Anesthésie et réanimation en chirurgie hépatique et portale (y compris la transplantation hépatique)




Taysir Assistance.TNM.-P. Dilly (Chef de clinique-assistant)
F. Ettori (Chef de clinique-assistant)
J. Marty (Professeur)
E. Samain (Professeur)
Adresse e-mail: e1samain@chu-besancon.fr
Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale, Hôpital Beaujon, Faculté Xavier Bichat, Université Paris VII, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 36-562-A-10 (2004) 36-562-A-10


Résumé. – La chirurgie hépatique est une chirurgie majeure dont les indications sont principalement carcinologiques. C’est une chirurgie qui expose à un risque d’hémorragie et d’embolies gazeuses peropératoires, et a une morbidité postopératoire importante. L’amélioration des techniques chirurgicales, mais aussi des avancées importantes dans la compréhension de la physiopathologie du cirrhotique, a permis de réduire le risque de ces interventions et de proposer cette chirurgie aux patients cirrhotiques (notamment après une hépatite C), qui développent des carcinomes hépatocellulaires. La transplantation hépatique est une des greffes d’organe les plus fréquemment réalisées en France et reste une intervention à haut risque qui pose de nombreux problèmes per- et postopératoires. Le manque de greffons hépatiques et la mortalité élevée des patients inscrits sur les listes d’attente conduisent à proposer de nouvelles techniques de prélèvement sur donneur en état de mort encéphalique (partition hépatique ou split) et des prélèvements sur donneur vivant.


Mots-clés : Hépatectomie ; Anesthésie ; Cirrhose ; Clampage vasculaire ; Transfusion ; Embolie gazeuse ; Transplantation hépatique


Introduction
De nombreuses avancées techniques chirurgicales, d’anesthésie et de réanimation et une meilleure concertation interdisciplinaire ont permis d’élargir les indications de la chirurgie de résection hépatique à des pathologies carcinologiques primitives ou secondaires évoluées, et de proposer dans certaines circonstances cette chirurgie à des patients ayant une cirrhose hépatique. D’autre part, ces progrès ont permis le développement important de la transplantation (TH), actuellement effectuée pour de nombreuses maladies hépatiques aiguës ou chroniques parvenues à un stade terminal. Parallèlement à la transplantation orthotopique classique avec un greffon prélevé sur un donneur en état de mort encéphalique, de nouvelles modalités de TH se sont développées telles que la TH avec hémifoie (split), le « domino » ou le prélèvement sur un donneur vivant.

Les objectifs de cette revue sont de préciser les particularités de prise en charge anesthésique de la chirurgie de résection hépatique chez le sujet n’ayant pas de cirrhose, puis de préciser les caractéristiques de l’évaluation du cirrhotique, et d’envisager les particularités sur ce terrain de la chirurgie de résection hépatique. Dans une deuxième partie, les principes de la prise en charge d’un patient lors d’une TH seront abordés.


Généralités sur les hépatectomies

ANATOMIE DESCRIPTIVE ET FONCTIONNELLE DU FOIE
Le foie est composé de deux lobes anatomiques droit et gauche de tailles inégales, séparés par la grande scissure hépatique. [24] Chaque lobe est constitué de segments qui sont des unités indépendantes en termes de vascularisation et de drainage biliaire. Le lobe droit est formé des segments IV à VIII, le lobe gauche des segments I à III (classification de Couinaud) (Fig. 1). Le foie reçoit une vascularisation artérielle et veineuse. L’artère hépatique, née du tronc coeliaque, assure 30 % du débit sanguin hépatique, le reste provenant de la veine porte, formée de la réunion des veines mésentérique supérieure, splénique et mésentérique inférieure. Il existe de nombreuses anastomoses entre ces veines qui drainent également l’estomac, le pancréas et la rate, et les territoires caves inférieurs (veines pelviennes) et supérieurs (veines azygos). Ces anastomoses portosystémiques expliquent la faible variation des résistances veineuses splanchniques et du retour veineux lors du clampage porte et l’adaptation au clampage cave inférieur. [39] Avec le canal biliaire principal, les vaisseaux lymphatiques et les nerfs du système nerveux autonome (SNA), l’artère hépatique et la veine porte forment le pédicule hépatique. Avant l’entrée dans le parenchyme, l’artère et la veine porte se séparent en deux branches, une droite vascularisant le foie droit (segments V, VI, VII et VIII), et une gauche destinée au foie gauche (segments I, II, III, IV).
Le segment I (lobe de Spiegel ou caudé) reçoit sa vascularisation des branches droites et gauches.
Cette répartition de la vascularisation est la disposition anatomique la plus fréquente (75 % des cas), mais il existe de très nombreuses variations anatomiques, notamment pour la vascularisation artérielle. Les plus importantes à connaître pour leur implication sur le contrôle du saignement en peropératoire sont la vascularisation du lobe gauche par une artère hépatique gauche née de la coronaire stomachique et une vascularisation du foie droit par l’artère hépatique droite née de la mésentérique supérieure.


INDICATIONS DE LA CHIRURGIE HÉPATIQUE
Les principales indications de la résection hépatique sont la chirurgie de l’adénocarcinome et l’exérèse de métastases. [45] Les autres indications sont l’exérèse de tumeurs bénignes telles que les angiomes ou les adénomes, certaines tumeurs peu fréquentes comme les tumeurs carcinoïdes ou le phéochromocytome, l’exérèse de kyste hydatique. Enfin, certains traumatismes hépatiques nécessitent un geste d’hémostase, voire une résection en urgence, lorsqu’un syndrome hémorragique persiste ou en cas de contreindication à l’embolisation. La chirurgie sur foie cirrhotique est plus limitée, mais en cours de développement grâce à la meilleure compréhension des anomalies physiopathologiques induites par la cirrhose.

CLASSIFICATION DES RÉSECTIONS HÉPATIQUES
Selon la nomenclature internationale, on définit ainsi comme hépatectomie majeure toute résection d’au moins trois segments. [11]
L’hépatectomie droite consiste en la résection des segments V, VI, VII et VIII. L’hépatectomie gauche consiste en la résection des segments I, II, III, et IV. La lobectomie droite est une hépatectomie droite associée à la résection du segment IV. La lobectomie gauche consiste en la résection des segments I, II, et III. Une hépatectomie centrale consiste en l’ablation des quatre segments centraux du foie, c’est-à-dire ceux jouxtant la veine cave inférieure (VCI) : segments I, IV, V, VIII.

En termes de quantité de résection de parenchyme hépatique, on peut donc classer de façon décroissante, la lobectomie droite, l’hépatectomie droite, l’hépatectomie gauche, l’hépatectomie centrale et la lobectomie gauche.



Prise en charge anesthésique d’un patient


 pour hépatectomie



TECHNIQUES CHIRURGICALES ET IMPLICATIONS ANESTHÉSIQUES
La prise en charge anesthésique doit prendre en compte les principaux risques de l’hépatectomie que sont l’hémorragie, les embolies gazeuses et les conséquences de la reperfusion hépatique.

Le risque hémorragique est lié à l’architecture histologique du foie, qui est un véritable entrelacs de vaisseaux artériels et veineux. Cette structure favorise également le risque d’embolies gazeuses, pulmonaires ou paradoxales. La réduction du saignement est une préoccupation majeure en peropératoire. Le moyen le plus efficace consiste à interrompre tout ou partie de la vascularisation hépatique. [18] Les deux techniques de référence sont le clampage pédiculaire et l’exclusion vasculaire du foie (EVF). Les autres techniques (clampage d’un hémifoie, des veines sus-hépatiques, ou sélectif d’un hémipédicule [technique de Makuushi]) sont moins utilisées actuellement.

Le bistouri à argon a également permis de réduire le saignement car il « vaporise » les hépatocytes tout en préservant dans une certaine mesure les cellules vasculaires. [100] La visualisation et la coagulation des vaisseaux au sein du parenchyme hépatique sont ainsi facilitées.

Clampage pédiculaire (manoeuvre de Pringle)
Pringle a décrit en 1906 le clampage du pédicule hépatique, englobant l’artère hépatique et la veine porte avant leur bifurcation, et le canal biliaire, pour réduire le saignement des traumatismes hépatiques (Fig. 2). Il interrompt l’apport sanguin à la totalité du foie, sauf dans le cas où il existe une vascularisation anormale.

Son effet hémodynamique systémique principal est une diminution du retour veineux et du débit cardiaque (DC) de 20 % environ. [39]

Chez l’homme, ce phénomène est limité, probablement grâce à la redistribution du flux sanguin vers les territoires caves par les anastomoses portosystémiques. Le clampage diminue tout de même le retour veineux, ce qui abaisse la pression de l’oreillette droite (POD) et participe à la réduction du saignement lié au reflux du sang par les veines sus-hépatiques. Cependant, la pression artérielle (PA) augmente de 10 à 30 %, ce qui reflète une activation sympathique liée à la stimulation de barorécepteurs portaux, induite par la baisse de pression en aval du clampage. [40] Ainsi, la destruction du plexus nerveux autonome du pédicule hépatique ou son infiltration à la lidocaïne supprime l’augmentation réflexe de la PA. [80] Chez l’animal, le clampage du pédicule portal aboutit en 30 minutes au décès par stockage massif du sang dans le territoire splanchnique et effondrement du retour veineux.

La réponse réflexe est très rapide et lors de la levée du clampage, les variations hémodynamiques disparaissent dans les minutes qui suivent. Cependant, il faut noter que la PA moyenne basale diminue au fur et à mesure des clampages successifs. [40]

Le clampage du pédicule hépatique entraîne une ischémie du foie, et le déclampage, un relargage de médiateurs impliqués dans les phénomènes d’ischémie-reperfusion. Les clampages intermittents (15 min suivies de 15 min de revascularisation) sont mieux tolérés qu’un seul épisode de clampage prolongé, pour des pertes sanguines comparables. [13]

Le temps cumulé d’ischémie tolérable est de l’ordre de 120 minutes pour un foie sain (huit épisodes de clampage de 15 minutes chacun), ce qui dans notre expérience suffit à la réalisation de la majorité des hépatectomies.

Cependant, le clampage pédiculaire ne suffit pas à lui seul à interrompre le saignement sur la tranche hépatique, en raison de la très importante vascularisation de drainage par les veines sushépatiques.

Celles-ci sont extrêmement courtes (≤ 1 cm), et la pression régnant dans la VCI est responsable d’un saignement à contre-courant. Le monitorage de la POD a donc été proposé. Le saignement est réduit lorsque la pression de l’oreillette droite (POD) est maintenue inférieure à 5 cmH2O pendant la manoeuvre de Pringle. [70, 89] Cependant, cette technique expose à une baisse importante du DC chez les sujets à fonction cardiaque systolique ou diastolique altérée. D’autre part, elle favorise les embolies gazeuses à point de départ sus-hépatique. Enfin, les insuffisances rénales postopératoires pourraient être plus fréquentes en raison d’une hypovolémie induite. On peut donc proposer le maintien de la POD de 20 % inférieure à la valeur initiale, pendant la section hépatique et la correction rapide du retard de remplissage dès la fin de la résection.

Exclusion vasculaire du foie (EVF)
L’EVF associe un clampage pédiculaire et des veines caves sus- et sous-hépatiques (Fig. 2). Le clampage pédiculaire est nécessaire lors du clampage de la veine cave pour éviter l’engorgement du foie.
Cette technique permet :
– de supprimer le saignement lié au reflux par les veines sus-hépatiques ;
– de contrôler d’éventuelles plaies de la veine cave lorsque la tumeur adhère à celle-ci ou à l’une des veines sus-hépatiques. Elle permet ainsi d’éviter un saignement important en cas de plaie veineuse, difficile à contrôler en raison de leur caractère rétrohépatique et d’éviter une embolie gazeuse massive .

