Traitement du syndrome occlusif



Traitement étiologique
Traitement des occlusions par obstacle
Obstacle au niveau de l’intestin grêle
La majorité des occlusions de l’intestin grêle est liée à une bride intrapéritonéale. Le traitement chirurgical n’est pas systématique, et est dicté par les signes de mauvaise tolérance intestinale [62].
 Dans un travail [62] portant sur 487 épisodes occlusifs chez 329 patients, les auteurs montrent que le traitement médical de l’épisode occlusif, c’est-à-dire mise à jeun et aspiration gastrique, permettait une diminution de la durée d’hospitalisation.
Cependant, la fréquence de récidive était plus importante (40,5 %) par rapport aux patients opérés (26,8 %), et le délai d’apparition d’un nouvel épisode occlusif était plus court, respectivement 153 versus 411 jours. La prise en charge chirurgicale consiste à lever l’obstacle sur l’intestin et à réaliser ou non une résection intestinale en fonction de sa vitalité. Une anastomose peut être pratiquée dans le même temps opératoire en l’absence de complication infectieuse [47].
Occlusions coliques
Le traitement chirurgical est l’attitude la plus décrite pour le traitement de l’occlusion colique sur cancer [47]. En cas de localisation droite, il est préconisé une colectomie droite avec anastomose en un temps ; en cas de localisation gauche, une anastomose est discutée en fonction de l’état du côlon susjacent et des conditions locales [14]. La mise en place de prothèse intratumorale est en cours d’évaluation. L’objectif est de lever l’obstacle et de réaliser un traitement palliatif ou bien de permettre une préparation colique afin de réaliser une chirurgie colique dans de bonnes conditions locales [14, 63]. Le volvulus du côlon droit nécessite un traitement chirurgical, qui consiste le plus fréquemment en une hémicolectomie droite. Le volvulus du côlon pelvien est traité, le plus souvent, par endoscopie.
Syndrome occlusif postopératoire précoce
Le traitement chirurgical ou médical est dépendant de la cause retrouvée à l’issue de la démarche diagnostique [36, 49]. En cas de diagnostic de syndrome occlusif postopératoire précoce de chirurgie laparoscopique, une reprise chirurgicale est préconisée en raison de l’incarcération, dans plus de la moitié des cas, des anses digestives dans un orifice de trocart, compromettant la vitalité digestive [39, 64].
Occlusions sans obstacle apparent
Iléus postopératoire prolongé
La cause de l’iléus postopératoire étant multifactorielle, il n’existe pas de traitement spécifique [20]. La présence de la sonde nasogastrique ne diminue pas la durée de l’iléus postopératoire, et la reprise précoce de l’alimentation entérale isolée ne diminue pas sa durée de façon cliniquement pertinente [19].
L’utilisation de morphiniques par voie parentérale augmente la durée de l’iléus contrairement à leur utilisation par voie péridurale [20]. Une approche multifactorielle semble plus efficace pour diminuer la durée de l’iléus postopératoire. Cette attitude a été évaluée dans le cadre de colectomies [65]. Dans ce travail, pendant les 48 premières heures postopératoires, tous les patients recevaient une analgésie par péridurale thoracique continue, ils n’avaient pas de sonde nasogastrique, ils étaient mobilisés à partir de la 8e heure postopératoire et l’alimentation était reprise dans les 24 heures postopératoires. Pour 57 des 60 patients étudiés, la reprise du transit intestinal était constatée dans les 48 heures postopératoires. Seuls deux patients ont présenté une fuite anastomotique [65]. Dans un autre travail [66], les auteurs ont pu montrer que la motricité gastrique de ces patients était comparable à celle des volontaires sains [66]. Ces études prospectives, mais non comparatives, nécessitent d’être validées par des travaux randomisés.
Aucun traitement prokinétique n’a actuellement montré d’efficacité sur la diminution de la durée de l’iléus postopératoire.
L’érythromycine, utilisée à de faibles doses (100 à 200 mg), augmente la vidange gastrique mais ne diminue pas la durée de l’iléus [67]. L’utilisation de la néostigmine en postopératoire est entachée du risque, certes discuté [68], de lâchage d’anastomose qui lui est attribué. Des études méthodologiquement convaincantes sont nécessaires.
Complications infectieuses postopératoires
Le traitement des complications infectieuses intra-abdominales postopératoires révélées par un syndrome occlusif n’a rien de spécifique. En fonction du délai de survenue, le traitement comporte soit une laparotomie avec prélèvements à visée microbiologique [42], soit un drainage des collections intrapéritonéales guidé par l’échographie ou la tomodensitométrie [69].
L’antibiothérapie probabiliste est secondairement adaptée aux différents prélèvements microbiologiques retrouvés, et des mesures non spécifiques de réanimation seront appliquées.
Colectasie aiguë idiopathique
Le traitement de la colectasie aiguë idiopathique repose sur la correction des facteurs favorisantcetteaffection(infection, hypovolémie,hypoxémie,troubles hydroélectrolytiques, arrêt des morphiniques)et sur l’arrêt de l’alimentation entérale. En dehors de nausées et de vomissements, le rôle d’une aspiration gastrique n’est pas démontré, compte tenu de l’absence de la dilatation gastroduodénale. Devant l’absence d’amélioration après 24 [57] à 72 heures, un traitement de décompression doit être envisagé compte tenu du risque de perforation caecale.Celui-ci est estimé à 23 % en cas de diamètre supérieur à 12 centimètres [44]. Historiquement, la valeur maximale de dilatation du caecum retenue était de 9 centimètres. L’efficacité de la néostigmine a été montrée dans des travaux non randomisés et deux études prospectives randomisés [57, 70]. Dans le travail de Ponec et al. [57], les patients étaient randomisés pour recevoir soit 2 milligrammes de prostigmine en intraveineux (11 patients), soit un placebo (dix patients). Dix patients du groupe traité et un patient du groupe contrôle ont eu une décompression colique (P < 0,001) dans une médiane de temps de 4 minutes après l’injection médicamenteuse. Chez huit patients, sept du groupe contrôle et un du groupe traité, on a dû recourir à une décompression digestive par colonoscopie,. Des effets secondaires à type de douleurs abdominales, hypersalivation, ou vomissement étaient notés chez plusieurs patients. Deux patients ont présenté une bradycardie ayant nécessité l’administrationd’atropine. Un deuxième travail [70], concernant des patients de réanimation, montrait que 11 patients sur 13, qui recevaient de la néostigmine (0,4-0,8 mg.h–1) en intraveineux continu, avaient une émission de selles dans les 24 heures.

