Chirurgie du rein
Elle concerne la chirurgie des lésions cancéreuses du rein (néphrectomie totale et partielle), la cure des malformations (cure de jonction pyélo-urétérale) et le traitement de lithiases par voie endo-urologique.
CHIRURGIE PAR LOMBOTOMIE
Position et voie d’abord (Fig. 1)
La lombotomie est la voie d’abord de référence de la chirurgie du rein. Elle permet tous les gestes de la chirurgie rénale : calculs, chirurgie vasculaire, néphrectomies simples, cures de syndromes de la jonction pyélo-urétérale. Cette voie d’abord pose des problèmes ventilatoires et circulatoires liés au décubitus latéral et au billot.
La chirurgie du rein et de son pédicule peut également se faire par laparotomie avec abord antérieur transpéritonéal. Cette voie est réservée à la néphrectomie élargie pour cancer et pose des problèmes qui ne diffèrent en rien de ceux de la chirurgie digestive.
Dans les masses tumorales importantes, il est parfois nécessaire d’utiliser une thoraco-phréno-laparotomie au cours de laquelle une torsion est appliquée au buste.
Le positionnement du malade en décubitus latéral doit s’accompagner de la prévention soigneuse de toute compression nerveuse, de l’étirement du plexus brachial du membre supérieur non déclive et de la gêne au drainage veineux céphalique produit par les flexions cervicales importantes. [16]
Retentissement ventilatoire de la lombotomie
La capacité résiduelle fonctionnelle pulmonaire (CRF) est modifiée par la posture. En décubitus latéral, la CRF augmente au niveau du poumon supérieur et diminue au niveau du poumon déclive. Ces réductions posturales de la CRF majorent d’environ 20 % celles générées par l’induction de l’anesthésie. Cela entraîne des microatélectasies prédominantes dans les zones pulmonaires déclives, et une modification des rapports ventilation/perfusion avec une augmentation de la différence alvéoloartérielle en oxygène. Il convient d’être particulièrement vigilant chez les patients ayant une augmentation du volume de fermeture : sujets âgés, sujets atteints d’une affection pulmonaire chronique. Le rôle des microatélectasies dans la survenue des complications pulmonaires postopératoires n’est cependant pas démontré. [55]
Ces phénomènes imposent une surveillance clinique de la ventilation des deux poumons notamment lors de l’installation en décubitus latéral, la mesure de la saturation périphérique en oxygène et éventuellement l’adjonction d’une pression positive téléexpiratoire qui réduit l’importance des troubles de ventilation des zones déclives du poumon sous anesthésie générale. [69]
Si les phénomènes mécaniques liés à la posture favorisent la constitution d’altérations pulmonaires et gazométriques per- et postopératoires, ils n’en ont pas l’exclusivité. L’existence d’atélectasies observées au 2e ou au 3e jour postopératoire du côté de l’incision de lombotomie souligne le rôle de la douleur et de l’inhibition de la toux dans la genèse de ces altérations respiratoires. [51] Néanmoins, une analgésie d’excellente qualité, notamment par les techniques d’analgésie péridurale postopératoire, n’induit aucune réduction significative de morbidité postopératoire.
Dans un autre registre, l’abord de la loge rénale expose aux effractions pleurales. Celles-ci, reconnues en peropératoire, seront traitées par suture de la brèche pleurale et exsufflation en fin d’intervention, éventuellement associée à la mise en place d’un drainage aspiratif. L’existence d’un pneumothorax sera de toute façon systématiquement recherchée en postopératoire par la réalisation d’une radiographie de thorax.
Retentissement circulatoire de la lombotomie
La modification de la répartition de la masse sanguine sous l’effet des variations de pressions hydrostatiques lors des différentes postures contribue à déséquilibrer l’état hémodynamique du patient anesthésié, par séquestration du sang dans les zones déclives, à basse pression et haute capacitance. Il existe donc une diminution du retour veineux, qui retentit sur le débit cardiaque. Les effets propres de la posture s’ajoutent aux effets de la ventilation mécanique et des agents anesthésiques sur le coeur, les vaisseaux et les mécanismes physiologiques d’adaptation à une diminution du retour veineux. [55]
Ces modifications seront surtout préoccupantes au moment du passage en décubitus latéral, avec mise en place d’un billot, chez un patient anesthésié, mais aussi le passage du décubitus latéral au décubitus dorsal en cas d’hypovolémie, et devront faire l’objet d’une surveillance attentive des paramètres hémodynamiques.
