Péritonites




P. Montravers, F. Morazin, A. Cargeac
Les péritonites correspondent à une inflammation aiguë du péritoine dont les causes les plus fréquentes sont infectieuses, le plus souvent par perforation du tube digestif. Les germes impliqués sont ceux de la flore digestive (entérobactéries et anaérobies), mais des cocci à Gram positif et des levures peuvent être isolés dans les infections acquises à l’hôpital. Ces affections sont une urgence thérapeutique. Le diagnostic est le plus souvent clinique, avec l’aide des examens radiologiques. Le traitement est chirurgical et médical. Le traitement étiologique repose sur la chirurgie pour éliminer la cause de l’infection, effectuer une toilette péritonéale et prévenir la récidive. Le traitement médical prend en charge les conséquences de l’infection par la réanimation périopératoire et le traitement antibiotique dirigé contre les germes isolés des prélèvements périopératoires. Une antibiothérapie ne prenant pas en compte tous les germes isolés et une prise en charge tardive sont des facteurs de mauvais pronostic. De même, l’affection reste grevée d’une forte mortalité lorsqu’elle survient chez un sujet âgé, porteur de maladies sous-jacentes, opéré tardivement, tout particulièrement quand il s’agit d’une infection postopératoire.

Mots clés : Péritonite ; Urgence ; Antibiothérapie ; Anaérobies ; Entérobactéries ; Laparotomie ; Abcès ; Drainage ; Complications postopératoires,Ambulance Tunisia Taysir Assistance

Introduction
Les péritonites correspondent à une inflammation aiguë du péritoine dont les causes les plus fréquentes sont infectieuses.
Ces affections sont une urgence thérapeutique et nécessitent pour la plupart un avis et un traitement chirurgicaux. Jusqu’à une période récente, correspondant aux débuts de la chirurgie, ces infections étaient entachées d’une mortalité presque systématique. Les progrès réalisés par les techniques chirurgicales, la découverte des méthodes d’asepsie puis les antibiotiques ont amélioré d’une manière spectaculaire leur pronostic. Pour parvenir à ce résultat, une prise en charge multidisciplinaire soigneuse est indispensable, faisant intervenir au minimum le chirurgien, le radiologue, l’anesthésiste-réanimateur et le microbiologiste.






Définition
Ce terme général regroupe plusieurs types d’affections de nature très différente présentées dans les définitions ci-dessous. Seules les causes infectieuses sont abordées ici. Les péritonites de nature infectieuse sont caractérisées par la présence de pus dans la cavité péritonéale, collection liquidienne louche ou purulente, contenant à l’examen microscopique direct des leucocytes et éventuellement des bactéries visibles. Le diagnostic est confirmé par la culture positive de ce liquide.

Classification des péritonites
Du fait de leur grande hétérogénéité, les péritonites ont suscité plusieurs systèmes de classification. Les plus communément utilisés sont présentés ici. Ils ne sont pas exclusifs les uns des autres et permettent de mieux définir le type de l’infection.

Classification selon les circonstances de survenue
La classification dite de Hambourg est la plus utilisée (Tableau 1). [1]
 Une péritonite primitive est retrouvée lors d’affections médicales : péritonite spontanée de l’enfant, péritonite spontanée de l’adulte (pneumocoque, infection d’ascite, péritonite tuberculeuse), ou iatrogène (infection du liquide de dialyse péritonéale).
Dans ces affections, l’ensemencement de la cavité péritonéale résulte du passage de bactéries par voie hématogène ou par translocation vers la cavité péritonéale.
Elles sont la conséquence d’une altération des mécanismes de défense antibactérienne, touchant principalement le système réticuloendothélial, la fonction des polynucléaires neutrophiles (PNN) et les mécanismes de l’immunité humorale et cellulaire.
En cas d’identification bactériologique, dans la majorité des cas, une seule espèce est isolée avec, en dehors de causes spécifiques (pneumocoque ou mycobactéries), une prédominance de bactéries à Gram négatif (Escherichia coli), de streptocoques et de staphylocoques.
Le traitement de ces péritonites est médical et repose sur l’antibiothérapie. Les aspects cliniques et thérapeutiques de ces affections ne sont donc pas développés ici, car spécifiques de la pathologie médicale causale.Les péritonites secondaires sont les formes les plus fréquentes de ces affections.Elles sont observées lors d’une perforation du tube digestif ou de l’arbre biliaire, par disséminationdes germes digestifs dans le péritoine.[1]De multiples circonstances induisent ces infections (Tableau 2)Elles ont en commun d’être secondaires à une agression (perforation par maladie inflammatoire, traumatisme, intervention chirurgicale) et d’être caractérisées par des prélèvements microbiologiques généralement plurimicrobiens associant des germes issus de la lumière digestive, aérobies et anaérobies, voire des levures. Le traitement chirurgical est impératif et doit être systématiquement associé à un traitement anti-infectieux.
Une péritonite tertiaire correspond à une infection intraabdominale persistante au décours d’une infection initiale documentée. [1] Il s’agit toujours d’une infection secondaire d’évolution compliquée. Ces infections tertiaires se caractérisent généralement par un tableau de sepsis avec défaillances polyviscérales, pas ou peu de liquide intra-abdominal lors de la réintervention et pas de collections organisées. [2]

Tableau 1.
Classification de Hambourg des péritonites. [1]
Péritonite primitive
Péritonite spontanée de l’enfant
Péritonite spontanée de l’adulte (pneumocoque, infection d’ascite etc.)
Péritonite au cours des dialyses péritonéales
Péritonite tuberculeuse
Péritonite secondaire
Perforation intrapéritonéale (suppuration aiguë)
Perforation gastro-intestinale
Nécrose de la paroi intestinale
Pelvipéritonite
Péritonite après translocation bactérienne
Péritonite postopératoire
- Lâchage d’anastomose
- Lâchage de suture
- Lâchage de moignon
Autres lâchages iatrogéniques
Péritonite post-traumatique
- Péritonite après traumatisme fermé
- Péritonite après plaie pénétrante abdominale
Péritonite tertiaire
Péritonite sans germes
Péritonite fungique
Péritonite avec germes à faible pouvoir pathogène



Tableau 2.
Causes des péritonites.
Perforation de viscère suite à une maladie évolutive
(ulcère, cancer, occlusion, traumatisme, typhoïde, tuberculose,
CMV, affection opportuniste etc.)
Estomac
Voies biliaires
Côlon
Grêle
Diverticule
Utérus ou trompes
Vessie
Nécroses viscérales suivies de perforation dans le péritoine
Cholécystite alithiasique
Infarctus intestinal
Occlusion
Pancréatite aiguë
Cancer du pancréas
Extension de foyers infectieux développés
dans les viscères abdominaux
Appendicite compliquée (perforation ou abcès)
Cholécystite compliquée (perforation ou abcès)
Diverticulite compliquée (perforation)
Abcès hépatique compliqué (perforation)
Pancréatites aiguës et abcès pancréatiques
Abcès du rein ou périrénal
Abcès splénique
Salpingite compliquée (perforation ou abcès
Péritonites postopératoires
Lâchage de sutures
Contamination peropératoire
Translocation bactérienne

