Anesthésie de l’opéré hypertendu







PRÉPARATION DU MALADE HYPERTENDU À L’INTERVENTION
Évaluation préopératoire
L’hypertension artérielle est un facteur de risque largement démontré de la pathologie ischémique cérébrale et cardiaque.
De nombreuses études épidémiologiques ont clairement mis en évidence la relation linéaire qui existe entre le niveau de pression artérielle et la fréquence de survenue des accidents vasculaires cérébraux ou des accidents coronariens. Ces études ont confirmé que la baisse de la pression artérielle à une valeur optimale diminue de façon significative la morbidité et la mortalité cardiovasculaires chez les malades hypertendus. [5, 15, 51] Chez les sujets âgés [80], la pression pulsée est un facteur prédictif des complications cardiovasculaires plus fiable que le niveau de pression artérielle systolique ou de pression artérielle diastolique. 
 Les malades présentant une hypertension artérielle systolique (pression systolique > 160 mmHg associée à une pression artérielle diastolique < 90 mmHg) qui ont donc une pression pulsée élevée ont un risque majoré de souffrir de lésions vasculaires. Chez ces malades, un traitement antihypertenseur qui réduit la pression artérielle limite de façon significative le risque d’accident vasculaire cérébral, de troubles cognitifs et d’insuffisance cardiaque. [80]
En chirurgie cardiaque, les opérés souffrant d’une hypertension artérielle systolique avec pression artérielle systolique > 180 mmHg, sont plus particulièrement exposés au risque d’accidents vasculaires cérébraux après chirurgie sous circulation extracorporelle. [67]
Ces considérations influencent-elles le risque opératoire chez les opérés hypertendus ?
Une étude ancienne, réalisée il y a plus de 15 ans, a montré que le risque opératoire était majoré chez les opérés hypertendus dont la pression artérielle diastolique était anormalement élevée avant l’intervention. [32, 65] Une étude plus récente suggère que l’hypertension artérielle est un facteur de risque cardiovasculaire chez les opérés de chirurgie non cardiaque. [25]Cependant, il faut noter que dans la plupart des études recherchant les facteurs de risque cardiovasculaire chez les opérés de chirurgie non cardiaque, l’hypertension artérielle n’est pas un facteur prédictif indépendant de survenue de complications cardiaques postopératoires. En particulier, il n’existe aucune corrélation directe entre le niveau de pression artérielle préopératoire et le risque cardiovasculaire en chirurgie non cardiaque, [39] ce qui suggère que la pathologie associée qui résulte de l’évolution au long cours de l’hypertension artérielle a un effet pronostique plus important que le niveau de pression artérielle du malade. Ceci n’est pas surprenant si l’on tient compte du fait que la pression artérielle mesurée à l’admission du malade en milieu chirurgical, ou avant l’intervention n’est pas un reflet fidèle de la pression artérielle habituelle de l’opéré. La pression artérielle prise en milieu hospitalier est généralement plus élevée que la pression artérielle retrouvée à l’état basal chez le malade. [32Il est cependant communément admis de récuser pour une intervention chirurgicale non urgente les opérés dont la pression artérielle diastolique est supérieure à 110 mmHg, afin de permettre d’instituer un traitement antihypertenseur. Une méta-analyse regroupant 24 études a recherché par une analyse logistiquesi l’hypertension artérielle était un facteur prédictif indépendant de la survenue de complications cardiaques postopératoires.Cette étude retrouve une morbidité et mortalité cardiaques après chirurgie générale majorées de 25 % chez les opérés hypertendus ; cependant cette différence n’est pas un facteur prédictif indépendant de la survenue de complications cardiorespiratoires postopératoires, ce qui indique que d’autres facteurs de risque, fréquemment associés à l’hypertension artérielle, en particulier l’insuffisance coronarienne ou l’insuffisance cardiaque, sont des facteurs prédictifs plus spécifiquement associés à une élévation du risque. [36]

Ainsi, rares sont les études de la littérature mettant en évidence l’hypertension artérielle comme un facteur aggravant le risque cardiaque et cérébral de la chirurgie générale. [12, 52] Si ce risque a pu être évoqué dans certaines études, [36, 39] il n’apparaît pas dans celles réalisées dans la dernière décennie. [38]

Évaluation du risque opératoire
Le temps préopératoire est une étape particulièrement importante de la prise en charge des opérés souffrant d’une hypertension artérielle. Cette prise en charge, pour être rationnelle, doit prendre en compte plusieurs données qui guident de façon précise l’examen clinique préopératoire, la conduite à tenir avec les traitements médicamenteux pris par l’opéré et la prescription d’examens complémentaires.