D’autres traitements médicaux ont été proposés (érythromycine, métoclopramide, cisapride), mais aucun n’est recommandé compte tenu du manque de données dans la littérature.
La décompression par colonoscopie est proposée après échec des différents traitements médicaux. Cette procédure est techniquement difficile. De plus, le risque de perforation n’est pas nul et le bénéfice à long terme non démontré [14, 44, 46]. La prise en charge chirurgicale est indiquée en cas d’ischémie digestive ou de péritonite par perforation.

Traitement médical
Correction des défaillances d’organes
Quelle que soit la rapidité avec laquelle le traitement étiologique est mis en oeuvre, il convient de mettre en place rapidement un traitement médical adapté à la situation clinique [71].
Défaillance cardiovasculaire
Dans les cas les plus fréquents, la baisse de la volémie efficace n’est pas responsable d’une diminution du débit cardiaque ou de la pression artérielle en raison d’une hyperstimulation sympathique réactionnelle. Cependant, l’hypovolémie doit être corrigée avant l’induction de l’anesthésie, qui peut aggraver le tableau hémodynamique par diminution de la précharge cardiaque [72]. En cas de prise en charge tardive de l’occlusion, alors que la séquestration liquidienne est importante, l’hypovolémie peut être responsable d’un véritable choc hypovolémique nécessitant de procéder à une expansion volémique rapide.
Le choix du produit de remplissage peut se porter sur des cristalloïdes ou sur des colloïdes. La conférence d’experts [72] recommande, dans cette situation, l’utilisation de cristalloïdes, puisque la cause de l’hypovolémie est une perte hydrosodée, les colloïdes n’étant proposés qu’en cas de choc persistant (recommandation de grade B) [72].