Classification selon la localisation anatomique
Certains auteurs ont proposé de différencier les péritonites en fonction de leur localisation anatomique. Les infections de l’étage sus-mésocolique concernent les affections gastriques, duodénales et d’origine biliaire. À l’étage sous-mésocolique, ces infections regroupent toutes les lésions du grêle, appendice et côlon. Cette distinction est basée sur la notion de résultats bactériologiques et de pronostics différents selon ces localisations.
Classification selon la sévérité de l’infection
Il est possible de classer les péritonites en fonction de leur sévérité initiale. L’utilisation de scores de sévérité généralistes (score APACHE ou score IGS II) [3, 4] ou spécialisés (Mannheim Peritonitis Index [MPI] ou le Peritonitis Index Altona [PIA]) [5, 6] permet de prédire la mortalité de groupes de patients comparables.
Des facteurs de gravité, pris isolément ou intégrés après pondération dans un score prédictif peuvent ainsi être dégagés. Les scores de gravité offrent la possibilité de contrôler les populations incluses dans les essais thérapeutiques et de les comparer. En aucun cas ils ne permettent à eux seuls de prévoir individuellement le pronostic. Cependant, plusieurs travaux ont montré que les patients atteints d’infections sévères avaient un pronostic plus mauvais et nécessitaient une prise en charge plus active en milieu de réanimation. [6, 7]
Classification selon l’environnement
Les péritonites peuvent survenir chez des sujets indemnes de toute pathologie préalable et non hospitalisés.
L’affection est alors une péritonite extrahospitalière, également appelée communautaire par les auteurs anglo-saxons.
Les péritonites peuvent survenir chez un patient préalablement hospitalisé. L’infection acquise durant le séjour hospitalier est alors une péritonite nosocomiale.Ce terme recouvre deux types de situations :
celle du patient développant une complication infectieuse au décours d’une intervention chirurgicale, réglée ou en urgence, septique ou propre. Il s’agit alors d’une péritonite postopératoire. Il peut également s’agir d’un patient hospitalisé pour une cause médicale et qui se complique durant son séjour d’une péritonite (par exemple patient hospitalisé en cardiologie opéré en urgence pour une perforation d’un diverticule sigmoïdien ou d’une perforation d’ulcère de survenue inopinée). Il s’agit alors d’une péritonite nosocomiale non postopératoire.

Physiopathologie des péritonites secondaires






Péritoine normal
Le péritoine est une membrane translucide qui tapisse toute la cavité abdominale.
Il est constitué d’une couche de cellules polyédrales de 3 μm d’épaisseur capables de produirede multiples médiateurs et molécules pro-inflammatoires (cytokines, médiateurs de l’inflammation, facteurs de coagulation etc.) en réponse à une agression. [8]

Un flux d’un liquide séreux issu de la circulation systémique d’une composition proche d’un ultrafiltrat est observé, dont les deux tiers sont réabsorbés par le péritoine pariétal.

Une partie de la résorption liquidienne est également effectuée par les lymphatiques via des pores appelés stomates situés au niveau du péritoine diaphragmatique. [8]
L’épiploon est un tissu complexe richement vascularisé qui joue un rôle très important dans la réponse immunitaire et la défense locale.

Observations cliniques
Les observations historiques conduites avant l’ère des antibiotiques et chez des patients non opérés ont montré qu’une péritonite suivait généralement une évolution en deux phases.
La période initiale de l’infection, qu’elle soit généralisée à toute la cavité péritonéale ou limitée à une partie de l’abdomen, est fréquemment septicémique. La mortalité précoce de ces affections est importante, dans un tableau de choc septique. Chez les patients non ou insuffisamment traités qui survivent à cette période initiale, une phase de confinement de l’infection est généralement observée avec constitution d’abcès multiples ou localisés.

Constatations microbiologiques
Dans les conditions normales, l’acidité gastrique s’oppose à la prolifération intraluminale des germes dans la partie susmésocolique du tube digestif, limitant la pullulation à 103 bactéries (exclusivement aérobies) par ml de liquide gastrique.
Au niveau intestinal, la concentration bactérienne s’accroît de 102-104 germes/ml dans le jéjunum (essentiellement aérobies) à 106-107 germes/ml dans l’iléon avec un équilibre entre les flores aérobies et anaérobies (ratio 1/1).
Le côlon est une zone de haute densité bactérienne (1012 bactéries par gramme de selles) avec une prédominance d’anaérobies (ratio ana/aérobies 3000/ 1). Les souches les plus fréquemment isolées dans le côlon sont Escherichia coli (108/g de selles), Klebsiella pneumoniae (106–8/g), Enterococcus spp. (108/g), Proteus spp. (106–8/g) pour les germes aérobies, Bacteroides fragilis (1011/g) et Clostridium spp. (1010/g) pour les anaérobies. En théorie, les germes anaérobies sont présents dans près de 100 % des cas. En fonction de l’alimentation et/ou d’une antibiothérapie préalable, l’isolement de Pseudomonas aeruginosa et de Candida spp. (principalement albicans) est possible.
En cas d’achlorhydrie gastrique ou d’hémorragie digestive  haute, l’augmentation du pH gastrique se traduit par une pullulation bactérienne dans la zone sus-pylorique. Il en est de même en cas d’occlusion où la stagnation des sécrétions digestives conduit à une pullulation bactérienne en amont de l’obstacle, expliquant la présence d’une flore de type iléal ou colique jusqu’au niveau gastrique. [9]
En fonction du type d’infection, les germes isolés sont différents. [10, 11] Ainsi, dans les infections extrahospitalières, les germes de la flore résidente sont isolés. Dans les infections postopératoires, des germes de type nosocomial sont plus fréquemment isolés (staphylocoques coagulase positifs, Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter spp.) dont le spectre de résistance aux antibiotiques est souvent élargi. [11, 12] La présence de ces germes est liée à la modification de la flore digestive des patients par une antibiothérapie préalable, même à dose unique.

Approche expérimentale
Les travaux expérimentaux ont confirmé l’évolution biphasique des infections abdominales. [13] Après inoculation chez l’animal, une phase initiale septicémique est observée conduisant à un décès précoce (3 à 7 premiers jours de la maladie) par choc septique dans une forte proportion des animaux. Chez les survivants, des abcès intrapéritonéaux se constituent en 5 à 7 jours.
Parmi la centaine de germes présents dans la flore digestive, seul un petit nombre d’entre eux qui fonctionnent en synergie joue un rôle pathogène important. Ainsi, Bacteroides fragilis accroît le pouvoir pathogène d’Escherichia coli lorsqu’ils sont inoculés ensemble. [14] Les anaérobies inhibent la fonction des PNN et permettent la prolifération d’autres bactéries telles que E. coli. [15] Les anaérobies encapsulés tels que Bacteroides fragilis nécessitent la présence de germes aérobies pour permettre la formation d’abcès. De plus, la capsule paraît être un élémentimportant en facilitant l’adhésion à la paroi péritonéale et en inhibant la phagocytose. [13, 15] D’autres synergies ont été décrites, comme par exemple avec Enterococcus faecalis. [16] Au total, les entérobactéries sont les germes responsables de la mortalité précoce des péritonites et les anaérobies sont impliqués dans la formation des abcès.