Ces altérations hémodynamiques, notamment dans le cadre d’une chirurgie potentiellement hémorragique, posent le problème du choix de la stratégie de monitorage hémodynamique périopératoire, a fortiori chez des patients dont la fonction ventriculaire gauche, évaluée en préopératoire, ne permet pas de compter sur des capacités d’adaptation suffisantes.Dans ces cas (insuffisance ventriculaire gauche, insuffisance coronarienne, hypertension artérielle), l’indication d’une échocardiographie transoesophagienne, lorsqu’elle est possible, peut être justifiée.
Ailleurs, on discutera l’intérêt d’un monitorage invasif par sonde de Swan-Ganz.
Retentissement rénal de la néphrectomie
Le retentissement fonctionnel rénal de la réduction néphronique représenté par une néphrectomie est fonction du degré préalable d’altération de la fonction du rein malade. Si celui-ci est complètement détruit, le rein controlatéral a déjà fait l’objet d’une adaptation et peu de modifications sont à attendre en postopératoire.
En revanche, l’ablation d’un rein encore partiellement fonctionnel va s’accompagner d’une augmentation du débit sanguin rénal et du débit de filtration glomérulaire du côté du rein restant. [38] Ces phénomènes d’adaptation apparaissent dès la première heure postopératoire et sont inhibés par l’administration d’AINS suggérant le rôle physiologique d’une augmentation de la production locale de prostaglandines. [34] Les phénomènes d’hypertrophie compensatrice, qui diminuent avec l’âge, sont plus retardés et peuvent atteindre leur maximum après plusieurs mois. La capacité d’adaptation du rein restant doit être prise en considération pour le choix d’une attitude chirurgicale.
Néphrectomie partielle
Elle trouve son indication dans les tumeurs sur rein unique ou les petites tumeurs.
Pour les tumeurs localisées, de moins de 4 cm, la néphrectomie partielle est un traitement curatif des cancers du rein. La morbidité à 30 jours est de 15 % pour la néphrectomie totale et de 16,2 % pour la néphrectomie partielle. Elle regroupe l’insuffisance rénale aiguë postopératoire, l’infection urinaire, les infections de paroi, le taux de transfusion sanguine, la durée de l’iléus postopératoire. Il n’y a pas de différence significative de mortalité à 30 jours entre les deux méthodes (2,1 % versus 0,6 %). La durée d’hospitalisation est comparable dans les deux groupes. Seule la durée d’intervention est modestement allongée pour la néphrectomie partielle (3,6 heures versus 3,4 heures). [17]
Stratégie anesthésique
Cette chirurgie nécessite une anesthésie générale pour des raisons de relâchement musculaire, de confort du patient et du chirurgien.
La stratégie de l’anesthésie et du monitorage peropératoire est fonction de la durée de l’intervention et des envahissements locaux ou régionaux.
Cas particuliers
Les tumeurs rénales envahissant la veine cave et remontant jusqu’à l’oreillette justifient la définition d’une stratégie préopératoire. S’il existe un envahissement cave, dans 10 à 15 % des cas, une extension à l’oreillette doit être suspectée, surtout si le thrombus remonte aux vaisseaux sus-hépatiques. Le risque d’embolie pulmonaire peropératoire est réel et la circulation extracorporelle peut être indispensable. Ailleurs, la mise en place d’un filtre cave temporaire doit être discutée s’il existe un thrombus flottant pouvant migrer pendant la dissection chirurgicale.
Les techniques d’analgésie postopératoire de la chirurgie du haut appareil urinaire ne diffèrent pas de celles du bas appareil. Elles doivent permettre une kinésithérapie postopératoire précoce et de bonne qualité.