L’effet du remplissage vasculaire doit être apprécié sur la clinique (pression artérielle, fréquence cardiaque, marbrures périphériques, débit urinaire) et éventuellement par des techniques plus invasives (mesure de la pression veineuse centrale, de la pression capillaire pulmonaire, doppler oesophagien, échographie cardiaque, etc.) [72]. Leur mise en oeuvre ne doit pas retarder la prise en charge chirurgicale.
Désordres métaboliques
La correction des troubles métaboliques est débutée dès la prise en charge du patient.
La déshydratation extracellulaire est la conséquence de la perte de liquides digestifs. La fuite de liquides hypotoniques peut être responsable d’une hypernatrémie et d’une déshydratation intracellulaire associée.
L’hypernatrémie est responsable de l’hyperosmolarité plasmatique pouvant entraîner des troubles neurologiques en cas d’installation rapide.
La réhydratation avec du sérum physiologique isotonique (NaCl 9 ‰) permet decorriger cette hypernatrémie d’installation rapide. Dans les cas d’occlusion d’installation lente, responsables d’une importante déshydratation avec une hypernatrémie importante, il est recommandé de ne pas dépasser une vitesse de décroissance de la natrémie de 0,5 mmol.l–1 par heure, soit environ 10 mmol.l–1 par jour afin de prévenir le risque d’oedème cérébral [59]. Dans ce cas, les solutés hypotoniques tels que le glucosé à 5 % ou à 2,5 %, le sérum salé à 0,45 % ou le Ringer lactate sont utilisés [59].
Le déficit hydrique à corriger peut être évalué selon la formule suivante :
DH = 0,6 × Poids × 1 - ([140][Na+])
DH = déficit hydrique
0,6 = volume de distribution de l’eau totale dans l’organisme
Poids = poids corporel en kg
[Na+ ] = natrémie mesurée en mmol.l–1
Cette formule n’est qu’indicative car elle sous-entend que le volume de distribution de l’eau totale représente 60 % de l’organisme et que le poids corporel du patient, avant l’apparition des troubles hydroélectrolytiques, est connu. Elle ne tient pas compte des modifications pouvant survenir au cours du traitement.Enfin, le déficit hydrique calculé n’est valable que si l’hypernatrémie est la conséquence d’une perte en eau pure, réalisant une déshydratation intracellulaire à volume extracellulaire normal,
situation exceptionnelle dans le cadre de l’occlusion intestinale.
Une autre approche consiste, non plus à calculer le déficit hydrique théorique, mais à calculer la variation de natrémie plasmatique entraînée par une solution donnée (D [Na+]) [59] :
D [Na+] = [Na+]+]sol - [Na+]+]plasm/Eau corporelle totale + 1
[Na+]sol = concentration sodique d’une solution de correction
glucosé à 5 % : [Na+]sol = 0
Ringer-lactate : [Na+]sol = 130 mmol.l–1
NaCl 9 ‰: [Na+]sol = 154 mmol.l–1
[Na+]plasm = natrémie mesurée
Eau corporelle totale = 60 % du poids corporel chez l’homme, 50 % du poids corporel chez la femme.
Ainsi, le volume par 24 heures de la solution choisie à perfuser est déterminé en divisant le maximum de variation de natrémie par jour à ne pas dépasser par D[Na+].
Dans le cadre de l’urgence chirurgicale, l’application de ces formules dans la détermination des volumes à administrer n’est qu’indicative, car il est nécessaire de tenir compte des compensations et pertes peropératoires.L’hypokaliémie, secondaire à une occlusion haute, associée ou non à une alcalose métabolique, nécessite une correction précoce prudente, évaluée par des dosages plasmatiques répétés.La carence alimentaire peut entraîner une hypomagnésémie, dont la normalisation débutera le plus tôt possible pour ne pas entraîner de retard à la reprise du transit.
Le traitement de l’insuffisance rénale fonctionnelle n’a pas de spécificité. Si l’insuffisance rénale survient sur des reins antérieurement sains, la correction de la volémie entraîne celle de la fonction rénale et des troubles métaboliques qui peuvent la compliquer.
Autres défaillances d’organe
En fonction de l’importance du dysfonctionnement respiratoire et de l’état de conscience, une intubation trachéale peut être nécessaire. Ce geste doit être réalisé avec le plus grand soin en raison du risque d’inhalation bronchique.
Autres mesures thérapeutiques
Sonde gastrique
La sonde gastrique est mise en place au moment de la suspicion du diagnostic. Le recueil d’un abondant liquide digestif gastrique, voire fécaloïde, permet de soulager le patient. Si son rôle n’est pas discuté en préopératoire, son maintien en postopératoire est plus discuté [34].
Antibiothérapie
L’antibiothérapie est dépendante de la cause du syndrome occlusif.
Une antibiothérapie prophylactique est indiquée en cas de prise en charge chirurgicale. Elle entre dans le cadre de la chirurgie abdominale sans ouverture du tube digestif. Sa principale justification est la diminution des bactériémies secondaires aux phénomènes de translocations bactériennes qui pourraient survenir en peropératoire [7, 73]. En cas de perforation digestive peropératoire, l’antibiothérapie doit être prolongée en postopératoire selon les recommandations en vigueur [74].Dans le cas où le syndrome occlusif révèle une péritonite, l’antibiothérapie doit être rapidement mise en oeuvre, sans attendre les prélèvements peropératoires.Elle contribue à réduire la survenue de bactériémies et d’abcès résiduels postopératoires et la rapidité de sa mise en oeuvre en complément de la chirurgie contribue à améliorer le pronostic [42, 75].
L’usage des antibiotiques n’est pas recommandé dans le traitement médical du syndrome occlusif, la survenue d’un syndrome infectieux étant plutôt le critère conduisant vers une prise en charge chirurgicale [14].
Prise en charge anesthésique
L’inhalation du contenu gastrique lors de l’induction de l’anesthésie est la principale complication redoutée dans cette période.