À la suite de ces études expérimentales, de multiples régimes thérapeutiques ont été évalués qui ont conclu à la nécessité de traiter les entérobactéries et les germes anaérobies. [13]

Diffusion systémique de l’infection
Les mouvements du diaphragme génèrent un flux céphalique du liquide péritonéal assurant une propulsion constante du liquide contenu dans la cavité abdominale vers le péritoine diaphragmatique.
En cas de contamination bactérienne, la mobilisation des viscères abdominaux par les mouvements respiratoires favorise la diffusion du liquide septique à toute la cavité abdominale.La relaxation expiratoire du diaphragme induit une pression intra-abdominale négative qui favorise l’absorption par les stomates diaphragmatiques du liquide et des particules présents dans le péritoine. [8]Cette absorption explique que dans les modèles d’infection expérimentale, la moitié des bactéries inoculées dans le péritoine soit captée par les lymphatiques diaphragmatiques, apparaisse dans le canal thoracique en environ 6 minutes et en moins de 30 minutes dans la circulation systémique, la rate et le foie. [17] Tous les germes inoculés ne sont pas retrouvés à une concentration identique dans les hémocultures et la durée de leur passage vasculaire est variable. Certains germes, tels que les anaérobies, pourraient avoir une diffusion systémique plus intense expliquant leur isolement fréquent dans ces tableaux cliniques.

Systèmes péritonéaux de défense
Les systèmes de défense mêlent très étroitement la réponse inflammatoire et la lutte locale contre l’infection.

Défense mécanique
Cette défense liée aux particularités anatomohistologiques du péritoine associe une absorption rapide des bactéries par les lymphatiques et un cloisonnement de l’infection conduisant à la constitution d’abcès (Fig. 1).
Les stomates diaphragmatiques contribuent à la clairance bactérienne rapide de la cavité péritonéale.
L’abolition de la contraction diaphragmatique réduit la clairance bactérienne péritonéale. [8] La localisation des abcès est expliquée pour partie par la gravité. [18, 19]La gouttière pariétocolique droite est
 considérée comme la zone préférentielle de communication entre l’espace sus- et sous-mésocolique avec des zones déclives d’accumulation de part et d’autre dans le cul-de-sac de Douglas et la zone sus-hépatique.
L’épiploon est, avec les stomates diaphragmatiques, le seul site capable d’absorber des particules libérées dans la cavité péritonéale.
De plus, l’épiploon participe au cloisonnement de l’infection en s’interposant devant les lésions viscérales ou les zones inflammatoires, isolant ainsi la région infectée du reste de la cavité péritonéale. De même, les adhérences formées par les exsudats fibrineux participent à la limitation de l’infection. [8]

Réponse humorale et cellulaire 
L’activation du complément est un élément important et précoce des mécanismes de défense péritonéale.Le complément est impliqué dans l’opsonisation des micro-organismes, l’augmentation de la réponse inflammatoire, l’élimination des complexes immuns et des cellules apoptotiques et la lyse cellulaire. [20] De multiples travaux ont évalué les facteurs de recrutement cellulaire et ont confirmé le rôle des cytokines et des molécules d’adhésion. La présence dans le péritoine de bactéries vivantes ou de leurs débris provoque une réaction inflammatoire locale intense, beaucoup plus importante que la réponse systémique. [21]
La cavité péritonéale ne contient normalement que 300 cellules/ mm3, principalement des macrophages, quelques lymphocytes et des cellules mésothéliales desquamées. Dans les heures qui suivent l’agression, la réponse inflammatoire est marquée par un afflux de PNN (jusqu’à 3000/mm3). Cet afflux de PNN dans le péritoine est induit par les chémokines et suit des voies de recrutement préférentiellement locales.
Près de 45 % des cellules immunitaires de la cavité péritonéale sont des macrophages.
À la suite de l’agression, les macrophages développent une activité phagocytaire, une explosion oxydative et une activité sécrétoire, participant au recrutement cellulaire en libérant à leur tour des cytokines et des médiateurs pro-inflammatoires. En retour, les cytokines sécrétées par les PNN modulent les fonctions des macrophages. [8]
L’action procoagulante de la réponse inflammatoire influence également le pronostic de l’infection. La séquestration dans une matrice de fibrine des bactéries présentes dans la cavité péritonéale réduit leur dissémination et favorise la survenue d’abcès. [22]
La présence de bile, de sang, de débris nécrosés, de fils, de matières fécales ou de mucus limite également les propriétés des phagocytes péritonéaux et la bactéricidie locale. [9]
En clinique, les travaux sont encore peu nombreux sur la cinétique intrapéritonéale des médiateurs de l’inflammation.
Une concentration intrapéritonéale élevée de médiateurs proinflammatoires est notée, très supérieure aux concentrations plasmatiques (de 10 à 1000 fois selon les médiateurs). [23-25]
Au décours d’une intervention pour sepsis, les concentrations intrapéritonéales de cytokines reviennent très rapidement au niveau normal. [23, 24] Une forte corrélation existe entre les concentrations de cytokines et le pronostic. [25, 26]

Diagnostic clinique des péritonites




Infections extrahospitalières
Le diagnostic pose en général peu de problèmes. Il est basé sur des signes cliniques (Tableau 3). Le patient se plaint généralement de douleurs abdominales associées à des troubles du transit (nausées, vomissements, arrêt des matières et des gaz, etc.), le plus souvent dans un contexte fébrile. L’examen clinique met en évidence une douleur à la palpation de l’abdomen, une défense en cas d’examen effectué précocement ou une contracture des muscles de la paroi abdominale et une douleur du cul-de-sac de Douglas lors du toucher rectal. La principale incertitude concerne l’étiologie de l’affection. Le diagnostic étiologique est établi secondairement par la chirurgie (Tableau 2).

Chez les sujets âgés, les infections intra-abdominales peuvent se présenter avec une séméiologie minimale. [27] Ainsi, Cooper et al. ont montré que chez des sujets de plus de 65 ans, les nausées, les vomissements et la fièvre étaient observés moitié moins souvent que chez des sujets plus jeunes et la durée des symptômes était plus que doublée. [28] Dans ce travail, 14 % des patients de plus de 65 ans avaient une température de moins de 36 °C (contre seulement 3 % des patients plus jeunes). De plus, les causes appendiculaires paraissaient également moins fréquentes que chez les patients jeunes, alors que les causes sigmoïdiennes ou biliaires étaient plus fréquentes. [28] Lorsque ces éléments sont reconnus à un stade précoce, ils font poser parfois une indication opératoire même si le diagnostic n’est pas certain. Cependant, le plus souvent ces patients ne sont opérés qu’à un stade tardif. [27, 28]

Quel que soit l’âge du patient, un diagnostic retardé ou un traitement différé conduisent rapidement à une aggravation du tableau clinique. Des signes biologiques de souffrance tissulaire (élévation de la créatinine, thrombopénie, hypoxémie, ictère ou acidose lactique...) sont alors fréquemment constatés, voire un tableau de choc avec défaillance polyviscérale. [29, 30] 
 Chez des patients porteurs de maladies sous-jacentes (cardiovasculaire, respiratoire, rénale, etc.), la survenue d’une péritonite se traduit souvent par une décompensation brutale du tableau avec un état de choc ou une défaillance polyviscérale. L’insuffisance respiratoire aiguë est une circonstance fréquente de révélation d’une urgence chirurgicale tant chez les sujets âgés que chez les patients porteurs d’une insuffisance d’organe. Ainsi, un tableau de choc avec insuffisance respiratoire aiguë peut être l’élément révélateur d’une urgence abdominale pouvant à tort orienter vers un autre diagnostic (pathologie respiratoire ou cardiovasculaire).

