Diagnostic du syndrome occlusif
Clinique
Le diagnostic de l’occlusion intestinale est clinique [47].
Il est posé devant la triade associant douleur abdominale, vomissement, et arrêt des matières et des gaz. La douleur abdominale est paroxystique dans 50 % des cas, soulagée dans 30 % des cas par des vomissements qui sont d’autant plus précoces que l’obstacle est haut situé. Ceux-ci sont d’abord alimentaires, puis bilieux et enfin, au stade tardif, fécaloïdes. L’examen clinique retrouve un silence auscultatoire qui est pathognomonique de l’arrêt des matières et des gaz.
Il existe, dans 50 % des cas, une distension abdominale qui se traduit par un tympanisme à la percussion [47].
L’examen est par la suite orienté sur la recherche d’éléments étiologiques (cicatrice abdominale, palpation des orifices herniaires) et de signes de mauvaise tolérance (état de choc, déshydratation).
Imagerie
Radiographie de l’abdomen sans préparation
La radiographie de l’abdomen sans préparation (ASP) est l’examen radiographique demandé de première intention. La sensibilité varie entre 30 % et 90 % en fonction du délai de réalisation, de la localisation et du type d’occlusion. Une occlusion très proximale peut ne pas avoir de traduction radiologique [48], ce qui peut conduire à une erreur diagnostique dans 20 % à 40 % des cas [48].
L’ASP comporte un cliché debout de face et couché de profil.
Si le patient ne peut tenir debout, seul un cliché de profil en décubitus latéral gauche est réalisé. Les différents éléments à rechercher sont les suivants :
• au niveau de l’intestin grêle : (Fig. 2) : C la présence anormale d’air dans l’intestin au niveau central (l’intestin grêle ne contenant pas d’air en position normale), C des niveaux hydroaériques, plus larges que hauts, C une dilatation intestinale ;
• au niveau colique : (Fig. 3) : C une dilatation du cadre colique, en amont de l’obstacle (> 5 cm pour le sigmoïde, > 10 cm pour le cæcum), C des niveaux hydroaériques qui, lorsqu’ils sont présents, sont plus hauts que larges.
La recherche de signes d’occlusion intestinale doit être complétée par la recherche de pneumopéritoine (présence d’air libre entre le foie et le diaphragme) sur ces différents clichés ainsi que sur des clichés centrés sur les coupoles diaphragmatiques.
Radiographies après opacification digestive
Au niveau de l’intestin grêle, une meilleure qualité d’exploration peut être obtenue par l’ingestion de produit de contraste soit par la bouche, transit du grêle, soit par une sonde entérale, entéroclyse. Ces examens ne sont pas adaptés aux contextes d’urgence car ils nécessitent l’absorption d’une quantité importante de produit de contraste ou l’introduction d’une sonde entérale [49]. Même s’ils sont de plus en plus suppléés par l’analyse scanographique de l’intestin, ces examens gardent une indication dans le cadre des occlusions chroniques si une information dynamique sur le péristaltisme doit être obtenue, ou si une analyse muqueuse fine est nécessaire [50].
Un lavement au produit de contraste hydrosoluble peut être indiqué en cas d’occlusion colique. Il permet de confirmer le niveau et le degré d’obstruction [51] (Fig. 4). Ces indications préférentielles restent les situations où la part entre une occlusion mécanique ou fonctionnelle est difficile à faire, ou dans les occlusions intestinales récidivantes [51].
Tomodensitométrie
Les progrès techniques font du scanner un instrument indispensable dans la démarche diagnostique de l’occlusion intestinale [52, 53]. Les nouveaux appareils, qui contiennent des multidétecteurs, permettent une augmentation des vitesses d’acquisition des images autorisant la réalisation de coupes inférieures au millimètre, laissant la possibilité de réaliser des reconstructions dans tous les plans de l’espace. L’analyse de l’intestin peut aussi être optimisée par la distension des anses digestives à l’aide de produit de contraste, l’entéroscanner [50].