Évaluation du risque lié à l’hypertension artérielle
La première étape consiste à évaluer les chiffres de pression artérielle et la stabilité de la symptomatologie hypertensive, à conduire un examen clinique et à faire un électrocardiogramme (ECG) de repos.
 Il faut ensuite rechercher toutes les pathologies sous-jacentes, fréquemment associées à la maladie hypertensive, en particulier les pathologies coronaires, cérébrales, rénales et oculaires. Les études épidémiologiques montrent que le risque opératoire de l’opéré hypertendu est essentiellement lié à la maladie coronarienne, fréquemment associée à l’hypertension artérielle. 
 Il faut en particulier relever les signes cliniques qui ont été identifiés dans la littérature comme étant des facteurs de risque prédictifs indépendants de la survenue de complications cardiaques postopératoires chez les opérés à risque cardiovasculaire, comme les opérés hypertendus : l’âge de plus de 65 ans, l’existence d’antécédents de maladie coronarienne patente comme un infarctus du myocarde ou un angor d’effort, un diabète, une mauvaise tolérance aux efforts de la vie quotidienne, un antécédent de poussée d’insuffisance ventriculaire gauche et l’existence d’une hypertension artérielle mal contrôlée. La présence sur l’ECG de repos de troubles de la repolarisation de type ischémique ou de plus de cinq extrasystoles ventriculaires (ESV) par minute, une cardiomégalie sur la radiographie thoracique, sont autant d’éléments qui aggravent le risque de survenue de complications cardiaques périopératoires.

Lorsqu’il existe des signes témoignant de l’évolutivité de la maladie coronaire, infarctus de moins de 6 mois, angor instable, l’intervention chirurgicale doit être différée. En cas d’urgence chirurgicale, un monitorage cardiaque invasif et un contrôle hémodynamique très strict réalisés en unité de réanimation pendant les 3 premiers jours postopératoires limitent la morbidité périopératoire. En l’absence de signes cliniques d’insuffisance coronaire qui imposerait le recours à une évaluation plus précise, la deuxième étape consiste à évaluer le risque de complications postopératoiresdu patient en fonction des données de l’examen et de l’intervention chirurgicale programmée. La principale complication cardiovasculaire postopératoire qu’il faut prendre en compte est le dommage myocardique. La survenue d’épisodes d’ischémie myocardique périopératoire est majorée chez les opérés hypertendus. Elle est particulièrement élevée chez les opérés dont la pression artérielle n’est pas parfaitement contrôlée par un traitement médical adapté avant l’intervention. [59, 81]

Le dommage myocardique auquel expose l’insuffisance coronaire recouvre un large spectre allant de la nécrose de seulement quelques cellules cardiaques à l’infarctus antérieur étendu. Le dosage postopératoire du taux de troponine Ic, marqueur hautement spécifique du dommage myocardique postopératoire permet de quantifier l’étendue du territoire myocardique touché par un processus ischémique irréversible pendant la période opératoire.
La viabilité des cellules myocardiques étant le principal facteur qui conditionne l’espérance de vie des coronariens, plus le dommage myocardique périopératoire est important, plus les contraintes de la période opératoire retentiront sur l’espérance de vie du malade coronarien. À la morbidité postopératoire immédiate, il faut donc adjoindre la mortalité élevée dans les 2 à 3 ans qui font suite à la chirurgie chez le patient coronarien.