Le retentissement hémodynamique de l’EVF est extrêmement marqué. [15, 39, 56] Il se caractérise par une chute de 60 % du retour veineux due à la suppression du retour cave inférieur. Le DC, les pressions et les volumes télédiastoliques ventriculaires, et la PA moyenne (PAM) sont effondrés (Tableau 2). Ceci induit une stimulation adrénergique qui augmente les résistances vasculaires systémiques (RVS), le tonus veineux et entraîne une tachycardie. La PAM réaugmente donc progressivement dans les minutes qui suivent, mais le DC reste très diminué. Cette réponse du système cardiovasculaire est plus ou moins bonne selon la qualité des mécanismes de compensation et reste très insuffisante en cas de dysautonomie neurovégétative sévère.

Lorsque l’EVF est prévue, il est habituel de réaliser une épreuve de clampage avant le début de la dissection hépatique. Si après 3 à 5 minutes, la baisse de PAM ou de DC est supérieure à 50 %, l’EVF est interrompue et une optimisation hémodynamique s’impose .


La première cause à rechercher est l’hypovolémie et un test de remplissage doit être réalisé avant une deuxième épreuve de clampage. S’il reste mal toléré, il faut alors rechercher :
– un apport sanguin persistant malgré les clampages cave et pédiculaire, d’origine artérielle (anomalie de vascularisation hépatique), ou veineuse (dérivations chez le cirrhotique avec hypertension portale [HTP] avancée). Dans ce cas, le foie devient une zone de stockage sanguin très importante, qui aboutit rapidement à une hypovolémie par séquestration. De plus, le foie écrase la VCI et interrompt le retour veineux ;
– une dysfonction myocardique (systolique ou diastolique) non connue. L’échocardiographie transoesophagienne (ETO) est un outil diagnostique intéressant, qui permet d’analyser le mécanisme principal de la mauvaise tolérance hémodynamique. 

Cependant, de 5 à 16 % des patients gardent une réponse adaptative cardiovasculaire insuffisante au clampage. [15] Il peut s’agir, soit d’une altération de la réactivité vasculaire, soit d’une altération de la fonction myocardique qui se démasque lorsque le myocarde sollicité brutalement doit vaincre le doublement des résistances. Les facteurs prédictifs ne sont pas connus et cela peut survenir chez des patients classés ASA 1. Dans ce dernier cas, si le clampage cave est indispensable, il est nécessaire :
– d’administrer des catécholamines (adrénaline 0,1 à 1 μg kg min-1) ;
– ou de mettre en place une circulation extracorporelle partielle fémoro-porto-axillaire ou cavo-porto-axillaire (ou -jugulaire) avec dérivation du retour cave inférieur vers le territoire cave supérieur.

Ceci permet de procéder au clampage cave inférieur sans les contraintes hémodynamiques précitées.
Le déclampage est en général bien toléré, avec une normalisation rapide des paramètres hémodynamiques. Cependant, une hypovolémie peut se démasquer lorsque l’EVF a été faite en urgence pour contrôler une plaie veineuse, justifiant un traitement vasopresseur et un remplissage vasculaire. Au contraire, si un remplissage important a été effectué pour améliorer la tolérance de l’EVF, il existe un risque de surcharge volémique aiguë et d’oedème aigu du poumon au moment du déclampage cave.

Peu de travaux comparent les deux techniques de clampage et les indications et les pathologies sont fréquemment différentes entre les études. Belghiti et al. ont comparé le clampage pédiculaire et l’EVF sur 52 malades non cirrhotiques opérés d’hépatectomies majeures. [15]

Le saignement et les besoins transfusionnels peropératoires ne sont pas différents dans les deux groupes mais les temps opératoires sont allongés par l’EVF. La morbidité postopératoire est plus importante dans le groupe EVF, en particulier les complications pulmonaires (35 contre 15 %) et chirurgicales (collection intra-abdominale), et le séjour postopératoire est prolongé. La fonction rénale est discrètement altérée à la 24e heure dans les deux groupes.

Syndrome de reperfusion hépatique
La reperfusion hépatique après clampage pédiculaire ou EVF peut s’accompagner de modifications hémodynamiques importantes. On définit le syndrome de reperfusion par la chute de la PAM supérieure à 30 % de sa valeur avant clampage et persistant plus de 1 minute. [1] La physiopathologie de ce syndrome, dont l’incidence augmente avec le nombre de clampages, est imparfaitement connue.

Elle est rattachée à des mécanismes d’ischémie/reperfusion, avec libération de médiateurs vasodilatateurs. De multiples substances ont été incriminées (calcium, facteur d’agrégation plaquettaire, PAI type I, acidose, etc…) mais leur rôle respectif est mal connu.

Des traitements préventifs par les inhibiteurs calciques ou des phosphodiestérases ont été proposés, mais leur efficacité sur les variations hémodynamiques et la réduction de la cytolyse hépatique n’a pas été démontrée. [94] La modulation des phénomènes d’apoptose (inhibiteur de la caspase 3) est actuellement à l’étude sur des modèles expérimentaux. [34]

Syndrome de traction mésentérique
Ce syndrome, qui survient lors de la première phase de dissection, associe une hypotension brutale parfois associée à un érythème cutané localisé à la face ou généralisé et/ou à une hypoxémie. Il est dû à une libération de prostaglandines (PGI2) lors de la manipulation du mésentère qui entraîne une vasodilatation brutale systémique et pulmonaire (effet shunt ou aggravation du shunt physiologique), ainsi qu’une vasodilatation cutanée. Il peut être mal toléré chez certains patients en raison de l’augmentation du DC. [108]
Il s’amende spontanément en 15 à 30 minutes. [19]


ÉVALUATION DU RISQUE EN CHIRURGIE HÉPATIQUE
On peut réséquer jusqu’à 75 % d’un foie sain sans induire d’insuffisance hépatique aiguë postopératoire. La masse hépatique régénère en 6 semaines environ. Lorsqu’une résection plus importante est nécessaire, il est possible de réaliser en radiologie interventionnelle une embolisation dans la zone à réséquer, 1 mois avant la résection hépatique afin que le parenchyme restant s’hypertrophie. Cette technique est mal adaptée aux cirrhotiques sévères, car l’hypertrophie réactionnelle est trop lente.

Lorsqu’il existe une hyperbilirubinémie (> 40 mmol/l), il existe un risque important de fuite biliaire qui peut être réduite par la pose préalable d’un drain biliaire transtumoral par radiologie interventionnelle afin que l’ictère diminue. [103]

La mortalité périopératoire est actuellement d’environ 1 % toutes chirurgies confondues. L’âge a peu d’influence et la mortalité de la chirurgie hépatique n’est pas augmentée chez des sujets âgés de plus de 70 ans. [47] En revanche, la mortalité dépend de l’importance de la résection hépatique. La mortalité des résections majeures est de 6 %, et cinq facteurs de risque indépendants ont été identifiés : l’existence d’une cholangite, d’une créatinine supérieure à 130 μmol/l, d’une bilirubine supérieure à 6 mg/dl, la résection de la veine cave et des pertes sanguines supérieures à 3 l. En l’absence de facteur de risque, la mortalité est de 3 %. [88] Les résections hilaires (cancers du hile) ont une morbidité de 65 % et une mortalité de 15 %.

La morbidité périopératoire est importante avec une incidence de complications de 20 % environ. Les deux principales sont :
– respiratoires : leur fréquence est de 20 %, augmentée lorsque les pertes sanguines ont été importantes, phénomène identifié dans la plupart des études, sans que le lien entre ces deux évènements soit clairement expliqué. Elles sont favorisées par la survenue d’atélectasies peropératoires (valves sous-diaphragmatiques), de parésies diaphragmatiques et la douleur en postopératoire. Un épanchement pleural transsudatif droit est retrouvé dans un tiers des cas environ, mais ne nécessitant un drainage que dans 5 % des cas. Les pneumopathies sont plus rares, de l’ordre de 1 à 5 % ;
– chirurgicales : la cytolyse postopératoire est constante avec un pic à la 48e heure. En restant dans les limites de résection recommandées (75 % de la masse hépatique), l’insuffisance hépatocellulaire postopératoire est rare en l’absence de cirrhose. L’hémorragie est une urgence vitale relativement fréquente (1 % des cas) qui survient en général dans les 24 premières heures et qui peut être brutale et très importante. La fuite biliaire est une des complications chirurgicales les plus fréquentes.



PRISE EN CHARGE PÉRIOPÉRATOIRE
Monitorage et induction anesthésique
Les principaux éléments de prise en charge périopératoire sont précisés dans le Tableau 3.
Le monitorage usuel est fréquemment complété, pour les résections majeures, par un monitorage de la PA sanglante. Le monitorage des pressions de l’oreillette droite peut être utile pendant la période de dissection hépatique pour réduire le saignement et le risque d’embolie gazeuse, et peut être proposé pour les chirurgies majeures (cf. infra). L’ETO donne également des informations sur le remplissage vasculaire et la fonction cardiaque et permet de détecter les emboles gazeux pendant la période à risque. La mise en place de la sonde doit être prudente chez les patients porteurs de varices oesophagiennes (VO).

L’induction anesthésique pose peu de problèmes particuliers, une induction rapide étant recommandée en cas d’ascite. Une évacuation de celle-ci peut être effectuée avant l’induction en cas de retentissement respiratoire. L’entretien de l’anesthésie peut être effectué par un agent halogéné peu métabolisé comme l’isoflurane. [113] Le sévoflurane, qui a peu d’effet sur le débit sanguin hépatique, peut être utilisé. Les autres halogénés sont mal évalués.

Lorsqu’un shunt veinoveineux est envisagé, les abords veineux au niveau du membre supérieur gauche doivent être évités.
La prévention de l’hypothermie est essentielle, par un réchauffement externe à air pulsé et l’utilisation d’un accélérateur-réchauffeur de perfusion. Le Cell-Savert est utilisable en l’absence de pathologie carcinologique et d’antécédent récent d’infection d’ascite. Le shunt veinoveineux occasionne des pertes thermiques considérables qui imposent en pratique un système de réchauffement des lignes.

Embolie gazeuse
Le passage d’air et de matériel fibrinocruorique est observé de façon constante au cours de la chirurgie hépatique malgré le clampage pédiculaire. Le risque d’embolie gazeuse est particulièrement important durant la dissection cave (possibilité de plaie de la veine cave), les anastomoses vasculaires, et lors de la reperfusion du foie.

La présence d’un shunt veinoveineux induit un risque supplémentaire, notamment quand le flux est réduit. [93, 109, 112, 114] La présence d’un foramen ovale perméable chez 10 à 25 % des patients expose au passage systémique de l’embole, avec un risque d’accident cérébral ischémique et de syndrome coronaire aigu (coronaire droite), pouvant conduire au décès du patient. De plus, chez les patients présentant un syndrome hépatopulmonaire (SHP), la possibilité de passage d’air dans la circulation systémique par les shunts intrapulmonaires a été évoquée. [2, 75]


Le diagnostic d’embolie gazeuse est suspecté devant la survenue brutale d’une chute de l’EtCO2 (end-tidal carbon dioxide) parfois accompagnée d’une chute tensionnelle, et d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Un arrêt cardiaque peut survenir lors d’une embolie massive, l’ensemble de ces signes étant à corréler aux constatations chirurgicales (plaie de la veine cave ou sus-hépatique notamment). La sensibilité de l’ETO pour le diagnostic d’embolie est telle que l’on est confronté à la difficulté de différencier les embolies cliniquement significatives, qui doivent modifier la technique chirurgicale, de la simple visualisation du passage de matériel dans les cavités droites (phénomène constant). En revanche, la visualisation du passage de l’embolie dans les cavités gauches est un élément décisionnel très important.

