Techniques d’anesthésie locorégionale du membre supérieur: dessous de la clavicule


Abords en dessous de la clavicule



BLOCS DU PLEXUS BRACHIAL PAR VOIE INFRACLAVICULAIRE
L’abord infraclaviculaire décrit par Labat, modifié par Raj (1973) puis Sim (1977), bénéficie d’une popularité croissante et de nombreuses variantes sont proposées. [9, 24, 30, 33, 43, 62, 63] Les voies infraclaviculaires verticales présentent un risque de ponction pleurale33 et les abords au ras de la clavicule sont pratiqués à l’aplomb des vaisseaux thoracoacromiaux. Dans les techniques souscoracoïdiennes, le point de ponction est situé 2 cm caudalement et médialement sous l’apophyse coracoïde, le plus souvent dans le sillon deltopectoral et l’aiguille est dirigée verticalement. [30] Une approche latérale à proximité du processus coracoïde est d’autant plus sûre que l’aiguille est dirigée latéralement vers la fosse axillaire progressant ainsi à distance du gril costal. [62]

Espace de diffusion
Le tissu conjonctivograisseux de la fosse axillaire s’épaissit autour des vaisseaux axillaires, des faisceaux et branches du plexus brachial ainsi réunies en un paquet vasculonerveux. Les nerfs musculocutané et axillaire quittent ce compartiment neurovasculaire dès la fosse axillaire. 

Indications - Contre-indications
Le bloc infraclaviculaire permet l’anesthésie et l’analgésie du membre supérieur du tiers moyen du bras jusqu’aux doigts.
Contrairement aux abords axillaire et brachial, sa réalisation est possible lorsque l’épaule et le coude ne peuvent être mobilisés (position antalgique d’un membre traumatisé, raideur de l’articulation scapulohumérale). L’efficacité est au moins comparable à celle d’un bloc axillaire.
Ces abords sont contre-indiqués en cas d’anomalie de l’hémostase à risque hémorragique, le point de ponction étant situé à proximité des vaisseaux acromiothoraciques et l’aiguille progressant vers l’artère et la veine dans la fosse axillaire.

Repères
Le patient est installé en décubitus dorsal, la tête légèrement tournée du côté controlatéral au bloc, le bras en abduction à 45 ° si possible.
Le praticien est à la tête du patient et regarde le membre à bloquer.

Le sillon deltopectoral, la ligne d’anesthésie, et le trigone deltopectoral sont repérés. La ligne d’anesthésie [59] (projection superficielle antérieure du plexus brachial) est tracée du bord latéral du muscle sterno-cléido-mastoïdien au milieu de la clavicule jusqu’au tendon du muscle biceps brachial au coude, le bras étant placé en abduction à 45 °. En glissant le doigt au bord inférieur de la clavicule en dedans du processus coracoïde (dont la palpation est difficile chez le sujet musclé), le trigone deltopectoral est palpé au sommet du sillon deltopectoral. La base du trigone est le bord inférieur de la clavicule, les côtés (bord latéral du muscle grand pectoral et bord médial du muscle deltoïde) se réunissent pour constituer la pointe du trigone au sommet du sillon deltopectoral.
Le point de ponction est situé sur la ligne d’anesthésie à la pointe du trigone (Fig. 7).

Réalisation du bloc
Une aiguille de 50 à 100 mm de longueur est nécessaire selon la corpulence du patient. L’artère axillaire entourée par les faisceaux du plexus brachial est située verticalement à une profondeur en moyenne de 4 cm (2,25 à 7,75 cm). [63] L’aiguille progresse dans l’axe de la ligne d’anesthésie en direction postérieure, caudale et latérale, visant l’artère axillaire dont le pouls est palpé à la racine du bras.
Une progression douce avec une aiguille à biseau court permet souvent de percevoir le passage du fascia contigu au paquet vasculonerveux. Une direction verticale et surtout médiale de l’aiguille comporte un risque de pneumothorax ; [43] une telle orientation de l’aiguille doit être évitée. Un volume de 0,5 ml kg–1 est suffisant sans dépasser 40 ml. La compression axillaire ne semble pas nécessaire.

Réponses en neurostimulation
Le taux de succès du bloc est plus élevé lorsque l’injection est réalisée après obtention d’une réponse distale en extension (nerf radial) ou idéalement en flexion des doigts ou du poignet (nerf médian). La réponse la plus fréquente est une contraction des muscles fléchisseurs de l’avant-bras et de la main.