Infections nosocomiales
Les patients hospitalisés peuvent développer une complication digestive en rapport avec leur maladie causale, ou indépendante (sigmoïdite, ulcère perforé...) (Tableau 2). Le diagnostic de péritonite est souvent effectué à un stade tardif. Une péritonite secondaire banale peut survenir chez un patient insuffisant rénal hémodialysé. Chez ces patients médicaux, l’intensité des signes abdominaux, la rapidité d’installation de l’infection et son caractère polymicrobien sont autant d’éléments évocateurs d’une infection chirurgicale (Tableau 3). Les signes de gravité et de décompensation brutale décrits dans les infections communautaires sont tout aussi applicables en cas d’infection nosocomiale.

Infections postopératoires
Elles sont observées chez 1,5 à 3,5 % des patients ayant subi une laparotomie, [31, 32] leur fréquence maximale est observée entre le 5e et le 7e jour postopératoire (Tableau 2). Un deuxième pic retardé correspond aux complications constatées au-delà de la seconde semaine. Le diagnostic est souvent difficile, marqué par la survenue d’une fièvre au décours d’une chirurgie abdominale, [33] isolée ou associée à des manifestations abdominales ou extra-abdominales (Tableau 4, Fig. 2). La présentation clinique peut être déroutante ou atypique et orienter dans une fausse direction. C’est le cas pour :
• des troubles de conscience, une agitation ou des troubles psychiatriques évocateurs de syndrome de sevrage alcoolique ou médicamenteux ou de confusion du sujet âgé ;
• une insuffisance rénale d’aggravation progressive, voire brutale, suggérant une complication toxique médicamenteuse ou une cause médicale d’insuffisance rénale ;
• une détresse respiratoire aiguë attribuée à tort à une embolie pulmonaire, un oedème pulmonaire ou une infection pulmonaire responsable de la fièvre ;
• un oedème pulmonaire lésionnel inexpliqué ou considéré comme une pneumopathie d’inhalation ou un oedème pulmonaire cardiogénique ;
• une thrombopénie ou des troubles de l’hémostase ;
• une cholestase inexpliquée pouvant faire évoquer une pathologie biliaire.
La clinique n’est généralement pas suffisante pour établir le diagnostic, sauf à un stade tardif ou en cas d’issue de liquide digestif par les drains ou d’une masse palpable anormale (Tableau 3).Quelques éléments liés au contexte opératoire peuvent orienter le clinicien. Ainsi, les interventions qui prédisposent le plus à un sepsis postopératoire sont celles effectuées dans un contexte septique, en situation d’urgence,chez un patient à risque d’immunodépression (corticothérapie, dénutrition, maladie inflammatoire du tube digestif etc.).
Ainsi, Krukowski rapporte une fréquence d’infection postopératoire de 0,1 % après une chirurgie propre passant à 6,5 % en cas de chirurgie septique. [36]
Ce sont surtout les conditions locales (zone irradiée ou cancéreuse) et la difficulté du geste chirurgical qui favorisent la survenue d’un sepsis postopératoire.Pettigrew et al.ont évalué prospectivement 113 patients opérés de résection colique.[37]Dans ce travail, 53 % des patients jugés à risque du fait de la difficulté du gestechirurgical ont développé une complication chirurgicale postopératoire contre seulement 15 % des patients jugés à risque faible.
Dans ce travail, lorsque des critères supposés refléter une immunodépression étaient analysés (âge, dénutrition etc.), l’incidence des complications était équivalente chez les patients à risque élevé et à risque faible. [37]
Enfin, l’expérience de l’opérateur est également un élément important à prendre en compte. [38]

Tableau 3.
Principaux critères cliniques et liés aux circonstances conduisant à une décision opératoire.
Suspicion d’une péritonite extrahospitalière ou nosocomiale
Plaie pénétrante de l’abdomen (péritonite extrahospitalière uniquement)
Pneumopéritoine
Signes d’irritation péritonéale (douleur du cul-de-sac de Douglas au toucher
rectal, défense abdominale)
Contracture abdominale
Occlusion ne faisant pas sa preuve ou avec fièvre
État de choc
Signes cliniques de défaillance viscérale
Suspicion d’une péritonite postopératoire
Critères formels de réintervention
Défaillance viscérale
Pus ou liquide dans les drains
Signes locaux cliniques et radiologiques
Fort doute diagnostique chez un patient à risque
Surveillance renforcée ne conduisant pas immédiatement à une réintervention
Hyperleucocytose croissante
Fièvre isolée inexpliquée
Troubles du transit isolés
Signes biologiques de défaillance

Place des examens complémentaires pour les péritonites

Biologie
Dans les péritonites extrahospitalières, les examens biologiques sont essentiellement utilisés pour évaluer le retentissement de l’infection. Chez les patients âgés, la fréquence de leucopénie (< 2000/mm3) paraît accrue par rapport aux sujets jeunes. [28] Dans les infections nosocomiales et postopératoires, les examens biologiques sont généralement décevants. Ainsi, une hyperleucocytose (> 12000/mm3) n’est observée que dans 60 % des cas de péritonite postopératoire, [34] mais ce signe est banal en postopératoire. Les autres examens biologiques ne permettent en général pas de s’orienter vers le diagnostic avant le stade de défaillance viscérale. Le bilan biologique permet d’évaluer les besoins de réanimation et est utilisé comme bilan préopératoire.
Enfin, la mesure des concentrations de certains marqueurs de l’inflammation (protéine C réactive, procalcitonine...) a été proposée comme élément du diagnostic par certains auteurs.
Ces éléments sont pour l’instant l’objet d’évaluation en clinique.

Iconographie
Dans les infections extrahospitalières, le cliché d’abdomen sans préparation (ASP), l’échographie abdominale et/ou la tomodensitométrie confirment le diagnostic et orientent le geste opératoire. La tomodensitométrie est généralement réservée aux situations complexes ou en cas de doute diagnostique. Dans les formes sévères, la tomodensitométrie ne doit être envisagée que si l’examen ne retarde pas l’intervention.
Dans les infections nosocomiales ou postopératoires, l’ASP est d’une rentabilité faible, concordant avec la clinique dans seulement 15 à 50 % des cas. [39] La recherche de collections ou d’abcès intra-abdominaux (sous-phréniques, pariétocoliques, culde- sac de Douglas) est le principal objet de l’échographie abdominale et de la tomodensitométrie (Tableau 3, Fig. 2). Dans le contexte d’une infection postopératoire, ces examens peuvent guider la décision opératoire, par exemple en cas d’augmentation de volume d’une collection. Un examen échographique ou tomodensitométrique « normal » n’élimine pas pour autant le diagnostic. De manière à documenter une perforation digestive inapparente à l’échographie ou à la tomodensitométrie, les auteurs proposent le recours à des examens radiographiques digestifs avec un produit de contraste non baryté (gastrografine) à la recherche d’une fuite extraluminale. Cependant, les résultats de cette opacification n’ont de valeur que lorsqu’ils identifient l’extravasation du produit de contraste. En cas de suspicion d’une complication postopératoire dans les 3 premiers jours après une intervention de chirurgie digestive, la décision de reprise chirurgicale peut être prise sans iconographie devant un tableau clinique de dégradation inexpliquée. [40] Au-delà du 3e jour, la reprise doit être encadrée par des examens iconographiques, au premier chef desquels la tomodensitométrie. [40]