ABORD PERCUTANÉ DU REIN
Définitions
Il s’agit de l’abord des cavités rénales par voie percutanée à l’aide d’un endoscope, permettant l’extraction de calculs rénaux ou de tumeurs urothéliales intrarénales en cas de rein unique.
Cette intervention est réalisée sur un patient en décubitus ventral.
Le temps néphroscopique se pratique avec une irrigation de soluté de glycine à 1,5 %. La perfusion des cavités excrétrices et l’irrigation au temps néphroscopique peuvent provoquer des hyperpressions intrarénales pouvant atteindre 150 mmHg et induire une résorption du liquide d’irrigation qui serait aussi fréquente et aussi importante que dans la chirurgie vésico-prostatique par voie endoscopique. [8, 12]
Stratégie anesthésique
La stratégie anesthésique employée pour cette chirurgie fait le plus souvent appel à l’anesthésie générale en raison de la durée imprévisible du geste chirurgical, du décubitus ventral peu confortable et de la nécessité fréquente de faire précéder ce geste d’une endoscopie urétérale par voie basse (Fig. 2).
Hémorragie
Pendant la période postopératoire, la surveillance des drainages urinaires, et tout particulièrement de la sonde ou des sondes de néphrostomie, est fondamentale. Elles sont normalement laissées en place 24 à 48 heures. Le drainage percutané du rein provoque une hématurie. Le patient peut également extérioriser une hémorragie par la sonde de néphrostomie. Il peut s’agir d’une plaie artérielle ou veineuse, intrarénale ou sur le trajet de la dilatation.
Ces hémorragies nécessitent de clamper la sonde de néphrostomie, de surveiller cliniquement (pouls, pression artérielle) et biologiquement (NFS, hématocrite) le patient.
Ce clampage de quelques heures permet l’hémostase des plaies veineuses par compression. La persistance de l’hémorragie après déclampage signe une plaie artérielle. Dans ce cas, l’artériographie permet de préciser la nature des lésions et de juger de la possibilité d’une embolisation sélective ou de l’indication d’une reprise chirurgicale pour hémostase. [31]
Une déglobulisation isolée peut être le témoin d’un hématome rétropéritonéal à surveiller cliniquement et biologiquement par des mesures régulières de l’hématocrite.Les données de l’échographie et du scanner abdominal permettront d’apprécier son extension, son évolution, et de poser l’indication rare d’un abord chirurgical pour hémostase.
LITHOTRITIE
Introduites depuis 1980, les techniques de fragmentation percutanée des lithiases urinaires ont considérablement évolué au cours de la dernière décennie.
Cette évolution s’est accompagnée d’une modification sensible des exigences analgésiques.La génération des lithotripteurs électro-hydrauliques (type Dornier), qui imposait l’immersion des patients, a été suivie par les lithotripteurs piézoélectriques et électromagnétiques qui ne la nécessitent pas.
Problèmes électrocardiographiques
La prévention des troubles du rythme supraventriculaires nécessite que les ondes de choc soient synchronisées avec l’ECG et soient délivrées 83 ms après le début de l’onde R en période réfractaire.
Malgré ces améliorations, les troubles du rythme supraventriculaire persistent chez environ 10 % des patients. Dans la majorité des cas, ils régressent spontanément à l’arrêt des ondes de choc. [66]
Stratégie anesthésique
La modification des caractéristiques de l’onde de choc apportée par les nouveaux lithotripteurs permet, dans la majorité des cas et selon la topographie du calcul, de réaliser les séances de lithotritie sous prémédication ou sédation légère, associant un hypnotique à un morphinique de courte durée d’action.
Complications
Cette technique de traitement des lithiases urinaires expose à des complications postopératoires. Les coliques néphrétiques sont très fréquentes au cours de l’évacuation des fragments de calcul et nécessitent, outre l’analgésie postopératoire, AINS et antispasmodiques.
Les hématuries sont pratiquement constantes et des hématomes sous-capsulaires du rein avec hypertension artérielle ont été décrits. [15] Enfin, en cas d’urines ou de calculs infectés persistant malgré un traitement adapté, des bactériémies ont été rapportées et justifient un encadrement du geste par une antibiothérapie adaptée.