 La fréquence de survenue des complications postopératoires dans l’institution doit également être prise en compte si l’on se réfère au théorème établi par Bayes qui veut que les résultats d’un score de gravité et/ou d’un test prédictif dépendent de la prévalence d’une pathologie et de l’incidence des complications dans la population testée.Pour un score donné, le risque de survenue d’une complication postopératoire est d’autant plus élevé (et ce de façon exponentielle) que le risque moyen associé à la chirurgie dans l’institution est important. 
 Le recours à des examens complémentaires permettant une meilleure stratification du risque de l’opéré hypertendu n’est indiqué que si ces examens ont un réel pouvoir discriminant, c’està- dire si le risque cardiaque de l’intervention évalué à partir de l’examen clinique et de l’incidence des complications cardiaques pour l’intervention considérée est supérieur à 5 %.Plusieurs examens ont été proposés chez les opérés à risque coronaire.
L’ECG d’effort : cet examen doit être évité chez les patients ayant une hypertension artérielle mal contrôlée. Il est de réalisation difficile, voire impossible chez les sujets souffrant d’une artérite des membres inférieurs. Lorsque cet examen est possible, l’intensité de l’effort développé par le malade est un élément pronostique de grande valeur.
La scintigraphie au thallium : l’intérêt de la scintigraphie pour évaluer le risque coronaire postopératoire a été initialement rapporté chez des patients de chirurgie vasculaire ayant une forte suspicion clinique ou électrocardiographique d’insuffisance coronaire, c’est-àdire dans une population où la prévalence de la maladie coronaire est très élevée. Cependant, cet examen a une valeur prédictive insuffisante pour évaluer le risque de complications cardiaques postopératoires chez les opérés peu symptomatiques.

L’échographie cardiaque permet, lorsque l’ECG est d’interprétation difficile, de mieux localiser une nécrose myocardique ancienne et d’en préciser l’étendue. Elle ne détecte pas les territoires myocardiques à risque d’ischémie. Aucune étude n’a validé sa fiabilité pour évaluer le risque opératoire. L’échocardiographie de stress à la dobutamine sensibilisée au dipyridamole a été préconisée pour mieux stratifier le risque opératoire des patients souffrant d’une pathologie coronaire latente. C’est un examen particulièrement riche d’informations, qui n’a fait la preuve de son efficacité que dans des populations strictement sélectionnées.

ANESTHÉSIE ET MÉDICAMENTS ANTIHYPERTENSEURS
La très grande majorité des opérés hypertendus arrivent à l’intervention avec un traitement ayant permis la normalisation des chiffres tensionnels. Les interférences entre l’effet de ces traitements cardiovasculaires et l’anesthésie doivent être prises en compte pour la préparation de l’opéré à l’intervention. Plusieurs études ont analysé de façon spécifique les modifications cardiovasculaires provoquées par l’induction et l’entretien de l’anesthésie chez les opérés sous traitement bêtabloquant ou inhibiteur calcique, prescrit au long cours pour une hypertension artérielle chronique ou une insuffisance coronaire. [68] Dans certains travaux, ces médicaments étaient même administrés en dehors de tout traitement au long cours, dans le seul but d’assurer la prévention des modifications circulatoires et des épisodes d’ischémie myocardique induits par l’intubation et les contraintes chirurgicales chez les patients à risque. [83]

Toutes ces études ont démontré l’intérêt d’administrer lors de la prémédication le traitement bêtabloquant et/ou inhibiteur calcique pris habituellement par l’opéré. [37] Lorsque les IEC ont été commercialisés, l’attitude prise chez les opérés recevant un bêtabloquant a été conservée, et les IEC ont été administrés le matin de l’intervention chirurgicale. Très rapidement, plusieurs cas cliniques ont été rapportés dans la littérature, signalant que les opérés sous traitement par IEC étaient menacés de baisses parfois notables de la pression artérielle pendant l’anesthésie.[57] Ainsi, les interférences bénéfiques démontrées entre les bêtabloquants et l’anesthésie ne pouvaient être extrapolées aux IEC.

