Risque thromboembolique et hémorragique en chirurgie urologique de l’adulte

Risque thromboembolique

En l’absence de facteurs de risque tels que le diabète, l’obésité, ou des antécédents thromboemboliques, le risque de thrombose est comparable à celui des autres types de chirurgie avec une incidence des thromboses veineuses distales de 10 %, et des embolies pulmonaires de 0,1 à 0,7 %. [7] Ce risque est favorisé par les pathologies cancéreuses, la longueur de l’intervention, la position du patient pendant l’intervention et par le curage ganglionnaire exposant les vaisseaux iliaques externes.

Les recommandations pour la pratique clinique publiées en 1995 justifient, surtout en cas de chirurgie pour cancer, le recours à un traitement anticoagulant préventif par héparine de bas poids moléculaire (HBPM), débuté la veille de l’intervention, éventuellement associé au port de bas de contention, pendant la durée de l’hospitalisation. [5]

La durée du traitement doit coïncider avec celle du risque thromboembolique. Ce traitement doit être maintenu jusqu’à déambulation active et complète du malade.

Une injection préopératoire d’HBPM, ou d’héparine calcique de plus courte durée de vie, n’est possible qu’en évaluant de manière approfondie le bénéfice de l’anesthésie locorégionale (ALR) par rapport au risque des héparines.
L’anesthésie rachidienne diminuerait à elle seule le risque thromboembolique. [5] Au décours de l’anesthésie rachidienne, la prophylaxie par HBPM peut débuter 6 à 8 heures après la ponction si celle-ci a été atraumatique. Si ce n’est pas le cas, le début de la prophylaxie est retardé. L’ablation du cathéter mis en place lors d’une ALR se fait 2 à 3 heures avant l’injection d’héparine. [5]


Risque hémorragique
La chirurgie urologique est une chirurgie potentiellement hémorragique du fait des rapports vasculaires dans la chirurgie du rein, de la difficulté de dissection des ailerons prostatiques lors de la cystoprostatectomie totale, de la prostatectomie radicale, ou même de l’énucléation d’un adénome. Au cours de la chirurgie de la prostate, il est classiquement suggéré que le risque hémorragique puisse être favorisé par une défibrination induite par la libération d’activateurs tissulaires du plasminogène. En fait, cette réaction physiologique est la conséquence de l’activation non spécifique de la coagulation et n’a pas d’incidence pathologique. [9]

Le cancer est une contre-indication classique à la récupération du sang épanché et à la réinjection des hématies après lavage.

Cependant, si la probabilité de réinjecter des cellules cancéreuses est réelle, le risque d’induire des métastases n’est pas prouvé et plusieurs travaux n’ont pas montré de majoration, par l’autotransfusion peropératoire, de l’incidence des métastases dans le cadre de la chirurgie urologique comme la prostatectomie radicale pour cancer, [22] la cystectomie totale, [35] ou même la néphrectomie totale pour cancer. [43]
La réduction du saignement du fait de l’évolution de la technique chirurgicale pose la question de l’intérêt de la transfusion autologue programmée (TAP). À titre d’exemple, Goh et al., en 1997, dans une série de 200 patients opérés d’une prostatectomie radicale par voie rétropubienne, observent que 95 % des patients ne reçoivent pas de transfusions de sang homologue, et que seulement 27 % des patients pour lesquels une TAP a été prévue ont été retransfusés. [28]

D’autre part, pour Guillonneau et al., la prostatectomie radicale par laparoscopie permet de réduire de manière significative le saignement peropératoire : les pertes sanguines sont estimées à 250 ml et moins de 1 % de patients sont transfusés dans une série récente. [32] Malgré ces progrès de la technique chirurgicale, il est nécessaire de prévoir un dispositif de transfusion rapide avec réchauffement en cas de saignement brutal pour toutes les interventions carcinologiques : cystectomie totale avec entérocystoplastie, néphrectomie élargie, en particulier s’il existe un thrombus de la veine rénale et/ou de la veine cave.

L’hémodilution normovolémique intentionnelle peropératoire trouve ses limites dans une valeur seuil du taux d’hémoglobine qui est variable suivant le terrain. Chez les patients âgés, porteurs de cardiopathie limitant les capacités d’adaptation du débit cardiaque, coronariens ou souffrant d’hypoxémie chronique, le seuil du taux d’hémoglobine tolérable est plus élevé que chez les autres patients et ne saurait être inférieur à 10 g dl–1. [2]
Chez les patients présentant une anémie préopératoire, il est nécessaire de prévoir sa correction avant l’intervention avec un objectif transfusionnel de 10 g dl–1. Cette anémie limitera naturellement les possibilités d’hémodilution normovolémique intentionnelle au cours de l’intervention, compte tenu de l’altération de l’hématopoïèse.

Le seuil du taux d’hémoglobine tolérable est plus bas chez les autres patients, mais ne saurait être inférieur à 7 g dl–1.
L’érythropoïétine et la transfusion autologue représentent les solutions alternatives auxquelles il est nécessaire de recourir, en se référant aux recommandations de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes). En pratique, il est donc nécessaire d’élaborer, lors de la consultation d’anesthésie, une stratégie transfusionnelle reposant sur :
– une évaluation aussi précise que possible des pertes sanguines pour le type de chirurgie considéré et suivant la pratique de l’équipe ;
– une évaluation des « pertes sanguines autorisées » par l’état physique du patient sans qu’il soit nécessaire de le transfuser. Ces pertes sanguines autorisées dépendent :
– du volume sanguin théorique ;
– de l’hématocrite initial ;
– de l’hématocrite final que le patient est susceptible de bien tolérer.
C’est la confrontation de ces deux types de données qui permet de discuter le choix de la technique alternative la plus efficace car l’érythropoïétine (EPO) et la TAP n’ont pas les mêmes indications.
La TAP entraîne une baisse du taux d’hémoglobine trop importante si l’hémoglobine de base du patient est inférieure à 13 g dl–1 et l’EPO n’est pas indiquée si l’hémoglobine préopératoire du patient est supérieure à 13 g.

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