Une contraction du grand ou du petit pectoral (nerfs pectoral médial et latéral) témoigne d’une position trop superficielle de la pointe de l’aiguille ; elle doit être introduite plus profondément. La contraction du muscle biceps brachial traduit une position trop superficielle et latérale de l’aiguille, le nerf musculocutané pouvant s’individualiser précocement du faisceau latéral ; après injection de 5 à 6 ml d’anesthésique local pour bloquer spécifiquement ce nerf, l’aiguille doit être dirigée un peu plus médialement et plus profondément. La contraction du muscle deltoïde (nerf axillaire) ou du muscle triceps brachial (dont le nerf du chef long naît habituellement dans la fosse axillaire) témoigne d’une position trop latérale et postérieure de l’aiguille qui doit être retirée et réorientée légèrement plus médialement. Un mouvement de pronation de l’avant-bras ne constitue pas une bonne réponse. La multistimulation ne semble pas indispensable, le repérage d’un des trois nerfs majeurs aboutissant à 90 % de blocs efficaces. [26]

Extension de l’anesthésie obtenue
La fréquence de l’anesthésie sensitivomotrice est supérieure à 90 % dans les territoires des nerfs médian, radial, ulnaire, cutané médial du bras et de l’avant-bras. Les nerfs musculocutané, axillaire et thoracodorsal sont le plus souvent concernés par l’anesthésie.
Un bloc de complément au niveau du nerf intercostobrachial est indiqué en fonction du territoire intéressé par la chirurgie. En cas de bloc incomplet d’une branche terminale, l’analgésie obtenue permet de mobiliser le membre et de compléter l’anesthésie au canal brachial ou au coude.

Cathéter
Cette voie est indiquée pour la mise en place d’un cathéter de longue durée, sa fixation étant aisée sur la partie antérieure du thorax, région immobile et glabre. Le cathéter ne doit pas être avancé de plus de 3 centimètres au-delà de l’extrémité de l’aiguille (Fig. 8).

Complications
Les deux principales complications sont la ponction vasculaire et pleurale. Un cas de syndrome de Claude Bernard-Horner et un cas de parésie phrénique responsable d’une détresse respiratoire passagère témoignent de la diffusion possible de la solution en amont de la fente costoclaviculaire.

BLOC DU PLEXUS BRACHIAL PAR VOIE AXILLAIRE
Ce bloc est indiqué dans la chirurgie de la main, de l’avant-bras et du coude. Il n’est pas indiqué pour des interventions concernant le bras. Il est contre-indiqué en cas d’adénite de l’aisselle. La position des trois principaux nerfs (radial, médian et ulnaire) relativement à l’artère, au niveau de la fosse axillaire a été précisée par une étude échographique, qui confirme la grande variabilité des positions respectives des nerfs et des vaisseaux à ce niveau. [45]

Installation du patient et repères
Le patient est installé en décubitus dorsal, le membre à bloquer à 80-100 ° d’abduction, en position neutre, le coude en extension.
L’abduction plus importante entraîne une compression du paquet vasculonerveux par l’extrusion de la tête humérale en dehors de la glène qui gêne le repérage de l’artère axillaire, et pourrait s’opposer à la progression céphalique de la solution anesthésique, limitant l’extension du bloc.
Le repère classique est constitué par l’artère axillaire dans la fosse axillaire, dont les battements sont identifiés par la palpation.
Classiquement, l’artère y est recherchée le plus haut possible. En pratique, le point de ponction se localise là où l’artère est le mieux perçue. Le repérage par palpation du nerf médian dans le creux axillaire est une alternative possible. Le nerf médian est perçu comme une corde tendue superficiellement dans le creux axillaire (Fig. 9).

Réalisation du bloc
Une aiguille de 25 mm de long serait le plus souvent suffisante.
Cependant, la ponction est habituellement réalisée avec une aiguille de 50 mm. Lors d’un abord axillaire, la technique de multistimulation améliore la qualité du bloc obtenu. [37] La mise en place d’un cathéter est possible et aisée par cette voie.

Pour repérer le nerf médian qui est très superficiel, l’aiguille est introduite presque tangentiellement au plan cutané. Le nerf est localisé à moins de 1 centimètre de profondeur. La meilleure réponse en neurostimulation est une contraction des muscles palmaires. Le nerf est bloqué avec 7 à 10 ml de solution anesthésique.
Le nerf ulnaire est localisé en arrière et en dehors du nerf médian.