La sensibilité diagnostique de cet examen est de l’ordre de 90 %, et la cause est retrouvée dans 70 à 95 % des cas [52, 53].
Au niveau de l’intestin grêle [49, 53] (Fig. 5), les brides etadhérences, principales causes d’occlusion intestinale, sont diagnostiquées devant une modification du diamètre de l’intestin réalisant un aspect zone dilatée/zone plate, sans lésion tumorale, d’épaississement de la paroi ou de lésion inflammatoire au niveau de cette zone de transition (Fig. 6).
La localisation de la zone occluse et la présence de vaisseaux mésentériques dans la zone de transition aidera à faire la distinction entre une adhérence et un volvulus. Les hernies externes doivent être évoquées devant l’issue d’intestin grêle par les orifices herniaires.
Les hernies internes sont plus rares et surviennent principalement dans la période postopératoire. Plus rarement, un defect congénital du mésocôlon descendant peut être responsable d’une hernie paraduodénale gauche.
Les tumeurs du grêle sont diagnostiquées devant la présence d’un syndrome tumoral associé ou non à un épaississement de la paroi digestive.Les maladies inflammatoires de l’intestin grêle (maladie de Crohn) peuvent être responsables de lésions obstructives diagnostiquées devant une augmentation de l’épaisseur de la paroi iléale qui est oedématiée, hypervascularisée avec une infiltration de la graisse. En regard d’un foyer infectieux ou inflammatoire (appendicite, pancréatite), le scanner peut détecter une zone d’occlusion. L’occlusion intestinale secondaire à une ischémie mésentérique est évoquée devant des images de dilatation intestinale, sans prise decontraste de la paroi digestive, associées à une pneumatose, voire une aérobilie, et des anomalies vasculaires des vaisseaux mésentériques (Fig. 7). Le scanner peut aider au diagnostic desautres causes plus rares d’occlusion du grêle (hémorragies, corps étrangers, etc.).
Au niveau du côlon [52], le cancer du côlon représente une des principales causes d’occlusion. L’examen scanographique précise son siège, l’importance de la dilatation en amont, en particulier coecale, et l’extension. Le volvulus est reconnu devant des images où l’on peut visualiser le pied de l’anse du segment digestif intéressé (en général le côlon sigmoïde) avec une image en bec d’oiseau. Le syndrome d’Ogilvie est défini parune distension de la totalité du côlon qui est sain sans obstacle intraluminal. Une dilatation du grêle est souvent associée et le risque de perforation caecale est élevé. Ce diagnostic n’est porté que devant l’absence de cause retrouvée, en particulier obstructive.
Enfin, le scanner peut visualiser un corps étranger ou un fécalome responsable de syndrome occlusif. Imagerie par résonnance magnétique (IRM) Non encore utilisées en routine et non adaptées à l’urgence, l’IRM et l’entéro-IRM commencent à trouver une place dans l’évaluation des occlusions intestinales chroniques, des pathologies vasculaires, et la surveillance de maladies inflammatoires [54].
Particularités diagnostiques
Siège de l’occlusion
La présentation clinique peut être différente en fonction du siège de l’occlusion [47]. Les occlusions du grêle sont caractérisées par des vomissements précoces et un arrêt tardif des gaz. Le météorisme abdominal n’est pas majeur, les signes de déshydratation sont d’autant plus marqués que l’obstacle est haut situé.
Souvent, l’interrogatoire retrouve des épisodes subocclusifs. La présence d’une cicatrice de laparotomie ancienne oriente vers le diagnostic d’occlusion intestinale sur bride. Les occlusions coliques surviennent le plus souvent chez des patients plus âgés. La douleur est souvent d’installation progressive, les vomissements sont tardifs, l’arrêt des matières et des gaz est précoce. Le météorisme intestinal peut être très important.