Chez les opérés hypertendus essentiels traités au long cours par des médicaments antihypertenseurs, la décision de poursuite du traitement jusqu’au matin de l’intervention (ou de l’arrêter avant induction) repose sur la réponse à trois questions :
– existe-t-il un risque d’accès hypertensif préopératoire en cas d’arrêt du traitement ?
– la poursuite du traitement jusqu’à la prémédication assure-t-elle la prévention des accès hypertensifs périopératoires ?
– quel est le risque d’hypotension artérielle sous anesthésie lorsque le traitement est poursuivi ?

Bêtabloquants
Administrés avant l’anesthésie, les bêtabloquants limitent de façon très significative le retentissement cardiovasculaire des stimuli nociceptifs de la chirurgie et les contraintes métaboliques postopératoires.
Par leur effet central, ils pourraient limiter le tonus sympathique pendant les temps à risque de la période opératoire. Par ailleurs, ces agents ne majorent pas les effets hypotenseurs de l’anesthésie générale. Dans toutes les études où les bêtabloquants ont été administrés à titre préventif pendant la période opératoire pour limiter la survenue d’événements ischémiques, aucune anomalie circulatoire n’a été notée chez les patients ayant reçu un bêtabloquant. [90, 91] En particulier, la fréquence de survenue des épisodes d’hypotension artérielle n’a pas été majorée. C’est pourquoi les bêtabloquants peuvent être administrés avec une relative sécurité dans le cadre de la période opératoire. Chez les opérés de chirurgie vasculaire souffrant d’une hypertension artérielle mal contrôlée, l’administration préopératoire de bêtabloquants de longue durée d’action a permis de limiter l’élévation tensionnelle et la tachycardie qui caractérisent l’intubation et la période de réveil. Parallèlement, le nombre d’épisodes ischémiques contemporains de ces deux temps à risque était très significativement diminué [53, 90].

Les bêtabloquants administrés par voie intraveineuse, puis par voie orale dès que le transit abdominal a repris, exercent également leurs effets bénéfiques dans les jours qui suivent l’intervention. Dans une étude récente, un traitement bêtabloquant préventif a été institué tout au long de la période opératoire à des opérés de chirurgie générale ayant des facteurs de risque coronaire : de l’aténolol, bêtabloquant de longue durée d’action, est administré par voie intraveineuse avant l’intervention et pendant les premiers jours postopératoires puis par voie orale jusqu’au 6e jour postopératoire. [53] L’enregistrement continu de l’électrocardiogramme par méthode de Holter réalisé dans cette étude confirme que l’administration préventive de bêtabloquants (aténolol) diminue de moitié l’incidence des épisodes d’ischémie myocardique postopératoire. Chez des opérés de chirurgie générale à haut risque cardiovasculaire, puisqu’ils ont développé des akinésies segmentaires ischémiques à l’échocardiographie de stress réalisée lors du bilan préopératoire, un autre bêtabloquant de longue durée d’action, le bisoprolol, a fait la preuve de son efficacité pour diminuer la survenue de complications coronaires postopératoires. [62]

Dans l’étude « Aténolol », [53] l’incidence des complications postopératoires notées à la sortie de l’hôpital n’est pas différente dans le groupe de patients bêtabloqués et dans le groupe placebo. La survenue de complications coronaires dans l’année qui fait suite à l’intervention chirurgicale est très significativement diminuée chez les opérés ayant été bêtabloqués pendant la semaine de leur intervention. Le suivi des patients 2 années après l’intervention démontre que la survie est améliorée chez ceux qui reçoivent de l’aténolol (90 % comparé à 79 % dans le groupe placebo). De même, il existe un pourcentage plus élevé de malades indemnes de tout événement cardiovasculaire chez les opérés ayant reçu le bêtabloquant (83 % versus 68 %). Ainsi, les interférences entre les bêtabloquants et le retentissement circulatoire de la période opératoire sont beaucoup plus bénéfiques que délétères. Les opérés bénéficient pleinement des effets favorables de ces médicaments sur la balance énergétique du myocarde, sans que leur état circulatoire soit menacé. Ces effets bénéfiques améliorent à moyen et long termes le risque cardiaque lié à l’anesthésie.