La meilleure réponse en stimulation est une contraction du muscle fléchisseur ulnaire du carpe, dont le tendon est palpé au bord ulnaire du poignet. Le nerf est bloqué avec 5 à 7 ml de solution anesthésique.

Pour repérer le nerf radial qui est plus profond, l’aiguille est ramenée vers le plan cutané, puis redirigée en arrière et en avant de l’artère axillaire. La meilleure réponse en neurostimulation est une contraction des muscles extenseurs des doigts. Le nerf est bloqué avec 7 à 10 ml de solution anesthésique. Une contraction du muscle triceps radial, innervé par le nerf radial est une mauvaise réponse ; il est en effet impossible au niveau axillaire de savoir si l’on stimule le nerf radial lui-même ou sa branche tricipitale déjà séparée. Pour bloquer le nerf musculocutané, l’aiguille est ramenée au plan cutané, puis dirigée perpendiculairement à l’axe de l’humérus, en avant de l’artère, juste en arrière du bord inférieur du muscle biceps brachial. La meilleure réponse en neurostimulation est une contraction du muscle biceps brachial. La flexion de l’avant-bras sur le bras peut être réalisée par la contraction du muscle brachioradial innervé par le nerf radial. Ce n’est donc pas ce mouvement qu’il faut rechercher mais bien la contraction du muscle biceps. Le nerf est bloqué avec 5 à 6 ml de solution anesthésique.

Enfin, une infiltration sous-cutanée de 3 à 4 ml est réalisée depuis le point de ponction jusqu’au bord postérieur de la fosse axillaire, pour bloquer les rameaux brachiaux des nerfs intercosto-brachiaux et accessoirement le nerf cutané médial du bras. Ces nerfs sensitifs ne sont pas localisés en neurostimulation. À la fin de la procédure, ni la compression digitale du plexus brachial juste en aval du point de ponction, ni la position du membre supérieur n’influent sur la qualité ou l’extension du bloc obtenu. 

Difficultés lors de la neurostimulation
Les anastomoses nerveuses sont fréquentes au niveau du bras entre les nerfs musculocutané et médian et à l’avant-bras entre les nerfs médian et ulnaire, particulièrement l’anastomose de Martin-Gruber, dont la fréquence dépasse 20 %. [47] Ces anastomoses peuvent rendre difficile l’interprétation des réponses musculaires obtenues en neurostimulation. Dans l’anastomose de Martin et Gruber, des fibres issues du nerf médian sont retrouvées dans la branche motrice du nerf ulnaire. Ainsi, des fibres empruntant le trajet du nerf ulnaire peuvent prendre en charge l’innervation de certains muscles de l’éminence thénar, normalement innervés par le nerf médian. Tous les muscles de la loge antérieure de l’avant-bras sont innervés par le nerf médian, à l’exception du muscle fléchisseur ulnaire du carpe qui est innervé par le nerf ulnaire. En neurostimulation, le nerf médian sera identifié par la contraction des muscles long palmaire et fléchisseur radial du carpe. Le nerf ulnaire sera repéré par la contraction du muscle fléchisseur ulnaire du carpe. [28]

Extension de l’anesthésie obtenue
L’anesthésie obtenue avec un bloc axillaire intéresse le coude, l’avant-bras et la main. La technique en multistimulation des quatre nerfs réduit de façon considérable le recours à des compléments, comme cela est fréquent avec une technique qui ne repère que 1 ou 2 nerfs. Le repérage spécifique du nerf ulnaire ne paraît pas indispensable ; il est, en raison de sa proximité avec le nerf radial ou le nerf médian, souvent bloqué avec un autre nerf. [53] Cependant, si la zone opératoire intéresse le territoire du nerf ulnaire, il paraît judicieux de le bloquer spécifiquement.
Complications
Les complications des abords axillaires sont rares et habituellement bénignes, en dehors d’un traumatisme anatomique ou d’une injection intravasculaire. Toute ponction d’un vaisseau au cours de la procédure justifie d’une compression prolongée de façon à éviter la constitution d’un hématome dans l’espace contenant les branches du plexus brachial. Les remaniements secondaires de cet hématome avec la fibrose réactionnelle pourraient générer des complications neurologiques ultérieures.