Place de la coeliochirurgie
Kim et al., en 2000, ont montré que sur plus de 3 000 urologues interrogés, 60 % avaient suivi un enseignement pour pratiquer la coelioscopie, mais que 67 % n’utilisaient aucune technique coelioscopique dans leur pratique quotidienne. Ces techniques ne sont utilisées couramment que par 7 % des urologues, ce qui correspond à moins de 5 % de leur activité. [42]
INDICATIONS
Les indications les plus fréquentes de la coelioscopie en chirurgie urologique sont les curages ganglionnaires. D’autres interventions peuvent être conduites par coelioscopie : cure de varicocèle, surrénalectomie, chirurgie du calcul, prostatectomie radicale pour cancer et néphrectomies.
Les indications de chirurgie coelioscopique ont été élargies depuis quelques années à des procédures plus complexes. [6] La néphrectomie totale pour cancer, la néphrectomie pour don apparenté, la néphrectomie partielle pour tumeur localisée, la prostatectomie radicale entrent actuellement dans ces indications, bien que les techniques et l’instrumentation ne puissent être transposées de la chirurgie à ciel ouvert à la coelioscopie.
PROBLÈMES SPÉCIFIQUES
Les problèmes rencontrés dans la chirurgie coelioscopique en urologie ne sont pas différents de ceux de la chirurgie coelioscopique conventionnelle. Il existe néanmoins deux problèmes spécifiques.
La situation rétropéritonéale du système urogénital permet une diffusion facile des gaz dans cet espace et dans les espaces contigus. [39] L’emphysème sous-cutané est donc plus fréquent et peut s’étendre plus largement à la tête et au cou ; il peut, par diffusion pharyngée, entraîner une détresse respiratoire postopératoire dans les cas les plus sévères.
Malgré un remplissage correct, il existe souvent une oligurie peropératoire qui se corrige spontanément dans la période postopératoire immédiate. L’augmentation de la pression intraabdominale est associée à une diminution du débit sanguin rénal, de la filtration glomérulaire et du débit urinaire. Le facteur principal est l’augmentation de la pression veineuse rénale. Expérimentalement, [20] elle s’accompagne d’une diminution du débit sanguin rénal, du débit de filtration glomérulaire et du débit urinaire, ainsi que d’une élévation de l’activité rénine plasmatique et de l’aldostérone et d’une protéinurie. Ces modifications disparaissent avec la baisse de la pression veineuse rénale.La compression du rein et l’augmentation de la pression intraparenchymateuse ne produisent pas ces altérations de la fonction rénale. [19] Cependant, le risque de dégradation aiguë de la fonction rénale demeure minime au niveau de pression d’insufflation abdominale délivrée actuellement en chirurgie coelioscopique. [57]
ÉVOLUTIONS
La chirurgie urologique par coelioscopie est plus longue que la chirurgie conventionnelle. Dans une étude évaluant 120 patients consécutifs répartis en trois groupes de 40 patients, la durée moyenne d’intervention diminue avec l’apprentissage des opérateurs avec des durées respectives de 282, 247 et 231 minutes. [32]
En 2000, pour Dunn et al. [21] les pertes sanguines peropératoires sont diminuées dans le cadre des néphrectomies (172 ml versus 451 ml).
