1 /DÉFINITION
L'infarctus du myocarde (IDM) est une nécrose ischémique du myocarde dont l'étendue dépasse 2 cm2. Il correspond généralement à une thrombose occlusive brutale d'une artère coronaire. Cette définition classique de l'IDM (Lenègre) correspond à une réelle entité diagnostique (associant douleur et sus décalage persistant de ST) et thérapeutique.
Une nouvelle définition de l'infarctus a été proposée récemment (conférence de consensus européenne et américaine, 2000) qui est différente car elle repose sur une définition biologique (ascension des marqueurs de l'infarctus - troponines et MB-CK). Cette définition est plus large car elle inclue aussi des infarctus " rudimentaires ", " sans onde Q ", ou sans sus décalage initial du segment ST.
Dans cette nouvelle définition l'infarctus du myocarde classique qui est traité dans cette question devient l'" infarctus du myocarde avec sus décalage de ST persistant ".
2/ ÉPIDEMIOLOGIE
L'infarctus du myocarde constitue une urgence cardiologique absolue dont l'incidence reste très élevée …Selon des données OMS, sur 50 millions de décès annuels dans le monde, les cardiopathies ischémiques sont la première cause de décès avec 7.2 millions de décès d'origine coronaire.
Le pronostic reste grave, puisque l'IDM est responsable encore de 10 à 12% de la mortalité totale annuelle chez l'adulte..
La mortalité de l'infarctus a diminuée de 30% en 10 ans en Europe de l'Ouest et aux Etats Unis. Ce pronostic a été amélioré grâce à un ensemble de progrès : prise en charge précoce par les SAMU puis en Unités de Soins Intensifs Coronariens ayant permis la correction immédiate des troubles du rythme, extension de la thrombolyse hospitalière puis pré hospitalière par les SAMU, techniques complémentaires d'angioplastie de désobstruction coronaire, meilleure prévision des sujets à risque au décours de la phase aigue, prévention " secondaire " des rechutes , étudiée dans une autre question.
3/ PHYSIOPATHOLOGIE
L'infarctus résulte d'une THROMBOSE CORONAIRE AIGUË, elle-même secondaire à une fracture de plaque entraînant l'agrégation plaquettaire puis l'occlusion coronaire.
Cette fracture survient à partir d'une sténose athéromateuse qui n'est serrée que dans 50% des cas.
La plaque d'athérome est un épaississement localisé au niveau de l'intima artérielle et se compose de 2 parties :
le corps lipidique au centre de la plaque. Les lipides sont localisés à l'intérieur de monocytes et de macrophages spumeux.
une chape fibreuse entourant le corps lipidique, faite de cellules musculaires lisses et de collagène.
On distingue : la plaque "dure" très riche en collagène et pauvre en lipides et la plaque "molle" riche en lipides et recouverte d'une mince chape fibreuse.
C'est la plaque "molle" qui est la plus menaçante car davantage instable et vulnérable et donc susceptible de s'ulcérer et de se rompre. La rupture de plaque d'athérome va rompre la barrière endothéliale et exposer les constituants sous-endothéliaux aux plaquettes circulantes. Cela va mettre en jeu des mécanismes d'adhésion puis d'agrégation plaquettaire pour aboutir à la formation du thrombus plaquettaire intracoronaire occlusif
Les conséquences myocardiques sont la DESTRUCTION CELLULAIRE se propageant de l'endocarde jusqu'à l'épicarde.
Cette destruction est rapide, débutant 30 à 45 minutes après le début de la thrombose, et en moyenne 50% de la zone à risque est détruite en 2 heures et 80% à la douzième heure. Cette vitesse de destruction est cependant variable d'un patient à l'autre (rôle de la circulation collatérale).
La nécrose myocardique entraîne une altération de la fonction pompe du ventricule gauche (insuffisance ventriculaire gauche, parfois insuffisance ventriculaire droite) dès qu'elle atteint ou dépasse 20% du myocarde ; elle est incompatible avec la survie lorsqu'elle atteint 40% de la masse myocardique (choc cardiogénique), que cette destruction soit la conséquence d'un infarctus unique ou de plusieurs infarctus successifs.
Si la nécrose myocardique est rapidement irréversible, toutefois, dans certaines conditions il persiste autour du territoire nécrosé des territoires ischémiques, ne se contractant pas, mais restant viables et susceptibles de récupérer après revascularisation myocardique (myocarde hibernant).