Technique transartérielle
L’artère axillaire représentant l’élément central du paquet vasculonerveux, deux injections d’anesthésique local, la première réalisée juste après avoir transfixié l’artère et la seconde juste au retour assureraient un bloc parfait. Anatomiquement, il se trouve que l’artère axillaire ne représente pas toujours l’élément central du paquet vasculonerveux. Ainsi, l’injection réalisée après avoir transfixié l’artère est parfois réalisée en dehors de ce paquet, de sorte que la moitié de la solution anesthésique est inefficace. Cette technique n’assure malheureusement pas 100 % de blocs efficaces et comporte une incidence de complication non nulle, dont la plus fréquente (10 %) est un spasme artériel transitoire secondaire à la ponction vasculaire. [57] De plus, elle est moins performante que la technique par multistimulation. [36]

BLOCS DU PLEXUS BRACHIAL PAR VOIE BRACHIALE (HUMÉRALE)
La technique du bloc au niveau du canal brachial [20] est basée sur le concept de multistimulation. La connaissance de la position des différents nerfs à bloquer au niveau du canal brachial est indispensable à la réalisation de cette technique(Fig. 10). Une étude échographique récente précise la position relative des trois principaux nerfs par rapport à l’artère. [45]

Indications et contre-indications
Les indications sont similaires à celles d’un bloc axillaire (chirurgie du membre supérieur de la main au coude). Contrairement aux abords infraclaviculaires, la réalisation de ce bloc est impossible lorsque l’épaule et le coude ne peuvent être mobilisés. Aucune complication spécifique de la technique n’est rapportée dans la littérature.

Réalisation du bloc
Le patient est installé en décubitus dorsal, le membre supérieur en abduction à 90° repose sur une table réglée à la hauteur du patient, la main est en supination.

Le pouls de l’artère brachiale est repéré dans le sillon bicipital médial entre le relief des muscles biceps et triceps brachial. Son trajet du bras. Le cordon du nerf médian peut être repéré à la palpation douce lorsque le pannicule adipeux est mince.

Une aiguille de neurostimulation 22 G de 50 mm de longueur est recommandée. Une intensité de stimulation de 2 à 2,5 mA est suffisante pour débuter. Chaque injection d’anesthésique local de 5 à 10 ml est réalisée à intensité minimale puis l’intensité est remontée à 2-2,5 mA avant la recherche du nerf moteur suivant.

Après asepsie cutanée, l’aiguille est initialement introduite presque tangentiellement à la peau, au bord latéral de l’artère brachiale préalablement repérée, et en direction de la fosse axillaire. Le fascia brachial est aisément perçu avec une aiguille à biseau court. La contraction des muscles de la région antérieure de l’avant-bras (hormis le fléchisseur ulnaire et la partie médiale du fléchisseur profond des doigts) signe la stimulation du nerf médian. Cette stimulation du nerf médian est confirmée par la palpation des mouvements des tendons palmaires. L’aiguille est retirée et repositionnée en sous-cutané puis dirigée au bord médial de l’artère et en arrière en quête d’une contraction du muscle fléchisseur ulnaire du carpe et la partie médiale du fléchisseur profond des doigts qui indique la stimulation du nerf ulnaire. L’infiltration du nerf ulnaire permet de bloquer simultanément le nerf cutané médial de l’avant-bras qui chemine à son contact au bord médial de l’artère brachiale. L’aiguille est orientée perpendiculairement à la peau pour progresser en arrière de l’artère brachiale, vers la face dorsale de l’humérus jusqu’à obtenir une contraction des muscles extenseurs des doigts, du poignet, une abduction du poignet et du pouce témoin de la stimulation du nerf radial. L’aiguille est à nouveau retirée en sous-cutané puis réorientée perpendiculairement à la peau pour progresser au bord latéral de l’artère brachiale et s’insinuer entre les muscles biceps brachial et brachial (antérieur) de façon à localiser le nerf musculocutané entraînant une contraction du biceps brachial. Enfin, une infiltration sous-cutanée réalisée en regard de l’artère brachiale et médialement à celle-ci, assure l’anesthésie du nerf cutané médial du bras (Fig. 9).

Réponses inadéquates en neurostimulation
La contraction du nerf médian peut être obtenue avant d’avoir franchi le fascia brachial et l’injection réalisée en sous-cutané. Lors de la recherche du nerf radial, l’obtention d’une contraction musculaire localisée à la région postérieure du bras est possible par stimulation d’une des branches tricipitales du nerf radial ; l’injection à leur niveau n’assure pas de façon fiable l’anesthésie du nerf radial.