Elle justifie la prescription d’antiacide 30 à 60 minutes avant l’induction de l’anesthésie, (ranitidine ou cimétidine enforme effervescente) [76] et une induction selon la technique de « séquence rapide » [76], utilisant des hypnotiques d’action rapide et puissante qui dépriment les centres du vomissement et les réflexes pharyngolaryngés. L’agent de référence reste le thiopental en raison de sa rapidité d’action et de sa puissance d’effet. Le propofol peut également être utilisé, mais ses effets hypotenseurs lui confèrent un maniement délicat en cas d’hypovolémie. Bien que discutée, la succinylcholine reste le curare dépolarisant de référence en raison de son délai d’action inférieur à la minute et de la puissante dépolarisation qu’elle entraîne [77].
La compression cricoïdienne, ou manoeuvre de Sellick, a pour objectif de comprimer l’extrémité supérieure de l’oesophage pour éviter l’inhalation du contenu gastrique. Cette compression doit être appliquée au début de l’induction et n’être relâchée qu’après vérification de la bonne position de la sonde d’intubation. Même si cette manoeuvre est controversée [78], elle reste recommandée dans cette situation.
Autres éléments thérapeutiques. En cas d’atteinte pulmonaire, le réglage du ventilateur respecte les recommandations actuelles consistant à délivrer de plus petits volumes courants (6 à 8 ml.kg–1) à une plus grande fréquence, afin de limiter les pressions de plateau à 30-35 cmH2O. Compte tenu des effets hémodynamiques néfastes en cas d’hypovolémie, l’utilisation d’une pression téléexpiratoire positive doit rester prudente.
L’équilibre hémodynamique peut être particulièrement difficile à maintenir durant la période per- et postopératoire.
L’instabilité hémodynamique est d’autant plus marquée que l’hypovolémie est profonde et qu’il existe une complication infectieuse. La surveillance hémodynamique est donc dépendante de l’état clinique du patient, du terrain sur lequel survient l’occlusion, et du délai de prise en charge. Le remplissage vasculaire peut être ajusté grâce aux mesures répétées de la pression veineuse centrale ou de la pression capillaire pulmonaire [72]. Des travaux plus récents suggèrent qu’un remplissage vasculaire guidé par la réponse du volume d’éjection systolique permettrait d’améliorer le pronostic [79] en postopératoire. Le volume d’éjection systolique était mesuré grâce à une sonde de Doppler transoesophagienne [80].
D’autres paramètres hémodynamiques, basés sur les variations cycliques du volume d’éjection systolique lors de la ventilation en pression positive peuvent être utilisés.

 Points importants
• Le diagnostic de syndrome occlusif est porté devant l’association de douleurs abdominales, de vomissements et d’arrêt des matières et des gaz.
• Les examens cliniques et paracliniques doivent être orientés vers la recherche de la cause et des conséquences induites par l’arrêt du transit intestinal.
• Les occlusions peuvent être classées en occlusions par obstacle (intraluminal, intrapariétal et extraluminal) et en occlusions sans obstacle apparent, dont les causes sont très variées.
• Les occlusions sont responsables d’une déshydratation associée, à un degré variable, à des troubles hydroélectrolytiques, qui sont d’autant plus importants que l’occlusion est ancienne et située au niveau colique. Ces troubles doivent être pris en charge précocement.
• Le traitement étiologique, chirurgical le plus souvent, doit être mis en oeuvre d’autant plus rapidement qu’il existe des signes d’ischémie digestive.
• La prise en charge anesthésique des patients est à haut risque compte tenu de la possibilité d’inhalation lors de l’induction et au réveil de l’anesthésie.
• La tolérance hémodynamique peropératoire dépend de la gravité de l’occlusion et du terrain sur lequel survient le syndrome occlusif.

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