L’interruption de l’entrée d’air dans les vaisseaux est souvent difficile. Une expansion volémique permet d’augmenter le gradient de pression et en cas d’embolie importante, le champ opératoire peut être transitoirement rempli avec une solution cristalloïde. La recherche d’une plaie vasculaire doit être systématique. La mise en oxygène pur, l’aspiration de bulles dans l’oreillette droite et la mise du patient en position de Trendelenburg (diminution du passage systémique des emboles gazeux) sont également des mesures classiques.

En cas d’embolies systémiques symptomatiques (neurologiques le plus souvent), l’oxygénothérapie hyperbare est indiquée dès que les conditions le permettent, même s’il existe un délai de plusieurs heures entre l’embolie et la fin de l’intervention. Plusieurs séances sont parfois nécessaires à l’amélioration clinique, sans que les modalités pratiques ne soient établies de façon précise. [53, 114]

Besoins transfusionnels
L’hémorragie est le principal risque de la chirurgie hépatique. Le risque dépend du type de chirurgie, de l’importance de la résection, de l’existence d’une cirrhose ou d’une HTP et n’est que partiellement prévisible en préopératoire. Les besoins transfusionnels sont importants, 20 % environ des opérés étant transfusés, avec une moyenne de deux culots.

Le temps le plus hémorragique est la dissection de la tranche hépatique. Cependant, la libération du foie et du pédicule hépatique peut être très hémorragique en cas d’HTP sévère. Les techniques de clampage ont réduit le saignement de façon importante, mais ne l’ont pas supprimé totalement. Ceci a conduit au développement de plusieurs méthodes d’épargne transfusionnelle, dont l’objectif est de réduire, voire de supprimer l’exposition au sang homologue. [59] Le bénéfice attendu est double :
– une réduction des risques viraux liés à la transfusion homologue ;
– une réduction de l’immunosuppression induite par la transfusion.

Cette immunosuppression, qui dure plusieurs mois, pourrait avoir un effet néfaste sur la survenue d’infections mais surtout de récurrences cancéreuses. Ce risque semble réduit par l’utilisation, désormais obligatoire, [5] de produits déleucocytés. [64]
L’autotransfusion préopératoire a été proposée avant hépatectomie, lorsque les pertes prévisibles peropératoires dépassaient 1 500 ml. [115]

Shinozuka et al. ont récemment décrit, en chirurgie hépatique carcinologique, un protocole de prélèvement de 2 à 3 culots en 2-3 semaines avec 24 000 unités d’érythropoïétine par semaine. [110]
Cependant, l’utilisation d’érythropoïétine est le plus souvent peu efficace en raison de la nature de l’anémie de ces patients, et le rapport coût-efficacité de ces protocoles, extrêmement faible dans la plupart des études, n’a pas encore été évalué dans le cadre de la chirurgie hépatique. [5, 17, 61]

Bien que certaines équipes utilisent la récupération peropératoire du sang en chirurgie carcinologique hépatologique, cette technique est classiquement contre-indiquée en raison du risque théorique de récupération de cellules cancéreuses et de dissémination du cancer. [46] D’autre part, le rapport coût-efficacité n’a pas été évalué dans cette indication. Si le récupérateur apparaît utile (groupe sanguin rare, immunisation complexe), il paraît légitime de le réserver aux phases de dissection et fermeture, et de ne pas l’utiliser pendant l’hépatectomie.


Moyens pharmacologiques de réduction du saignement
L’aprotinine, un inhibiteur de la plasmine, de la trypsine et de la kallicréine, est utilisée dans les chirurgies hémorragiques pour ses propriétés sur l’hémostase primaire et la fibrinolyse.
L’administration de doses élevées (2 × 10 [6] UI à l’induction puis 0,5 × 10 [6] UI/h) a un effet bénéfique lorsque le saignement est majeur. Ce n’est pas le cas de la plupart des hépatectomies, et l’utilisation systématique d’aprotinine n’est pas recommandée. En effet, les effets secondaires de l’aprotinine sont importants (thrombose artérielle ou portale, embolie pulmonaire, réaction allergique sévère) et son coût est élevé. [31] Dans notre équipe, nous la réservons aux situations où le saignement est supérieur à une masse sanguine. Elle doit être utilisée une fois que les autres anomalies de l’hémostase (thrombopénie, déficit en facteurs de coagulation) sont corrigées.

La desmopressine entraîne une libération de facteur vWF, favorisant l’adhésivité plaquettaire . Elle peut améliorer l’hémostase primaire chez certains cirrhotiques ayant des anomalies bien documentées, mais cet effet est transitoire, par épuisement des réserves de vWF et ne permet en général pas de couvrir la période à risque hémorragique après hépatectomie.

Phase de réveil et analgésie postopératoire
La chirurgie hépatique entraîne, comme toute chirurgie abdominale sus-mésocolique, une douleur postopératoire intense. [6, 17, 28] Le contrôle de la douleur est donc une priorité. La titration par morphine intraveineuse dès le réveil, relayée par une administration autocontrôlée par le patient (PCA), permet d’obtenir rapidement un contrôle satisfaisant de la douleur (EVA < 3) au repos. [38] Cependant, cette technique reste imparfaite pour les douleurs survenant lors des mobilisations. [69] Les méthodes d’analgésies locorégionales sont plus efficaces sur ces douleurs, mais elles sont bien sûr contre-indiquées lorsqu’il existe un trouble de l’hémostase préopératoire. [28, 86] On peut donc raisonnablement les déconseiller dans les hépatectomies majeures même en l’absence d’anomalie préopératoire, car il existe un risque d’altération de l’hémostase postopératoire. Celui-ci est lié au risque potentiel de saignement massif peropératoire avec consommation de facteurs de coagulation en rapport avec la résection hépatique elle-même, qui fait chuter la synthèse des facteurs de coagulation. Ce dernier phénomène est transitoire, mais ne commence à s’inverser qu’à partir de la 48e heure postopératoire, ce qui a un effet marqué sur les facteurs à demi-vie courte.

L’innocuité des techniques locorégionales dans les hépatectomies mineures chez le patient sain reste à évaluer.
L’emploi du paracétamol est contre-indiqué chez le cirrhotique, même à doses réduites, car il peut entraîner une poussée d’insuffisance hépatique aiguë. De plus, il a été montré que l’association néfopam (20 mg/4 h) et PCAmorphine (bolus de 1 mg, période réfractaire de 7 minutes) était supérieure à l’association paracétamol et PCA morphine pour le contrôle de la douleur après hépatectomie ; [91] 97 % des patients traités par PCA et néfopam sont satisfaits, avec une EVA à la 24e heure de 2 (4 à la toux) contre 3 (6 à la toux) pour l’association propacétamol-PCA. De même, l’utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) n’est pas recommandée, en raison du risque hémorragique y compris chez les= patients à fonction hépatique normale et à cause de ses effets potentiellement délétères sur la fonction rénale chez le cirrhotique (cf. infra).


Particularités de la chirurgie hépatique chez le cirrhotique



Les résections hépatiques sont désormais fréquemment effectuées chez des patients cirrhotiques, en raison de la fréquence élevée de survenue d’hépatocarcinome sur foie cirrhotique. Cette pathologie impose une évaluation et une prise en charge très spécialisées des différentes pathologies liées à la cirrhose.
Les points particuliers développés ici sont également importants à considérer avant une TH.


ANOMALIES HÉMODYNAMIQUES
La cirrhose entraîne une vasodilatation artériolaire, responsable d’une baisse importante des RVS et une augmentation du DC. La baisse des RVS est directement liée à la gravité de la cirrhose . La PAM est normale ou modérément abaissée, mais on observe une inversion du rythme circadien normal, avec une PAM plus basse le jour que la nuit. [66] Ces anomalies vasculaires sont liées à une altération des systèmes de régulation, notamment un déséquilibre entre substances vasodilatatrices et vasoconstrictrices, favorisant un tonus vasodilatateur. Il existe une altération précoce de la fonction endothéliale, dont témoigne une élévation des taux d’endothéline, et une production accrue de NO un peu plus tardive et corrélée à la sévérité de la cirrhose. [77]
L’effet vasodilatateur du NO entraîne à son tour une activation chronique des systèmes sympathique et rénine-angiotensine (SRA). Celle-ci permet de limiter en partie la vasodilatation artériolaire, mais a un retentissement direct sur la vascularisation de certains organescibles et est responsable de différents syndromes associés à la cirrhose, tels que les syndromes hépatorénal et hépatopulmonaire, l’hypertension portopulmonaire, la dysfonction neurovégétative, et certains troubles de l’hémostase. 

Dysfonction neurovégétative
La dysautonomie neurovégétative est définie par une diminution de la réponse réflexe lors de stimulations cardiovasculaires. [83] La réponse à une stimulation nociceptive, à une manoeuvre de Valsalva ou à la vasodilatation réflexe (par exemple lors de tests de calcul mental) est diminuée.


Sa prévalence est de 70 % chez le cirrhotique, toutes causes confondues, ce qui justifie une recherche systématique en préopératoire par les tests cliniques simples suivants :
– absence ou faible variation de la fréquence cardiaque lors de la manoeuvre de Valsalva 
– chute de la PA de plus de 15 %, 60 secondes après un lever rapide.

Cependant, ces signes ont une mauvaise sensibilité et des tests plus complexes, difficiles à obtenir en routine, tels que l’analyse de la variabilité de l’espace R-R, sont nécessaires pour confirmer le diagnostic. [68] La dysfonction du SNA paraît liée à des facteurs humoraux, sans atteinte histologique des structures nerveuses. Une interaction entre le système rénine-angiotensine (dont l’activité est augmentée) et le système parasympathique (dont l’activité est inhibée, à un niveau à la fois central direct et périphérique) a été suggérée. Cette hypothèse est renforcée par l’amélioration de la réactivité vasculaire chez les cirrhotiques, sans altération de la PA par l’administration d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion. [42]

La dysautonomie expose à une plus grande instabilité hémodynamique peropératoire, à une moins bonne tolérance des variations volémiques, et à une moindre réactivité aux catécholamines. Le traitement est uniquement symptomatique, adapté aux modifications hémodynamiques observées.

Syndrome hépatorénal (SHR)
Définition
Le SHR est défini par l’association de :
– une insuffisance rénale (créatininémie > 150 μmol/l ou clairance de la créatinine < 40 ml/min) ;
– une insuffisance hépatique sévère, secondaire le plus souvent à une cirrhose, mais aussi parfois à une insuffisance hépatique aiguë ;
– l’absence d’arguments clinique, biologique, histologique en faveur d’une autre cause d’insuffisance rénale (choc, sepsis, diurétiques, néphrotoxiques, déshydratation) ;
– et l’absence d’amélioration après correction d’une hypovolémie (suppression des diurétiques administrés pour l’ascite et expansion volémique de 1 500 ml). C’est une affection fréquente, présente chez 20 % des cirrhotiques ascitiques. [8] La survenue d’un SHR est favorisée par une excrétion sodée et une osmolalité plasmatique basses, une PA basse, la présence de VO et une dénutrition.

