de distribution de l'halothane auront été remplis et plus il faudra de temps pour les vider et obtenir une valeur de FA au-dessous de celle ayant des effets anesthésiques. Ainsi, moins l'anesthésique est soluble dans le sang mais aussi dans les tissus ; plus le réveil sera rapide et moins la vitesse de réveil sera dépendante de la durée de l'anesthésie. C'est pourquoi un réveil rapide et complet peut-il être obtenu avec le desflurane malgré une anesthésie de longue durée puisque cet anesthésique a un faible volume de distribution tissulaire. La vitesse de décroissance du rapport FA/FAO du desflurane est indépendante de la durée d'anesthésie [38]. À l'inverse, lors d'anesthésies de courte durée, la vitesse de réveil est peu influencée par la solubilité dans le sang de l'anesthésique .
Après une inhalation de brève durée, la courbe d'élimination ressemble à celle du N2O(fig 10).
Lors d'une inhalation de durée moyenne ou longue (plusieurs heures), la phase de réveil peut être retardée. Le retour à une concentration inférieure à la CAM est nécessaire pour obtenir le réveil. Si la concentration, en fin d'anesthésie, était de deux fois la CAM, le réveil pourrait être observé avec un décalage de plus de 20 minutes après l'arrêt de l'inhalation d'halothane par exemple.
Si les patients sont maintenus en ventilation spontanée, la dépression de la ventilation due aux anesthésiques retarde la phase de réveil puisque l'élimination des gaz anesthésiques est alors ralentie. L'hypoventilation alvéolaire secondaire à l'administration d'analgésiques centraux et/ou de myorelaxants, ralentit également l'élimination des agents inhalés. En pratique, le réveil peut être accéléré en cas d'inhalation prolongée d'halothane ou d'enflurane, par une phase d'hyperventilation plus ou moins longue selon la durée de l'inhalation antérieure.
Lors de la phase de réveil, l'arrêt brusque de l'inhalation de protoxyde d'azote peut produire un effet appelé hypoxie par diffusion. La quantité de protoxyde d'azote quittant le sang est beaucoup plus élevée que la quantité d'azote entrant dans le sang. Le protoxyde d'azote est en effet 34 fois plus soluble que l'azote dans le sang. Un plus grand nombre de molécules de protoxyde d'azote vient donc remplacer les molécules d'azote dans l'air alvéolaire. Ce phénomène entraîne transitoirement une dilution du contenu en oxygène alvéolaire. La baisse de la pression partielle alvéolaire d'oxygène s'associe à une baisse du contenu artériel en oxygène. Il existe aussi une diminution de la fraction alvéolaire de gaz carbonique par le même effet de dilution qui entraîne secondairement une hypoventilation alvéolaire et aggrave l'hypoxémie. Cet effet n'a pas de conséquence chez les sujets à poumons sains et peut être corrigé rapidement par l'administration d'oxygène pur durant 2 à 3 minutes à l'arrêt de l'inhalation de N2O. Le desflurane et le sévoflurane réduisent aussi le délai de réveil. Lors de la phase d'élimination, le rapport FA/FAO mesuré 5 minutes après l'arrêt des halogénés est en moyenne de 0,14 pour le desflurane et de 0,16 pour le sévoflurane, alors qu'il est de 0,22 pour l'isoflurane et de 0,25 pour l'halothane.
Élimination extrapulmonaire
La voie d'élimination naturelle des anesthésiques par inhalation est la voie respiratoire.
Très accessoirement, une très faible fraction peut être éliminée par voie cutanée. Les anesthésiques par inhalation sont des composés étrangers à l'organisme et, comme tous ces xénobiotiques, ils peuvent être dégradés, si leur formule chimique l'autorise, par le système des monoxygénases mixtes hépatiques fonctionnant avec l'un des isoenzymes du cytochrome P-450. Plus la formule chimique est stable, moindre est la probabilité de biotransformation. Cette biotransformation rend compte de certains effets secondaires.
Ainsi, la physiopathologie de l'hépatotoxicité de l'halothane fait-elle appel à une réaction immunoallergique entre un métabolite de l'halothane combiné à une des composantes de cytochrome P-450 au sein de l'hépatocyte [23]. Les accidents de néphrotoxicité dus au méthoxyflurane ont jusqu'a présent été attribués à l'augmentation de la concentration de fluor plasmatique ou intrarénal [3]. Le fluor est issu de la biotransformation hépatique du méthoxyflurane, mais également de l'enflurane et du sévoflurane catalysés par le système monoxygénasique.
Sans vouloir entrer dans le mécanisme de la néphrotoxicité induite par ces agents, il apparaît que l'action toxique du fluor est en partie remise en cause, puisque l'exposition prolongée au sévoflurane conduit à des concentrations plasmatiques élevées supérieures parfois au seuil de 50 μM·L-1 [24], mais sans qu'aucun accident de néphrotoxicité n'ait été rapporté [20], après plusieurs millions d'anesthésies au sévoflurane , ni qu'une diminution du pouvoir de concentration des urines n'ait pu être observée. Des valeurs estimées en pour-cent de la dose administrée sont proposées pour estimer quelle est la fraction de la dose métabolisée. Cette dose est en théorie égale à la concentration inspirée, multipliée par le débit inspiré, moins la concentration expirée multipliée par le débit expiré durant l'anesthésie, et durant la période postanesthésique. En fait, il existe quelques difficultés à mesurer cette fraction métabolisée : des concentrations faibles d'anesthésiques halogénés sont encore détectées plusieurs heures, voire plusieurs jours après une anesthésie à l'halothane ; l'halothane est métabolisé aux concentrations subanesthésiques.
À concentration anesthésique, l'halothane aurait plutôt un effet inhibiteur de son métabolisme.
Moyennant ces réserves, il est possible de comparer les agents entre eux et d'estimer que la fraction métabolisée représente environ 12 % pour l'halothane, 3 % pour le sévoflurane, 2,4 % pour l'enflurane, 0,2 % pour l'isoflurane et 0,04 % pour le desflurane [12]. La susceptibilité du desflurane à être biotransformé est estimée être 5 à 10 fois plus faible que celle de l'isoflurane

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