Mécanisme des occlusions mécaniques
Les éléments orientant vers une origine organique ou obstructive (tumeur, bride, etc.) sont des crises douloureuses abdominales à types de coliques intermittentes laissant des périodes d’accalmie qui peuvent être suivies de débâcle de matières. Ces douleurs sont secondaires à l’hyperpéristaltisme intestinal luttant contre l’obstacle. Cet hyperpéristaltisme peut être visible sous la peau de l’abdomen et audible sous forme debruits hydroaériques. Une occlusion par strangulation (hernie, invagination, etc.) doit être suspectée devant l’apparition brutale d’une douleur abdominale qui est permanente, violente. Le météorisme abdominal n’est pas toujours présent.
Syndrome occlusif postopératoire
Le syndrome occlusif postopératoire peut être secondaire à une cause infectieuse.
Le diagnostic est alors évoqué devant l’apparition d’un syndrome occlusif associé, classiquement, à une hyperleucocytose et une hyperthermie.
Le diagnostic est plus facilement évoqué lorsqu’il existe en plus une défaillance viscérale, en particulier circulatoire ou respiratoire. Dans les situations difficiles, des marqueurs biologiques comme la C-reactive protein ou la procalcitonine ont été proposés pour aider le diagnostic, mais aucun n’est spécifique de l’infection intra-abdominale.
La tomodensitométrie abdominale, avec injection de produit de contraste, recherche la persistance
anormale d’un pneumopéritoine, la présence d’air dans la zone périanastomotique, une ou plusieurs collections intra-abdominales.
L’opacification digestive est discutée avec le chirurgien et peut aider à la mise en évidence de fistule ou d’ulcère anastomotique [42]. Au total, l’imagerie postopératoire précoce ne peut éliminer le diagnostic de complication infectieuse postopératoire précoce, même en cas de normalité de l’examen.
La distinction entre un iléus postopératoire prolongé et l’apparition d’un syndrome occlusif postopératoire précoce n’est pas toujours aisée.
L’apparition d’une douleur abdominale brutale, de vomissements et d’une constipation fait évoquer une complication occlusive d’origine mécanique telle qu’une hernie interne ou une invagination [36]. Mais le diagnostic est moins aisé lorsque la douleur abdominale et les troubles du transit sont de faible intensité ou absents. Le signe clinique le plus constant (75 à 80 % des cas) est la distension abdominale [37].
L’imagerie peut aider au diagnostic étiologique du syndrome occlusif postopératoire précoce [36, 49]. Les radiographies de l’abdomen retrouvent de l’air dans l’intestin grêle, qui est dilaté et, dans la majorité des cas, ne permettent pas de porter un diagnostic. L’examen tomodensitométrique, surtout grâce aux reconstructions multiplanaires,avec injection de produit de contraste et
éventuellement opacification digestive, peut contribuer à mettre en évidence une cause mécanique telle qu’unebride,une anse volvulée, une invagination... Dans le cas particulier de la chirurgie laparoscopique, la cause la plus fréquente du syndrome occlusif est une incarcération d’une anse digestive à travers un orifice de trocart. Sur une série de 2 652 patients [39], trois cas de syndromes obstructifs postopératoires étaient décrits. Deux cas étaient secondaires à une hernie à travers un orifice de trocart, le troisième cas était consécutif à des adhérences [39].
Dans les cas difficiles, afin de faire la distinction entre un iléus postopératoire prolongé et un syndrome occlusif postopératoire précoce, un test diagnostique et thérapeutique aux produits de contraste est proposé par certaines équipes [36, 56]. Il consiste en la réalisation d’une radiographie abdominale après ingestion de produit de contraste hydrosoluble. Une opacification colique témoigne de l’absence d’obstacle. Une cause obstructive peut être ainsi mise en évidence et, si l’obstruction n’est que partielle, l’effet hyperosmolaire du produit de contraste peut aider à résoudre l’épisode occlusif. Un examen tomodensitométrique est réalisé si les radiographies standards ne permettent pas de poser le diagnostic. Le diagnostic étiologique n’est pas toujours retrouvé.