Physiopathologie
Le SHR est dû à une vasoconstriction excessive de la circulation rénale, d’origine humorale. Lors du développement de l’ascite, la vasodilatation splanchnique majeure entraîne une activation des systèmes vasoconstricteurs (SRA, hormone antidiurétique, endothéline), lesquels entraînent à leur tour une production accrue de substances vasodilatatrices (PG, NO), maintenant dans un premier temps la fonction rénale. Le SHR est secondaire à un déséquilibre entre les mécanismes vasodilatateurs et vasoconstricteurs conduisant à une vasoconstriction rénale chronique. Le rôle de l’endothéline paraît important, car la fonction rénale peut être corrigée par les antagonistes des récepteurs à l’endothéline. Le rôle bénéfique des PG vasodilatatrices explique que les AINS soient contre-indiqués chez ces patients.

Symptomatologie clinique
On distingue deux types de SHR, de pronostic très différent. Dans le SHR de type I, la fonction rénale se dégrade de façon rapide, en quelques semaines, avec oligurie, hyponatrémie et hyperkaliémie.

Elle survient dans la moitié des cas après un événement déclenchant (infection du liquide d’ascite, ponction d’ascite non compensée, chirurgie) et le pronostic est très sombre.

Le SHR de type II se traduit par une diminution stable et modérée de la filtration glomérulaire et de la fonction rénale, parallèle à l’évolution de la maladie hépatique. La survenue d’un SHR de type II est un facteur de mauvais pronostic, la survie des patients étant inférieure, à classe de Child égale, à celle de cirrhotiques sans atteinte rénale.


Aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité sur la mortalité du SHR, bien que le transjugular intrahepatic porto-systemic stent shunt (TIPSS) soit en cours d’évaluation. La dialyse n’est pas retenue actuellement comme alternative thérapeutique.
Des travaux sont en cours pour évaluer l’efficacité de la correction de l’hypervasodilatation splanchnique. L’ornipressine, un analogue de l’antidiuretic hormone (ADH), associée à un remplissage par albumine guidé par le taux de rénine plasmatique, permet de normaliser la créatinine, mais ce traitement est mal toléré, 50 % des patients ayant dû interrompre le traitement pour des complications ischémiques, myocardiques ou splanchniques. [63]

Le traitement curatif du SHR de type II est la TH, qui permet de normaliser la fonction rénale dans la grande majorité des cas. La TH n’est en revanche pas un traitement du SHR de type I car la dégradation est trop rapide par rapport aux délais d’obtention d’un greffon.

Syndrome hépatopulmonaire (SHP)
Définition
Le SHP est défini par l’association :
– d’une hépatopathie avec HTP (cirrhose, HTP sans cirrhose, hépatite fulminante) ;
– d’une hypoxémie de repos (pression partielle en oxygène dans le sang artériel [PaO2] < 70 mmHg [ou saturation en oxygène dans le sang artériel, SaO2 < 92 %]) avec orthéodoxie et élargissement du gradient alvéolocapillaire (> 20 mmHg) ;
– d’une vasodilatation intrapulmonaire. [25]
L’orthéodoxie est définie par une aggravation de l’hypoxémie de plus de 10 % lorsque le patient passe de la position couchée à la position debout. Un hippocratisme digital et une élévation marquée du DC avec effondrement des RVS sont fréquents, mais ces éléments ne sont pas nécessaires au diagnostic. [75]

Le SHP survient après plusieurs années d’évolution d’HTP et il est présent chez 10 à 15 % des cirrhotiques graves. Il doit être recherché de manière systématique, mais le SHP n’est pas la seule cause d’hypoxémie, présente chez 50 % des cirrhotiques graves (Child C).
Ce syndrome est un signe de gravité important, et la survie moyenne à partir du diagnostic est inférieure à 3 ans. [74]

Physiopathologie
L’hypoxémie est due à une combinaison d’effet shunt et de shunt vrai. [27] L’effet shunt est lié à la vasodilatation pulmonaire capillaire et précapillaire, qui entraîne un trouble de la diffusion d’O2 vers les hématies circulant au centre des vaisseaux dilatés. Cette altération est aggravée par l’augmentation du DC  et par la position debout qui accentue l’accumulation de sang aux bases pulmonaires, siège préférentiel des dilatations vasculaires. Il existe d’autre part une altération de la vasoconstriction hypoxique pulmonaire, qui permet normalement de redistribuer le flux sanguin dans les zones les mieux ventilées. [37]

Le shunt intrapulmonaire, responsable d’une hypoxémie non modifiée par l’inhalation d’O2 pur, est le stade ultime de la vasodilatation capillaire. Il peut aussi être lié à des anastomoses entre la circulation artérielle pulmonaire et les veines pulmonaires (spidernevi des Anglo-Saxons), ou des anastomoses pleuropulmonaires, pleurohilaires, portopulmonaires, voire périoesophagiennes. Il faut noter cependant que le rôle de ces shunts extrapulmonaires dans l’hypoxémie est probablement faible. [74]

Le traitement par bêtabloquant, proposé dans l’HTP, peut aggraver le SHP, en augmentant la PAP, en majorant le shunt et en favorisant l’ouverture d’un foramen ovale perméable. [102] Le SHP représente donc une contre-indication relative à ce traitement.
Le SHP est rattaché à un trouble de métabolisme du NO. [104] Sur un modèle expérimental de cirrhose chez le rat, il existe une augmentation de l’acide ribonucléique messager (ARNm) de la NO synthase. D’autre part, les artères pulmonaires ont une activité NO synthase augmentée et une réactivité aux catécholamines diminuée, mais restaurée après administration de bloqueurs de la NO synthase. Chez l’homme, on a mis en évidence des niveaux de NO expiré supérieurs à la normale chez le cirrhotique sévère avec syndrome hyperkinétique associé ou non à un SHP. [116]

L’administration de bleu de méthylène, inhibiteur de la NO synthase, a pu corriger transitoirement l’hypoxie du SHP. [106] Par ailleurs, l’augmentation des taux expirés de NO et du shunt pulmonaire chez le cirrhotique diminue après TH. [105]

Symptomatologie clinique
Un SHP doit être recherché systématiquement chez tout cirrhotique grave par la mesure des gaz du sang, couché et debout. Dans le SHP de type 1, le mécanisme prédominant est un effet shunt, et un shunt vrai dans le SHP de type 2. La radiographie de thorax ne montre pas d’anomalie spécifique. La quantification du shunt peut être faite par échocardiographie de contraste ou par scintigraphie à l’albumine marquée. Un SHP grave est défini par un shunt supérieur à 40 %. Le pronostic vital est mis en jeu à moyen terme par l’existence d’un SHP symptomatique.

Dans ces formes sévères, une malformation artérioveineuse suffisamment importante pour justifier une embolisation doit être recherchée. Elle peut être suspectée cliniquement en montrant l’absence de remontée de la PaO2 au-delà de 100 mmHg lors de l’inhalation d’oxygène pur et confirmée par angiographie. Le SHP sévère ne peut être corrigé durablement que par la TH. [9]

Prise en charge périopératoire de l’hypoxie du SHP
Le risque d’une aggravation brutale de l’hypoxie lors de la chirurgie hépatique est important lors de la reperfusion du foie (hépatectomie simple mais surtout TH) car les médiateurs vasodilatateurs libérés aggravent l’effet shunt et le shunt.

L’inhalation de NO a été proposée dans certains cas d’hypoxie menaçante. [104] Cependant, son effet peut être délétère ou bénéfique selon que le shunt ou l’effet shunt est prédominant. Dans l’effet shunt, l’hypoxie diminue sous NO car il permet de redistribuer le flux sanguin vers les zones bien ventilées. Dans le cas d’un shunt vrai, non corrigé par une optimisation du rapport Va/Q, le NO en entraînant une vasodilatation globale du réseau pulmonaire, aggrave l’hypoxie. Il faut donc faire un test thérapeutique en administrant le NO à une concentration de 20 à 40 ppm. Il doit être arrêté immédiatement si une aggravation de l’hypoxie est observée. [27]

Hypertension portopulmonaire (HPP)
Définition
L’HPP est définie par l’association d’une cirrhose, d’une PAP moyenne (PAPm) supérieure à 25 mmHg, et de résistances vasculaires pulmonaires élevées (RVP > 120 dyn s–1 cm–5). Elle doit être distinguée de l’élévation plus modérée de la PAPm observée dans le SHP et liée à la simple élévation du DC avec des RVP normales. [81]
On définit trois stades évolutifs dans l’HPP :
– modéré : 25 < PAPm < 35 mmHg ;– moyen : 35 < PAPm < 45 mmHg ;
– sévère : PAPm > 45 mmHg.
C’est une complication tardive et grave de la cirrhose, qui concerne 5 à 10 % des patients en attente de TH. Les lésions histologiques artérielles pulmonaires sont non spécifiques et irréversibles. Des signes d’insuffisance cardiaque droite (septum paradoxal puis chute de l’index cardiaque) apparaissent au cours de l’évolution de la maladie, et le pronostic est alors très péjoratif, proche de celui de l’HTAP primitive.

Symptomatologie clinique
L’HPP doit être recherchée systématiquement dans la cirrhose grave (notamment les cirrhoses biliaires primitives) car 60 % des patients sont asymptomatiques. Les patients symptomatiques présentent une dyspnée d’effort, puis de repos, et parfois des douleurs thoraciques.
La survenue de syncopes est évocatrice de la forme grave des HPP.
L’auscultation peut retrouver un dédoublement du B2 au foyer pulmonaire. L’échocardiographie transthoracique permet d’évaluer la PAP de façon indirecte et de rechercher l’existence des signes de gravité, tels que le septum paradoxal. Elle permet également d’éliminer une autre valvulopathie responsable d’HTAP secondaire.
Une confirmation du diagnostic par un cathétérisme cardiaque droit est indispensable, afin de mesurer la PAPm et les RVP. La réversibilité de l’HTAP par l’inhalation de NO (20 ppm) dans un masque facial à haute concentration doit être recherchée pendant le cathétérisme ; en effet, elle refléterait la réponse aux vasodilatateurs au long cours. L’action du NO est immédiate et la dose peut être augmentée jusqu’à 40 ppm. [84] Lors de l’aggravation de l’HTAP, il existe un risque d’ouverture d’un foramen ovale persistant qui peut être détectée par une épreuve aux bulles à l’ETO.

Traitement
Le traitement repose sur l’administration de vasodilatateurs au long cours et requiert une prise en charge par une équipe spécialisée dans l’HTAP primitive. Les inhibiteurs calciques, les PG de type PGI2 (Iloprostt) par voie intraveineuse ou inhalée, sont efficaces dans l’HTAP primitive sur l’oxygénation, la dyspnée, la qualité de vie, et la survie et sont en cours d’évaluation dans l’HPP. [67] Les PG au long cours peuvent faire régresser en partie l’HTAP, mais ces traitements n’ont qu’un effet symptomatique et ne stoppent pas l’évolutivité de la maladie. [98] De plus, 15 à 30 % des patients sont non répondeurs, les effets secondaires (essentiellement l’hypotension artérielle par action vasodilatatrice périphérique) imposent parfois d’arrêter le traitement.

