Anesthésie-réanimation dans la chirurgie des surrénales

Anesthésie-réanimation dans la chirurgie des surrénales


Benoît Tavernier : Professeur des Universités, praticien hospitalier, département d’anesthésie-réanimation chirurgicale 1, centre hospitalier universitaire de Lille, hôpital Roger Salengro, rue Émile-Laine, 59037 Lille cedex, France.
Jérôme Leclerc : Chef de clinique-assistant, département d’anesthésie-réanimation chirurgicale 2, centre hospitalier universitaire de Lille, hôpital Claude Huriez, 59000 Lille, France.


Résumé. – Les particularités de l’anesthésie-réanimation pour chirurgie surrénalienne sont essentiellement
liées aux anomalies de sécrétion endocrinienne et à leur correction brutale par l’exérèse (tumeurs sécrétantes), mais parfois aussi à l’étendue de la dissection chirurgicale (corticosurrénalomes).
Les progrès des stratégies diagnostiques et thérapeutiques ont permis de réduire régulièrement la mortalité et la morbidité périopératoires tout en conduisant à une rationalisation et à une simplification de la prise en charge des patients. La généralisation de l’abord laparoscopique pour la plupart de ces tumeurs est l’un des changements les plus importants des dix dernières années.
 Dans ce chapitre sont décrites les principales caractéristiques de la prise en charge anesthésique pré-, per- et postopératoire, en particulier en présence d’un hypercortisolisme, d’un hyperaldostéronisme ou de la sécrétion anormale de catécholamines.


Mots-clés : anesthésie, surrénalectomie, Cushing, Conn, phéochromocytome, laparoscopie.


Introduction
Le développement de la chirurgie des glandes surrénales date des quatre dernières décennies. Il a été marqué par des améliorations considérables des moyens diagnostiques, en particulier des dosages hormonaux et de l’imagerie, mais aussi par la mise au point de protocoles thérapeutiques périopératoires adaptés aux dysfonctions endocriniennes rencontrées. Les spécificités de l’anesthésieréanimation dans la chirurgie des surrénales sont le plus souvent liées aux anomalies de sécrétion endocrinienne et à leur correction brutale par l’exérèse tumorale, parfois aussi à l’étendue de la dissection chirurgicale. L’anesthésie-réanimation peut ainsi être envisagée pour chacune des principales indications d’exérèse surrénalienne : phéochromocytomes, développés aux dépens de la médullosurrénale et sécrétant des catécholamines ; syndrome de Conn, correspondant aux tumeurs sécrétant de l’aldostérone par la zone glomérulée ; syndrome de Cushing, par hypersécrétion de glucocorticoïdes produits par la zone fasciculée ; rares tumeurs virilisantes et féminisantes, liées respectivement à l’hypersécrétion d’androgènes surrénaliens et d’oestrogènes.

Certaines caractéristiques de l’anesthésie pour chirurgie surrénalienne sont cependant communes à tous les types de tumeurs surrénaliennes, y compris les tumeurs non sécrétantes. Il s’agit en particulier des contraintes liées aux voies d’abord, malgré le développement rapide et récent de la laparoscopie.


Voies d’abord chirurgicale et développement de la laparoscopie
La surrénalectomie est une chirurgie rare. Aujourd’hui, dans les centres spécialisés, la cause la plus fréquente de surrénalectomie est le phéochromocytome (25 à 30 %), suivi du syndrome de Conn et des incidentalomes (20 à 25 %) [10, 43]. Viennent ensuite le syndrome de Cushing (15 %) et les cancers (10 %). Les autres tumeurs sont tout à fait inhabituelles. Du fait de la situation anatomique des surrénales, de nombreuses voies d’abord ont été décrites [12]. Le choix dépend essentiellement de la taille et de la nature de la tumeur. La voie classique est la voie abdominale antérieure transpéritonéale, qui permet une exploration de toute la cavité abdominale et facilite les contrôles vasculaires en cas de saignement. L’opéré est placé en décubitus dorsal, sans billot, ou en léger décubitus latéral du côté opposé à l’exérèse. L’incision peut être médiane verticale ou transversale, uni- ou bilatérale. L’exérèse des tumeurs les plus volumineuses peut nécessiter l’élargissement de la voie en thoracophréno- laparotomie, voire laparotomie avec sternotomie. La deuxième voie est postérolatérale, chez un malade en décubitus latéral. Par rapport à la précédente, elle respecte le péritoine et donc n’a pas les mêmes conséquences sur la motricité du tube digestif.

De plus, son retentissement respiratoire est moindre. La voie postérieure, décrite par Young et modifiée par Mayor, autorise les surrénalectomies uni- ou bilatérales, même pour des tumeurs de plus de 5 cm de diamètre, avec des suites opératoires le plus souvent très simples [12]. En revanche, elle nécessite un décubitus ventral (ou latéral prononcé), d’installation parfois délicate, en particulier chez les patients atteints d’une maladie de Cushing. Le développement des voies postérolatérales et postérieures, au retentissement postopératoire limité par rapport à la voie antérieure, a été stoppé par l’apparition de la laparoscopie.

La laparoscopie est devenue en quelques années la voie d’abord de première intention en chirurgie surrénalienne [1, 10, 25, 30, 43, 58, 64]. Elle possède des avantages en termes de douleurs et de retentissement respiratoire postopératoires, d’esthétique, de durée d’immobilisation et de durée de convalescence [10, 25, 58, 63]. La voie laparoscopique est maintenant largement privilégiée pour les adénomes de Conn et pour les syndromes de Cushing. Elle l’est de plus en plus pour les phéochromocytomes. Il en est de même pour les métastases surrénaliennes, alors que la laparotomie reste préférée si la malignité est connue et l’extension tumorale intravasculaire suspectée. L’abord laparoscopique de la surrénale est le plus souvent transpéritonéal. Il peut être seulement rétropéritonéal, mais cette variante peut imposer une pression d’insufflation plus élevée, expose au risque de brèche péritonéale et offre une vision et un espace de mouvement et de dissection limités [44]. Pour la plupart des équipes, le patient est installé en décubitus latéral complet, un billot étant placé sous le flanc et la table cassée sans excès. Il est recommandé de fléchir légèrement les jambes du patient de façon à prévenir le risque d’étirement du nerf crural [44]. Les surrénalectomies bilatérales en un temps nécessitent un changement de position entre les deux côtés.

Un pneumopéritoine avec une pression d’insufflation à 10-12 mmHg est le plus souvent suffisant pour la voie transpéritonéale.

La voie endoscopique expose aux risques inhérents à ce type de chirurgie que sont en particulier le retentissement cardiovasculaire de l’augmentation de la pression intrapéritonéale (le cas particulier du phéochromocytome est abordé plus loin) et le risque d’embolie gazeuse. En pratique, les complications peropératoires sont rares et dominées par le risque hémorragique, imposant parfois le recours à la laparotomie [10, 43].

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