Injections
Trente à 40 ml de solution anesthésique sont suffisants.
L’administration sélective de produits anesthésiques permet une analgésie de longue durée sur le (ou les) territoire(s) sensitif(s) directement impliqué(s) par l’acte chirurgical, tout en réduisant la durée du bloc moteur. [7] L’injection d’anesthésique local de longue durée d’action sur les nerfs médian et ulnaire procure une analgésie de longue durée de la face palmaire de la main ; l’injection d’anesthésique local de courte durée sur les nerfs radial et musculocutané permet une levée rapide du bloc moteur sur les groupes musculaires proximaux du membre supérieur permettant la mobilisation de l’avant-bras.

Extension de l’anesthésie obtenue
Le temps de réalisation du bloc est en moyenne de 5 à 7 minutes pour un opérateur entraîné et le délai nécessaire à l’obtention d’un bloc anesthésique est en moyenne de 30 minutes. [8] Un bloc sensitif complet sur les cinq territoires nerveux est obtenu dans 88 % des cas, un bloc moteur complet dans 94 % des cas. La chirurgie est réalisable sans complément dans 95 % des cas. [11] Le délai global d’installation du bloc peut être raccourci en bloquant d’abord les nerfs médian et ulnaire puis les nerfs musculocutané et radial. [22]

BLOCS TRONCULAIRES
Les blocs tronculaires ou périphériques du membre supérieur sont indiqués seuls ou en association pour l’anesthésie ou l’analgésie distale du membre supérieur. [18] Ils peuvent compléter un bloc plexique en cas d’échec localisé. L’usage du garrot au-dessus du coude constitue la seule limite à leurs indications. Néanmoins, en dehors de cette restriction, leur efficacité et leur innocuité sont remarquables pour tous les types de chirurgie à condition de respecter la règle simple que l’anesthésie doit toujours déborder largement le site opératoire du fait du recouvrement des territoires adjacents des dermatomes.

Blocs au niveau de l’épaule et du cou
Le bloc du nerf suprascapulaire peut être utile en complément d’un bloc interscalénique en chirurgie de l’épaule lors d’un abord postérieur. Chez un patient en position assise, on repère la pointe de la scapula et l’on élève une ligne verticale qui remonte vers son épine. Le point de ponction se trouve juste sur cette verticale, audessus de l’épine. La neurostimulation recherche une contraction des muscles supraépineux. Le bloc est réalisé avec 5 à 7 ml de la solution choisie.
Les nerfs supraclaviculaires (antérieur, moyen et postérieur) sont issus du plexus cervical superficiel et ne sont pas issus du plexus brachial. Ils sont responsables de l’innervation de la partie basse du cou, de la fosse supraclaviculaire, débordant en avant sur la paroi thoracique et en arrière sur le dos. Leur bloc peut être un complément utile ou indispensable lors d’une chirurgie claviculaire par exemple. Ces trois nerfs sont bloqués par une infiltration réalisée sous le fascia cervical au bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien.

Blocs au niveau axillaire
Le nerf cutané médial du bras (C8-T1), et les rameaux brachiaux cutanés venant du 1er et du 2e nerf intercostal s’anastomosent au niveau de la fosse axillaire de sorte que leur implication respective dans la sensibilité de la face médiale du bras, depuis le creux axillaire jusqu’à l’épicondyle médial (épitrochlée), n’est pas discernable. Dans la fosse axillaire, ils adoptent un trajet souscutané, qui rend leur blocage particulièrement aisé.
Ils doivent être bloqués quand la chirurgie intéresse leur territoire, mais aussi dès qu’un garrot brachial est utilisé. [26] Le bras étant à 90° d’abduction, les deux nerfs sont bloqués simultanément, au niveau de la fosse axillaire, par une infiltration sous-cutanée partant du bord inférieur de l’artère en direction du bord médial du bras.
Quatre à 6 ml d’anesthésique local suffisent.

Blocs au coude
La fosse cubitale est située en face de l’articulation du coude. Le fascia superficiel contient les nerfs cutané latéral et médial de l’avant-bras et les veines superficielles. Elle est recouverte par le fascia profond et traversée en dedans par le nerf médian, l’artère brachiale et ses veines, et en dehors par le nerf radial au fond de la fosse cubitale. Il abandonne à ce niveau le nerf interosseux postérieur et un rameau superficiel. Le nerf ulnaire pénètre dans la région postérieure du bras en traversant le septum intermusculaire médial dans la région moyenne du bras pour cheminer au contact du chef médial du triceps brachial. Il passe au dos de l’épicondyle médial de l’humérus au coude et gagne l’avant-bras.