Contrairement au SHP, la TH ne guérit pas l’HPP sévère, probablement parce que l’HTAP y est alors fixée. [101] Aujourd’hui encore, l’HTAP sévère reste donc une contre-indication à la greffe, en raison du risque de poussée d’HTAP à la reperfusion avec inefficacité circulatoire, et de l’évolutivité de la maladie pulmonaire avec une espérance de vie postgreffe courte. [26, 57, 76] Le contrôle peropératoire de l’HTAP repose sur le NO, la PGI2 par voie veineuse (Iloprostt, 2 à 10 ng.kg.min-1) ou inhalée. [51, 85] Parallèlement, l’objectif est de maintenir une PAM supérieure à la PAPm avec des agonistes adrénergiques, afin de préserver la perfusion coronaire droite et d’éviter l’ischémie du ventricule droit. En peropératoire, une surveillance par cathéter de Swan-Ganz ou ETO permet de détecter les signes d’insuffisance ventriculaire droite aiguë.

Il faut noter que SHP et HPP ne sont pas mutuellement exclusifs mais pourraient correspondre à deux états possibles de la maladie pulmonaire du cirrhotique liée aux dysrégulations de sécrétion de médiateurs vasotoniques. Il a été suggéré que selon la balance globale plutôt vasodilatatrice ou plutôt vasoconstrictrice des médiateurs non épurés du fait de la cirrhose, le tonus évoluerait plutôt vers le SHP ou l’HPP.

ANOMALIES DE L’HÉMOSTASE
L’altération de l’hémostase chez le cirrhotique est un facteur de gravité de la maladie, (la baisse du taux de prothrombine [TP] étant un des paramètres du score de Child et Pugh) (Tableau 4) et favorise le saignement. La baisse des facteurs de coagulation ne résume pas les anomalies de l’hémostase, et certains troubles de mécanismes complexes en partie liés à la dysfonction endothéliale sont générateurs de phénomènes thromboemboliques. [50, 77] De façon schématique, on peut distinguer :
– la baisse de la synthèse hépatique des facteurs II, V, VII (baisse précoce dans l’évolution de la maladie) et X, responsable d’un allongement des tests de coagulation globaux (TP et international normalized ratio [INR] notamment) ;
– les anomalies de l’hémostase primaire, fréquentes et secondaires à la thrombopénie de l’hypersplénisme, à des anomalies des fonctions plaquettaires (toxicité de l’alcool) et à l’action de substances circulantes dans le plasma (surproduction de NO diminuant l’adhésion plaquettaire). [4] La concentration de facteur von Willebrand (vWF) est corrélée à la sévérité de la maladie hépatique et peut être utilisée comme index de dysfonction endothéliale ; [3]
– la fibrinolyse chronique correspond à un déséquilibre entre activateurs (tPA) et inhibiteurs (PAI) physiologiques de la fibrinolyse dont la sécrétion par l’endothélium est altérée par la cirrhose. On observe une stimulation des activateurs, associée à une diminution du taux des principaux inhibiteurs (PAI, alpha2-antiplasmine). Le temps de lyse des euglobulines est diminué, ainsi que le temps de thrombine et le fibrinogène ; les produits de dégradation de la fibrine (PDF) sont augmentés ; enfin le taux d’antithrombine III (ATIII) est abaissé. L’utilisation de l’aprotinine est à discuter chez le cirrhotique sévère lorsqu’il existe une hyperfibrinolyse. De plus, en diminuant la bradykinine, substance vasodilatatrice, elle limite l’instabilité hémodynamique après reperfusion lors des TH.

La surexpression du vWF, qui permet l’adhésion plaquettaire, est fréquente chez le cirrhotique. Un tiers des cirrhotiques aurait ainsi des taux élevés d’antigène de vWF. [50]

L’administration de concentrés de facteur VII recombinant (rVIIF) chez le cirrhotique a permis de corriger pendant plusieurs heures le TP et l’hémostase primaire, sans effet secondaire notable. [96]
 L’utilisation de ce facteur pourrait être un nouveau traitement prometteur en prévention de saignements lors de gestes invasifs. Ce traitement reste cependant à évaluer.

ÉVALUATION DU RISQUE CHEZ LE CIRRHOTIQUE
La cirrhose est un facteur de risque important de morbidité périopératoire en raison de son retentissement sur de nombreuses fonctions : – hémostase (défaut de synthèse des facteurs, coagulation intravasculaire disséminée [CIVD], altération des fonctions plaquettaires et de la fibrinolyse) ;
– fonction respiratoire (ascite créant un syndrome restrictif et des atélectasies, épanchement pleural transsudatif (« ascite pleurale »), dénutrition à l’origine de trouble de la fonction diaphragmatique) ;
– mauvaise adaptabilité cardiovasculaire (dysautonomie végétative).
La consultation d’anesthésie est donc une étape fondamentale pour ces malades, permettant de rechercher les pathologies pouvant poser problème (Tableau 5).

La mortalité après hépatectomies varie de 0 % à 20 % selon les séries. [49, 90] Cette variabilité est expliquée par des différences dans la gravité de la cirrhose, la taille de la tumeur, et le geste chirurgical, mais est parfois mal précisée dans les études rendant les comparaisons difficiles.
Les résections hépatiques majeures (plus de trois segments) sont pour beaucoup d’équipes contre-indiquées chez les cirrhoses Child C, et déconseillées chez les grades A et B. Or, ce sont les patients chez qui l’indication se discute fréquemment, car ils présentent un terrain à risque de survenue de carcinome. De nombreuses études ont cherché à identifier, au sein de cette population de cirrhotiques, les patients pouvant bénéficier d’une chirurgie avec un risque acceptable. La limite de foie résécable, habituellement fixée à 75 % pour le parenchyme sain, est réduite chez le cirrhotique. Si la résection est trop importante, il existe un risque d’insuffisance hépatocellulaire aiguë avec poussée d’ascite et/ou d’HTP aiguë avec rupture de VO ou gastrite par augmentation transitoire du bloc intrahépatique. Il faut noter que, après certaines chimiothérapies (par exemple pour métastases de cancer colique), la capacité fonctionnelle hépatique se rapproche de celle du foie cirrhotique. Il est donc important chez ces patients d’apprécier la qualité du parenchyme hépatique pour en déduire la masse maximale résécable. La mesure de la clairance du vert d’indocyanine, substance épurée par le foie, est utilisée par beaucoup d’auteurs pour apprécier les réserves fonctionnelles hépatiques (valeur normale : rétention < 10 % à 15 min). [18]

Le bénéfice sur la cytolyse postopératoire et la morbimortalité périopératoire du clampage intermittent est net chez le cirrhotique, puisque l’insuffisance hépatique aiguë postopératoire était de 10 % et la mortalité de 5 % lors d’un clampage continu, et nulle avec un clampage intermittent. [13]

Le temps de clampage total doit être réduit à 60 ou 90 minutes, car le risque d’entraîner des phénomènes d’ischémie-reperfusion symptomatiques ou une cytolyse hépatique postopératoire avec insuffisance hépatocellulaire est augmenté.

L’incidence des complications chez le cirrhotique est de 25 % à 70 % selon les études. Les complications les plus fréquentes sont l’insuffisance hépatocellulaire postopératoire avec ascite, les complications pulmonaires, l’insuffisance rénale et les hémorragies digestives hautes. Le risque de complications dépend du volume hépatique et de la sévérité de la cirrhose. [49, 90]

Le risque de complications peut être réduit par la correction de la dénutrition par nutrition entérale, débutée en préopératoire, et poursuivie en postopératoire. [48] En effet, il est prouvé que la dénutrition chez le cirrhotique augmente le taux de complications respiratoires, probablement en partie par son retentissement sur la fonction diaphragmatique. D’autre part, il est nécessaire de respecter les contre-indications formelles à l’hépatectomie, que sont l’ascite non contrôlée, l’infection du liquide d’ascite, l’encéphalopathie hépatique et la dénutrition avancée.

SCORES PRONOSTIQUES CHEZ LE CIRRHOTIQUE
Plusieurs outils ont été développés afin de prédire le risque d’une intervention chez le cirrhotique. Ainsi la classification de Child, largement utilisée pour évaluer la gravité globale de l’état d’un cirrhotique, est au départ un indice de prédiction du risque de dérivation portosystémique chirurgicale. Mais cette classification a fait ses preuves quant à la prédiction de la survie elle-même. De plus, sa simplicité de calcul, permettant sa détermination rapide au lit du malade, justifie que cet outil soit universellement utilisé pour classer le risque périopératoire.

Plus récemment a été développé le score model for end-stage liver disease (MELD), dont les composantes ont été identifiées par modélisation de la mortalité à 3 mois sur une cohorte de cirrhotiques. [72] Il prend en compte le logarithme népérien (ln) de la bilirubine et de la créatinine et l’INR, selon la formule suivante : MELD 3,8 × ln bili mg/dl+ 11,2 × ln INR+ 9,6 × ln créatinine mg/dl + 6,4 × étiologie où l’étiologie = 0 si origine cholestatique ou alcoolique et 1 dans les autres cas.

Ce score a l’avantage d’avoir été validé secondairement sur une importante cohorte de cirrhotiques européens, toutes causes confondues, et permet de prédire le risque de décès à 3 mois (Tableau 6). Malgré sa complexité, le rendant plus difficile à utiliser en pratique clinique quotidienne que le score de Child, il présente l’avantage de pouvoir être calculé précisément et de ne pas avoir de composante subjective, ou susceptible de varier selon les normes du laboratoire. Par ailleurs, ce score est valable quelle que soit la gravité de la cirrhose et il a été proposé qu’il soit utilisé comme outil d’attribution des greffons hépatiques, au lieu de la simple inscription sur la liste habituellement retenue comme critère principal. [33]

AUTRES INTERVENTIONS CHEZ LE CIRRHOTIQUE
Shunt portosystémique intrahépatique (TIPSS)
Les shunts portocaves chirurgicaux, réalisés pour réduire les complications hémorragiques de l’HTP, sont associés à un taux important d’encéphalopathie et d’insuffisance hépatique. Après une première expérience utilisant un abord percutané, une alternative consistant à établir une communication entre la veine porte et les veines sus-hépatiques par voie transjugulaire (TIPSS) non chirurgicale a été développée. [30, 103] Le shunt, réalisé dans le parenchyme hépatique et maintenu ouvert par un stent métallique, diminue l’HTP et les varices oesophagiennes et portosystémiques et fait régresser l’ascite.

Les principales indications sont les hémorragies digestives par rupture de VO, l’ascite réfractaire, le SHR et le syndrome de Budd-Chiari.

Il s’agit d’une technique dont la morbidité et la mortalité restent importantes. La mortalité est respectivement de 4, 11 et 25 % pour les patients classés Child A, B et C et est majorée en cas d’intervention en urgence. Les principales complications sont l’encéphalopathie (18-30 %), l’insuffisance hépatique (10-25 %) et l’occlusion du shunt (10 % par an). Au moment de la réalisation du geste, il existe un risque de ponction de la capsule ou de l’artère hépatique, responsable d’une hémorragie aiguë ou d’une lésion d’une voie biliaire.

Ce geste, réalisé en radiologie interventionnelle, peut être effectué sous anesthésie locale, mais la durée parfois prolongée de la procédure, le terrain (estomac plein, sensibilité aux morphiniques), la douleur lors de la dilatation intrahépatique et la possibilité de complications peropératoires rendent une anesthésie générale souvent nécessaire. La mise en place du TIPSS entraîne une augmentation du retour veineux avec majoration de 10 à 20 % du DC et expose à un risque d’oedème pulmonaire. Une surveillance par cathéter de Swan-Ganz peut être indiquée chez les patients ayant une dysfonction cardiaque sévère.

L’analgésie au décours de la procédure fait appel aux morphiniques.
Une surveillance prolongée en soins intensifs peut être recommandée durant 24 à 48 heures. Dans les suites, une surveillance radiologique régulière de la perméabilité du shunt s’impose.