Particularités microbiologiques
Les examens habituellement pratiqués sont les hémocultures et la culture de liquide péritonéal prélevé pendant l’intervention. [41]Une à deux hémocultures sont prélevées avant la mise en route de l’antibiothérapie.
Les péritonites sont rarement bactériémiques, des hémocultures positives n’étant rapportées que pour 10 à 15 % des patients. [10, 12] Dans les infections postopératoires, une bactériémie à germes « digestifs » peut être un élément d’orientation vers le diagnostic. [33]
Les prélèvements microbiologiques du liquide péritonéal sont indispensables à double titre : ils permettent d’une part d’adapter précisément le traitement antibiotique, et d’autre part ils permettent d’obtenir un reflet épidémiologique de la flore digestive des patients. [41] Les prélèvements du liquide péritonéal imposent de limiter tout contact avec l’air pour préserver la croissance des anaérobies.
L’échantillon doit être placé dans un milieu de transport pour anaérobie. Un examen microscopique direct et une mise en culture à la recherche des bactériesaérobies et anaérobies strictes et de levures avec réalisation d’un antibiogramme doivent être effectués.La sélection de l’antibiothérapie probabiliste est orientée par l’examen direct du liquide péritonéal, puis le traitement est adapté secondairement en fonction des résultats de l’antibiogramme. [41]
Chez les patients opérés et ayant bénéficié d’un drainage externe (lame, drain), il est inutile de mettre en culture les drainages ouverts car leurs résultats sont très difficiles à interpréter. [41] Il est impossible de faire la part entre la flore cutanée, la flore de l’environnement et les germes issus du drainage proprement dit.

Infections communautaires
La microbiologie des infections intra-abdominales communautaires est bien connue.Il s’agit le plus souvent d’infectionspolymicrobiennes impliquant des germes aérobies (entérobactéries, streptocoques et entérocoques)
et des germes anaérobies (Bacteroides, Fusobacterium, Clostridium etc.) (Tableau 5). D’autres bacilles à Gram négatif peuvent également être retrouvés dans 5 à 10 % des prélèvements tels que Pseudomonas aeruginosa ou Enterobacter spp., surtout après une antibiothérapie. [42]

Infections nosocomiales
Les études épidémiologiques ont le plus souvent regroupé les patients atteints d’infection nosocomiale et d’infection postopératoire, partant du principe que la flore intestinale était modifiée chez le patient hospitalisé ou soumis à une antibiothérapie depuis plusieurs jours. Dans une étude récente comparant près de 250 patients atteints d’une infection nosocomiale et 750 patients atteints d’une infection communautaire, nous avons montré une similitude dans les populations bactériennes isolées, tant en type de bactéries qu’en profil de sensibilité. [43]

Infections postopératoires
Dans les péritonites postopératoires, l’écologie microbienne est modifiée.
Ainsi, des espèces bactériennes comme Pseudomonas aeruginosa, Enterobacter spp., entérocoques multirésistants et Candida spp.
peuvent être retrouvées avec une fréquence accrue. De même, des souches telles que Enterobacter, Serratia, Citrobacter, Morganella, Acinetobacter et Pseudomonas peuvent être mises en évidence. [10-12]
Ces souches sont généralement résistantes aux antibiotiques habituels à l’exception des carbapénèmes et du céfépime.
Il est à noter la fréquence accrue des infections à Staphylococcus aureus résistantes à la méticilline. [12]Sawyer confirme ces résultats et ne retrouve, chez des patients de réanimation en état septique majeur, que 17 % de Escherichia coli et 7 % de Bacteroides fragilis. [44] Les infections monomicrobiennes (entérocoques, Candida, staphylocoques à coagulase négative) sont plus rares.

Infections tertiaires
Lors de reprises chirurgicales de patients atteints de formes tertiaires, soit les prélèvements microbiologiques sont stériles, soit leurs cultures ne conduisent qu’à l’identification de germes considérés comme peu pathogènes (entérocoques, staphylocoques à coagulase négative, Candida, etc.). [2, 45]

Prise en charge préopératoire du patient admis pour péritonite






Le bilan préopératoire doit être rapide de façon à ne pas retarder l’intervention. Cette période préopératoire doit être mise à profit pour objectiver et corriger les principales perturbations humorales et stabiliser les déséquilibres hémodynamiques et respiratoires. Quelles que soient les précautions prises, le patient doit être considéré comme hypovolémique et à risque de régurgitation.

Principes chirurgicaux pour péritonites



Indication opératoire
L’indication chirurgicale est formelle et immédiate dès que le diagnostic est suspecté (Tableau 3). Seule la chirurgie permet de faire un bilan étiologique complet de l’infection. Le pronostic est directement lié à la rapidité du diagnostic et du traitement. [29, 30] Les principaux critères conduisant à une décision opératoire sont présentés dans le Tableau 3.
Dans les infections nosocomiales ou postopératoires, les indications opératoires doivent être larges et précoces. Une intervention « pour rien » vaut toujours mieux qu’un sepsis dépassé, opéré trop tardivement. La part jouée par la clinique dans la décision de réintervention reste déterminante. C’est particulièrement le cas lors de la survenue d’une défaillance polyviscérale sans origine évidente ou d’issue de liquide digestif dans les drains.

Principes thérapeutiques chirurgicaux
Quelle que soit la pathologie, les objectifs de la chirurgie sont toujours identiques et reposent sur cinq préceptes :
• identifier la source de contamination ;
• supprimer la source de contamination ;
• identifier les germes en cause ;
• réduire la contamination bactérienne ;
• prévenir la récidive ou la persistance de l’infection.
L’abord chirurgical peut faire appel, en fonction de la pathologie, du terrain et de l’expérience de l’opérateur à une laparotomie ou à une coelioscopie.
L’abord coelioscopique premier des péritonites extrahospitalières trouve ses indications essentielles dans les perforations ulcéreuses duodénales et les péritonites appendiculaires en l’absence de plastron ou d’iléus paralytique important. L’abord par laparotomie médiane peut être envisagé d’emblée, en cas de contre-indication à la coelioscopie, si l’état hémodynamique du malade reste précaire, et dans toutes les infections nosocomiales ou postopératoires.
L’incision doit être large de façon à permettre une exploration complète de la cavité abdominale.
Chez l’adulte, il s’agira d’une laparotomie médiane, des voies d’abord électives étant le plus souvent utilisées chez l’enfant.
 Après des prélèvements bactériologiques systématiques, l’exploration de la cavité péritonéale implique un contrôle de toutes les régions déclives et de tous les viscères abdominaux, complété par une toilette péritonéale avec lavage abondant (15 à 20 litres).

Conduite à tenir vis-à-vis de la lésion causale
Lorsqu’un geste sur un viscère est rendu nécessaire, on recommande en général une exérèse d’emblée complète du foyer causal de la péritonite.La conduite à tenir vis-à-vis des extrémités digestives après une résection viscérale n’est pas clairement codifiée. On connaît le risque important de désunion d’une suture ou d’une anastomose digestive réalisée en milieu septique ou chez un malade en état de choc.
Enfin, une hémostase rigoureuse est nécessaire car une collection sanguine en milieu septique expose au risque d’abcès résiduel.

Place des réinterventions programmées
Dans les infections
 les plus sévères et tout particulièrement dans les infections postopératoires, il n’existe aucun moyen de drainer efficacement toute la cavité péritonéale. Ceci explique la fréquence des foyers résiduels et des reprises itératives chez 30 à 50 % des patients. [31, 46] Les réinterventions à la demande n’apportent pas totalement satisfaction, du fait du retard à la reprise parfois observé chez des patients complexes. Des réinterventions systématiques programmées toutes les 24-48 heures ont été proposées, jusqu’à obtention d’une cavité péritonéale macroscopiquement propre. [47] Cette technique est intéressante en cas d’éradication incomplète des foyers nécrotiques ou infectieux, ou en cas de doute sur la viabilité du tube digestif lors de la réintervention initiale, mais paraît surtout applicable chez les patients les plus graves.