Il en est de même selon Guillonneau et al. [32] pour les prostatectomies. La diminution est proportionnelle à l’expérience de l’équipe chirurgicale, passant de 534 ml à 277 ml à l’issue d’une série de 120 patients. Dans la plupart des études, la durée d’hospitalisation est diminuée ainsi que la douleur postopératoire et la quantité d’analgésiques utilisée. [14, 21]
DOULEUR
Dans le cadre de la coeliochirurgie, les douleurs scapulaires postopératoires sont secondaires à l’insufflation péritonéale qui provoque une irritation du nerf phrénique. Elles sont généralement tardives, survenant 8 heures après l’intervention. Les douleurs d’origine mécanique dues à la pression d’insufflation et au débit de gaz nécessitent une exsufflation extrêmement soigneuse en fin de coelioscopie. Il semble qu’une analgésie multimodale, débutée une demi-heure avant la fin de l’intervention, associant antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS), propacétamol, et morphine, soit justifiée. C’est dans ce cadre que l’instillation ou l’infiltration du site opératoire par des anesthésiques locaux devrait, comme en chirurgie gynécologique, trouver ses indications. [29]
Risque thromboembolique et hémorragique en chirurgie urologique de l’adulte
Risque thromboembolique
En l’absence de facteurs de risque tels que le diabète, l’obésité, ou des antécédents thromboemboliques, le risque de thrombose est comparable à celui des autres types de chirurgie avec une incidence des thromboses veineuses distales de 10 %, et des embolies pulmonaires de 0,1 à 0,7 %. [7] Ce risque est favorisé par les pathologies cancéreuses, la longueur de l’intervention, la position du patient pendant l’intervention et par le curage ganglionnaire exposant les vaisseaux iliaques externes.
Les recommandations pour la pratique clinique publiées en 1995 justifient, surtout en cas de chirurgie pour cancer, le recours à un traitement anticoagulant préventif par héparine de bas poids moléculaire (HBPM), débuté la veille de l’intervention, éventuellement associé au port de bas de contention, pendant la durée de l’hospitalisation. [5]
La durée du traitement doit coïncider avec celle du risque thromboembolique. Ce traitement doit être maintenu jusqu’à déambulation active et complète du malade.
Une injection préopératoire d’HBPM, ou d’héparine calcique de plus courte durée de vie, n’est possible qu’en évaluant de manière approfondie le bénéfice de l’anesthésie locorégionale (ALR) par rapport au risque des héparines.
L’anesthésie rachidienne diminuerait à elle seule le risque thromboembolique. [5] Au décours de l’anesthésie rachidienne, la prophylaxie par HBPM peut débuter 6 à 8 heures après la ponction si celle-ci a été atraumatique. Si ce n’est pas le cas, le début de la prophylaxie est retardé. L’ablation du cathéter mis en place lors d’une ALR se fait 2 à 3 heures avant l’injection d’héparine. [5]
Risque hémorragique
La chirurgie urologique est une chirurgie potentiellement hémorragique du fait des rapports vasculaires dans la chirurgie du rein, de la difficulté de dissection des ailerons prostatiques lors de la cystoprostatectomie totale, de la prostatectomie radicale, ou même de l’énucléation d’un adénome. Au cours de la chirurgie de la prostate, il est classiquement suggéré que le risque hémorragique puisse être favorisé par une défibrination induite par la libération d’activateurs tissulaires du plasminogène. En fait, cette réaction physiologique est la conséquence de l’activation non spécifique de la coagulation et n’a pas d’incidence pathologique. [9]
Le cancer est une contre-indication classique à la récupération du sang épanché et à la réinjection des hématies après lavage.
Cependant, si la probabilité de réinjecter des cellules cancéreuses est réelle, le risque d’induire des métastases n’est pas prouvé et plusieurs travaux n’ont pas montré de majoration, par l’autotransfusion peropératoire, de l’incidence des métastases dans le cadre de la chirurgie urologique comme la prostatectomie radicale pour cancer, [22] la cystectomie totale, [35] ou même la néphrectomie totale pour cancer. [43]
La réduction du saignement du fait de l’évolution de la technique chirurgicale pose la question de l’intérêt de la transfusion autologue programmée (TAP). À titre d’exemple, Goh et al., en 1997, dans une série de 200 patients opérés d’une prostatectomie radicale par voie rétropubienne, observent que 95 % des patients ne reçoivent pas de transfusions de sang homologue, et que seulement 27 % des patients pour lesquels une TAP a été prévue ont été retransfusés. [28]
D’autre part, pour Guillonneau et al., la prostatectomie radicale par laparoscopie permet de réduire de manière significative le saignement peropératoire : les pertes sanguines sont estimées à 250 ml et moins de 1 % de patients sont transfusés dans une série récente. [32] Malgré ces progrès de la technique chirurgicale, il est nécessaire de prévoir un dispositif de transfusion rapide avec réchauffement en cas de saignement brutal pour toutes les interventions carcinologiques : cystectomie totale avec entérocystoplastie, néphrectomie élargie, en particulier s’il existe un thrombus de la veine rénale et/ou de la veine cave.