Valve de Leveen
Il s’agit d’une dérivation péritonéojugulaire comportant une valve baroactive unidirectionnelle placée en sous-cutané, permettant le passage du liquide d’ascite dans le compartiment vasculaire. Elle est indiquée dans les ascites « réfractaires », sans insuffisance hépatocellulaire sévère et sans antécédent d’hémorragie variqueuse, mais la morbidité et la mortalité importantes qu’elle comporte limitent ses indications. Il est capital de s’assurer de l’absence d’infection du liquide d’ascite (taux de polynucléaires < 100/mm3).

Les complications peropératoires sont l’oedème pulmonaire, la CIVD (passage sanguin de substances procoagulantes contenues dans l’ascite), l’embolie gazeuse et le sepsis. L’évacuation de l’ascite et le remplacement par du sérum physiologique sont parfois utilisés pour diminuer le risque de coagulopathie. L’intervention peut être faite, selon l’état du patient, sous anesthésie locale ou générale.

L’anesthésie générale doit comporter une séquence d’induction rapide en raison de l’ascite abondante. En postopératoire immédiat, une surveillance des troubles cardiovasculaires et de l’hémostase en soins intensifs est nécessaire. À moyen terme, les mêmes risques d’infection, de dysfonction myocardique et de CIVD persistent, associés à un risque d’obstruction de la valve avec récidive de l’ascite, ou de thrombose cave. La mortalité est élevée, en rapport avec la gravité de la maladie sous-jacente.



 Transplantation hépatique



TECHNIQUE CHIRURGICALE
La TH comporte trois phases :
– hépatectomie ;
– anhépatie pendant laquelle le transplant est mis en place ;
– revascularisation du greffon (veine porte et artère hépatique) puis anastomoses biliaires.

La technique classique consiste à enlever le foie natif avec le segment de veine cave qui lui est attenant et impose un clampage cave suset sous-hépatique et une double anastomose cave (Fig. 6). [111]

La technique avec préservation de veine cave (piggy-back des Anglo- Saxons), plus récente, laisse en place la veine cave du receveur et ne nécessite qu’un clampage cave latéral et une anastomose cavocave entre la partie antérieure de la veine cave du receveur et une palette de veine cave préservée sur le greffon(Fig. 7). [16, 20]


Phase d’hépatectomie
Après incision cutanée, généralement bi-sous-costale, les différents éléments du pédicule hépatique du foie natif sont isolés et contrôlés et le foie est libéré de toutes ses attaches ligamentaires. La présence d’adhérences (interventions antérieures) ou d’une HTP peut entraîner des pertes sanguines importantes. Dans la technique classique, il est nécessaire de faire une dissection rétrocave afin de libérer la veine cave, qui sera enlevée avec le foie natif. Dans la technique avec préservation de veine cave, la veine cave rétrohépatique est exposée en disséquant et en contrôlant les veines sus-hépatiques. Le foie est donc libéré de la veine cave, sauf à l’abouchement des trois veines sus-hépatiques.

Phase d’anhépatie
Elle débute par le clampage du pédicule hépatique. Dans la technique classique, la VCI est clampée et sectionnée, d’une part en position sous-diaphragmatique et d’autre part au-dessus de l’abouchement des veines rénales. Le foie natif est alors retiré, le foie du donneur, comprenant un segment de veine cave, est placé dans la cavité abdominale et des anastomoses cave sus-hépatique, cave sous-hépatique puis porte sont réalisées. Il est difficile de prévoir de façon individuelle en préopératoire la tolérance du clampage, mais chez certains patients, un shunt veinoveineux est nécessaire afin de réduire les conséquences hémodynamiques du clampage cave et diminuer le saignement relatif à l’engorgement du système porte. Le sang est drainé par l’intermédiaire de deux canules placées dans la veine porte et dans la VCI, via la veine fémorale et réinfusé par la pompe (sans oxygénation) dans une veine axillaire. Cependant, le bénéfice en termes de réduction des besoins transfusionnels, de réduction de la morbidité ou la mortalité (notamment des conséquences du syndrome de reperfusion ou d’altération de la fonction rénale postopératoire) ou en termes de fonctionnalité du greffon n’a pas été démontré. [60, 71, 73] D’autre part, un shunt comporte une morbidité propre, avec un risque d’embolie pulmonaire gazeuse ou fibrinocruorique (augmenté en cas de syndrome de Budd-Chiari), de décanulation intempestive, d’infection, d’hypothermie, de lésions vasculaires ou lésions du plexus brachial et de lymphocèle postopératoire (notamment en cas d’abord chirurgical pour la canulation). [97, 109] La mise en place d’un shunt suppose un entraînement régulier des équipes, ce qui explique le choix a priori d’utiliser ou non un shunt.

La technique avec préservation de veine cave a été développée pour simplifier cette phase en procédant à un clampage cave latéral qui respecte le flux cave inférieur. Dans un premier temps, une anastomose portocave terminolatérale temporaire, fonctionnelle pendant toute la phase d’anhépatie, peut être effectuée. [14] Elle améliore la tolérance du clampage et diminue le saignement en cas d’HTP importante. Cette anastomose est inutile quand le flux porte initial est très diminué. Un clamp est ensuite mis en place sur les veines sus-hépatiques droite, médiane et gauche au niveau de leur abouchement cave (fermé par un surjet) et le foie natif est enlevé.

Un clampage latéral sur la face antérieure de la VCI est réalisé, en dessous de l’origine des sus-hépatiques, n’interrompant pas le flux cave. Le greffon est mis en place en position orthotopique et une anastomose cavocave latérolatérale (piggy-back) ou terminolatérale est effectuée. L’anastomose porte est ensuite réalisée, après suppression de l’anastomose portocave temporaire éventuelle, et le flux sanguin est rétabli par déclampage cave puis porte. Dans tous les cas, avant revascularisation, le foie est purgé avec un cristalloïde, et une purge sanguine rétrograde à partir de la VCI est effectuée.

Un clampage cave latéral est possible chez la majorité des patients et est, pour certains auteurs, associé à un temps d’anhépatie plus court et à une diminution des besoins en produits sanguins. Par ailleurs, il facilite le geste en cas de retransplantation secondaire. 
Les principales complications rapportées dans une étude multicentrique rétrospective sur 1 361 patients sont :
– hémorragiques (3 %), essentiellement en cas de difficultés anatomiques (veine cave incluse dans le segment I ou anomalies de la veine cave) ;
– vasculaires avec des obstructions au retour cave ou des syndromes de Budd-Chiari, particulièrement en cas de taille inadéquate du greffon. [92] En présence de ces facteurs de risque, une technique classique est plus fréquemment utilisée.

Reperfusion du greffon et phase de postanhépatie
Après la revascularisation du foie par la veine porte, l’anastomose de l’artère hépatique est réalisée. Un temps d’hémostase soigneux est ensuite nécessaire puis sont pratiquées la cholécystectomie du transplant et les anastomoses biliaires. Il s’agit soit d’une anastomose biliobiliaire lorsque les voies biliaires sont normales, soit d’une anastomose biliodigestive sur anse en Y dans les autres cas (atrésie des voies biliaires, cholangite sclérosante, pathologie de la voie biliaire principale, ou inadéquation entre les voies biliaires du donneur et du receveur).

PRISE EN CHARGE PÉRIOPÉRATOIRE
Elle doit s’adapter aux caractéristiques du patient et aux différentes étapes de la TH, notamment les pertes sanguines et les modifications hémodynamiques souvent importantes.

Évaluation préopératoire
L’évaluation préopératoire doit permettre de caractériser la nature et la sévérité de la maladie hépatique (Tableaux 7 , 8). Une cirrhose est très fréquemment associée, et l’évaluation préopératoire doit préciser les différents points développés plus haut. D’autre part, l’extension des indications à des patients plus âgés et l’importance du retentissement hémodynamique per- et postopératoire de la TH conduisent à rechercher des pathologies associées augmentant le risque périopératoire (Tableau 9). Il s’agit schématiquement de l’insuffisance cardiaque systolique ou diastolique, de l’insuffisance coronaire, de l’insuffisance rénale et de certaines affections respiratoires ou neurologiques. [44, 54, 79] L’impact de telles pathologies associées sur la prise en charge périopératoire doit être abordé lors des réunions interdisciplinaires et régulièrement actualisé en fonction de la gravité et de l’évolutivité des pathologies. Lorsque le patient se présente pour l’intervention, la situation clinique et les paramètres biologiques importants sont réévalués. Une radiographie pulmonaire à la recherche d’épanchements pleuraux est systématique. D’autre part, un contact avec le site transfusionnel est indispensable pour la préparation de 8 à 10 culots globulaires, et la réservation de quatre à huit plasmas viro-inactivés et de deux concentrés plaquettaires d’aphérèse, séronégatifs pour le cytomégalovirus (CMV) si possible.

Monitorage et induction anesthésique
En cas de répercussion respiratoire d’une ascite ou en cas d’ascite pleurale abondante, une évacuation peut être proposée avant l’induction anesthésique. [22, 23] Celle-ci comporte le plus souvent une séquence d’induction rapide (absence de jeûne, ascite). Lorsqu’un shunt veinoveineux est envisagé, les abords veineux au niveau du membre supérieur gauche doivent être évités. Le monitorage comporte un cathéter artériel et pour de nombreuses équipes, la mise en place d’un cathéter de Swan-Ganz. L’ETO donne des informations utiles notamment au moment du déclampage sur le remplissage vasculaire et la fonction cardiaque. La mise en place de la sonde doit être prudente chez les patients porteurs de VO.

La prévention de l’hypothermie est essentielle, par un réchauffement externe à air pulsé et l’utilisation d’un accélérateur-réchauffeur de perfusion. Le Cell-Savert est utilisable en l’absence de pathologie carcinologique et d’antécédents d’infection d’ascite. Le shunt veinoveineux occasionne des pertes thermiques considérables qui imposent en pratique un système de réchauffement des lignes.

En cas d’hypertension intracrânienne liée à une hépatite fulminante, la surveillance de la pression intracrânienne par un cathéter extradural ou ventriculaire tend à se généraliser, notamment aux États-Unis, mais expose à un risque d’hématome lié aux troubles de l’hémostase. La surveillance de la perfusion cérébrale par doppler transcrânien pourrait être une alternative intéressante pour le contrôle de la perfusion cérébrale.

Prise en charge anesthésique au cours de l’hépatectomie
En cas d’HTP ou de trouble de l’hémostase, l’hémorragie peut être importante dès la phase de dissection. De plus, même en l’absence de pertes sanguines notables, une baisse majeure du retour veineux peut être liée à la mobilisation du foie ou la compression cave, particulièrement en cas d’hépatomégalie. Pour faire cesser ces anomalies, le foie doit être replacé régulièrement dans sa position anatomique et un compromis entre tolérance hémodynamique et progression de la dissection doit être trouvé avec le chirurgien. La décision d’utiliser un shunt peut avoir été prise en préopératoire ou au cours de cette phase, après la mise en évidence d’une mauvaise tolérance d’un test d’EVF (Fig. 3). Les canules du shunt veinoveineux sont alors mises en place et reliées au circuit de circulation extracorporelle (pompe non occlusive le plus souvent centrifuge, héparinisation des lignes, héparinisation systémique absente ou partielle) (Fig. 8).