Colectasie aiguë idiopathique
Le diagnostic de colectasie aiguë idiopathique, ou syndrome d’Ogilvie, est suspecté devant l’association d’une distension abdominale importante et de troubles du transit intestinal. Les vomissements et l’arrêt des matières et des gaz ne sont pas constants [44, 45]. Le diagnostic est confirmé sur une radiographie de l’abdomen sans préparation [57], en présence d’une distention aérique de l’ensemble du cadre colique et rectosigmoïdien, associée à une dilatation caecale de plus de dixcentimètres. Le diagnostic différentiel avec une lésion obstructive peut être obtenu grâce à un lavement baryté avec une bonne sensibilité (96 %) et une bonne spécificité (98 %) [58].
Cependant, cet examen nécessite d’être réalisé avec prudence compte tenu du risque, estimé à 2 %, de perforation caecale lors de l’introduction du produit de contraste [44]. Le diagnostic peut aussi être confirmé par colonoscopie, examen qui a de plus l’avantage de réaliser une décompression digestive. La tomodensitométrie abdominale a une bonne sensibilité (96 %) et une bonne spécificité (93 %) pour faire la distinction entre une dilatation sur obstacle ou sans obstacle [52].
Diagnostic des répercussions générales
Conséquences hydroélectrolytiques et métaboliques
Il existe de façon constante un état de déshydratation, dont l’importance est à évaluer lors de l’examen clinique. Les signes de déshydratation extracellulaire sont une sensation de soif, la présence de pli cutané, une hypotonie des globes oculaires. En cas de déshydratation intracellulaire, la sensation de soif est majorée, la langue et les muqueuses sont desséchées, il existeune polypnée, voire des troubles neurologiques à type d’obnubilation, d’irritabilité et de délire. Les examens biologiques recherchent des troubles de la natrémie, de l’osmolarité plasmatique et précisent les autres signes de déshydratation (hémoconcentration, hyperprotidémie).
La déshydratation peut se compliquer d’insuffisance rénale fonctionnelle. Cliniquement, elle se traduit précocement par une oligurie puis une anurie. Biologiquement, l’urée et la créatinine plasmatique augmentent progressivement.
Conséquences sur le système cardiovasculaire
La séquestration liquidienne dans la paroi et dans la lumière digestive est responsable d’une diminution de la volémie efficace qui se traduit par une hypotension, d’abord orthostatique puis permanente. Il est estimé que l’hypotension artérielle survient lorsque les pertes volémiques sont supérieures ou égales à 30 %.
L’hypotension est la conséquence d’une diminution du débit cardiaque par baisse du retour veineux.
La tolérance cardiovasculaire à l’hypovolémie est dépendante des antécédents cardiovasculaires et son association ou non à des complications septiques.
Complications neurologiques
Même si le tableau neurologique est rarement au premier plan, plusieurs éléments peuvent concourir à altérer la conscience.
Une douleur abdominale éreintante évoluant depuis plusieurs jours peut être responsable d’une obnubilation.
L’hypoperfusion cérébrale par déshydratation, les troubles métaboliques, l’osmolarité plasmatique [59] et éventuellement les complications infectieuses [60] peuvent, à des degrés variables,
être responsables d’anomalies des fonctions neurologiques supérieures.
Complications respiratoires
Un volumineux troisième secteur intra-abdominal peut limiter l’ampliation thoracique, entraînant une gêne respiratoire, voire décompenser une insuffisance respiratoire chronique.Une dysfonction diaphragmatique peut être associée en cas de complication infectieuse intra-abdominale [61].
Cependant, la principale complication respiratoire du syndrome occlusif reste l’inhalation du contenu gastrique, qui peut plus particulièrement se produire lors de l’induction de l’anesthésie, au moment du retrait de la sonde d’intubation, mais aussi en cas de trouble de la conscience.
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