L’hémodilution normovolémique intentionnelle peropératoire trouve ses limites dans une valeur seuil du taux d’hémoglobine qui est variable suivant le terrain. Chez les patients âgés, porteurs de cardiopathie limitant les capacités d’adaptation du débit cardiaque, coronariens ou souffrant d’hypoxémie chronique, le seuil du taux d’hémoglobine tolérable est plus élevé que chez les autres patients et ne saurait être inférieur à 10 g dl–1. [2]
Chez les patients présentant une anémie préopératoire, il est nécessaire de prévoir sa correction avant l’intervention avec un objectif transfusionnel de 10 g dl–1. Cette anémie limitera naturellement les possibilités d’hémodilution normovolémique intentionnelle au cours de l’intervention, compte tenu de l’altération de l’hématopoïèse.
Le seuil du taux d’hémoglobine tolérable est plus bas chez les autres patients, mais ne saurait être inférieur à 7 g dl–1.
L’érythropoïétine et la transfusion autologue représentent les solutions alternatives auxquelles il est nécessaire de recourir, en se référant aux recommandations de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes). En pratique, il est donc nécessaire d’élaborer, lors de la consultation d’anesthésie, une stratégie transfusionnelle reposant sur :
– une évaluation aussi précise que possible des pertes sanguines pour le type de chirurgie considéré et suivant la pratique de l’équipe ;
– une évaluation des « pertes sanguines autorisées » par l’état physique du patient sans qu’il soit nécessaire de le transfuser. Ces pertes sanguines autorisées dépendent :
– du volume sanguin théorique ;
– de l’hématocrite initial ;
– de l’hématocrite final que le patient est susceptible de bien tolérer.
C’est la confrontation de ces deux types de données qui permet de discuter le choix de la technique alternative la plus efficace car l’érythropoïétine (EPO) et la TAP n’ont pas les mêmes indications.
La TAP entraîne une baisse du taux d’hémoglobine trop importante si l’hémoglobine de base du patient est inférieure à 13 g dl–1 et l’EPO n’est pas indiquée si l’hémoglobine préopératoire du patient est supérieure à 13 g.
Maîtrise du risque infectieux en urologie
L’appareil urinaire est physiologiquement un site stérile, mais du fait des pathologies conduisant à l’indication opératoire, ou en raison des systèmes de drainage urinaires mis en place au préalable, la colonisation ou l’infection des différentes parties de cet appareil est fréquente. La réalisation d’un geste chirurgical sur des urines infectées a conduit autrefois à une incidence d’épisodes infectieux peropératoires importants, responsables d’une morbidité et d’une mortalité élevées. [13] La reconnaissance de ce risque et la politique de stérilisation préopératoire systématique des urines, lorsqu’elle est possible, est probablement un des grands progrès dans ce domaine.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Sur des urines stériles, et en dehors de l’indication pour pyélonéphrite obstructive, les néphrostomies entraînent un risque septique comparable à celui des cystoscopies, c’est-à-dire inférieur à 5 %. En revanche, lorsqu’il existe une infection préalable, [11] la cystoscopie entraîne une bactériémie dans 15 à 20 % des cas.
Le risque lié à la mise en place de prothèses endo-urétérales (sondes urétérales, sondes JJ) est mal connu. En 2002, Kehinde et al. ont montré que le risque de bactériurie et de colonisation d’une sonde JJ augmente avec la durée de sondage et qu’il est significativement plus élevé chez les femmes et les patients atteints de diabète ou d’insuffisance rénale chronique. [41]
Une méta-analyse récente montre que l’utilisation d’une antibioprophylaxie au cours de la RTUP diminue les bactériuries postopératoires de 26 à 9,1 % et les épisodes septicémiques de 4,4 à 0,7 %. De même, la mortalité liée au développement d’un sepsis grave après RTUP, si l’examen cytobactériologique des urines (ECBU) préopératoire est stérile, est de 0,1 %. [10] En ce qui concerne la RTUP, les trois facteurs principaux reconnus comme favorisant l’infection postopératoire sont un drainage urinaire ou une bactériurie préopératoire et l’absence d’antibioprophylaxie. D’autres facteurs comme l’âge, la durée de l’intervention, l’expérience du chirurgien ou la rupture du système clos de drainage des urines ont été rapportés dans certaines études.