Drainage du site opératoire
Le drainage reste discuté.
Il peut s’agir d’un drainage passif par des lames et/ou des drains placés en déclivité, d’un drainage actif par des drains aspiratifs multiperforés ou encore d’un drainage par capillarité de type Mikulicz.
 Dans les péritonites stercorales et les péritonites purulentes opérées tardivement, il est recommandé de réaliser un drainage systématique des régions déclives (sous-phréniques, gouttières pariétocoliques, cul-de-sac de Douglas...).
Il est inutile de réaliser des prélèvements microbiologiques sur ces drainages ouverts. [41]
L’irrigation-lavage postopératoire continue a fait l’objet de nombreuses études, mais n’a pas fait la preuve de son efficacité. [41] Cette technique est très contraignante. Ainsi, ces systèmes ont été progressivement abandonnés pour des motifs anatomiques (apparition en 24 à 48 heures de circuits préférentiels à l’origine de séquestres potentiellement septiques) et pour des motifs techniques (étanchéité difficile à obtenir, obstruction du drainage etc.). Pour favoriser le drainage de la cavité abdominale, et conserver le bénéfice des réinterventions itératives, certains auteurs ont proposé de ne pas fermer la paroi abdominale, réalisant des laparostomies. [48]
Les difficultés techniques (étanchéité), le risque majeur de fistule digestive sur des anses grêles fragilisées et l’absence de supériorité face à des réinterventions à la demande ont conduit à l’abandon de cette technique. Actuellement, seule l’impossibilité d’une fermeture cutanée impose une laparostomie. [41]

Places respectives de l’antibiothérapie et de la chirurgie
Un geste chirurgical adapté est indispensable pour obtenir un résultat satisfaisant. Néanmoins, l’antibiothérapie contribue à l’amélioration du pronostic. L’antibiothérapie joue particulièrement son rôle dans les premières heures de traitement, en limitant les bactériémies et en réduisant la fréquence de formation des abcès intra-abdominaux résiduels. Le traitement doit être débuté dès que l’indication opératoire est posée. Si le doute persiste quant au diagnostic et que l’indication opératoire reste en suspens, un traitement d’épreuve par une antibiothérapie isolée ne doit jamais être proposé. Cette attitude conduit à des tableaux cliniques ininterprétables, avec des retards thérapeutiques souvent dramatiques, tout en sélectionnant une flore souvent résistante au traitement antibiotique instauré. [11, 12, 42]

Choix de l’antibiothérapie pour péritonites



Pharmacodynamie des antibiotiques intrapéritonéaux
La diffusion des antibiotiques dans le péritoine est habituellement satisfaisante. Dans l’heure suivant l’injection de l’antibiotique, les concentrations plasmatiques sont 2 à 3 fois supérieures aux concentrations péritonéales. [49, 50]
 Cependant, les conditions locales de l’infection réduisent l’efficacité de l’antibiothérapie :effet
 inoculum important (inactivation des antibiotiques parallèlement à l’accroissement de l’inoculum bactérien), acidose locale, présence de corps étrangers et de débris cellulaires réduisant l’activité des antibiotiques, production par les bactéries d’enzymes inactivant les antibiotiques. Dans les abcès, les germes présents sont souvent en croissance ralentie, voire en phase quiescente et sont donc peu sensibles aux traitements antibiotiques. La constitution d’une « coque » autour de l’abcès ralentit et limite leur pénétration dans ce site jusqu’à l’annuler totalement. Il ne faut donc jamais compter sur un traitement antibiotique isolé pour stériliser un sepsis intra-abdominal. À l’opposé, le geste chirurgical par l’élimination de l’inoculum, des débris cellulaires et des corps étrangers, permet le retour à une efficacité satisfaisante des antibiotiques.

Principes généraux de l’antibiothérapie des péritonites
Le choix des antibiotiques doit être défini sous forme d’un document écrit décrivant les alternatives thérapeutiques pour les infections communautaires et pour les infections nosocomiales et postopératoires.
Les molécules choisies pour l’antibioprophylaxie ne doivent pas être utilisées.La sélection de l’antibiothérapie relève d’un choix raisonné, orienté par l’examen direct du liquide péritonéal.Le clinicien doit prendre en compte dans le traitement les entérobactéries et les anaérobies même si ces derniers ne sont pas retrouvés. [51]Le traitement doit être débuté rapidement, dès le diagnostic de péritonite suspecté et l’indication opératoire posée.
Il n’y a aucun risque de « négativer » les prélèvements peropératoires par une dose initiale d’antibiotique. [41] Le traitement probabiliste doit être réadapté secondairement en fonction des résultats de l’antibiogramme. [41]
Parmi les bêtalactamines, les pénicillines associées à un inhibiteur de bêtalactamases ont un spectre d’action adapté, accompagné d’une excellente diffusion dans le liquide péritonéal.
L’émergence de E. coli résistants ou intermédiaires à toutes les molécules de cette classe thérapeutique, doit inciter à la prudence. [41] Les céphamycines (céfoxitine et céfotétan) sont des céphalosporines de deuxième génération actives contre les entérobactéries et les anaérobies. Le céfotétan doit être actuellement évité, en raison d’une fréquence de résistance de Bacteroides fragilis proche de 25 %. [52]
Les anaérobies, principalement B. fragilis, sont actuellement résistants à la clindamycine pour 20 % d’entre eux. [52] Les anaérobies sont très faiblement résistants aux imidazolés.
L’utilisation des aminosides a fait l’objet de nombreux débats.
Leur administration est initiée pour une brève durée (< 3 jours), en phase probabiliste, en surveillant leurs concentrations plasmatiques. Un travail récent associant la pipéracilline + tazobactam à l’amikacine ne montre aucun bénéfice de l’adjonction des aminosides avec cet agent, que ce soit dans des infections communautaires ou nosocomiales. [10] Dans ce travail, la fréquence des insuffisances rénales était équivalente chez les patients recevant des aminosides et ceux n’en recevant pas. Les fluoroquinolones, bien que disposant de propriétés pharmacocinétiques intéressantes, ont été peu utilisées dans les infections intra-abdominales. [41] Leur spectre d’activité est limité aux germes à Gram négatif aérobies. Leur activité, souvent limitée vis-à-vis des germes nosocomiaux, réduit leur intérêt potentiel dans les infections nosocomiales et postopératoires.

