Les techniques d’imagerie médicale, tomographie à émission de positons et imagerie par résonance magnétique, ont permis de montrer que les agents halogénés modifiaient l’activité métabolique cérébrale de zones cérébrales spécifiques, comme le thalamus et la formation réticulée. [2] Ces modifications suggèrent que l’effet anesthésique des agents halogénés résulte d’une modification du fonctionnement physiologique des neurones cérébraux de zones spécifiques. Outre cette activité corticale, les agents halogénés inhibent aussi l’activité neuronale de la moelle en bloquant la transmission synaptique des voies somesthésiques et motrices. L’effet hypnotique global des agents halogénés résulte de l’effet conjoint sur les structures médullaires et supramédullaires. En effet, la CAM des halogénés est augmentée chez l’animal lorsque sa circulation médullaire a été isolée et n’est plus soumise à l’effet des agents anesthésiques.
Dans le neurone, les agents halogénés inhibent in vitro la transmission de l’influx dans la synapse, et à plus fortes concentrations la propagation axonale de l’influx nerveux. [68, 86] Cette inhibition se traduit par une diminution de libération de catécholamines, de glutamate [44] ou au contraire une augmentation de glutamate dans certaines populations neuronales.
Cette dernière pourrait expliquer l’effet excitant ou des convulsions induites par certains halogénés comme l’enflurane.
Les halogénés utilisés pour l’anesthésie potentialisent l’effet inhibiteur de l’acide gamma-amino-butyrique (GABA) sur la fréquence de décharge spontanée des neurones corticaux. [3] À l’inverse, les agents halogénés dénués d’effet anesthésique n’ont pas cette propriété. Les agents halogénés augmentent, de plus, la sensibilité des récepteurs du GABA à leurs agonistes et prolongent la désensibilisation de ces récepteurs. [90] Cette action sur le récepteur du GABA se traduit cliniquement par une potentialisation des halogénés par les benzodiazépines. D’autres récepteurs sont aussi impliqués. Ainsi, les agents anesthésiques halogénés désensibilisent le récepteur nicotinique à l’acétylcholine (récepteur appartenant à la même famille que le récepteur GABAergique) à l’inverse des agents halogénés non anesthésiques. [121] Un effet similaire est observé pour les récepteurs muscariniques. Les neurones gliaux pourraient aussi participer à l’effet hypnotique des halogénés, comme le suggère l’augmentation de captation du glutamate par les astrocytes. [100] Les modifications de fonctionnement des neurones corticaux et gliaux induites par les agents halogénés pourraient être liées aux modifications de flux de potassium (augmentation de la conductance ionique de ses canaux, courant de fuite) et/ou à une hyperpolarisation membranaire. [124, 125, 151]
Plusieurs hypothèses ont été mises en avant pour expliquer les mécanismes d’action des halogénés sur la membrane. La relation existant entre liposolubilité et puissance d’un anesthésique halogéné, connue sous le nom de loi de Meyer-Overton, suggérait une action directe des agents halogénés sur les membranes cellulaires. Cette hypothèse d’un site d’action hydrophobe et unitaire des halogénés, certes séduisante, souffre de nombreuses exceptions. Comment expliquer ainsi la différence d’efficacité des isomères (enflurane et isoflurane), l’effet convulsivant induit par la localisation terminale de l’halogénation ou la rupture d’effet liée à l’augmentation de taille du squelette de l’hydrocarbure ? Elle ne permet pas non plus d’expliquer le déterminisme génétique de l’action des halogénés à l’origine des différences interindividuelles ou celles liées au
sexe. Le site d’action membranaire des halogénés reste inconnu.
Plusieurs sites d’action, notamment protéiques, pourraient expliquer l’action anesthésique des agents halogénés. [101]
Deux hypothèses sont actuellement prédominantes. En modifiant la conformation de la double couche lipidique, les agents halogénés pourraient modifier le fonctionnement de certains récepteurs membranaires de nature protéique, comme celui des lysophosphatidates, [16] et ainsi la transmission transmembranaire du signal. L’absence d’effet de la conformation stéréospécifique de l’agent halogéné contredit cette théorie. [38] Selon une autre hypothèse, la fixation intramembranaire directe de l’agent
sur les protéines (voire à l’intérieur) des canaux ioniques serait à l’origine de la modification de fonctionnement du récepteur au GABA ou à l’acétylcholine.
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