L’insuffisance cardiaque à la phase aiguë de l’infarctus peut résulter de plusieurs causes (fig 7) : altération des fonctions diastolique ou systolique ventriculaires gauches, dysfonction ventriculaire droite, complications mécaniques.
Plus de la moitié des décès ont lieu avant l’hospitalisation et sont la conséquence de troubles du rythme (asystolie, FV). En revanche, les décès hospitaliers précoces sont rarement d’origine rythmique. Ils sont essentiellement liés au développement d’une insuffisance cardiaque. Dans tous les cas, la présence d’une insuffisance cardiaque à la phase aiguë d’un infarctus désigne un groupe de patients à très haut risque. Ces patients font partie de ceux qui tirent le plus grand bénéfice d’une revascularisation. Ainsi, parallèlement au traitement de l’insuffisance cardiaque, il faut administrer le thrombolytique ou organiser le transfert en salle de coronarographie pour une angioplastie.
Sur le plan clinique, la classification dite de Killip [49] en quatre classes reste la plus utilisée et conserve sa valeur pronostique malgré la généralisation des procédures de revascularisation (tableau VI).
L’insuffisance cardiaque de l’infarctus aigu n’a pas de particularité importante par rapport aux autres causes d’insuffisance cardiaque Il faut cependant noter la grande fréquence des anomalies diastoliques de la fonction ventriculaire gauche dans les premières heures de l’infarctus.
La prise en charge de ces patients doit s’appuyer sur une échocardiographie réalisée dès l’admission.
Une fonction systolique du ventricule gauche conservée à travers entre autres une hyperkinésie des segments non infarcis doit faire évoquer une insuffisance cardiaque diastolique, surtout si la pression artérielle est élevée et s’il existe une tachycardie. Le traitement repose alors plutôt sur les dérivés nitrés et les bêtabloquants. Les diurétiques sont à éviter ou à administrer prudemment.
À l’inverse, une altération franche de la fonction systolique du ventricule gauche avec une pression artérielle normale ou basse conduit à un traitement beaucoup plus agressif de l’insuffisance cardiaque,
associant vasodilatateurs, diurétiques et éventuellement inotropes. Dans tous les cas, le maintien d’une hématose correcte par une ventilation de type CPAP est utile et habituellement bien supportée.
CHOC CARDIOGÉNIQUE
Le choc cardiogénique est traité de façon détaillée dans un autre article de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale [78]. Il correspond à un infarctus étendu. Il associe une pression artérielle basse, des signes d’hypoperfusion périphérique (peau froide, sueurs, cyanose, pâleur, oligurie) et inconstamment des signes de congestion pulmonaire.
L’échocardiographie précise l’étendue de la dysfonction ventriculaire et la présence éventuelle d’une complication mécanique. Le traitement associe le plus rapidement possible la mise en place d’une contre-pulsion intra-aortique par ballonnet (CPIAB) [2] et la mise en ventilation assistée. Les médicaments inotropes y sont associés. La mortalité spontanée, comprise entre 70 et 85 %, n’est pas modifiée par les différents traitements médicaux.
La survie est améliorée par la revascularisation mécanique (pontages, angioplastie) [48]. Un point essentiel est d’identifier rapidement cette complication de l’infarctus et de bien en mesurer l’extrême gravité.
Il ne faut enfin jamais oublier la possibilité d’une assistance circulatoire mécanique, surtout chez un sujet jeune sans tare associée.Une forme particulière de choc cardiogénique est observée lors des infarctus du ventricule droit. C’est un état de choc avec des signes droits importants (distension jugulaire, signe de Küssmaul sans signe de congestion pulmonaire).La dégradation hémodynamique est habituellement précipitée par un trouble du rythme (dysfonction sinusale ou un bloc auriculoventriculaire [BAV]).
L’ECG indique un infarctus inférieur étendu aux dérivations V3R et V4R. Le traitement initial est souvent difficile. Il associe inotropes, remplissage vasculaire, et si possible entraînement auriculoventriculaire.
La revascularisation de l’artère responsable de l’infarctus par angioplastie peut permettre de lever l’état de choc.
COMPLICATIONS MÉCANIQUES
Plusieurs complications sont dites mécaniques car elles correspondent à la rupture de différentes parties du coeur fragilisées par la nécrose. Il peut s’agir de la rupture de la paroi libre du coeur, du septum interventriculaire ou d’une partie de l’appareil valvulaire mitral. On y associe les dysfonctions de l’appareil mitral. Ces complications surviennent le plus souvent au cours de la première semaine.
Rupture de la paroi libre
La rupture du coeur entraîne trois tableaux très différents.
Le plus fréquent est une mort subite caractérisée par une chute tensionnelle brutale et la persistance quelques minutes d’un rythme cardiaque normal (dissociation électromécanique). Cette situation est le plus souvent au-delà de toute ressource thérapeutique.
Dans presque 30 % des cas, la rupture survient moins brutalement et entraîne une tamponnade. Elle peut être annoncée par un syndrome de rupture qui associe une agitation, une récidive de la douleur thoracique et une ascension du sus-décalage de ST [54]. C’est une urgence chirurgicale dont le pronostic postopératoire est souvent bon [68].
Exceptionnellement, la rupture est cloisonnée par le péricarde et une distension de cette nouvelle paroi, faite du péricarde pariétal, se développe. L’aspect est celui d’un anévrisme du ventricule gauche. Contrairement aux « vrais » anévrismes du ventricule gauche, ce « faux » anévrisme peut se rompre et doit être opéré.
Insuffisance mitrale
Les insuffisances mitrales au décours de l’infarctus sont très fréquentes, asymptomatiques, et régressent en quelques heures.
Plus rarement (4 % des infarctus), deux mécanismes très différents peuvent entraîner des insuffisances mitrales importantes avec une traduction clinique plus sévère [84].
La rupture de tout ou partie d’un pilier mitral entraîne un état de choc ou un oedème aigu du poumon d’apparition très brutale. Le diagnostic de l’insuffisance mitrale est rarement clinique car le souffle systolique est souvent absent. En revanche, il est facilement fait par l’échocardiographie, surtout par voie transoesophagienne.
Les dysfonctions de piliers sont beaucoup plus difficiles à diagnostiquer. Le tableau clinique est celui d’une insuffisance cardiaque congestive qui persiste malgré le renforcement du traitement médical. L’échocardiographie est souvent prise en défaut car elle distingue mal les fuites mitrales moyennes des fuites importantes dans ce contexte de ventricule gauche altéré. C’est habituellement sur la base d’un faisceau d’arguments que le diagnostic est retenu.Ces patients sont souvent stabilisés par une CPIAB et des vasodilatateurs. Les formes fonctionnelles contrôlées par le traitement médical (vasodilatateurs, surtout IEC) peuvent être traitées et suivies comme toute insuffisance mitrale.Le traitement chirurgical, avec ou sans revascularisation coronaire, des formes mécaniques et des formes fonctionnelles mal tolérées doit être réaliséen urgence et donne de bons résultats [71].
Communication interventriculaire
Dans moins de 2 % des infarctus, le septum interventriculaire fragilisé par la nécrose myocardique se rompt. Un shunt se développe alors du ventricule gauche vers le ventricule droit.
Cliniquement, il est marqué par un fort souffle systolique très caractéristique et évolue rapidement vers un état de choc. Le diagnostic repose sur l’échocardiographie. Le traitement est une urgence chirurgicale, avec une survie hospitalière pour les patients opérés de 50 % [33]. En attendant la chirurgie, ces patients sont améliorés transitoirement par les vasodilatateurs et la CPIAB.
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