Il faut cependant noter que l’administration préventive de bêtabloquants, si elle procure à l’opéré une parfaite stabilité hémodynamique postopératoire avec en particulier un contrôle adapté de la fréquence cardiaque, ne limite pas la décharge catécholergique postopératoire dont elle prévient les manifestations circulatoires. De ce fait, les taux d’adrénaline et de noradrénaline plasmatiques demeurent très élevés au cours de la période postopératoire chez les opérés ayant reçu un bêtabloquant à titre préventif. On peut craindre que ces taux élevés de catécholamines plasmatiques, ne majorent l’agrégabilité plaquettaire qui joue un rôle non négligeable dans l’étiopathogénie des complications coronariennes postopératoires. [70]

Inhibiteurs calciques
Le principal effet des inhibiteurs calciques est de produire une vasodilatation artérielle. Cet effet réduit la postcharge et améliore l’éjection ventriculaire. [58] La précharge est peu diminuée car la veinodilatation est minime et la baisse de l’inotropisme est compensée par la baisse de la postcharge. Ceci explique l’excellente tolérance des inhibiteurs calciques durant la période périopératoire. Les dihydropyridines préservent la contractilité myocardique in vivo. Données avant l’induction, elles permettent le contrôle de la pression artérielle pendant l’intubation et le stress chirurgical, sans compromettre l’hémodynamique peranesthésique. Toutefois, elles induisent une vasodilatation qui va activer les barorécepteurs et donc stimuler le système sympathique. [26] Cet effet peut être potentiellement délétère avec les dihydropyridines de courte durée d’action chez les patients coronariens. Cet effet délétère doit exister également chez l’opéré, comme le suggère la découverte d’une association significative entre l’ischémie postopératoire et le blocage des canaux calciques.

Le vérapamil permet de diminuer la tachycardie et l’hypertension associées à l’intubation et au réveil de l’anesthésie. Ces deux phénomènes représentent un réel danger pour les patients coronariens et les patients opérés d’endartériectomie carotidienne.
Les effets inotropes négatifs du vérapamil et de l’halothane sont additifs, et ont pour résultante une dépression significative de la contractilité. [40] C’est pour cette raison qu’il faut recommander l’usage d’isoflurane, de desflurane ou de sévoflurane chez les patients traités par vérapamil. En présence de vérapamil, les effets du fentanyl et de l’isoflurane s’additionnent mais ne se potentialisent pas.
Le chlorure de calcium antagonise les effets dépresseurs sur l’inotropisme mais non les effets chronotropes négatifs induits par l’association des inhibiteurs calciques et des agents anesthésiques halogénés [46].

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
Les IEC se comportent essentiellement comme des vasodilatateurs touchant à la fois les systèmes résistif et capacitif. L’effet veinodilatateur des IEC doit être souligné car il joue un rôle important dans les effets circulatoires de ces agents. Il apparaît donc que les IEC limitent le mécanisme régulateur de la pression artérielle, chargé sous anesthésie de s’opposer aux baisses du retour veineux, alors même que ces antihypertenseurs ont un effet marqué sur le tonus du système capacitif. La présence d’une cardiopathie hypertrophique fréquente chez les hypertendus essentiels majore les conséquences de cette baisse de retour veineux sur le remplissage et l’éjection ventriculaire gauche.
Chez l’opéré hypertendu ou insuffisant cardiaque, l’arrêt d’un traitement par IEC n’expose pas à un effet rebond. Aucun risque d’accès hypertensif, d’insuffisance ventriculaire gauche congestive ou d’accident ischémique n’est à craindre dans les jours qui suivent l’arrêt d’un traitement par IEC. [16]
Lorsque le traitement par IEC est poursuivi jusqu’au matin de l’intervention, les opérés n’en tirent aucun bénéfice en termes de stabilité hémodynamique. En effet, la poursuite du traitement ne limite pas les élévations de pression artérielle induites par les stimuli nociceptifs de l’intubation et de la chirurgie et n’assure pas la prévention des accès hypertensifs postopératoires.
En revanche, la poursuite du traitement par IEC jusqu’au matin de l’intervention majore de façon significative les effets hypotensifs de l’anesthésie générale, exposant dans certains cas à la survenue d’un collapsus à l’induction ou pendant l’acte chirurgical (Tableau 1). Ces épisodes d’hypotension artérielle résultent essentiellement d’un effondrement de la précharge.