Antibiothérapie adaptée versus inadaptée
La nécessité de traiter tous les germes isolés des prélèvements péritonéaux ou de se limiter au traitement des entérobactéries et des anaérobies a été l’objet de nombreux débats. Sur la base des résultats expérimentaux [13] et des premières études cliniques, il semblait qu’un traitement focalisé sur les entérobactéries et les anaérobies fût suffisant. Cependant, plusieurs travaux plus récents ont conduit à réviser cette analyse.
Dans les infections communautaires, Mosdell a montré que lorsque le traitement antibiotique empirique (soit les 48-72 premières heures postopératoires) ne prenait pas en compte tous les germes, une augmentation de la morbidité, de la fréquence des reprises chirurgicales et des abcès de paroi et un allongement de la durée de séjour étaient constatés. [53] De plus, un accroissement de la mortalité est observé chez les patients dont le traitement antibiotique n’est pas adapté sur les résultats définitifs des prélèvements péritonéaux.
Dans les infections postopératoires, des résultats comparables ont été rapportés. Ainsi, Koperna rapporte que 94 % des patients décédés avaient reçu un traitement antibiotique inadapté. [46]Enfin, un traitement initial ne prenant pas en compte tous les germes se traduit par une morbidité accrue et une mortalité doublée en comparaison avec une antibiothérapie adaptée. [12]

Le problème de la nécessité du traitement antibiotique a été plus spécifiquement évalué pour les entérocoques.Ces germes posent le problème de bactéries saprophytes du tube digestif, peu sensibles aux antibiotiques, dont le pouvoir pathogène spontané est modeste mais qui sont retrouvées très fréquemment dans les prélèvements des péritonites, tant communautaires que postopératoires.
Néanmoins, des échecs thérapeutiques et des bactériémies à entérocoques dont l’origine était le site opératoire ont été rapportés lors de traitements négligeant ce germe. [54, 55] Ces germes se comporteraient donc comme des facteurs de morbidité accrue, [55] mais pourraient être un facteur de mortalité dans les infections postopératoires. En l’absence de données fiables dans la littérature, il est recommandé de prendre en compte ces germes dans le traitement initial despatients les plus graves (sujet fragile, défaillance polyviscérale, choc septique, etc.), en cas d’antibiothérapie préalable, en cas d’infection postopératoire.

Place des infections fungiques
Les levures, principalement de type Candida, posent des problèmes équivalents à celui des entérocoques. Ces agents sont saprophytes du tube digestif et prolifèrent dans la lumière intestinale sous l’effet des traitements antibactériens intercurrents.
On admet que 20 à 30 % des sujets sains hébergent des levures de type Candida dans leur tube digestif. Dans les infections communautaires, les levures sont retrouvées chez les patients opérés d’ulcères perforés gastriques [56] ou de lésions coliques. Dans les infections postopératoires, les levures, principalement Candida, sont isolées dans près de 20 % des prélèvements, préférentiellement en cas de localisation susmésocolique. [12, 57]
Une surmortalité est probable en cas d’infection fongique. [12, 58] Dans une étude récente, quatre facteurs prédictifs d’isolement de Candida des prélèvements péritonéaux ont été identifiés : état de choc à l’admission, localisation gastroduodénale de l’infection, sexe féminin et antibiothérapie préalable. [59]
 Quatre variables étaient associées au décès : un score de gravité élevé à l’admission (score APACHE > 17), une insuffisance respiratoire aiguë à l’admission, une origine gastroduodénale de la péritonite et la présence de Candida à l’examen direct du liquide péritonéal. [60] Ces résultats soulignent le mauvais pronostic de ces infections et la valeur d’un examen direct positif à levure, témoin d’un inoculum massif. [59, 60]
Certains auteurs ont recommandé un traitement systématique antifungique dès la reprise opératoire de manière à éviter la dissémination de l’infection. [61] Une solution pourrait être de débuter un traitement probabiliste chez les sujets dont l’examen direct du liquide péritonéal retrouve la présence de levures, témoignant d’un inoculum important, [60] de même que chez les sujets à risque, ayant reçu un traitement antibiotique préalable et hospitalisés de manière prolongée. [62]

Stratification des choix de l’antibiothérapie
Bien que la démonstration soit faite que le traitement de tous les germes isolés dès la phase probabiliste soit associé à un meilleur pronostic, près de 30 % des patients dans les infections communautaires n’ont pas un traitement antibiotique efficaceet vont guérir malgré cette inefficacité partielle ou totale. [41]
Cette constatation illustre la nécessité d’un traitement antibiotique stratifié selon la sévérité des patients, les patients les plus sévères ne pouvant pas faire les frais d’un traitement inefficace. Cette stratégie a été suggérée par la conférence d’experts de la Société française d’anesthésie-réanimation sur les associations d’antibiotiques [63] et le consensus français consacré à la prise en charge des péritonites communautaires. [41]

Péritonites communautaires de faible gravité avec geste chirurgical complet
Le geste chirurgical fait l’essentiel du traitement. Les antibiotiques administrés ont pour objectif d’éviter les bactériémies précoces, la formation d’abcès de paroi et les abcès résiduels intra-abdominaux.
Les cibles bactériennes sont les entérobactéries et les anaérobies. Un traitement antibiotique par une monothérapie est suffisant. L’amoxicilline/acide clavulanique ou la ticarcilline/acide clavulanique ont un spectre d’action adapté. [51, 63]

Péritonites communautaires graves (hospitalisées en réanimation)
La gravité est liée soit au terrain (sujet âgé ou atteint préalablement d’insuffisance viscérale), soit à l’affection (score de gravité élevé ou défaillance viscérale liée à l’infection). Le pronostic de ces patients est meilleur quand l’antibiothérapie prend en compte tous les germes abdominaux dès la phase probabiliste. [53] Ainsi, lorsque l’on veut éviter les aléas d’un traitement antibiotique incomplet, il est préférable d’opter pour une association d’antibiotiques. Les traitements probabilistes suivants pourraient être proposés : amoxicilline/acide clavulanique (2 g × 3/j) + aminoside (gentamicine ou nétilmicine 5 mg/ kg/j en une ou deux injections), ticarcilline/acide clavulanique (5 g × 3/j) + aminoside (gentamicine ou nétilmicine). Bien que le rôle des entérocoques soit reconnu dans les complications infectieuses postopératoires, aucun consensus ne peut être obtenu sur l’obligation de les prendre en compte dans une antibiothérapie initiale. L’association de céfotaxime (2 g × 3/j) ou ceftriaxone (2 g × 1/j) + métronidazole (500 mg × 3/j) est largement utilisée mais ne prend pas en compte ces germes. [63]

Quelques cas particuliers de risque d’échec du traitement nécessitent une prise en charge particulière :
• le traitement chirurgical n’ayant pu assurer une éradication satisfaisante du foyer infectieux ;
• les patients vivant en institution ou ayant reçu une antibiothérapie préalable, chez qui le risque d’écologie bactérienne digestive modifiée est important impliquant Pseudomonas aeruginosa, Enterobacter cloacae, des entérobactéries multirésistantes ou d’autres bacilles à Gram négatif non fermentants.
Dans ces cas particuliers, le risque d’une impasse thérapeutique ne paraît pas acceptable ; le spectre thérapeutique pourrait être élargi en utilisant un traitement identique à celui utilisé dans les infections nosocomiales et postopératoires. [41, 63] La prise en compte des entérocoques dans le schéma thérapeutique doit être discutée.