Dans la technique avec conservation de veine cave, le clampage porte nécessaire à la réalisation de l’anastomose portocave temporaire peut avoir un retentissement hémodynamique notable.
Un test de clampage latéral de la veine cave est effectué avant l’ablation du foie afin d’en apprécier la tolérance hémodynamique.

Ce clampage doit respecter le flux cave et la bonne position est attestée par une tolérance hémodynamique correcte, éventuellement confirmée par les donnés de l’ETO.

Prise en charge au cours de l’anhépatie
Quand le clampage cave total est réalisé, la chute du retour veineux est plus ou moins importante en fonction de l’existence de shunts portosystémiques. Lorsqu’un shunt est utilisé, le débit est maintenu au-dessus de 1 l/min, pour assurer un retour veineux correct et réduire le risque de thrombose. En l’absence de shunt extracorporel, la conduite à tenir en cas de mauvaise tolérance hémodynamique est décrite dans la Figure 3.

Les modifications hémodynamiques sont rarement majeures quand la technique conservant la veine cave est utilisée. Les anomalies métaboliques (acidose, hyperkaliémie) doivent être dépistées et traitées dès la dissection hépatique et durant l’anhépatie afin de prévenir les modifications cliniques majeures pouvant survenir lors de la reperfusion. [22]

Reperfusion du greffon
Un syndrome de reperfusion survient dans 8 à 30 % des cas lors de la revascularisation hépatique. Il se traduit par une baisse de la PA, associée selon les cas à une bradycardie, une HTAP, et à des troubles du rythme et conduit parfois à un arrêt cardiocirculatoire. Il est lié à une vasodilatation périphérique majeure, le DC étant le plus souvent maintenu, mais une dysfonction myocardique ventriculaire gauche ou droite peut y être associée. L’origine du syndrome est probablement multifactorielle, la durée d’ischémie du foie pourrait intervenir sans que cela soit clairement démontré. En revanche, il existe une corrélation entre la tolérance hémodynamique du clampage cave et la fréquence du syndrome de reperfusion. [87]

La reperfusion du greffon est liée au passage systémique de substances induisant une vasodilatation et/ou une altération de la fonction myocardique. Une augmentation brutale de la kaliémie peut favoriser les troubles du rythme. Une acidose métabolique, la baisse brutale de la température centrale et une hypocalcémie peuvent participer à une dysfonction myocardique, qui peut être révélée par un remplissage excessif lors des premières phases.

D’autre part, il faut garder à l’esprit qu’une part de ce retentissement hémodynamique peut être due à une embolie gazeuse ou cruorique.
La gestion de ce syndrome comprend le contrôle, avant la reperfusion, des anomalies métaboliques et l’optimisation des pressions de remplissage. L’utilisation de vasoconstricteurs en bolus (néosynéphrine) puis le recours aux vasoconstricteurs et/ou inotropes en perfusion continue sont souvent nécessaires. Certains auteurs recommandent un traitement préventif par les vasopresseurs chez les patients à risque. [87] L’hypocalcémie doit être corrigée et une alcalinisation par bicarbonate de sodium peut être utilisée en cas d’hyperkaliémie sévère. Dans la majorité des cas, les modifications hémodynamiques et métaboliques sont transitoires et s’amendent progressivement dans les heures suivant la reperfusion.

La période qui suit la reperfusion présente généralement moins de modifications hémodynamiques, mais les pertes sanguines peuvent être importantes durant cette période, car des problèmes d’hémostase d’origine chirurgicale ou biologique peuvent persister, participant à la poursuite de la spoliation sanguine et à entretenir les troubles de la coagulation. Durant cette phase, on continuera à traiter les troubles métaboliques survenus lors de la revascularisation. Le temps des anastomoses biliaires ne pose pas de problème anesthésique particulier.

En postopératoire, la nécessité et la durée de la ventilation mécanique et ses conséquences pulmonaires restent débattues. Les durées de ventilation sont très variables selon les études. [22] Dans l’étude de Glanemann et al., l’extubation précoce apparaît possible et bien tolérée. [58] Dans notre expérience, les critères d’extubation en postopératoire immédiat ne sont pas différents de ceux d’une chirurgie lourde, et l’on extubera les patients normothermes et stables sur le plan hémodynamique, en l’absence de syndrome de reperfusion majeur et d’anomalie de l’hématose.

PROBLÈMES SPÉCIFIQUES À LA TRANSPLANTATION HÉPATIQUE
Un des principaux problèmes de cette chirurgie est l’hémorragie.
Les paramètres influençant le saignement peropératoire sont multiples (troubles de l’hémostase, HTP, pathologie en cause, interventions antérieures, shunts veinoveineux, insuffisance rénale).

Troubles de l’hémostase
Les anomalies de l’hémostase observées avant l’intervention entrent en jeu dans l’appréciation de la gravité de la maladie hépatique.
Cependant, compte tenu de la nature multifactorielle du saignement peropératoire, les tests de coagulation préopératoires ne permettent pas de prédire l’importance des pertes sanguines peropératoires. De la même façon, la correction préopératoire des troubles de l’hémostase avant TH n’a pas fait la preuve de son efficacité en termes de réduction du saignement peropératoire. [95]

En peropératoire, les anomalies de l’hémostase évoluent et se modifient rapidement. Durant les deux premières phases, elles associent coagulopathie de dilution et majoration de la thrombopénie (dilution, séquestration, consommation). Après la revascularisation, une fibrinolyse accélérée n’est pas rare, d’intensité et de durée variables, accompagnée de manifestations cliniques hémorragiques d’intensité elle aussi très disparate. Ces modifications rapides nécessitent un suivi biologique précis afin d’adapter au mieux la thérapeutique. La plupart des centres en France pratiquent une surveillance par le taux de plaquettes, le TP, le temps de céphaline activé (TCA), les facteurs de coagulation et le temps de lyse des euglobulines, avec des résultats disponibles dans l’heure.


Stratégie transfusionnelle
L’amélioration des techniques chirurgicales, notamment l’abandon de l’utilisation systématique du shunt veinoveineux par de nombreuses équipes a permis de diminuer les pertes sanguines au cours des TH. [21] Néanmoins, les pertes sanguines moyennes et les quantités de produits sanguins labiles transfusés restent très importantes. [55, 82, 107] Les facteurs de risque de transfusion de concentrés érythrocytaires ont été identifiés dans une étude menée dans huit centres réalisant plus de 20 TH par an en France. Il s’agit d’un antécédent de laparotomie, une chirurgie de plus de 7 heures, un temps de Quick inférieur à 40 %, une hémoglobine préopératoire inférieure ou égale à 80 g/l, et une insuffisance rénale modérée. [107]


D’autre part, ces facteurs de risque sont insuffisants pour prédire de manière fiable la consommation de produits sanguins au niveau individuel et une réservation dès la décision d’intervention auprès du site transfusionnel est indispensable. [52] Une transfusion massive a été corrélée à certaines complications périopératoires telles qu’une mauvaise fonction précoce du greffon, la survenue d’infection ou de complications gastro-intestinales et un pronostic vital plus réservé.

La consommation de plasma frais congelé et de concentrés plaquettaires est également très élevée dans cette chirurgie. Bien que certaines équipes aient montré que l’on puisse ne pas utiliser de plasma frais congelé, il paraît raisonnable d’adapter la transfusion de produits sanguins labiles afin de maintenir un TP supérieur à 40 %, un taux de plaquettes supérieur à 50 000/mm3 et un fibrinogène supérieur à 1 g/l. [43]

L’utilisation de l’aprotinine en peropératoire est habituellement recommandée de façon systématique au cours des TH, afin de diminuer les besoins transfusionnels. [99] En dehors du risque allergique connu de l’aprotinine (notamment en cas de réutilisation, avec une prévalence allant jusqu’à 5 %), il faut tenir compte du risque d’embolie pulmonaire périopératoire parfois fatale. [10, 32]

Dans les équipes rapportant des pertes sanguines relativement élevées, le bénéfice de l’utilisation d’aprotinine est supérieur au risque de celle-ci. Cependant, lorsque les pertes sanguines sont plus modérées, le rapport bénéfice-risque apparaît beaucoup moins favorable. L’administration d’aprotinine devrait donc être adaptée aux spécificités de chaque structure, aux caractéristiques du patient et à l’évolution peropératoire. [78] D’autres produits antifibrinolytiques ont également été utilisés tels que l’acide tranexamique, mais leur place reste à préciser. [35, 36]

L’autotransfusion peropératoire avec lavage est utilisable dans les pathologies bénignes. [7, 41] Le problème du Cell-Savert et de la chirurgie carcinologique a été évoqué dans le chapitre sur les hépatectomies. À ce jour, au cours des TH, l’utilisation de la récupération peropératoire de sang en cas de tumeur maligne n’est pas recommandée, hors cas d’urgence en situation de sauvetage. [65]

Enfin, en ce qui concerne l’apport d’albumine dans le cadre du remplissage peropératoire, il n’existe pas de données établissant la supériorité de l’albumine par rapport aux macromolécules, tant dans la compensation d’une ascite évacuée que dans les autres étapes de la TH. L’attitude à adopter est donc controversée. Si en cas d’hypoalbuminémie majeure, une compensation par l’albumine est recommandée, son utilisation systématique n’est pas généralisée et reste discutée.
L’utilisation des hydroxyéthylamidons semble à éviter en raison d’une toxicité potentielle rénale et hépatique, ainsi que sur la coagulation, lors d’administrations prolongées.

Immunosuppression
L’immunosuppression est instituée dès le début de la phase d’anhépatie, les protocoles variant d’une équipe à l’autre. Elle fait généralement intervenir une corticothérapie débutée en peropératoire. Sont utilisés selon les protocoles, la ciclosporine, le tacrolimus, les sérums antilymphocytaires, plus récemment le sirolimus.

TECHNIQUES DE TRANSPLANTATION PARTICULIÈRES
Certaines techniques chirurgicales sont proposées pour pallier la disponibilité insuffisante des greffons. Elles posent peu de problèmes spécifiques, en dehors d’une synchronisation différente des interventions, par rapport à la TH orthotopique.

Greffon issu d’un donneur vivant
La chirurgie chez le donneur vivant consiste à effectuer une résection hépatique partielle chez un sujet sain et à la transplanter immédiatement à un receveur apparenté. La masse de foie nécessaire au receveur est d’au moins 1 % de sa masse corporelle.
Ceci conditionne le type d’intervention réalisé, hépatectomie droite ou gauche pour un receveur adulte, hépatectomie ou lobectomie gauche pour un enfant.

Le prélèvement et la TH se font généralement de façon simultanée, permettant de diminuer la durée d’ischémie du greffon. [29] La technique avec préservation de la veine cave doit être utilisée puisque le greffon ne peut être prélevé avec un segment de veine cave du donneur. La réalisation des anastomoses, notamment artérielle, est clairement plus difficile, en raison de la différence de diamètre des vaisseaux. D’autre part, lors de la reperfusion du greffon, l’existence d’une tranche d’hépatectomie offre un risque de pertes sanguines supplémentaires. L’anastomose biliaire se fait généralement sur une anse en Y. En revanche, la prise en charge anesthésique du receveur n’est pas différente de celle d’une TH conventionnelle.

Cette technique permet de pallier dans une certaine mesure le manque de greffons prélevés sur des sujets en état de mort encéphalique, mais, avant que cette technique puisse se développer, il est nécessaire de prendre en compte les nombreux problèmes qu’elle soulève. La mortalité et la morbidité de cette chirurgie pour le donneur sont importantes. En effet, plusieurs décès ont été rapportés dans la littérature, et la mortalité est estimée à environ un peu moins de 1 %.
De plus, la morbidité grave est importante, liée au risque des examens pré-don (artériographie, ponction-biopsie hépatique pour certaines équipes) et à l’hépatectomie elle-même, qui expose au même risque que les hépatectomies thérapeutiques.