La conséquence de cette nécrose est l'apparition d'une zone myocardique fibreuse non contractile (akinésie voire dyskinésie ou ectasie segmentaire), suivie d'une dilatation de l'ensemble du ventricule gauche (remodelage ventriculaire) avec un risque ultime d'insuffisance cardiaque.
4/ DIAGNOSTIC
LE DIAGNOSTIC POSITIF, facile dans 80% des cas est une urgence thérapeutique absolue ; Il repose sur l'anamnèse et un ECG immédiat.
Circonstances de survenue :
soit l'infarctus est inaugural (la moitié des cas)
soit il existe des antécédents coronariens : mais surtout "syndrome de menace" à type d'angor de novo d'emblée invalidant de repos ou d'effort, ou d'angor ancien qui "s'accélère".
La douleur rétro sternale constrictive aux irradiations classiques (cou, mâchoires, bras, poignets) ; le plus souvent d'apparition spontanée, elle survient parfois après un effort, une exposition au froid ou au stress. Le fait essentiel est qu'elle ne cède jamais complètement après la prise d'un dérivé nitré. SF associés : sueurs, troubles digestifs, agitation.
Examen clinique est essentiel pour rechercher les éventuelles complications :
La tension artérielle (TA) assez souvent élevée à la phase la plus aiguë, parfois abaissée .
Recherche de crépitants pulmonaires (IVG); de signes de stase droite (IVD)
L'électrocardiogramme (ECG) d'entrée confirme le plus souvent le diagnostic :
A la phase initiale, grandes ondes T géantes positives en regard du territoire de l'infarctus, aspect parfois trompeur, mais…Faisant place rapidement à l'onde en dôme de Pardee : sus décalage de ST, de plus de 2 mm en précordiales, 1 mm en standard dans au moins deux dérivations, non accessible à la trinitrine, avec signes "en miroir".
Plus tardivement, généralement 24ème heure, mais parfois très précocement, apparaît l'onde Q de nécrose.
L'ECG permet de localiser la topographie de l'infarctus du myocarde : se distinguent entre : infarctus antéroseptal (signes directs V1 V2 V3),
apical (signes directs en V4 V45 et D 2 D 3 VF),
antérolatéral (signes directs V5 V6 D1 VL),
ou septal profond (signes directs D2 D3 VF V1 V2 V3),
ou antérieur étendu, le plus redoutable (signes directs V1 à V6 et D1 VL).
Les infarctus inférieurs ou diaphragmatiques, avec signes directs en D2 D3 VF (les plus fréquents) s'étendent souvent en latéral (signes directs en V5 V6), voire sur la paroi postérobasale du VG (signes "en miroir" en V1 et V2). Ils correspondent à une thrombose de la coronaire droite ou de l'artère circonflexe.
En fait, l'association de la douleur infarctoïde avec les modifications ECG caractéristiques suffit à poser le diagnostic et impose, parallèlement à la réalisation des premiers soins, le transfert médicalisé du patient vers une Unité de Soins Intensifs Coronariens et une stratégie de reperfusion coronaire immédiate.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
La Péricardite aiguë
la douleur est augmentée à l'inspiration profonde;
il existe assez souvent un frottement péricardique
la fièvre est contemporaine de la douleur;
les anomalies de la repolarisation n'ont pas de topographie systématisée sur les ECG; il n'y pas d'image "en miroir".
l'échocardiogramme, au moindre doute, redresse le diagnostic.
L'embolie pulmonaire : peut parfois poser un problème diagnostique épineux puisqu'elle peut entraîner des troubles de repolarisation majeurs à l'ECG ainsi qu'une libération de troponine.
cependant le contexte clinique est différent (post-opératoire, post-partum, alitement prolongé)
un épisode dyspnéique aigu est souvent retrouvé et est au premier plan
. il existe fréquemment des signes de phlébite
. des signes de coeur pulmonaire aigu sont présents dans les formes importantes
. l'association hypoxie / hypocapnie est évocatrice sur les gaz du sang artériel;
. l'ECG, certe modifié, est différent; Le diagnostic est confirmé par scintigraphie pulmonaire ou par scanner spiralé des artères.
Les urgences digestives (ulcère gastro duodénal, pancréatite aigue)
Mais surtout la dissection aortique, dont le tableau clinique, souvent accompagné de choc, est parfois proche …toutefois, l'ECG peu modifié contraste avec la gravité du tableau clinique
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