Seule la branche terminale sensitive du nerf musculocutané, le nerf cutané latéral de l’avant-bras, est concernée par ce bloc. Au niveau de l’épicondyle, il est superficiel et se divise rapidement, en dedans de la veine céphalique, en deux branches à destinée cutanée. Son territoire sensitif peut s’étendre jusqu’à la main, se superposant en partie à celui du nerf médian. Le nerf est bloqué par une infiltration sous-cutanée de 4 à 6 ml, réalisée depuis le tendon du biceps vers le bord latéral du muscle brachioradial (long supinateur).

Le nerf ulnaire au niveau du coude est très superficiel passant en arrière de l’épitrochlée dans un canal ostéofibreux inextensible et abandonne un rameau articulaire pour le coude. Le nerf ulnaire ne doit pas être bloqué dans la gouttière épitrochléo-olécrânienne, le risque de traumatisme nerveux à ce niveau doit lui faire préférer un abord situé en dessous, quand le nerf passe sous le muscle anconé.

Le patient est en décubitus dorsal, le bras en antépulsion, le coude fléchi à 90 °. L’aiguille introduite tangentiellement sous le muscle anconé est dirigée vers le canal ulnaire au poignet. La stimulation recherche une inclinaison ulnaire du carpe, une flexion des 4e et 5e doigts et une adduction du pouce. Le bloc est réalisé avec 5 à 7 ml d’anesthésique local.

Le nerf médian se caractérise par l’importance des anastomoses qu’il contracte avec les trois autres nerfs de l’avant-bras et de la main : avec le nerf musculocutané au bras, avec l’ulnaire au niveau de l’avant-bras, avec le radial pour l’innervation de l’éminence thénar et du pouce. Ces anastomoses imposent de bloquer le nerf médian plus souvent que ne le voudrait son territoire d’innervation sensitive cutanée. Le nerf médian peut être bloqué au coude après avoir repéré l’artère brachiale, au niveau de la gouttière bicipitale interne, 5 cm au-dessus de l’interligne articulaire. L’aiguille progresse tangentiellement en dessous et en dedans de l’artère jusqu’à déclencher une réponse motrice dans l’avant-bras (muscles palmaires) ou la main (fléchisseurs des doigts ou muscles intrinsèques). Après un test d’aspiration, 5 à 8 ml de la solution anesthésique sont injectés.

Le nerf cutané médial de l’avant-bras (C8-T1) se divise en deux branches, postérieure et antérieure, assurant l’innervation sensitive du versant médial de l’avant-bras. Son territoire d’innervation peut déborder sur le bras et sur la main. Le nerf cutané médial de l’avantbras échange des anastomoses avec toutes les branches terminales du plexus brachial. Le nerf étant purement sensitif, l’usage du neurostimulateur est inutile. Il est bloqué en même temps que le nerf médian par une infiltration sous-cutanée de 4 à 5 ml de solution anesthésique.

Le nerf radial (C5-D1) devient latéral au niveau de l’humérus audessus de l’insertion du muscle brachioradial qui le recouvre. Il se divise rapidement en deux branches terminales, l’une antérolatérale, superficielle et sensitive, l’autre postérieure profonde et motrice. Le nerf radial doit être bloqué au-dessus du coude en raison d’une séparation parfois précoce de la branche sensitive. Le point de ponction est situé légèrement en amont du pli de flexion dans la dépression située entre le bord latéral du tendon du biceps et le bord médial du long supinateur. L’aiguille est introduite avec une direction céphalique et légèrement latérale, recherchant à provoquer une extension du carpe ou de la main. Le bloc est réalisé avec 6 à 8 ml de solution anesthésique.