Ainsi, Grewal et al. ont décrit, sur 100 hépatectomies gauches (moins risquées que les droites), 20 % de complications mineures et 13 % de complications majeures chez le donneur. [62] D’autre part, le problème des relations entre donneur et receveur mérite d’être mieux évalué et pris en compte, que l’intervention soit un succès (phénomène de dépendance) ou surtout un échec (sentiment de culpabilité). Les conséquences physiologiques et psychologiques à long terme de cette chirurgie chez le donneur ne sont pas encore évaluées. De ce fait, dans les pays où le prélèvement d’organe sur sujet en état de mort encéphalique est possible, cette technique en est encore au stade d’évaluation. [33]

Autres techniques
Split in situ
Cette technique consiste à utiliser le foie d’un donneur afin de le séparer et de réaliser deux TH. Le foie gauche est le plus souvent utilisé pour un enfant, le foie droit pour un adulte.

Foie auxiliaire
La technique du foie auxiliaire est le plus souvent utilisée dans les hépatites fulminantes ou dans les insuffisances hépatiques aiguës lorsque l’on pense qu’une régénération est possible au décours de la phase aiguë. Un hémifoie est transplanté en position hétérotopique et assure une suppléance jusqu’à la reprise fonctionnelle attendue du foie natif.

Technique du domino
Il s’agit d’une technique encore peu pratiquée, en cours d’expérimentation, destinée à rentabiliser les greffons : un greffon provenant d’un donneur en état de mort encéphalique est transplanté à un patient présentant une maladie métabolique d’origine hépatique comme l’amylose, occasionnant une surcharge tissulaire responsable de troubles neurologiques et de la conduction cardiaque. La TH permet d’interrompre l’évolution de la maladie chez ce receveur. Le foie de ce patient, bien que responsable de cette anomalie métabolique, ne présente pas d’anomalie fonctionnelle. Il peut donc être greffé à un autre patient présentant une maladie hépatique terminale, la répercussion de la maladie amyloïde n’étant pas symptomatique avant plusieurs décennies. Une information objective de ce receveur sur la qualité du greffon est bien entendu indispensable.

Conclusion
Les progrès réalisés dans la prise en charge périopératoire multidisciplinaire de la chirurgie hépatique ont permis d’étendre les indications des résections hépatiques, particulièrement en chirurgie carcinologique. D’autre part, la meilleure compréhension du retentissement de la cirrhose sur les fonctions cardiovasculaires et respiratoires fait que cette chirurgie peut être proposée dans des centres spécialisés chez les patients ayant une cirrhose de gravité moyenne. La TH a vu se développer de nouvelles techniques, parmi lesquelles la TH avec donneur vivant qui connaît une expansion considérable ces dernières années.


Points essentiels
Les principales résections hépatiques sont (par ordre d’importance décroissante), la lobectomie droite, l’hépatectomie droite, l’hépatectomie gauche et la lobectomie gauche.
L’existence d’une cirrhose hépatique doit être recherchée, et ses conséquences sur la coagulation, le système nerveux autonome, la fonction rénale (syndrome hépatorénal), la circulation pulmonaire (hypertension portopulmonaire ou syndrome hépatopulmonaire) doivent être évaluées.
La réduction du risque hémorragique et d’embolie gazeuse pendant la section hépatique fait appel au clampage du pédicule hépatique, ou plus rarement à l’EVF. Ces manoeuvres ont un retentissement hémodynamique propre et exposent aux conséquences hépatique et générale de la reperfusion hépatique.
Le saignement peut également être réduit dans certaines circonstances par des moyens pharmacologiques, notamment l’aprotinine.
Cependant, une transfusion de concentrés érythrocytaires ou de facteurs de coagulation ou de plaquettes est fréquemment nécessaire et doit être anticipée.
Les indications de la TH sont les pathologies hépatiques en phase terminale (cirrhose le plus souvent), les hépatites fulminantes ou les carcinomes hépatocellulaires.

La technique classique impose un clampage cave sus- et sous-hépatique qui impose le plus souvent une assistance circulatoire veinoveineuse. La technique avec préservation de veine cave (piggy-back), ne nécessite qu’un clampage cave latéral de la veine cave inférieure.
Le saignement et les troubles de l’hémostase (préexistants ou secondaires à la chirurgie) sont les principaux problèmes des deux premières phases. Le retentissement hémodynamique de la phase de reperfusion du greffon est parfois très important et prolongé dans le temps.

Autoévaluation
Questions
I
A - Selon la classification de Couinaud, le lobe droit du foie est formé des segments I à III
B - L’artère hépatique assure 70 % du débit sanguin hépatique
C - Selon la nomenclature internationale, on définit comme hépatectomie majeure toute résection d’au moins trois segments hépatiques
D - La lobectomie droite associe une hépatectomie droite à la résection du segment IV
E - En termes de quantité de parenchyme hépatique réséqué, la lobectomie gauche est plus importante que la lobectomie droite
II
A - Le temps cumulé d’ischémie tolérable pour un foie sain lors de la manoeuvre de Pringle est de l’ordre de 45 minutes
B - Lorsqu’une EVF est prévue, il est habituel de réaliser une épreuve de clampage avant le début de la dissection hépatique
C - On définit le syndrome de reperfusion par une chute de la PAM de plus de 30 % de sa valeur avant clampage et persistant plus de 1 minute
D - On peut réséquer jusqu’à 75 % d’un foie sain sans induire d’insuffisance hépatique aiguë
E - Chez un cirrhotique même sévère, une embolisation de la région à réséquer par radiologie interventionnelle entraîne en 1 mois une hypertrophie réactionnelle suffisante pour pratiquer la résection hépatique dans de bonnes conditions
III
A - Une induction anesthésique à séquence rapide est recommandée pour les patients présentant une ascite
B - Après résection hépatique étendue, le pic de cytolyse postopératoire est observé à j7
C - La présence d’un foramen ovale perméable expose au passage systémique d’un embole gazeux lors d’une plaie de la veine cave
D - La découverte d’un déficit neurologique après embolie gazeuse, même plusieurs heures après l’intervention, doit faire poser l’indication d’une oxygénothérapie hyperbare
E - L’embolie gazeuse est le risque principal de la chirurgie hépatique
IV
A - Au cours des résections hépatiques, le temps le plus hémorragique est la dissection de la tranche hépatique
B - La récupération peropératoire du sang en chirurgie carcinologique hépatique est classiquement contre-indiquée
C - L’utilisation d’aprotinine doit être systématique lors des hépatectomies
D - La morphine est contre-indiquée après hépatectomie en raison d’un coefficient d’extraction hépatique élevé
E - L’emploi du paracétamol est contre-indiqué chez le cirrhotique, même à doses réduites, car il peut entraîner des poussées d’insuffisance
hépatique aiguë
V
A - La cirrhose est fréquemment associée à une diminution du débit cardiaque
B - La baisse des RVS est directement liée à la gravité de la cirrhose
C - La prévalence de la neuropathie dysautonomique est de 10 % chez le cirrhotique
D - La fréquence d’un SHR est de 20 % chez le cirrhotique ascitique
E - La survenue d’un SHR de type II est un facteur de mauvais pronostic
VI
A - Dans le SHP, il existe une hypoxémie de repos
B - Le SHP est présent chez 50 % des cirrhotiques graves
C - Le traitement par bêtabloquant, proposé dans l’HTP, peut améliorer le SHP
D - Le SHP est rattaché à un trouble du métabolisme du NO
E - Un SHP doit être recherché systématiquement chez tout cirrhotique grave par la mesure des gaz du sang, en position couchée et debout
VII
A - L’HPP est le plus souvent asymptomatique
B - L’apparition d’une insuffisance cardiaque droite au cours d’une HPP est très péjorative
C - La survenue de syncopes est évocatrice d’une forme grave d’HPP
D - Le traitement de l’HPP repose sur l’administration continue de vasoconstricteurs
E - La transplantation hépatique permet de traiter définitivement l’HPP sévère
VIII
A - Chez le cirrhotique il existe une baisse de la synthèse hépatique des facteurs II, III, V, IX
B - La surexpression du facteur von Willebrand est fréquente chez le cirrhotique
C - Les principales indications du TIPSS sont les hémorragies digestives par rupture de VO, l’ascite réfractaire, le SHR et le syndrome de Budd-Chiari
D - La mise en place d’un TIPSS entraîne une augmentation du retour veineux et expose à un risque d’oedème pulmonaire
E - La valve de Leveen consiste en une dérivation péritonéoportale
IX Au cours de la TH
A - Les troubles métaboliques (acidose, hyperkaliémie) doivent être corrigés avant la reperfusion du greffon
B - La durée d’ischémie du greffon est corrélée à l’importance des manifestations hémodynamiques lors de la reperfusion
C - Dans les premières heures qui suivent la reperfusion du greffon, il faut impérativement normaliser la glycémie par un apport d’insuline adapté
D - La correction préopératoire des troubles de l’hémostase a fait la preuve de son efficacité en termes de réduction du saignement peropératoire
E - L’albumine a montré sa supériorité par rapport aux macromolécules comme produit de remplissage 36-562-A-10 Anesthésie et réanimation en chirurgie hépatique et portale
(y compris la transplantation hépatique) Anesthésie-Réanimation

Réponses
I
A - Faux : le lobe droit est formé des segments IV à VIII
B - Faux : l’artère hépatique n’assure que 30 % du débit sanguin hépatique, le reste provenant de la veine porte
C - Vrai
D - Vrai
E - Faux
II
A - Faux : le temps cumulé acceptable est de l’ordre de 120 minutes (huit épisodes de clampage de 15 minutes chacun)
B - Vrai : si après 3 à 5 minutes, la baisse de la PAM ou du DC est supérieure à 50 %, l’EVF est interrompue et une optimisation hémodynamique s’impose (en premier lieu, la recherche d’une hypovolémie)
C - Vrai
D - Vrai
E – Faux
III
A - Vrai
B - Faux : le pic survient à la 48e heure
C - Vrai
D - Vrai
E - Faux : le risque principal est l’hémorragie
IV
A - Vrai
B - Vrai
C - Faux
D - Faux
E - Vrai
V
A - Faux : c’est l’inverse
B - Vrai
C - Faux : sa prévalence est de 70 % chez le cirrhotique, ce qui justifie sa recherche systématique en préopératoire
D - Vrai
E - Vrai : la survie des patients présentant un SHR de type II est inférieure, à classe de Child égale, à celle des cirrhotiques sans atteinte rénale
VI
A - Vrai : le SHP associe une hépatopathie avec hypertension portale, une hypoxémie de repos avec orthodéoxie et une vasodilatation intrapulmonaire
B - Faux : il n’est présent que chez 10 à 15 % des cirrhotiques graves
C - Faux : c’est l’inverse, il l’aggrave
D - Vrai
E - Vrai
VII
A - Vrai
B - Vrai
C - Vrai
D - Faux : il repose au contraire sur l’administration de vasodilatateurs
E - Faux
VIII
A - Faux : il s’agit des facteurs II, V, VII et X
B - Vrai
C - Vrai
D - Vrai
E - Faux
IX Au cours de la TH
A - Vrai
B - Faux : en revanche, il existe une corrélation entre la tolérance hémodynamique lors du clampage et la fréquence du syndrome de reperfusion
C - Faux
D - Faux
E - Faux



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