De plus, l’infection péri-opératoire a un impact économique ; à titre d’exemple, dans les RTUP, elle prolonge la durée d’hospitalisation de 0,6 à 5 jours et en augmente les coûts.
ATTITUDE THÉRAPEUTIQUE
Le dépistage et le traitement systématique d’une infection urinaire en préopératoire sont maintenant rentrés dans la pratique courante et diminuent la morbidité peropératoire. Schématiquement, l’attitude thérapeutique va donc dépendre de l’existence ou non de cette infection.
Urines préopératoires infectées (Tableau 1)
Il peut s’agir d’une bactériurie asymptomatique ou d’une infection parenchymateuse.
La bactériurie asymptomatique se définit classiquement par un ECBU positif retrouvant plus de 105 unités formant colonie (UFC) par ml, en l’absence de signes cliniques infectieux.
A. Infection parenchymateuse (pyélonéphrite – prostatite).
Pyélonéphrite obstructive : la levée de l’obstacle est une urgence
– Montée de sonde ou néphrostomie en urgence sous traitement antibiotique adapté
– Durée du traitement 15 jours minimum avant la prise en charge urologique de l’obstacle (calcul)
– Infection acquise en ville : monothérapie possible (CP3G ou fluoroquinolones)
– Infection à germes hospitaliers multirésistants : association de deux antibiotiques bactéricides à élimination urinaire (CP3G, quinolones, uréidopénicillines ou aminosides) Prostatite
– Si possible 3 semaines de traitement avant l’intervention (ECBU de contrôle), cathéter sus-pubien si rétention
B. Infection urinaire simple
Monothérapie adaptée à l’antibiogramme (fluoroquinolones, aminopénicillines, CP3G) afin d’obtenir des urines stériles dans les 48 heures qui précédent l’intervention
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Tableau 1. – Urines préopératoires infectées
Elle est extrêmement fréquente chez les patients porteurs de drainage urinaire (sonde vésicale, cathéter sus-pubien, drain de néphrostomie) et même pour un seuil de détection à 102 UFC ml–1, de nombreuses équipes la prennent en considération car 95 % des patients non traités, s’ils sont sondés, évoluent en 24 à 72 h vers une bactériurie supérieure ou égale à 105 UFC ml–1. [37] Une leucocyturie de 102 à 10 [3] cellules mm–3 est présente dans 85 à 90 % des cas d’infections sur sonde, mais n’est pas indispensable au diagnostic. [3, 26, 62]
Le risque de bactériurie chez les patients sondés augmente linéairement avec la durée du sondage vésical de 3 à 8 % par jour pendant les dix premiers jours. [59] Après un mois de sondage vésical, la prévalence de la bactériurie est pratiquement de 100 %.[67] Bien que, de manière générale, le traitement antibiotique d’une bactériurie asymptomatique ne soit pas recommandé car il favorise l’apparition de résistance bactérienne, dans le contexte chirurgical, la stérilisation des urines par une antibiothérapie préopératoire adaptée est une attitude largement adoptée par les différentes équipes.[10]L’encadrement du geste chirurgical doit être assuré par une antibiothérapie curative, le plus souvent une monothérapie adaptée au germe isolé par un ECBU réalisé le plus près possible de l’intervention. [13] L’objectif sera d’obtenir des urines stériles dans les quarante-huit heures qui précédent l’intervention.