Péritonites nosocomiales et postopératoires
Une bithérapie par des molécules qui associent une activité antianaérobie et une large activité antiaérobie est justifiée.
La pipéracilline/tazobactam (4,5 g × 4/j) ou l’imipénème (1 g × 3/ j) + amikacine (20 mg/kg en 1 à 2 injections par jour) sont indiqués. Cette association peut être arrêtée ou adaptée au troisième jour, en fonction de la flore intra-abdominale retrouvée à l’intervention. La vancomycine (15 mg/kg en dose de charge puis administration continue ou discontinue pour atteindre une concentration à l’équilibre ou en résiduel d’environ 20 mg/l) peut se justifier en cas de suspicion de staphylocoque méticilline-R ou d’Enterococcus faecium de haut niveau de résistance à la pénicilline (CMI > 16 mg/l). [63] La nécessité d’un traitement probabiliste antifungique est débattue. [62]

Péritonites tertiaires
Il ne paraît pas possible de faire des recommandations supplémentaires par rapport aux infections postopératoires.
La seule possibilité serait d’adjoindre un traitement antifongique jusqu’aux résultats microbiologiques du fait de la présence très fréquente de Candida spp. [2, 45

Suivi thérapeutique et pronostic des péritonites



Suivi thérapeutique
Les traitements sont adaptés:
en fonction des résultats des prélèvements microbiologiques peropératoires. À l’opposé, les cultures de drains ne peuvent être utilisées pour guider le traitement.
Le suivi thérapeutique des patients est basé sur l’évaluation des données cliniques et paracliniques. Le traitement complet d’une lésion abdominale évolutive se traduit théoriquement par un retour à une situation clinique normale (apyrexie, disparition de la leucocytose, réapparition du transit) en quelques jours. L’absence d’amélioration ou une aggravation secondaire peut correspondre à l’évolution d’une complication intra- ou extra-abdominale, mais aussi à une défaillance mono- ou polyviscérale, conséquence de la péritonite. Une complication doit être envisagée devant toute évolution clinique anormale.
En cas d’échec du traitement antibiotique, l’analyse de cet échec impose de rechercher en premier lieu un problème chirurgical non résolu. Les autres causes d’échec sont dues à un traitement antibiotique inadapté (spectre insuffisant, posologie insuffisante, émergence d’un ou plusieurs germes résistants, sites infectieux inaccessibles aux traitements) .
En cas de besoin, une laparotomie exploratrice peut être nécessaire pour établir le diagnostic. Dans tous les cas, une reprise chirurgicale inutile est moins dommageable pour le patient qu’une intervention trop tardive. L’attitude sera d’autant plus interventionniste que l’état clinique du patient est grave. [64] Bohnen rapporte une mortalité de 35 % en cas de réintervention précoce (dans les 24 heures suivant le diagnostic) contre 65 % en cas de réintervention plus tardive. [29] Cette attitude interventionniste doit être mise en balance avec le risque de lésions digestives iatrogènes.

Place de la radiologie interventionnelle
En cas de lésions cloisonnées (abcès), l’alternative à la réintervention est le drainage percutané .
Les drainages peuvent être guidés par échographie ou par tomodensitométrie. [19, 65, 66] Cependant, seule la chirurgie permet d’éliminer la présence de lésions associées. En effet, la présence d’un abcès n’élimine pas celle d’une péritonite persistante ou d’un lâchage de suture que le plus souvent seule la chirurgie peut traiter.
Aussi, un lâchage d’anastomose satellite d’un abcès est un facteur d’échec du drainage. En pratique, 30 % des abcès sont traités par drainage seul. [19, 66] Parallèlement à la mise en place du drain, une irrigation-drainage des abcès et une antibiothérapie dirigée contre les germes isolés sont effectuées.
Une surveillance clinique et tomodensitométrique régulière des abcès est recommandée. L’amélioration clinique doit être rapide et nette au décours du drainage. Au moindre doute ou en cas d’aggravation clinique sous drainage, une réévaluation est nécessaire avec indication éventuelle d’un drainage chirurgical ou d’un nouveau drainage percutané. Les complications ne sontpas inhabituelles (fistule digestive, drainage insuffisant, déplacement du drain etc.). [19, 65, 66] Une chirurgie de complément est proposée en cas d’aggravation clinique (10 % des cas) ou d’échec du drainage (10 à 20 % des patients).

Durée du traitement antibiotique
Dans les péritonites communautaires de forme peu sévère, un traitement antibiotique de brève durée (< 5 jours) est suffisant. [41] Dans les formes communautaires graves, la durée du traitement n’est pas établie. Il est en général poursuivi 7 à 15 jours. La reprise d’un transit digestif, le retour de l’apyrexie et la baisse de la concentration des leucocytes sont les trois éléments généralement retenus pour arrêter le traitement.
La durée du traitement dans une infection nosocomiale ou postopératoire n’est pas établie. Cette durée n’est probablement pas la même en cas de reprise précoce chez un patient sans défaillance viscérale et chez un sujet âgé, réopéré tardivement en défaillance polyviscérale. Cependant, les travaux sur ce thème manquent. Le traitement est en général poursuivi 7 à 15 jours [67] selon la sévérité initiale et la qualité du geste chirurgical. Un traitement plus prolongé ne sert à rien. Tout comme pour les infections communautaires, la reprise d’un transit digestif, le retour d’une apyrexie et la baisse de la leucocytose sont les trois éléments généralement retenus pour arrêter le traitement.

Pronostic
La mortalité des péritonites extrahospitalières varie entre 0 et 50 % selon la cause. [67] À la vue des données de la littérature, le terrain paraît jouer un rôle considérable dans le pronostic : âge avancé, pathologies associées, immunodépression, défaillances d’organe, dénutrition, etc. Le retard à l’intervention chirurgicale, source d’accroissement de l’inoculum bactérien, est un facteur de gravité reconnu. [29] Une antibiothérapie initiale inadaptée est aussi un facteur de gravité. [53]
La mortalité des péritonites postopératoires est très variable de 30 à plus de 70 %. [12, 68, 69] Le délai de la réintervention est un facteur de pronostic. [29] Le nombre des défaillances viscérales est également à prendre en considération. Pour Mäkelä, [70] le décès est observé chez 35 % des patients atteints d’une défaillance viscérale unique, 75 % des patients avec deux défaillances et 100 % de décès avec trois défaillances. La réintervention en urgence est donc nécessaire au stade des défaillances viscérales. [35] Dans le travail de Bohnen, [29] la mortalité était de 61 % chez les patients porteurs d’une défaillance viscérale réopérés précocement (< 24 h) contre 88 % chez les patients réopérés au-delà de la 24e heure. La présence au moment de la reprise chirurgicale d’un état de choc, d’une insuffisance rénale ou d’une insuffisance respiratoire aiguë sont des éléments de mauvais pronostic, de même qu’une antibiothérapie initiale inadaptée. [12] Parmi les autres éléments intervenant dans le pronostic de ces patients, un âge avancé [12, 34] et des réinterventions itératives sont des critères à prendre en compte. Anderson et al. ont montré que le pronostic s’altère avec le nombre de réinterventions. [64] Ces résultats soulignent à nouveau le fait que tout délai dans la résolution des problèmes chirurgicaux est un facteur de mauvais pronostic.



 Points importants
• Les péritonites sont des urgences dont le traitement est chirurgical et médical.
• Un avis chirurgical est indispensable dans tous les cas.
• Dans les infections communautaires, le diagnostic est essentiellement clinique.
• Dans les infections postopératoires, le diagnostic doit s’aider des examens radiologiques.
• Les infections postopératoires sont des infections de très mauvais pronostic.
• L’antibiothérapie doit prendre en compte les entérobactéries et les anaérobies.
• Le rôle pathogène des entérocoques et des Candida est probablement minime dans les infections communautaires.
• Le pronostic est défavorable en cas de traitement chirurgical différé.
• Le pronostic est défavorable en cas de traitement antibiotique inadapté.
• Une stratification des traitements antibiotiques est possible en fonction du type d’infection.

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