L’effet hypotensif est particulièrement marqué chez les opérés qui reçoivent l’IEC pour le traitement d’une hypertension artérielle, en raison de l’altération de la compliance ventriculaire gauche associée à la cardiopathie hypertensive. En revanche, chez les opérés souffrant d’une insuffisance ventriculaire gauche congestive, l’effet hypotensif de l’anesthésie est limité par le couplage ventriculoartériel (Fig. 2).
Il faut également souligner que la poursuite du traitement par IEC prive le rein d’un mécanisme compensateur essentiel mis en jeu face à une baisse de pression artérielle. Ainsi, en cas de blocage du SRA, toute baisse de la pression artérielle expose à une dégradation postopératoire de la fonction rénale. [13]
En fonction de ces considérations, on peut définir les recommandations suivantes chez les opérés traités au long cours par IEC. Chez l’opéré hypertendu, que l’intervention soit réalisée sous anesthésie générale ou rachidienne, le captopril doit être arrêté 12 heures avant l’anesthésie, et les IEC de plus longue durée d’action, 24 heures avant l’intervention. Le délai doit être augmenté très significativement chez les opérés dont la fonction rénale est altérée. L’insuffisance rénale chronique expose à une accumulation d’énalapril ou de lisinopril avec des effets prolongés malgré l’arrêt du traitement. Chez l’opéré insuffisant cardiaque, l’arrêt du traitement par IEC favorise l’équilibre tensionnel, qui conditionne la pression de perfusion, au détriment de la fonction ventriculaire gauche.

Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II)
Cette nouvelle classe thérapeutique d’antihypertenseurs permet d’obtenir une action plus spécifique sur le SRA en bloquant les récepteurs de l’angiotensine II avec pour résultat une augmentation de l’angiotensine II circulant et un niveau plasmatique normal de bradykinine.
En raison d’une action plus spécifique, le blocage du SRA paraît meilleur. De la même manière que pour les IEC, les patients traités par ARA II sont exposés à la survenue d’épisodes hypotensifs importants pouvant résister aux vasoconstricteurs habituels comme l’éphédrine et la phényléphrine après l’induction de l’anesthésie générale. En dernier recours, la terlipressine, puissant vasoconstricteur agoniste du système ADH-vasopressine peut être utilisée. Ces épisodes se répètent volontiers au cours de l’anesthésie.
Globalement, les interférences avec l’anesthésie de l’hypertendu traité par ARA II sont considérées comme superposables à celles des IEC ; [7] ces médicaments ayant tous une demi-vie prolongée d’au moins 12 heures, il est fortement recommandé d’interrompre au minimum 24 heures avant l’intervention un traitement par ARA II chez des patients adressés pour une intervention chirurgicale sous anesthésie générale ou rachidienne. [9]

Urapidil
Il s’agit d’un antihypertenseur administrable par voie intraveineuse. Son mécanisme d’action repose sur l’inhibition des récepteurs alpha-1 post-synaptiques aux niveaux central et périphérique. [29] Il se distingue de la prazosine par son action sur les récepteurs 5HT1 sérotoninergiques, ce qui a pour conséquence une baisse du tonus sympathique et une élévation du tonus parasympathique. Cette propriété explique l’absence de tachycardie réflexe lors de la baisse de pression artérielle après urapidil.
Il n’existe pas de phénomène de tachyphylaxie ni d’effet rebond à l’arrêt de la perfusion. L’absence d’élévation de la pression intracrânienne le fait recommander lors de l’extubation en neurochirurgie. L’absence de tachycardie réflexe a un intérêt chez le coronarien. La baisse du tonus vasculaire, de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion et de la surface télédiastolique du ventricule gauche, admis comme indice de précharge, est le reflet d’un blocage des récepteurs alpha-1.

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