Les germes les plus souvent rencontrés sont les entérobactéries (E. Coli, Klebsiella, Proteus mirabilis…), Enterococcus, les staphylocoques (surtout S. epidermidis). La chirurgie n’est autorisée que si l’ECBU de contrôle est négatif à l’examen direct. L’antibiothérapie sera alors poursuivie en général en postopératoire jusqu’à l’ablation de la sonde urinaire.
Infections parenchymateuses
Une fièvre et une hyperleucocytose chez un patient ayant un ECBU positif doivent faire rechercher une infection parenchymateuse (pyélonéphrite ou prostatite ou orchi-épididymite chez l’homme).
En dehors d’une chirurgie urologique urgente (levée d’obstacle, abcès), l’infection parenchymateuse sera traitée médicalement avant l’intervention chirurgicale pendant 15 jours à 3 semaines.
L’intervention ne peut être envisagée qu’après ce délai et sous réserve de la stérilisation des urines. L’antibiothérapie sera poursuivie en postopératoire pour une durée qui dépend de l’étiologie et de l’efficacité présumée du geste chirurgical sur la cause
de l’infection. Par exemple, les patients présentant une prostatite en rétention aiguë d’urines qui doivent subir une RTUP devront bénéficier d’un traitement antibiotique adapté d’une durée minimale de 3 semaines avant d’être opérés. Le drainage vésical en urgence se fera par la pose d’un cathéter sus-pubien. La culture des prélèvements peropératoires (copeaux, adénome) est possible, elle permet éventuellement d’adapter l’antibiothérapie en cas de complications septiques postopératoires. [58]
En ce qui concerne la chirurgie du rein pour calcul, les germes retrouvés dans les urines peuvent être différents des germes colonisant les calculs. L’antibiothérapie postopératoire doit alors être adaptée en fonction des germes retrouvés par la culture de ces calculs. [24]
Urines préopératoires stériles (Tableau 2)
Une antibioprophylaxie sera prescrite essentiellement pour les interventions comprenant l’ouverture de viscères creux, notamment ceux normalement colonisés par une flore commensale tels le tractus génital et le bas appareil urinaire. Cependant un ECBU stérile n’élimine pas formellement une infection urinaire en amont d’un obstacle complet. Les prélèvements bactériologiques peropératoires redresseront le diagnostic et permettront d’adapter le traitement antibiotique.
L’intérêt de l’antibioprophylaxie encadrant la chirurgie du bas appareil a fait l’objet d’une littérature abondante et contradictoire. [30]
En ce qui concerne la RTUP, le bénéfice de l’antibioprophylaxie est établi. [41] Le choix du type d’antibiotique doit prendre en compte la présence, dans 27 à 40 % des cas, de germes cocci à Gram positif, notamment les entérocoques isolés dans les complications infectieuses postopératoires. [44]
Les facteurs favorisant cette augmentation ne sont pas complètement expliqués mais peuvent impliquer une colonisation endogène du bas appareil urinaire, l’utilisation incontrôlée d’antibiotiques comme les céphalosporines et des drainages urinaires prolongés.
Un consensus semble s’être développé en faveur d’une antibioprophylaxie de courte durée (Tableau 2). [1] Elle propose de couvrir la période peropératoire par une céphalosporine de deuxième génération (céfuroxime ou céfamandole 1,5 g en dose unique préopératoire). Ces recommandations sont valables pour les résections de tumeurs de vessie et le traitement endoscopique des lithiases rénales et urétérales.
L’évaluation périodique de l’écosystème bactérien du service permet, si nécessaire, de modifier le choix de la molécule antibiotique.
La conférence de consensus de 1999 sur l’antibiopropylaxie périopératoire a conclu que la lithotritie extracorporelle, la cystoscopie ou la fibroscopie urétrale, la chirurgie scrotale propre et celle de l’incontinence urinaire, ne justifiaient pas une antibioprophylaxie. Dans le cadre de la chirurgie à ciel ouvert, la cystectomie totale relève d’une antibioprophylaxie similaire à celle de la chirurgie abdominale de classe II d’Altemeier. Pour la prostatectomie radicale et la néphrectomie, la conférence de consensus ne conseille pas d’antibioprophylaxie. [1]
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