Blocs au niveau du poignet
Bloc du nerf médian
Au poignet, il se situe entre les tendons des muscles fléchisseur radial du carpe et long palmaire, juste en dessous du ligament antérieur annulaire du carpe. À ce niveau, un rameau sensitif se sépare des fibres motrices : le nerf cutané palmaire responsable de l’innervation cutanée de l’éminence thénar, et des doigts sauf du 5e et de la moitié interne du 4e. Cette branche se détache parfois précocement, pour atteindre la paume de la main avec le tendon du muscle fléchisseur radial du carpe, en dehors du canal carpien. La main étant en supination, on demande au patient de la relever contre une résistance, ce qui permet de faire saillir les deux tendons des muscles fléchisseur radial du carpe et du long palmaire. Le point de ponction se trouve dans la dépression entre ces deux tendons 2 à 3 cm au-dessus du troisième pli de flexion du poignet. L’aiguille de neurostimulation est introduite avec une orientation céphalique sur une profondeur de 2 à 2,5 cm. La stimulation cherche à provoquer des contractions des muscles intrinsèques de la main. L’injection de 4 à 6 ml de la solution choisie doit être lente et peu ou pas douloureuse. Un syndrome du canal carpien doit être considéré comme une contre-indication d’un bloc du nerf médian au poignet.

Bloc du nerf ulnaire
Le nerf ulnaire gagne le poignet entre les muscles fléchisseur profond des doigts en arrière et le fléchisseur ulnaire du carpe en avant. Il émerge avec l’artère cubitale au bord latéral du tendon du muscle fléchisseur ulnaire du carpe. Il est facilement bloqué par un abord latéral. Une aiguille (23G, 25 mm) est introduite avec une orientation céphalique juste en arrière du tendon du fléchisseur ulnaire du carpe, au niveau du troisième pli de flexion du poignet.
La stimulation cherche à provoquer une flexion des 4e et 5e doigts ou une adduction du pouce. Quatre à 6 ml sont suffisants pour un bloc en injection unique. Un cathéter est facilement mis en place par cette voie.

Bloc du nerf radial
La branche sensitive superficielle du nerf radial émerge au bord postérieur du muscle brachioradial, perfore l’aponévrose antébrachiale superficielle au tiers distal du radius et se termine en trois branches cutanées pour le bord latéral du dos de la main et les trois premiers doigts. L’anesthésie est obtenue par une infiltration sous-cutanée de 4 à 5 ml d’anesthésique local, avec une aiguille intramusculaire, dessinant un demi-bracelet en regard de la styloïde radiale. Il est envisageable de repérer en neurostimulation (300 μs, 3 à 5 mA) cette branche du nerf radial en provoquant des paresthésies dans le territoire sensitif du nerf qui est alors bloqué avec 4 à 5 ml de solution anesthésique.

BLOC INTRATHÉCAL DE LA GAINE DES FLÉCHISSEURS
La technique consiste à injecter un anesthésique local dans la gaine du tendon fléchisseur pour bloquer par diffusion les nerfs collatéraux palmaires et dorsaux. Ce bloc intéresse les 2e, 3e et 4e doigts. Le pouce n’a pas de gaine des fléchisseurs propre ; le 5e doigt est plus facilement bloqué par un bloc ulnaire au poignet.

L’anesthésie obtenue concerne toute la face palmaire du doigt, et la face dorsale des 2e et 3e phalanges. La face dorsale de la 1re phalange n’est pas bloquée par cette technique. Si un abord de la face dorsale de la 1re phalange ou de l’articulation P1-P2 est envisagé, un bloc de complément par une infiltration dorsale à la base du doigt est indispensable. [13]

Ce bloc est indiqué pour la chirurgie des doigts de courte durée. Il permet une analgésie postopératoire de longue durée (18 à 24 h avec la bupivacaïne à 0,5 %) en raison de l’effet « réservoir » offert par la gaine. Il est utilisable en chirurgie ambulatoire.


Ce bloc nécessite une asepsie draconienne. La ponction est réalisée à la base de l’articulation métacarpophalangienne, en regard du tendon fléchisseur, avec une aiguille (de type intradermique, 26,5 G, 12 mm de long), non montée sur la seringue. L’aiguille est dirigée vers le doigt. La ponction et l’injection sont plus ou moins douloureuses ; le patient doit en être prévenu. Quand l’aiguille est en place, les mouvements du doigt entraînent sa mobilisation.

L’aiguille est alors retirée de 1 mm, et on injecte facilement 3 à 4 ml de bupivacaïne à 0,5 % chez l’adulte (0,5 à 1 ml chez l’enfant). L’injection dans le tendon est impossible. L’adjonction de clonidine (15 μg) améliore la qualité du bloc pour la chirurgie du panaris. Seul un garrot placé à la racine du doigt est utilisable.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire