Anesthésiques halogénés





I. Odin, N. Nathan
La classe thérapeutique des agents halogénés utilisés en anesthésie comporte l’halothane et l’enflurane, largement supplantés par les agents plus récents, isoflurane, desflurane et sévoflurane, moins solubles dans les tissus et mieux tolérés par le système cardiovasculaire. Les différences pharmacodynamiques entre ces trois derniers agents sont modestes et leur toxicité peut être considérée comme quasi nulle, y compris pour le sévoflurane malgré sa dégradation en composés A en présence des bases fortes contenues dans la chaux sodée. Le sévoflurane et le desflurane, agents les plus récents, sont caractérisés par une cinétique plus rapide. Les avantages cliniques qui en découlent, rapidité de l’induction et du réveil, maniabilité plus grande, doivent être pondérés par un coût d’utilisation en pratique quatre fois plus élevé que celui de l’isoflurane. Ces deux agents doivent donc être prioritairement utilisés en circuit fermé et les débits de gaz frais réduits aussi bas que possible. Cette réduction de débit de gaz frais ne diminue pas la maniabilité des agents les moins solubles comme le desflurane. Tous les agents halogénés, quel que soit leur coût, restent néanmoins des choix bien plus économiques que celui des agents intraveineux, d’autant qu’ils permettent un réveil plus ou aussi rapide. Le sévoflurane, de moindre âcreté et solubilité, peut être utilisé pour l’induction au masque chez l’adulte comme chez l’enfant. La pratique de l’induction au masque chez l’adulte bénéficie d’un intérêt récent, mais certains effets liés à la technique comme les effets hémodynamiques et la survenue parfois d’une activité cérébrale épileptiforme méritent d’être mieux évalués chez certains groupes de patients.
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Mots clés : Halogéné ; Liposolubilité ; Concentration alvéolaire ; CAM ; Bas débit de gaz frais ;
Hémodynamique ; Baroréflexe ; Réponse ventilatoire
Introduction
La classe des agents par inhalation regroupe le protoxyde d’azote (N2O) et le xénon, de structure simple, ainsi que les agents halogénés de structure plus complexe. Les agents halogénés sont en effet des hydrocarbures dont certaines parties de la molécule sont substituées à des degrés divers par un atome halogène (brome, chlore et fluor), d’où leur nom. La nature, le nombre et la position de cet halogène conditionnent les propriétés pharmacocinétiques, les effets et la toxicité de ces agents. Globalement, les agents halogénés, surtout les plus récents, sont caractérisés par un index thérapeutique élevé lié à une faible toxicité. Outre la possibilité de mesurer en continu leurs concentrations alvéolaires, leur injection directe dans certains circuits d’anesthésie permet dorénavant d’effectuer une anesthésie par inhalation à objectif de concentration mesurée et non calculée comme cela est le cas pour les agents intraveineux.
  
  
Leur élimination rapide par voie respiratoire et la faible solubilité des agents les plus récents permettent une adaptation rapide du niveau d’anesthésie lors de l’entretien, ainsi qu’un réveil rapide et prédictible quelles que soient la durée d’anesthésie et les caractéristiques du patient. Historiquement, la première utilisation des vapeurs anesthésiques est rapportée avec de l’éther en 1846 par Morton et en 1847 en France (même si ce produit n’est pas « halogéné » à proprement parler). Celle du chloroforme est publiée la même année. [24] Il faudra attendre pratiquement un siècle pour que soit commercialisé le méthoxyflurane (1962), abandonné depuis de nombreuses années du fait de sa toxicité rénale et surtout de sa faible maniabilité liée à une liposolubilité très élevée.


L’halothane, dont les premières utilisations remontent à la fin des années 1950, n’est lui aussi plus guère utilisé du fait de sa toxicité et de ses effets cardiovasculaires délétères. L’enflurane, commercialisé en 1973, n’est quasiment plus administré pour des raisons similaires. Son odeur âcre en empêche de plus l’utilisation pour l’induction. L’isoflurane, commercialisé en France depuis 1984, le desflurane depuis 1990 et le sévoflurane depuis 1996 constituent actuellement les trois agents halogénés les plus fréquemment administrés.

Propriétés physicochimiques

Les propriétés physicochimiques des agents halogénés (Tableau 1) et leur liposolubilité (évaluée par le coefficient de partage huile/eau) (Tableau 2) dépendent de la substitution d’un atome d’hydrogène par un atome de fluor mais surtout de brome, et à un moindre degré de chlore (Fig. 1). L’halothane, qui contient un atome de brome et de chlore, est plus liposoluble que l’isoflurane qui contient un atome de chlore et plusieurs de fluor. Ce dernier est plus liposoluble que le sévoflurane et le desflurane uniquement fluorés. La solubilité est en règle proportionnelle à la puissance anesthésique (loi de Meyer-Overton), ce qui suggère un site d’action hydrophobe et unitaire pour tous les agents halogénés. Des exceptions à la loi de Meyer-Overton existent cependant ; elles sont liées à l’existence d’isomères (enflurane et isoflurane par exemple), à la localisation terminale de l’halogénation (effet convulsivant) ou à la taille du squelette de l’hydrocarbure (rupture d’effet liée à la taille). La liposolubilité conditionne aussi la cinétique (cf.infra).
  
La structure physicochimique de l’halogéné conditionne également les règles d’administration. Ainsi, les méthyl-éthyléthers comme l’isoflurane, le desflurane et l’enflurane sont âcres, et leur utilisation lors de l’induction ne peut être envisagée sans risque d’irritation des voies respiratoires. Au contraire, l’halothane (classe des alkanes) et surtout le sévoflurane (isopropyl-éther) peuvent être administrés pour l’induction chez l’enfant, mais aussi plus récemment chez l’adulte, du fait de leur moindre âcreté (Fig. 1).

Enfin, la température d’ébullition et la pression de vapeur saturante, différentes entre les halogénés, conditionnent la calibration des vaporisateurs conventionnels. Le desflurane, dont la pression de vapeur saturante est proche de la pression atmosphérique et la température d’ébullition proche de la température ambiante, doit être administré avec un vaporisateur pressurisé et thermostaté (cf. infra). Un vaporisateur de conception plus originale, spécifique de la machine d’anesthésie Kion®, permet depuis peu son administration sans avoir à maintenir constantes la pression et la température dans le vaporisateur. Chaque agent halogéné ne peut être administré que par l’intermédiaire
de son vaporisateur spécifique pour éviter le risque de sur- ou sous-dosages. Les agents halogénés peuvent aussi être injectés directement dans le circuit comme dans le Physioflex® et le Zeus®. Les agents halogénés sont commercialisés sous forme liquide en flacons munis d’un « détrompeur », bouchon spécifique de chaque agent, afin d’éviter les erreurs de remplissage.
 Chaque millilitre de gaz sous forme liquide permet d’obtenir une quantité d’agent sous forme gazeuse variable selon le poids moléculaire de l’agent et sa température d’ébullition.
Afin de déterminer le coût de l’anesthésie, un simple calcul des quantités de gaz utilisées peut être facilement obtenu à partir du débit de gaz frais et de la concentration utilisée grâce à la conversion en millilitre d’agent liquide. Ainsi, 1 ml de sévoflurane liquide se transforme en 183 ml de gaz, 1 ml de desflurane en 208 ml de gaz et 1 ml d’isoflurane en 194 ml de gaz.

Tableau 1.
Propriétés physicochimiques des agents par inhalation.


Poids moléculaire(da)
Température d’ébullition(°C)
PVS (20 °C)
H/G
Halothane
197,381
50,2
243,97
224
Enflurane
184,491
56,5
171,97
96
Isoflurane
184,491
48,5
238,95
91
Sévoflurane
200,053
58,5
159,97
53
Desflurane
168,036
23,5
663,97
19
Protoxyde d’azote
44
-88,5
/
1,4

Da : Dalton ; PVS : pression de vapeur saturante ; H/G :coefficient de partage huile/gaz.

Tableau 2.
Coefficients de partage des agents anesthésiques par inhalation et pourcentage de métabolisme.


Halothane
Enflurane
Isoflurane
Desflurane
Sévoflurane
Protoxyde d’azote
Coefficient de partage






Sang-gaz
2,54
1,8
1,46
0,42
0,68
0,47
Sang-cerveau
1,94
1,4
1,57
1,29
1,70
1,1
Sang-muscle
3,38
1,7
2,92
2,02
3,13
1,2
Sang-graisse
62
36
52
30
55
2,3
Métabolisme
20 %
2,4 à 8,5 %
0,2 %
0,02 %
2 à 5 %
0%

Pharmacocinétique : conséquences cliniques
Généralités
La pharmacocinétique des agents halogénés peut être comparée à un simple transfert d’un compartiment à l’autre de l’organisme. Ces compartiments ont été modélisés sous forme de citernes par Mapleson au début des années 1960 (Fig. 2). Une fois l’anesthésique introduit dans l’organisme par voie respiratoire, les concentrations de l’agent anesthésique tendent à s’équilibrer du fait de son transfert entre les différents compartiments.
Quel que soit le compartiment considéré, le passage de l’agent va dépendre de la différence entre les deux compartiments de la pression partielle de gaz (rôle de la concentration de gaz), de la solubilité de l’agent dans ce compartiment (effet du coefficient de partage) et du débit sanguin d’organe. À partir du compartiment alvéolaire, l’agent halogéné est transféré vers trois compartiments de transfert (Fig. 2). Le premier compartiment, constitué par le groupe des organes richement vascularisés de faible volume mais perfusés avec un débit élevé, est rapidement saturé ; ce groupe inclut les organes cibles pour l’effet pharmacologique recherché ou non comme le coeur, le cerveau, les reins, le foie. Le deuxième compartiment comporte le groupe muscle-peau, assimilable à une citerne de plus grand volume mais de plus faible débit de perfusion. Ce compartiment, moins rapidement saturé, constitue une zone de stockage rapide de l’agent halogéné. Enfin, le troisième compartiment, dit « profond », de très grand volume mais très faiblement vascularisé, inclut le tissu graisseux. Cette schématisation permet de décrire le transfert de l’agent halogéné dans les différentes parties du corps et de comprendre la séquence de ses effets cliniques. Ainsi, le passage de l’agent anesthésique de l’alvéole vers le compartiment sanguin est proportionnel à la différence de pression partielle de part et d’autre de l’alvéole, à la capacité qu’a l’agent à traverser passivement les barrières cellulaires en fonction de sa solubilité (reflétée par le coefficient de partition sang-gaz) et à la ventilation alvéolaire. L’agent anesthésique se distribue ensuite du compartiment sanguin vers le compartiment des organes richement vascularisés (comme le cerveau), puis moins vascularisés (compartiment muscle-peau) et enfin faiblement vascularisé (comme les graisses).
Cette modélisation pharmacocinétique permet de comprendre les variations de délai d’induction ou de durée d’anesthésie selon le contexte ou l’agent utilisé. Ainsi, l’induction de l’anesthésie par voie inhalatoire est plus rapide chez l’enfant que chez l’adulte. Dans les poumons, la capacité résiduelle fonctionnelle des enfants étant plus faible, la dilution de l’agent dans le compartiment pulmonaire est réduite, et l’augmentation des concentrations alvéolaires et donc la vitesse d’endormissement sont plus rapides. Cette différence entre l’adulte et l’enfant persiste même avec les agents les moins liposolubles. Le transfert du sang au cerveau se produit avec un délai quantifié par une constante de transfert, et se traduit cliniquement par un hystérésis, et donc par un délai d’action anesthésique d’environ une minute et demie incompressible lors de l’induction par voie
inhalatoire ou des adaptations thérapeutiques. Malgré un volume important, le tissu graisseux ne peut capter qu’une faible quantité d’agent halogéné car il est perfusé avec un débit sanguin ne représentant qu’un très faible pourcentage du débit cardiaque. Ainsi, contrairement aux agents administrés par voie intraveineuse, l’accumulation de l’agent anesthésique dans le tissu graisseux est faible pour l’halothane et l’enflurane, et minime pour l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane, y compris chez les obèses chez lesquels le délai de réveil et la consommation en agents anesthésiques ne sont pas ou peu
augmentés. [71] Ceci est observé même avec des agents plus liposolubles comme l’isoflurane.
Les conséquences pour l’évaluation de la profondeur d’anesthésie sont les suivantes. La concentration régnant à l’intérieur de l’alvéole s’équilibre progressivement avec les concentrations sanguines et tissulaires ; les concentrations d’agent par inhalation dans les différents compartiments de l’organisme sont donc proportionnelles. La concentration existant dans le cerveau, et donc la profondeur d’anesthésie, sont ainsi évaluées approximativement grâce à la mesure de la concentration alvéolaire de fin d’expiration en halogéné. Ce raisonnement n’est cependant valable qu’en situation d’équilibre, c’est-à-dire pendant la phase d’entretien de l’anesthésie, et non durant les phases d’endormissement et de réveil ou lors de variations rapides des concentrations d’agent halogéné du fait du phénomène d’hystérésis (cf.supra). Pendant l’induction ou immédiatement après les ajustements thérapeutiques, l’élévation des concentrations
alvéolaires est en effet plus rapide que dans le cerveau et ne reflète pas la profondeur d’anesthésie. L’écart entre concentration alvéolaire et concentration artérielle est augmenté avec l’âge, l’existence d’une pathologie respiratoire et l’obésité. [54]
Cette différence doit être prise en compte dans l’analyse clinique de la concentration de fin d’expiration. L’existence d’un écart important entre les concentrations inspirée et expirée en agent halogéné témoigne ainsi de l’absence d’état d’équilibre liée à une captation persistante de l’halogéné dans les différents compartiments de l’organisme. Lors d’une induction au masque, l’existence d’un gradient important entre ces deux concentrations suggère que la profondeur d’anesthésie n’est pas stable et peut s’alléger rapidement lors de l’arrêt d’administration de l’halogéné, par exemple pendant l’intubation.
Solubilité et cinétique comparées des agents halogénés
Plus un agent est soluble dans un tissu, plus il tend à se solubiliser et se distribuer dans les différents tissus de l’organisme, et donc moins sa pression partielle de gaz au sein dutissu considéré est faible. Ainsi, avec les agents les moins liposolubles, comme le desflurane et le sévoflurane, l’augmentation des pressions partielles alvéolaires est plus rapide et plus élevée qu’avec des agents plus liposolubles comme l’isoflurane, l’enflurane et l’halothane, car ils entrent moins rapidement en solution. Le coefficient de partition sang-gaz n’est pas le seul facteur conditionnant la vitesse d’endormissement. Les coefficients de partition sang-muscle et sang-cerveau conditionnent
aussi la vitesse et la stabilité de l’endormissement. Le délai de transfert sang-cerveau est plus rapide avec le desflurane dont le coefficient de partition sang-cerveau est le plus faible de tous les agents halogénés (Tableau 2). Les effets cérébraux du desflurane évalués par l’électroencéphalogramme (EEG) sont ainsi obtenus plus rapidement que ceux du sévoflurane et de l’isoflurane dont les coefficients de partition sang-cerveau sont plus élevés. [13, 91]
De même, la redistribution de l’agent vers les autres compartiments à débit de perfusion élevé conditionne probablement la vitesse d’endormissement et la stabilité de l’anesthésie lors de l’induction, particulièrement avec le sévoflurane dont la solubilité dans le muscle est similaire à celle de l’isoflurane. Le rôle des coefficients de partition, particulièrement sang-gaz, dans la vitesse d’endormissement a ainsi probablement été
surévalué. En effet, la concentration inspirée et la technique utilisée sont deux facteurs aussi importants à prendre en considération pour prédire la vitesse d’induction. Ainsi, malgré un coefficient de partition sang-gaz du sévoflurane 2,1 fois inférieur à celui de l’isoflurane, l’induction avec 3,6 concentration alvéolaire minimale (CAM) de sévoflurane n’est pas deux fois plus rapide qu’avec 3,6 CAM d’isoflurane, mais seulement une fois et demie. [141] L’impact de la liposolubilité est encore plus modeste pour de faibles concentrations d’halogénés. Ainsi, avec 1,7 CAM de sévoflurane, le délai de perte de conscience atteint en moyenne 121 secondes, alors qu’avec 1,7 CAM d’isoflurane la perte de conscience n’est atteinte qu’en 145 secondes. [161] Enfin, le délai de perte de conscience est le même avec l’halothane ou le sévoflurane lorsque les concentrations
délivrées par le vaporisateur sont augmentées par paliers croissants. [119]
Lors de l’induction anesthésique, la croissance des concentrations alvéolaires mesurées par le rapport de fraction alvéolaire des gaz (FA) sur la fraction inspirée (FI) décrit une courbe pseudo-exponentielle. La pente de la courbe est plus prononcée avec les gaz moins liposolubles et la valeur du pseudo-plateau, témoin de la captation des gaz dans les différents compartiments, est plus proche de l’unité (Fig. 3). [157, 158] À l’inverse, un écart élevé entre concentrations alvéolaire et inspirée est observé de façon prolongée pour les agents les moins liposolubles et se traduit par un rapport FA/FI plus éloigné de 1 lors de la phase de pseudo-plateau du fait d’une captation continue de l’agent anesthésique dans les différents compartiments de l’organisme (notamment le compartiment muscle-peau). Celui-ci constitue le lieu de stockage principal de l’agent anesthésique par inhalation, en raison d’une solubilité plus importante des agents par inhalation dans ces tissus par comparaison à la solubilité dans le sang (Tableau 2) et d’un débit sanguin d’organe relativement élevé. Ainsi, plus le coefficient de partage sang/muscle est élevé, plus la captation et le stockage sont importants (Tableau 2).
L’importance de la captation tissulaire, et donc du stockage des agents halogénés, est quantifiée en pratique clinique par l’écart entre les concentrations inspirées et celles de fin d’expiration. Cette accumulation d’agent anesthésique se traduit aussi cliniquement par une consommation plus élevée en gaz anesthésique et par un délai d’élimination plus
long, donc un réveil comparativement retardé.
Lors du réveil, la décroissance des concentrations d’halogénés au niveau alvéolaire est quantifiée par la diminution du rapport entre la concentration alvéolaire instantanée (FA) et celle obtenue lors de l’arrêt de l’administration de l’halogéné (FAO).
Ce rapport FA/FAO décroît plus vite avec les gaz moins liposolubles (Fig. 4). [37]Cette décroissance peut être accélérée par le métabolisme de l’agent en cas d’utilisation d’halothane dont les courbes de décroissance sont proches de celles d’agents moins
liposolubles comme l’isoflurane. [15] La vitesse d’élimination de l’agent halogéné peut être évaluée par la demi-vie contextuelle d’élimination, comme avec les agents intraveineux, et surtout par le temps de décroissance de 90 % des concentrations
alvéolaires initiales (Fig. 5). [10] Ainsi évalué, pour des anesthésies de plus de 2 heures, le temps de décroissance augmente avec la durée d’administration du sévoflurane, mais pas avec celle du desflurane ou du N2O. [41] L’explication qui peut être avancée est celle d’un coefficient de partition sang-muscle dusévoflurane plus élevé. Dans tous les cas, les demi-vies contextuelles de tous les agents halogénés, y compris celles de l’halothane et de l’isoflurane, sont largement inférieures à celles de tous les agents hypnotiques intraveineux. L’objectif du clinicien reste l’obtention, non d’une concentration réduite de
moitié, mais d’une concentration alvéolaire de réveil (CAM d’éveil, cf. infra) après élimination de 70 % voire 90 % de l’agent halogéné selon qu’un morphinique a été ou non associé.
Le délai d’obtention de cette concentration d’éveil dépend aussi de la concentration alvéolaire existant en fin d’anesthésie. Pour des anesthésies de 1 à 2 heures, les délais d’obtention des concentrations d’éveil sont peu différents entre les agents halogénés quelle que soit leur solubilité, sous réserve que les concentrations alvéolaires mesurées à la fin de l’anesthésie soient modérées (0,8 CAM), car l’agent anesthésique n’a pas été
stocké dans le compartiment muscle-peau (Fig. 6). [41]
Enrevanche, pour des concentrations élevées pendant l’entretien de l’anesthésie, l’avantage des agents moins solubles dans le compartiment musculaire devient manifeste car l’accumulation est alors plus faible. Ainsi, avec le desflurane, le délai de réveil ne dépend ni des concentrations utilisées, ni de sa durée d’administration. À l’inverse, après administration de sévoflurane au-delà de 120 minutes, les délais de réveil deviennent dépendants de la durée d’anesthésie et se rapprochent de ceux obtenus après administration d’isoflurane. [42]
Conséquence des différences cinétiques entre agents halogénés lors de l’utilisation d’un circuit à bas débit de gaz frais
La cinétique des gaz décrite ci-dessus n’est applicable qu’en circuit ouvert où la concentration des gaz inspirés égale celle délivrée par le vaporisateur. Lors de l’utilisation d’un circuitfiltre, la cinétique des gaz est alors influencée par trois facteurs supplémentaires. La concentration inspirée varie ainsi avec la concentration délivrée par le vaporisateur (FD) comme précédemment, mais aussi avec le débit de gaz balayant le vaporisateur, le volume du circuit et la quantité de gaz réinhalée (réinhalation). En début d’utilisation et en l’absence de connexion au patient, l’augmentation des concentrations en vapeurs anesthésiques est d’autant plus lente que le volume du circuit est élevé et le débit de gaz frais faible. Le délai d’obtention des concentrations inspirées désirées peut être évalué par la constante de temps du circuit (rapport du volume du circuit sur
le débit de gaz frais). En pratique, la concentration inspirée atteint 95 % de la concentration délivrée par le vaporisateur au bout de trois constantes de temps. Par exemple, pour un circuit de volume moyen de 4 l, FI sera égale à 95 % de la concentration lue sur le vaporisateur au bout de 3 minutes lorsque le débit de gaz frais atteint 4 l.min–1 et au bout de 1 minute pour un débit de gaz frais de 12 l.min–1. Cette inertie a pour avantage d’éviter le surdosage en agent anesthésique, mais pour
inconvénient de ralentir les variations des concentrations inspirées et donc la vitesse d’allègement de l’anesthésie ou son approfondissement. Cette inertie conditionne aussi le délai de préparation du circuit lorsque l’on veut effectuer une induction au masque avec un circuit avec réinhalation à bas débit de gaz frais.
La réinhalation des gaz expirés est le troisième facteur supplémentaire influençant la cinétique des gaz lors de l’utilisation d’un circuit à bas débit de gaz frais. En effet, du fait de la captation alvéolaire, les gaz expirés, appauvris en agents anesthésiques, viennent se mélanger aux gaz frais et à ceux persistant dans le circuit. Les concentrations inspirées tendent donc à être diminuées par les concentrations expirées de façon d’autant plus marquée que les agents sont liposolubles et ont été captés par l’organisme. Dès lors, on comprend que la réinhalation est un phénomène important à prendre en compte pour les agents les plus liposolubles. À l’inverse, pour un agent comme le sévoflurane et surtout le desflurane, les conséquences de la réinhalation sont faibles. L’interaction volume du circuit, débit de gaz frais et réinhalation est schématisée par l’évolutiondu rapport FI/FD. Celui-ci se rapproche de 1 d’autant plus rapidement que le débit de gaz frais est élevé (Fig. 7), [39] que la réinhalation est faible (fonction elle-même de la liposolubilité et du débit cardiaque du patient). Lors des adaptations thérapeutiques, l’objectif du médecin est d’obtenir une valeur donnée de concentration alvéolaire, et non une concentration inspirée, tout en évitant des débits de gaz frais trop élevés afin de limiter le surcoût et la pollution. L’évolution des rapports FD/FA en
fonction du temps permet d’effectuer le réglage idéal de la FD, concentration délivrée par le vaporisateur, en fonction de la concentration alvéolaire voulue. Ce rapport varie avec la liposolubilité de l’agent et le débit de gaz frais (Fig. 8).[41]
Pour un débit de gaz frais de 1 lmin–1, avec un agent peu liposoluble comme le desflurane, ce rapport est proche de 3. Il est alors possible d’augmenter la concentration délivrée à trois fois la concentration alvéolaire cible car la valeur maximale délivrée
par le vaporisateur atteint 18 %, soit environ trois fois la CAM.
La concentration alvéolaire cible peut être alors obtenue en quelques cycles respiratoires. Ceci n’est pas possible avec les agents plus liposolubles comme l’isoflurane ou l’halothane car le rapport FD/FA correspondant est supérieur à dix et il faudrait une concentration maximale délivrée par le vaporisateur supérieure à 10 %, ce qui est impossible compte tenu de sa calibration maximale à 5 %. Avec l’halothane et l’isoflurane, l’utilisateur est donc obligé d’augmenter le débit de gaz frais pour approfondir plus rapidement l’anesthésie. Le rapport FD/FA se rapproche progressivement d’un pseudo-plateau (donc d’un équilibre) qui est d’autant rapide et proche de 1 que l’agent est moins liposoluble. Ceci permet d’envisager une réduction du débit de gaz frais et de la concentration délivrée par le vaporisateur d’autant plus rapidement que l’agent est peu liposoluble.
Pendant l’entretien de l’anesthésie avec le sévoflurane et surtout le desflurane, le débit de gaz frais peut être réduit rapidement à des valeurs correspondant à la consommation du patient, en règle générale inférieures à 1 l.min-1. La mise à disposition de rotamètres électroniques sur les machines d’anesthésie permet de diminuer avec une grande précision ces débits à des valeurs très basses sans risque d’administration de mélange hypoxique.
C’est avec le desflurane et le sévoflurane que les économies permises par le circuit-filtre sont maximales tout en conservant une efficacité et une rapidité des adaptations thérapeutiques et donc une maniabilité supérieure à celle obtenue avec les agents
les plus liposolubles. [9] La réinhalation limite les effets de l’hyperventilation utilisée parfois pour approfondir l’anesthésie.
Du fait d’une moindre réinhalation, avec les agents moins liposolubles, l’hyperventilation permet théoriquement d’approfondir l’anesthésie car les gaz expirés sont moins appauvris en gaz anesthésiques.
Cinétique et circuit fermé
Le Physioflex® et très récemment le Zeus® sont pour le moment les seuls respirateurs à circuit fermé permettant de faire de l’anesthésie à objectif de concentration expirée ou inspirée.[108] Lors de sa mise en fonction, l’utilisateur règle, selon les besoins du patient, la concentration en agent anesthésique, soit inspirée, soit de fin d’expiration. Les caractéristiques du circuit et l’injection directe de l’agent anesthésique à l’intérieur du
circuit permettent d’obtenir quasi instantanément des concentrations cibles alvéolaires ou inspirées sans modifier le débit de gaz frais et sans être tributaire de la réinhalation.
L’utilisation des agents faiblement solubles ne présente alors un intérêt clinique que par leur élimination plus rapide lors du réveil, notamment après une anesthésie de longue durée.
Effet deuxième gaz et effet concentration
L’effet deuxième gaz représente les modifications de composition d’un mélange de gaz dans l’alvéole liées à une diffusion plus importante d’un des deux gaz au niveau de la membrane alvéolaire. C’est pourquoi le N2O, gaz très diffusible, diffuse plus vite de l’alvéole au compartiment sanguin lorsqu’il est ajouté dans un deuxième temps à un mélange de gaz contenant de l’halothane ou de l’enflurane. La concentration alvéolaire de l’halothane est donc d’autant augmentée, ce qui permet d’accélérer la vitesse d’induction anesthésique. Cet effet a été aussi décrit pour un gaz moins soluble comme le desflurane.
Cependant, l’effet deuxième gaz est probablement moins marqué avec les agents les moins liposolubles comme le sévoflurane. Par conséquent, le N2O est associé d’emblée au mélange de gaz inhalé lorsque l’induction est réalisée avec du sévoflurane par voie inhalatoire. Compte tenu de son mécanisme, l’effet deuxième gaz est théoriquement plus marqué pourun gaz plus soluble (comme le N2O) en présence d’un gaz moins soluble (comme le desflurane). C’est paradoxalement le contraire qui a été observé. [137]
L’effet concentration décrit l’influence de la concentration inspirée de l’agent par inhalation sur la valeur de sa concentration alvéolaire et sa vitesse d’obtention. L’augmentation de la concentration inspirée se traduit par l’obtention d’une concentration alvéolaire plus élevée et ceci plus rapidement. La valeur de FA/FI atteint donc plus vite une valeur proche de 1. Cet effet concentration permet d’expliquer pourquoi, malgré une liposolubilité supérieure au desflurane, les concentrations alvéolaires de N2O s’élèvent plus rapidement que celle du desflurane (Fig. 2).
 Stabilité dans la chaux sodée, métabolisme et toxicité

Les agents halogénés sont des xénobiotiques et à ce titre peuvent être toxiques. Cependant, cette toxicité est essentiellement marquée pour les agents les plus anciens comme l’halothane et l’enflurane. La toxicité peut être liée à l’agent luimême et surtout à ses produits de dégradation ou de métabolisme.
Dégradation
Les bases fortes, hydroxyde de sodium et hydroxyde de potassium, contenues dans la chaux sodée ou la chaux barytée dégradent tous les agents halogénés. Le contact de la chaux avec le desflurane, et à un moindre degré avec l’enflurane et l’isoflurane, peut aboutir à la formation de monoxyde de carbone (CO). La formation de CO survient essentiellement en cas d’utilisation de chaux barytée asséchée, beaucoup moins avec la chaux sodée, seule commercialisée en France et qui contient environ 15 % d’humidité. [49] La dégradation de l’agent halogéné en CO aboutit aussi à la formation de trifluorométhane.
Ce dernier est absorbé par une lumière infrarouge de même longueur d’onde que l’enflurane et peut être détecté par les analyseurs de gaz utilisés en pratique clinique.
Dans les cas où l’analyseur de gaz utilise plusieurs longueurs d’ondes de lumière (analyseur polychromatique), le diagnostic de contamination du circuit avec du CO doit être évoqué lorsque l’analyseur révèle la présence de plusieurs gaz halogénés ou
d’enflurane. [153] Lorsque le moniteur utilise une seule longueur d’onde de lumière, les concentrations en agent halogéné mesurées par l’analyseur sont très supérieures à celles réellement existantes à l’intérieur du circuit. En pratique clinique habituelle, la formation du CO n’aboutit qu’à une exposition de quelques ppm sans conséquence sur le taux de carboxyhémoglobine.
Des cas d’intoxication au CO ont été cependant rapportés après utilisation de desflurane et de chaux barytée complètement asséchée par un débit de gaz frais maintenu
pendant tout le week-end. Aucune intoxication au CO n’a été rapportée avec la chaux sodée dans des conditions correctes d’utilisation, notamment en France. Les agents halogénés ne produisent pas de CO lorsque l’absorption de dioxyde de carbone (CO2) est réalisée grâce à des granules d’hydroxyde de calcium. Ce type de produit dénué de bases fortes est désormais commercialisé en France. Les principaux inconvénients en sont
le coût supérieur et la moindre efficacité d’absorption du CO2. Si la dégradation de l’halothane et du sévoflurane par les bases fortes de la chaux sodée ne produit pas de CO, elle aboutit cependant à la formation de deux composés voisins appartenant à la classe des oléfines, le composé BCDE pour l’halothane et le composé A ou fluorométhyl-2,2-difluoro-1- (trifluorométhyl)vinyl-éther pour le sévoflurane. Ces deux produits sont dénués d’activité anesthésique. Parallèlement, le sévoflurane hydrolysé peut produire de l’acide hydrofluorique et du formaldéhyde puis du méthanol qui réagit avec le composé A pour former du composé B. Par comparaison au sévoflurane, la dégradation de l’halothane par la chaux sodée est faible, environ 60 fois inférieure. [40] Celle du sévoflurane dépend de sa concentration dans le circuit, de la température et de l’hydratation de la chaux. Expérimentalement, en présence de CO2, 10 % de sévoflurane sont dégradés au bout de 4 heures dans un circuit fermé contenant de la chaux humide.
Au bout de 8 heures, 20 % sont dégradés. Dans des conditions cliniques où la chaux est hydratée à 15 % (hydratation de la chaux lors de sa première utilisation) et où la température avoisine 22 °C, 4,5 vol % du sévoflurane sont dégradés en 1 heure pour des concentrations initiales de sévoflurane de 4,5 à 8,8 vol %. Par comparaison, seul 0,35 vol % de desflurane est dégradé lorsque ce dernier est administré à une concentration de 2,1 vol %. Si l’élévation de température de la chaux en cours d’anesthésie entre 38 et 47 °C conduit théoriquement à une augmentation de dégradation de sévoflurane, cette augmentation est contrebalancée par l’augmentation d’hydratation de la chaux. Ainsi,
après 2 heures d’anesthésie, la concentration de composés A et B décroît dans le circuit.
Métabolisme
Le métabolisme des agents halogénés est variable selon l’agent considéré (Fig. 9). L’halothane est l’agent le plus métabolisé (20 %) par comparaison avec l’enflurane (3 à 8 %), le sévoflurane (5 %), l’isoflurane (0,2 à 0,5 %) et le desflurane (0,05 %). Le lieu de métabolisme peut être rénal (pour le méthoxyflurane et probablement l’enflurane) ou hépatique. Le lieu principal du métabolisme de l’enflurane, de l’isoflurane, du desflurane et du sévoflurane est le foie, où l’agent subit une déalkylation et une déshalogénation par les microsomes hépatiques, aboutissant à la formation d’ions fluorures (de brome et chlore pour l’halothane) et d’un métabolite intermédiaire dénué d’activité hypnotique. Ce métabolite est un hexafluoroisopropanol (HFIP) pour le sévoflurane, un acide trifluoroacétique pour l’halothane, l’isoflurane et le desflurane, et un acide difluoroacétique pour l’enflurane. Les enzymes impliquées dans le métabolisme sont sous la dépendance, soit du cytochrome P450 3E4 pour le méthoxyflurane, soit du cytochrome P450 2 E1 pour le sévoflurane. Ce dernier cytochrome est présent majoritairement dans les microsomes hépatiques et non rénaux chez l’homme, contrairement à ce qui est observé chez l’animal comme le rat. [66, 77, 79] L’HFIP subit une glucuronidation avant d’être excrété dans les urines ; l’acide trifluoroacétique et l’acide difluoroacétique sont aussi éliminés par voie urinaire après une réaction de conjugaison visant à les rendre hydrosolubles. La quantité de métabolites formés est proportionnelle au pourcentage métabolisé. Les fluorures, quant à eux, sont majoritairement fixés à l’os et pour une plus faible part éliminés par le rein. Les taux de fluorures sériques peuvent dépasser des valeurs de 50 μmoles.l–1 sans être associés à une quelconque toxicité, sauf pour l’enflurane et le méthoxyflurane car ces valeurs témoignent alors d’une intense défluorination rénale. Les concentrations plasmatiques mesurées sous-évaluent les
concentrations intrarénales de fluor ; le taux élevé de ces dernières peuvent alors expliquer la toxicité rénale tubulaire du méthoxyflurane. L’activité du cytochrome 2E1, variable selon les sujets, est augmentée chez l’obèse et en cas de stéatose hépatique.
Elle n’est pas augmentée par l’administration de barbituriques.
Deux aspects particuliers du métabolisme des halogénés doivent être signalés. L’halothane est le seul agent pour lequel une réaction de réduction intervient en situation d’hypoxie. Ce métabolisme serait responsable de la toxicité hépatique de l’halothane (cf. infra). Les produits de dégradation des agents halogénés, bien que dénués d’activité hypnotique, subissent aussi un métabolisme. L’intérêt de l’analyse de la production et du métabolisme de ces produits résulte de leur toxicité potentielle.
Le composé A, issu de la dégradation du sévoflurane, est métabolisé dans le foie par une glutathion-S-transférase puis par une dipeptidase et une gamma glutamyl transférase ; les composés formés vont alors subir une nouvelle détoxification dépendant soit d’une bêtalyase, soit d’une N-acétyltransférase.
Le blocage différentiel de ces enzymes permet d’analyser les modifications biologiques associées à l’administration du produit. Le composé BCDE issu de la dégradation de l’halothane est métabolisé par des voies similaires à celles du composé A. [52]
Toxicité hépatique
La toxicité hépatique des agents halogénés résulte de deux mécanismes. La toxicité hépatique de type II d’origine immunoallergique est liée à la production d’acide trifluoroacétique, produit du métabolisme de l’halothane, de l’isoflurane et du
desflurane, et d’acide difluoroacétique, issu du métabolisme de l’enflurane. Ces dérivés terminaux du métabolisme se comportent comme des haptènes qui forment avec les protéines cytosoliques hépatiques un néoantigène pour lequel l’organisme produit des immunoglobulines G spécifiquement dirigées contre les hépatocytes. [131] Plus le métabolisme de l’agent halogéné est important, plus la quantité de néoantigènes formés est importante et plus le risque d’hépatite cytolytique est élevé. [114] Ainsi, en cas d’utilisation d’halothane qui est métabolisé à 20 %, son incidence est-elle d’environ
1/10 000 anesthésies chez l’adulte.
Elle serait plus faible chez l’enfant, de l’ordre de 1/200 000, bien que le métabolisme de l’halothane ne diffère pas entre l’enfant et l’adulte. [146] Avec les autres agents halogénés, la fréquence de cette hépatite de type II est très faible et n’est à l’origine que de publications sous forme de cas isolés d’autant plus rares que le métabolisme de l’agent est faible. Bien qu’exceptionnel avec les agents utilisés aujourd’hui, le diagnostic doit être évoqué devant la survenue d’une fièvre élevée 3 à 5 jours après une anesthésie, de nausées, vomissements, d’un rash cutané et d’un ictère, particulièrement chez la femme obèse et/ou après anesthésies répétées. L’évolution est généralement fatale en l’absence de transplantation hépatique. Le diagnostic de certitude repose sur la biopsie hépatique qui révèle une nécrose centrolobulaire et la recherche dans le sang d’immunoglobulines G antiprotéines cytosoliques par un test enzyme-linked immunosorbent assay dont la sensibilité n’est que de 79 %. [95] Le caractère croisé de l’immunisation interdit toute utilisation ultérieure d’agent halogéné à l’exception théorique du sévoflurane dont le produit du métabolisme est un hexafluoro-isopropanol théoriquement non immunisant.
À l’exception de l’halothane, aucune toxicité hépatique directe non immunoallergique n’a été décrite avec les autres agents halogénés, y compris le sévoflurane administré avec un bas débit de gaz frais. [59] Après anesthésie avec de l’halothane, jusqu’à 12 % des patients peuvent présenter une cytolyse hépatique biologique. L’élévation de l’a glutathion S-transférase, marqueur très sensible de toxicité hépatique observée chez 35 à 50 % des patients après anesthésie à l’halothane, pourrait suggérer une atteinte infraclinique d’incidence bien supérieure. [162] En fait, cette toxicité peut s’exprimer cliniquement sous forme d’un ictère postopératoire dans 1/282 à 1/4 000 des cas. Les lésions hépatiques résulteraient de la formation excessive de radicaux libres (produits par l’alternance bas débit hépatique-reperfusion) non épurés par le glutathion dont les
stocks sont réduits lors du métabolisme anaérobie de l’halothane. [111] Ce mécanisme de toxicité hépatique de l’halothane n’est pour le moment pas formellement démontré,
mais il permettrait d’expliquer pourquoi les autres halogénés ne sont pas toxiques pour le foie car leur métabolisme est faible et ne fait pas intervenir une voie réductrice en situation anaérobie.
De plus, ils n’altèrent pas le débit de perfusion hépatique.
Toxicité rénale
Parmi les agents halogénés actuellement commercialisés, seul l’enflurane a une néphrotoxicité prouvée. Après anesthésie prolongée avec de l’enflurane, une tubulopathie proximale peut survenir malgré des fluorémies basses. Cette tubulopathie se
manifeste cliniquement par un trouble de concentration des urines qui peut évoluer vers l’insuffisance rénale aiguë. Les patients traités par isoniazide dits « acétyleurs lents » sont plus sensibles à la toxicité de l’enflurane que les patients dits « acétyleurs rapides 
La toxicité de l’enflurane n’est pas expliquée à ce jour. Un métabolisme intrarénal de l’enflurane par un cytochrome P450 en concentration importante dans le rein pourrait expliquer une toxicité analogue à celle du méthoxyflurane. Cette tubulopathie n’est en effet observée qu’après anesthésie prolongée avec de l’enflurane dont l’élimination
liée au métabolisme pourrait alors être accrue. Le sévoflurane est essentiellement éliminé par voie respiratoire et seule une faible part est métabolisée grâce à un cytochrome
P4502E1 essentiellement dans le foie et non le rein comme chez le rat. [77]Ainsi, bien que son métabolisme induise des concentrations sanguines de fluorures jadis réputées toxiques (50 μmoles.l–1), aucune tubulopathie n’a à ce jour été rapportée après utilisation de sévoflurane en circuit ouvert. En cas d’utilisation d’un circuit permettant la réinhalatation des gaz, le composé A issu de la dégradation du sévoflurane a été tenu
responsable de tubulopathie sévère chez le rat. [35] Chez l’homme, des altérations biologiques minimes comme l’élévation urinaire de b2 microglobuline, de N-acétyl glucosaminidase, de a et p glutathion transférase, une glycosurie et une protéinurie, témoins d’une atteinte tubulaire infraclinique, ont été rapportées par plusieurs auteurs.
Ces modifications biologiques sont de faible intensité et sont totalement réversibles de
façon spontanée dans les 5 jours suivant l’anesthésie. De plus, elles n’ont pas été associées à une élévation de l’urée et de la créatinine sériques, et sont considérées sans signification clinique. Elles laissent planer un doute sur la toxicité potentielle du composé A dans certaines situations cliniques à risque comme chez l’insuffisant rénal et en cas d’administration concomitante d’autres produits néphrotoxiques. Le mécanisme de ces altérations biologiques reste non résolu. La dégradation et le métabolisme du composé A aboutit cependant à la formation de dérivés alkanes et alkènes dont la toxicité est connue (cf. supra). Le blocage du transport anionique de ces dérivés à l’intérieur du tubule rénal par le probénécide empêche la survenue de cette toxicité chez le rat ainsi que la protéinurie et l’excrétion de b2 microglobuline, marqueurs d’atteinte tubulaire, chez l’homme. [61] Ces dérivés, toxiques chez le rat, ont été clairement identifiés chez l’homme, mais le rapport des concentrations en métabolites toxiques/non toxiques est
moindre chez l’homme que chez le rat. [78] Ces dérivés alkanes et alkènes sont en effet métabolisés par une bêtalyase prédominante dans le rein chez le rat, contrairement à ce qui est observé chez l’homme. [80] Ces éléments permettraient d’expliquer la différence de toxicité entre les espèces. La production plus importante de composé A par la chaux sodée sèche justifie de ne pas assécher les circuits avec un débit de gaz frais prolongé. [49] Plus récemment, la suppression des bases fortes contenues dans la chaux comme l’hydroxyde de potassium et surtout la soude permet de diminuer voire supprimer complètement la dégradation des halogénés en composé A pour le sévoflurane, composé BCDE pour l’halothane et en monoxyde de carbone pour le desflurane, l’enflurane et l’isoflurane. [102]
L’utilisation de ce type de chaux permettrait de mettre un terme à toute la polémique concernant les effets toxiques des produits de dégradation des halogénés par la chaux sodée. Son coût largement plus élevé et son pouvoir d’absorption du CO2 de 50 % inférieur constituent cependant un frein à son utilisation, d’autant que la toxicité de ces produits de dégradation reste non démontrée. [58] De plus, si à ce jour la toxicité rénale du composé A reste sujet à controverse, dans aucune des publications y compris celles qui concluent à une toxicité du composé A les auteurs n’observent de trouble de concentration des urines ou d’altération de la créatinine ou de l’urée sanguines. [43] plus, la relation de cause à effet n’est pas démontrée. Ainsi, la présence de ces marqueurs d’atteinte tubulaire pourrait aussi résulter de la nature de l’intervention, de l’association à une hypotension ou une hypovolémie. [34, 57]La protéinurie, la glycosurie et l’albuminurie sont similaires après des anesthésies avec du sévoflurane, du desflurane ou du propofol administrés pendant 2 à plus de 8 heures. [34, 76] Les modifications biologiques mineures suggérant une atteinte tubulaire ne sont pas accentuées par l’administration de kétorolac. [85] Après chirurgie associée à une incidence élevée de dysfonction rénale postopératoire comme la chirurgie cardiaque, les perturbations de la fonction rénale évaluées par les variations de créatininémie sont similaires lorsque l’anesthésie a été entretenue par du propofol, de l’isoflurane et du sévoflurane. [135] Enfin, le sévoflurane a été administré pour l’anesthésie de patients souffrant d’insuffisance rénale modérée sans induire d’aggravation de la fonction rénale.
Cette dernière restait similaire à celle observée chez des patients anesthésiés avec de l’isoflurane. [21, 22, 60]
Autres toxicités
Si les agents halogénés peuvent induire dans des conditions expérimentales de culture cellulaire ou sur des modèles animaux des anomalies chromosomiques ou des anomalies embryonnaires, ces modèles expérimentaux n’ont aucune relevance clinique.
Ceci explique qu’aucun effet tératogène ou mutagène des agents halogénés n’a pu à ce jour être démontré chez des femmes enceintes anesthésiées avec des agents halogénés ou travaillant dans un bloc opératoire.
Mécanisme d’action

Les techniques d’imagerie médicale, tomographie à émission de positons et imagerie par résonance magnétique, ont permis de montrer que les agents halogénés modifiaient l’activité métabolique cérébrale de zones cérébrales spécifiques, comme le thalamus et la formation réticulée. [2] Ces modifications suggèrent que l’effet anesthésique des agents halogénés résulte d’une modification du fonctionnement physiologique des neurones cérébraux de zones spécifiques. Outre cette activité corticale, les agents halogénés inhibent aussi l’activité neuronale de la moelle en bloquant la transmission synaptique des voies somesthésiques et motrices. L’effet hypnotique global des agents halogénés résulte de l’effet conjoint sur les structures médullaires et supramédullaires. En effet, la CAM des halogénés est augmentée chez l’animal lorsque sa circulation médullaire a été isolée et n’est plus soumise à l’effet des agents anesthésiques.

Dans le neurone, les agents halogénés inhibent in vitro la transmission de l’influx dans la synapse, et à plus fortes concentrations la propagation axonale de l’influx nerveux. [68, 86] Cette inhibition se traduit par une diminution de libération de catécholamines, de glutamate [44] ou au contraire une augmentation de glutamate dans certaines populations neuronales.

Cette dernière pourrait expliquer l’effet excitant ou des convulsions induites par certains halogénés comme l’enflurane.

Les halogénés utilisés pour l’anesthésie potentialisent l’effet inhibiteur de l’acide gamma-amino-butyrique (GABA) sur la fréquence de décharge spontanée des neurones corticaux. [3] À l’inverse, les agents halogénés dénués d’effet anesthésique n’ont pas cette propriété. Les agents halogénés augmentent, de plus, la sensibilité des récepteurs du GABA à leurs agonistes et prolongent la désensibilisation de ces récepteurs. [90] Cette action sur le récepteur du GABA se traduit cliniquement par une potentialisation des halogénés par les benzodiazépines. D’autres récepteurs sont aussi impliqués. Ainsi, les agents anesthésiques halogénés désensibilisent le récepteur nicotinique à l’acétylcholine (récepteur appartenant à la même famille que le récepteur GABAergique) à l’inverse des agents halogénés non anesthésiques. [121] Un effet similaire est observé pour les récepteurs muscariniques. Les neurones gliaux pourraient aussi participer à l’effet hypnotique des halogénés, comme le suggère l’augmentation de captation du glutamate par les astrocytes. [100] Les modifications de fonctionnement des neurones corticaux et gliaux induites par les agents halogénés pourraient être liées aux modifications de flux de potassium (augmentation de la conductance ionique de ses canaux, courant de fuite) et/ou à une hyperpolarisation membranaire. [124, 125, 151]

Plusieurs hypothèses ont été mises en avant pour expliquer les mécanismes d’action des halogénés sur la membrane. La relation existant entre liposolubilité et puissance d’un anesthésique halogéné, connue sous le nom de loi de Meyer-Overton, suggérait une action directe des agents halogénés sur les membranes cellulaires. Cette hypothèse d’un site d’action hydrophobe et unitaire des halogénés, certes séduisante, souffre de nombreuses exceptions. Comment expliquer ainsi la différence d’efficacité des isomères (enflurane et isoflurane), l’effet convulsivant induit par la localisation terminale de l’halogénation ou la rupture d’effet liée à l’augmentation de taille du squelette de l’hydrocarbure ? Elle ne permet pas non plus d’expliquer le déterminisme génétique de l’action des halogénés à l’origine des différences interindividuelles ou celles liées au
sexe. Le site d’action membranaire des halogénés reste inconnu.
Plusieurs sites d’action, notamment protéiques, pourraient expliquer l’action anesthésique des agents halogénés. [101]
Deux hypothèses sont actuellement prédominantes. En modifiant la conformation de la double couche lipidique, les agents halogénés pourraient modifier le fonctionnement de certains récepteurs membranaires de nature protéique, comme celui des lysophosphatidates, [16] et ainsi la transmission transmembranaire du signal. L’absence d’effet de la conformation stéréospécifique de l’agent halogéné contredit cette théorie. [38] Selon une autre hypothèse, la fixation intramembranaire directe de l’agent
sur les protéines (voire à l’intérieur) des canaux ioniques serait à l’origine de la modification de fonctionnement du récepteur au GABA ou à l’acétylcholine.

Effets pharmacodynamiques

Effet hypnotique et effet sur l’électroencéphalogramme
Les effets hypnotiques des agents halogénés sont dosedépendants et quantifiés par la CAM. La CAM se définit comme la concentration alvéolaire pour laquelle 50 % des patients ne bougent pas lors de l’incision chirurgicale (Tableau 3). Plus adaptée aux objectifs cliniques, la CAM95 représente la concentration pour laquelle 95 % des patients ne bougent pas lors de l’incision chirurgicale. La CAM95 atteint 1,2 à 1,3 CAM.
 D’autres CAM ont été décrites, spécifiques de chaque objectif clinique, comme la CAM de réveil (égale à 0,3 CAM) ou cellebloquant la réponse hémodynamique à l’intubation (CAM-BAR égale à 1,5 CAM). La CAM est réduite avec l’âge et varie selon l’âge des enfants (Tableau 3). La CAM est diminuée en cas d’hypothermie et chez la femme enceinte. [117] La CAM est réduite par l’adjonction de N2O et de morphiniques. L’effet du N2O sur la CAM est additif et la concentration alvéolaire efficace en présence de N2O doit être calculée pour éviter les surdosages. Au-delà d’une concentration alvéolaire de 50 %, un effet antagoniste a cependant été retrouvé, justifiant de ne pas administrer de telles concentrations de N2O. L’adjonction de morphiniques a, au contraire, un effet synergique dosedépendant avec effet plafond. Cette synergie entre halogéné et morphinique permet de réduire la concentration en halogéné, son coût et leur risque d’accumulation pendant une anesthésie balancée. Cependant, les morphiniques n’étant pas hypnotiques, il ne faut pas diminuer la concentration de fin d’expiration en dessous d’un certain seuil du fait des risques de mémorisation. Ce seuil de concentration, qui n’a été évalué que
pour l’isoflurane, est approximativement de 0,6 CAM. [33]
Les effets sur l’activité électrique du cerveau dépendent de la concentration d’agent halogéné. Ainsi, pour des doses croissantes d’anesthésiques volatils, le rythme a est progressivement remplacé par des ondes lentes d, puis des phases de silence électrique apparaissent pour une concentration de 4 % pour l’halothane, 3 % pour l’isoflurane. Ces données électrophysiologiques peuvent être mises à profit pour mesurer la profondeur
d’anesthésie, notamment avec l’index bispectral (BIS). Cependant, la mesure peut en être faussée car l’enflurane est épileptogène à partir de 2,5 % et lors de l’induction avec du sévoflurane, dans des conditions d’hypocapnie ou d’hyperventilation, ont été décrites des activités pointes-ondes non dissociables de celles observées lors d’une crise comitiale (audelà d’environ 2 CAM, cf. infra).[144, 160] Cette activité peut se traduire par une augmentation artificielle des valeurs du BIS. De plus, le N2O ne modifie pas le BIS, ce qui rend l’évaluation de l’approfondissement de l’anesthésie avec le BIS discutable lorsque les effets du N2O s’ajoutent à ceux des halogénés. [23]

Enfin, une augmentation des concentrations d’isoflurane peut  
se traduire par une élévation paradoxale des valeurs du BIS. [29]  
La probabilité de prédiction du niveau de sédation ou de la  
réaction à l’incision chirurgicale grâce au BIS est moins pertinente  
lors de l’administration de sévoflurane par comparaison  
au propofol. [65, 83] Ces éléments expliquent que le monitorage  
par le BIS d’une anesthésie avec les halogénés soit d’indication  
limitée dès lors que la concentration de fin d’expiration est  
mesurée. 
  
  
L’utilisation du BIS a été proposée lors de l’induction  
anesthésique avec les halogénés car, pendant l’induction, les  
concentrations de fin d’expiration ne permettent pas d’estimer 
la concentration cérébrale. Malheureusement, la mesure du BIS  
ne permet pas de prédire la survenue de mouvements lors de  
l’induction et de l’intubation. Cependant, grâce à l’utilisation  
du BIS, la consommation d’agents halogénés ainsi que le délai  
de réveil seraient réduits. [159] La réduction du délai de réveil 
grâce à l’utilisation du BIS serait cependant insuffisante pour  
éviter le passage en salle de surveillance postinterventionnelle  
de patients anesthésiés avec du sévoflurane. [1] La profondeur  
d’anesthésie peut être aussi évaluée par l’analyse des potentiels  
évoqués auditifs de moyenne latence qui sont inhibés de façon  
dose-dépendante par les agents halogénés. L’analyse globale du  
tracé permet d’obtenir un index dont les performances sont  
elles aussi inférieures à celle de la concentration de fin d’expiration  
pour évaluer le niveau de sédation ou la réaction motrice  
à l’incision chirurgicale. [83]
L’apparition d’une activité pointe-onde lors de l’administration  de sévoflurane et d’enflurane est observée à forte concentration. Aux concentrations utilisées lors de l’entretien de  
l’anesthésie, Artru et al. ne mettent pas en évidence d’activité  
pointe-onde chez des patients de neurochirurgie. [6] Lors de leur  
utilisation pour l’entretien de l’anesthésie, l’isoflurane, le  
desflurane et le sévoflurane ne sont pas considérés comme  
proconvulsivants.
Les agents halogénés comme le N2O allongent la latence des  
potentiels auditifs de moyenne latence de façon proportionnelle  
à leur concentration.
Les agents halogénés comme le N2O allongent la latence et  
diminuent l’amplitude des potentiels évoqués moteurs et  
somesthésiques de moyenne latence, ce qui en limite l’utilisation  
lorsqu’un monitorage médullaire est nécessaire pour la  
chirurgie du rachis ou de la moelle. Au-delà de 1 CAM, ces  
potentiels disparaissent. Cet effet médullaire témoignant d’un  
effet combiné des halogénés aux niveaux spinal et cortical est  
d’ailleurs mis en pratique clinique par la notion de CAM. Il  
permettrait, par ailleurs, d’expliquer la meilleure immobilité  
chirurgicale lorsque l’anesthésie est entretenue par des agents  
halogénés plutôt que par des anesthésiques intraveineux.
Effets analgésiques
Les halogénés ne sont pas considérés comme ayant un effet analgésique. Cependant, il existe une potentialisation entre anesthésiques halogénés et morphiniques pour obtenir l’immobilité chirurgicale (cf. notion de CAM). Les agents halogénés pourraient contrôler l’intégration du phénomène douloureux car le sévoflurane comme l’halothane réduisent le débit sanguin cérébral évalué par tomographie à émission de positons, spécifiquement dans le thalamus. Paradoxalement, les halogénés auraient au contraire des effets antianalgésiques à une concentration de 0,1 CAM. [163]
Débit sanguin cérébral, pression intracrânienne et consommation d’oxygène cérébrale
Les agents halogénés augmentent globalement le débit sanguin cérébral du fait de leur effet vasodilatateur. Cet effet est plus marqué avec l’halothane (× 2) et l’enflurane (× 1,5). Chez l’adulte, la régulation du débit sanguin cérébral en réponse aux variations de PaCO2 est maintenue avec l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane jusqu’à 2 CAM, mais pas avec l’enflurane et l’halothane utilisés aux concentrations cliniques. [113] Ainsi, en présence d’une hyperventilation modérée et d’une pression artérielle moyenne stable, le débit sanguin cérébral est maintenu pour 1 CAM de ces agents anesthésiques. [84] Le maintien de l’autorégulation en réponse à l’hypercapnie est cependant limité, notamment chez l’enfant, dès 1,5 CAM de desflurane. [94] Ainsi, le seuil d’hypercapnie pour lequel l’autorégulation du débit sanguin cérébral est abolie atteint en moyenne 56 mmHg. [96] Lors d’une induction au masque, l’altération de l’autorégulation liée aux fortes concentrations de sévoflurane et à l’hypercapnie secondaire à l’hypoventilation contre-indique formellement cette technique d’induction chez les patients souffrant d’une hypertension intracrânienne.
En présence d’agents halogénés comme l’isoflurane, l’adjonction de N2O augmente le débit sanguin cérébral chez les sujets sains comme chez ceux opérés de tumeurs cérébrales. Les conséquences de cette augmentation supplémentaire de débit sanguin cérébral induite par les halogénés et le N2O sont variables et dépendent de la réserve de compliance du tissu cérébral à l’intérieur de la boîte crânienne. En l’absence de pathologie cérébrale ou d’élévation de la pression intracrânienne, les possibilités d’expansion cérébrale rendent l’administration de N2O et des halogénés sans conséquence sur la pression intracrânienne. À l’inverse, en présence d’une élévation préalable de la pression intracrânienne, l’augmentation de débit sanguin cérébral induite par l’association N2O-halogénés peut s’accompagner d’une élévation de pression intracrânienne au-delà des réserves de compliance. Ainsi, Todd et al. rapportent une élévation de pression intracrânienne supérieure à 24 mmHg chez les patients opérés de tumeurs cérébrales et recevant l’association isoflurane-N2O. [142] En l’absence de monitorage et notamment en urgence, une hypertension intracrânienne constitue donc une contre-indication formelle à l’administration des agents halogénés. Inversement, en l’absence d’effet de masse au scanner, l’administration de desflurane ou d’isoflurane ne s’accompagne pas d’élévation de la pression intracrânienne chez des patients opérés de tumeurs cérébrales supratentorielles. [53]
La répartition du débit sanguin cérébral dans les différentes zones du cerveau est modifiée par les agents halogénés. Desétudes réalisées en tomographie à émission de positons suggèrent une redistribution sous-corticale du flux sanguin et une réduction du débit dans le thalamus et les amygdales cérébelleuses, le lobe pariétal à 1 CAM de sévoflurane puis frontal à 2 CAM.
L’enflurane peut augmenter la pression intracrânienne indépendamment de ses effets sur le débit et le volume sanguin cérébral, via l’augmentation de volume du liquide céphalorachidien. [7] Cet effet observé initialement avec le desflurane n’a pas été retrouvé plus récemment dans des conditions d’hypocapnie modérée avec et sans N2O, ce qui permet de ne pas contre-indiquer cet agent pour la chirurgie des tumeurs cérébrales sans effet de masse.
Tous les agents halogénés diminuent la consommation d’oxygène cérébrale ainsi que la consommation de glucose parallèlement à la diminution d’activité électrique et, à ce titre, sont considérés comme des neuroprotecteurs cérébraux. [88, 99]
Expérimentalement, cet effet neuroprotecteur a été démontré par une récupération plus rapide des stocks d’adénosine triphosphate intracellulaire et une moindre extension des lésions induites par l’ischémie. En pratique clinique, cet effet neuroprotecteur des agents halogénés n’a pas été rapporté.
Effets respiratoires
Les agents halogénés dépriment la réponse ventilatoire à l’hypoxie et à l’hypercapnie de façon dose-dépendante. La réponse à l’hypoxie est altérée dès 0,1 CAM d’agent halogéné et disparaît au-delà de 1,1 CAM d’halogénés. Cet effet justifie le maintien de l’oxygénothérapie dans les 30 minutes suivant une anesthésie. L’altération de la réponse ventilatoire à l’hypercapnie est la plus marquée pour le desflurane et l’enflurane, intermédiaire pour l’isoflurane, la moindre pour le sévoflurane et l’halothane. La PaCO2 en ventilation spontanée, témoin de ces effets, atteint, en l’absence de morphiniques et de stimulation chirurgicale, en moyenne 50-55 mmHg pour 1 CAM d’isoflurane et de desflurane, 45 mmHg pour 1 CAM de sévoflurane et d’halothane, et 60 mmHg pour 1 CAM d’enflurane. [12] Ces effets diminuent avec la durée d’exposition et la stimulation chirurgicale. Au-delà de 1 CAM, l’halothane a un effet dépresseur moindre que le sévoflurane mais les patients ayant une diminution supérieure à 30 % de la ventilation minute sont moins nombreux lorsque 2 CAM de sévoflurane sont administrées par comparaison à 2 CAM d’halothane. Cette altération de la réponse ventilatoire à l’hypercapnie est plus marquée chez les patients souffrant de BPCO ou d’insuffisance respiratoire chez lesquels l’anesthésie ne peut dans la majorité des cas être réalisée en ventilation spontanée, d’autant que le seuil d’apnée est lui aussi augmenté.
Les agents halogénés modifient la mise en jeu des différents muscles respiratoires en agissant sur les centres respiratoires. La diminution de la force contractile du diaphragme, moins marquée que celle des muscles intercostaux, est responsable d’une respiration paradoxale. Cette dernière est plus faible lors de l’utilisation d’halothane et de sévoflurane par comparaison aux autres agents anesthésiques. Malgré une hypercapnie similaire sous sévoflurane et halothane, la réduction plus marquée de la ventilation minute et de la fréquence respiratoire sous sévoflurane suggère un effet différent sur les centres respiratoires du nourrisson. [12] L’obtention d’un pic de débit expiratoire plus rapide sous sévoflurane pourrait expliquer ces différences. La diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle est responsable d’atélectasies et d’une hypoxémie. [31] À faible concentration, la diminution de volume courant induite par l’altération de la force contractile du diaphragme est contrebalancée par l’augmentation de la fréquence respiratoire mais, au-delà de 1 CAM, le volume minute diminue. La diminution de volume pulmonaire résultant de celle de la capacité résiduelle fonctionnelle induit une élévation des résistances respiratoires et une augmentation de travail respiratoire. Ces altérations peuvent être particulièrement mal tolérées chez les patients ayant un travail respiratoire de base élevé, comme les patients souffrant de bronchopathie chronique obstructive, de sténose trachéale ou chez les nourrissons.
Les agents anesthésiques halogénés sont bronchodilatateurs. Chez l’animal, en cas de bronchospasme d’origine immunoallergique, 1 CAM de sévoflurane et d’halothane ont les mêmes effets bronchodilatateurs. Lorsque la bronchoconstriction est induite par l’histamine, l’halothane aurait un effet bronchodilatateur plus marqué du fait d’une inhibition plus importante des courants calciques entrants. [62] À l’inverse, d’autres auteurs retrouvent un effet bronchodilatateur moins marqué avec l’halothane par comparaison au desflurane et au sévoflurane lorsque la bronchoconstriction est déclenchée par du leucotriène C4. [150] Le desflurane a, selon certains auteurs, un effet bronchodilatateur moins marqué que les autres agents halogénés, probablement du fait de son caractère irritant pour les voies respiratoires. Ce caractère irritant du desflurane, plus marqué chez les patients fumeurs, est dose-dépendant et ne se traduit pas par une moindre tolérance du masque laryngé. [56]
En pratique clinique, il n’existe pas d’argument formel pour privilégier spécifiquement un agent halogéné chez l’asthmatique.
Sur des préparations in vitro de poumon isolé, les agents anesthésiques par inhalation dépriment de façon dosedépendante la vasoconstriction pulmonaire hypoxique. Cet effet n’est pas retrouvé chez l’animal entier ou chez l’homme, ni avec l’isoflurane, le desflurane ou le sévoflurane lors de chirurgie avec exclusion pulmonaire. [74, 75, 147]
Effets cardiocirculatoires
Effets généraux
Les agents halogénés diminuent la pression artérielle de façon dose-dépendante. Cet effet dépend d’un effet vasodilatateur périphérique qui est plus marqué pour l’isoflurane et le sévoflurane que pour le desflurane. La chute de pression artérielle observée sous halothane est liée à son effet dépresseur myocardique car il n’est pas vasodilatateur. Cet effet vasodilatateur peut avoir deux conséquences, notamment en présence de concentrations élevées d’halogénés : d’une part la réduction de la postcharge du ventricule gauche permet de maintenir le débit cardiaque malgré l’effet inotrope négatif des halogénés ; d’autre part, une tachycardie réactionnelle survient au-delà de 1,5 CAM de sévoflurane et d’isoflurane par mise en jeu de la réponse baroréflexe lorsque celle-ci est conservée, notamment chez le sujet jeune. À l’inverse, cette tachycardie est moins marquée chez les sujets âgés du fait d’une moindre activité du baroréflexe liée à l’âge. Cette tachycardie réactionnelle est la plus intense avec l’isoflurane et le sévoflurane (Fig. 10). [112] Sous isoflurane, elle peut atténuer les effets de l’hypotension contrôlée. Lors de l’induction au masque avec du sévoflurane sans adjuvant ni prémédication, cette tachycardie réactionnelle pourrait être associée à l’activité pointe-onde cérébrale décrite par certains auteurs. Elle constitue une limite d’utilisation de cette technique chez des sujets à risque coronarien, mais son incidence réelle n’est pas connue. La tachycardie réactionnelle observée au-delà de 1 CAM de desflurane a été attribuée à une stimulation sympathique déclenchée par l’effet irritant de cet éther sur les bronches. [149] Cette réaction, elle aussi plus volontiers observée chez le sujet jeune, est bloquée par l’administration de morphiniques, de clonidine, de b-bloquant et de N2O. Elle ne témoigne pas d’un allègement de l’anesthésie et doit conduire à une diminution des concentrations délivrées par le vaporisateur.
En dehors de ces tachycardies réactionnelles, les halogénés diminuent la fréquence cardiaque par plusieurs mécanismes : effet bathmotrope négatif direct des halogénés sur le noeud sinoauriculaire (à l’origine de rythmes jonctionnels d’échappement particulièrement pour l’halothane, le desflurane et le sévoflurane), effet parasympathomimétique (particulièrement avec l’halothane lors de l’induction chez l’enfant justifiant une prémédication parasympatholytique), [20] effet sympatholytique.
Des bradycardies sévères (voire une asystolie) ont été rapportées lors d’inductions associant un morphinique d’action rapide (comme le rémifentanil) avec du sévoflurane à fortes concentrations. L’explication qui peut être avancée n’est pas un effet plus marqué sur le tissu de conduction, mais plutôt un réel surdosage lié au mode d’administration (fortes concentrations d’agenthalogéné), à la synergie entre opiacés et halogénés sur la fréquence cardiaque, ainsi qu’à la cinétique rapide de l’agent halogéné et du morphinique.[27]
Lors de l’entretien de l’anesthésie pour des concentrations moindres d’agents halogénés, la fréquence cardiaque est plus basse sous sévoflurane que sous isoflurane lorsque la pression artérielle est maintenue constante en faisant varier la concentration alvéolaire autour de 1 CAM. [55] Certains auteurs retrouvent une chute tensionnelle plus marquée avec l’isoflurane qu’avec le sévoflurane malgré un effet vasodilatateur similaire. [126, 127, 140] L’effet vasodilatateur du desflurane est moins marqué que celui de l’isoflurane.
Malgré ces différences relevées dans des conditions d’utilisation spécifiques, les études cliniques multicentriques associant halogénés, morphiniques et N2O ne retrouvent aucune différence de pression artérielle et de fréquence cardiaque chez des patients coronariens et/ou hypertendus chez lesquels l’entretien de l’anesthésie est réalisé avec de l’isoflurane, du sévoflurane ou du desflurane.[14, 128, 132]
Chez l’enfant de moins de 1 an, les effets du sévoflurane sur la pression artérielle sont moins marqués que ceux de l’halothane. Cependant, lors d’administration de sévoflurane, lapression artérielle moyenne diminue car la fréquence cardiaque de base physiologiquement plus élevée ne peut augmenter. [89]
En présence d’une cardiopathie congénitale chez l’enfant, les épisodes d’hypotension sévère sont deux fois plus fréquents sous halothane que sous sévoflurane malgré l’utilisation plus importante de médicaments vasopresseurs.[129] Ce maintien de la pression artérielle sous sévoflurane est lié à un effet dépresseur myocardique moindre, voire absent par comparaison à l’halothane (cf. infra).
Réponse baroréflexe et système nerveux autonome
Les agents halogénés dépriment la réponse baroréflexe. La diminution de la pente de la réponse baroréflexe et le déplacement de son zéro (seuil inférieur de mise en jeu) vers des pressions plus basses participent à la mauvaise tolérance hémodynamique des halogénés chez les patients en état de choc. Cette altération de la réponse baroréflexe est plus importante avec l’halothane et l’enflurane qu’avec l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane. Avec l’isoflurane comme avec le sévoflurane, la sensibilité de la réponse baroréflexe est réduite de 50 à 60 % et ne récupère qu’au bout de 120 minutes en présence d’une hypertension, et au bout de 60 minutes en cas d’hypotension. [105]Pendant l’entretien de l’anesthésie, les agents halogénés diminuent l’activité du système nerveux sympathique, y compris lorsque les concentrations de sévoflurane sont augmentées brutalement. [103] Cependant, lors d’une induction par inhalation avec du sévoflurane chez l’adulte, l’augmentation majeure de fréquence cardiaque qui est observée pourrait s’expliquer par une activation du système sympathique ou une diminution plus marquée de l’activité du système parasympathique. Cet effet observé aussi chez l’enfant permet de se passer de la prémédication parasympatholytique jusqu’alors nécessaire avec l’halothane. [20]
Contractilité et débit cardiaque
Les agents halogénés ont un effet inotrope négatif direct sur les fibres myocardiques. L’altération de la contractilité résulte d’une diminution de la durée du potentiel d’action de la fibre myocardique secondaire à une réduction de 25 % des flux calcique entrant et potassique sortant. [118] Cet effet est plus marqué pour l’halothane et l’enflurane que pour l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane, dont les effets cardiovasculaires sont proches. La diminution de contractilité s’accompagne d’une diminution de consommation d’oxygène du myocarde.
En dehors de toute variation de fréquence cardiaque, le débit cardiaque est maintenu sous isoflurane, desflurane et sévoflurane jusqu’à 2 CAM malgré la réduction de contractilité grâce à la diminution de postcharge liée à l’effet vasodilatateur.
L’élévation de fréquence cardiaque pour les plus fortes concentrations participe au maintien du débit cardiaque. Le maintien du débit cardiaque et de la fonction systolique lors de l’administration du desflurane dépend aussi du maintien ou de l’activation du système sympathique. Ainsi, lorsqu’un b-bloquant est administré, la fonction systolique est plus altérée sous desflurane que sous sévoflurane ou isoflurane. La fonction diastolique est aussi diminuée sous halogénés de façon indépendante de l’activité du système nerveux autonome, probablement parce que, lors de la relaxation, les halogénés ralentissent le recaptage du calcium par le réticulum sarcoplasmique. Le moindre effet vasodilatateur du desflurane explique une diminution de fonction diastolique légèrement plus marquée qu’avec l’isoflurane et le sévoflurane.
Chez l’enfant et le nouveau-né, lors d’une anesthésie avec 1 et 1,5 CAM de sévoflurane, l’index cardiaque et la contractilité du myocarde évalués par échocardiographie sont conservés, contrairement à ce qui est observé avec l’halothane. [152] Cet argument hémodynamique, plus que l’argument pharmacocinétique, justifie l’utilisation préférentielle du sévoflurane dans cette indication.
Automaticité, conduction, troubles du rythme
Le desflurane et l’isoflurane diminuent le potentiel d’action des cellules automatiques du noeud auriculaire de façon similaire mais de façon moindre que l’halothane. [120] Les agents halogénés peuvent altérer la conduction intracardiaque. Cet effet est le plus marqué avec l’enflurane et l’halothane, et moindre pour les autres agents halogénés avec lesquels il n’apparaît que pour des concentrations supérieures à 2 CAM. La période réfractaire effective est diminuée avec le desflurane alors qu’elle est allongée avec l’isoflurane. [120] Le desflurane et l’isoflurane ont un effet similaire sur le noeud auriculoventriculaire.[120]
L’halothane et à un moindre degré l’enflurane sensibilisent le myocarde à l’effet proarythmogène de l’adrénaline. Cet effet, à l’origine de troubles du rythme ventriculaire, n’est pas ou rarement observé avec l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane.
La survenue de ces anomalies, bien qu’exceptionnelle, implique de changer de technique anesthésique. 
 Cliniquement, l’incidence des troubles du rythme ventriculaire chez les patients coronariens soumis à une anesthésie « balancée » est similaire que l’agent halogéné soit de l’isoflurane, du desflurane ou du sévoflurane. [128] Chez l’enfant, l’incidence des troubles du rythme est plus faible sous sévoflurane que sous halothane. Ainsi, au cours de la chirurgie otorhino- laryngologique, seul un enfant sur 22 développe un rythme nodal sous sévoflurane, alors que sous halothane on observe un rythme nodal ou des extrasystoles ventriculaires chez 12 enfants sur 18. [67, 103] Plus récemment, Loeckinger et al. ont observé un allongement de l’espace QT pendant l’anesthésie avec du sévoflurane chez des nourrissons de moins de 6 mois. [93] Cet allongement potentiellement responsable de troubles du rythme ventriculaire paroxystiques justifierait une surveillance cardiovasculaire prolongée jusqu’à sa normalisation.
En pratique, cette recommandation n’a de conséquence clinique qu’en cas d’allongement congénital de l’espace QT ou chez les nourrissons porteurs de cardiopathie congénitale.
Une CAM de sévoflurane n’a pas d’effet sur la période réfractaire des voies de conduction auriculoventriculaire ou des voies accessoires en cas de syndrome de Wolff-Parkinson- White. [134] Avec l’enflurane, l’allongement de la conduction se fait préférentiellement dans cette voie accessoire, l’intervalle de couplage entre les deux voies n’étant pas modifié. Chez les patients souffrant d’un tel trouble conductif, l’utilisation de l’enflurane pourrait donc être privilégiée. À l’inverse, avec l’isoflurane et l’halothane, l’allongement de l’intervalle de couplage peut favoriser la survenue d’arythmie et une tachycardie de réentrée.
Circulations coronaire et locales
Sur coeur isolé, les agents halogénés provoquent une vasodilatation de la circulation coronaire et le débit coronaire est augmenté par recrutement de la réserve coronaire. Toujours dans des conditions expérimentales, l’effet vasodilatateur prédomine sur la macrocirculation avec l’isoflurane, alors qu’avec le sévoflurane la vasodilatation intéresse aussi la microcirculation. Parallèlement, la consommation d’oxygène du myocarde est diminuée, ce qui confère aux agents halogénés un effet cardioprotecteur comme en témoigne la diminution deproduction de lactates mesurés dans le sinus coronaire. En pratique, les risques d’ischémie coronaire dépendent aussi des effets hémodynamiques généraux, raison pour laquelle l’enflurane et l’halothane ne sont pas recommandés pour l’anesthésie des sujets coronariens. Avec l’isoflurane, l’effet vasodilatateur prédominant sur la macrocirculation a été tenu responsable de syndromes de vol coronaire, mais uniquement chez les sujets présentant une atteinte coronaire tritronculaire. [106] À l’exception de cette circonstance particulière, les effets cliniques de l’isoflurane, du desflurane et du sévoflurane sur la pression artérielle et le pourcentage d’ischémie périopératoire chez les patients coronariens sont similaires. [36] Ainsi, chez les patients coronariens opérés d’une chirurgie cardiaque ou non, les variations hémodynamiques et les épisodes périopératoires d’ischémie coronaire sont de même intensité et durée pour ces trois agents anesthésiques administrés pour l’entretien de l’anesthésie. Par comparaison à l’étomidate, 8 % de sévoflurane associés à 3 μg.kg–1 de fentanyl permettent l’induction de l’anesthésie avec un délai et des conditions hémodynamiques et respiratoires similaires chez des patients opérés en chirurgie cardiaque. [30] Les halogénés comme l’halothane, l’isoflurane et le desflurane pourraient enfin être utilisés pour effectuer un « préconditionnement » du myocarde lors de la chirurgie cardiaque afin d’améliorer la performance myocardique à l’arrêt de la circulation extracorporelle. [97, 148] Lors de la reperfusion après ischémie coronaire chez le chien, la récupération de la fonction systolique est plus rapide sous sévoflurane que sous propofol lorsque cette fonction est évaluée par la fraction de raccourcissement de surface. [97] Des observations similaires sont rapportées avec le desflurane et l’isoflurane. Des études récentes mais de faible effectif confirment une amélioration des performances myocardiques après chirurgie coronaire lorsque des halogénés comme le sévoflurane et le desflurane sont utilisés pendant toute l’anesthésie. Le type d’agent et la concentration à utiliser préférentiellement dans cette indication restent à préciser.
Les effets des agents halogénés sur les autres circulations périphériques ont été peu étudiés. Les agents halogénés altèrent la vasoréactivité de l’artère mésentérique à la noradrénaline et à l’acétylcholine. Plusieurs travaux rapportent une diminution du pH intramuqueux après administration d’halogénés comme le sévoflurane et l’isoflurane, suggérant une ischémie mésentérique dont l’origine (effets généraux ou locaux de l’agent halogéné, effet de la chirurgie et du saignement associé) n’est pas établie. [130] L’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane altèrent peu ou pas le débit sanguin hépatique, contrairement à ce qui est observé avec l’halothane. [72, 115, 148]
 Autres effets des anesthésiques halogénés


Effets sur les fibres musculaires
Les agents halogénés potentialisent les curares par un effet 
direct musculaire. L’effet du N2O éventuellement associé est  
mineur par comparaison à celui des agents halogénés. La  
potentialisation des curares est variable avec l’agent halogéné et  
le type de curare utilisé. Les résultats des différentes études  
publiées sont souvent contradictoires. C’est le cas par exemple  
du rocuronium et de l’isoflurane pour lesquels certains retrouvent  
une potentialisation de 60 % et d’autres aucune, alors que  
la majorité des auteurs observe une potentialisation des curares  
plus marquée pour l’isoflurane par comparaison à l’halothane et  
à l’enflurane. [133, 155, 156] Le desflurane et le sévoflurane euxmêmes  
potentialisent de façon plus importante que l’isoflurane 
la curarisation induite par le cisatracurium et le  
rocuronium. [154-156] La cinétique très lente des gaz dans le  
compartiment musculaire pourrait expliquer ces discordances de  
résultats entre halogénés, et entre les études pour un même  
halogéné. Cette potentialisation se traduit par une diminution  
ou un espacement des doses administrées en bolus ou en  
perfusion continue pour maintenir constant un niveau donné  
de relâchement musculaire. Cette réduction peut atteindre 40 à  
50 %, notamment avec l’isoflurane et le sévoflurane. La grande  
variabilité des résultats publiés ne peut que faire recommander  
une adaptation des doses en fonction d’un monitorage strict de  
la curarisation. De même, l’allongement de la durée d’action des  
curares après bolus unique ou à l’arrêt de la perfusion est très  
variable selon les sources. Là encore, le monitorage de la  
curarisation est requis, notamment pour décider ou pas de 
réinjecter les curares ou de les antagoniser en fin d’intervention.
En fin d’intervention, la néostigmine agit au bout d’un délai 
deux fois supérieur en présence d’agent halogéné comme le  
sévoflurane et l’isoflurane. [123]
Les agents halogénés participent à l’immobilité chirurgicale 
en déprimant l’activité des neurones moteurs spinaux. [122] Cet  
effet des agents halogénés limite la survenue de mouvements  
pendant l’intervention, notamment chez les patients pour  
lesquels la curarisation doit être limitée comme ceux souffrant  
de myasthénie.
Tous les agents anesthésiques halogénés peuvent déclencher 
une crise d’hyperthermie maligne chez les patients dits « HMS »  
porteurs du gène de l’hyperthermie maligne, comme chez ceux  
souffrant de myopathie comme le central core disease ou la  
maladie de Duchenne de Boulogne (ainsi qu’un grand nombre  
de maladies musculaires héréditaires). La crise peut survenir de  
façon retardée. Ainsi, un délai de 180 minutes a-t-il été retrouvé 
lors d’une anesthésie au desflurane. [64] Chez ces patients, tous  
les agents halogénés sont formellement contre-indiqués.
Tous les agents halogénés relâchent la musculature lisse 
utérine de façon proportionnelle à leur concentration. À  
concentration modérée (< 2 CAM), cet effet est similaire entre  
les différents halogénés, y compris avec le sévoflurane. Les fortes  
concentrations obtenues après une induction par inhalation  
peuvent induire un défaut de rétraction utérine favorisant le 
saignement. [108]
Le relâchement de la musculature lisse de l’oeil participe, avec 
la réduction de production d’humeur aqueuse, à la diminution  
de pression intraoculaire observée avec tous les halogénés.
Lorsque 8 % de sévoflurane sont utilisés pour l’induction, 
l’élévation de pression intraoculaire liée à l’intubation peut être  
supprimée par l’association d’une petite dose de morphiniques.  
[32, 47]

Effets émétisants
Tous les agents halogénés sont émétisants. Après administration de sévoflurane et de desflurane, l’incidence des nausées et des vomissements postopératoires est plus élevée qu’après celle de propofol, qui a des propriétés antiémétiques, mais moindre qu’après celle d’’isoflurane ou d’halothane, probablement pour des raisons cinétiques. [98] L’utilisation des halogénés augmenterait le risque émétique. Ainsi, selon une méta-analyse, l’incidence des vomissements postopératoires augmente de 20 à 40 % (celle des nausées de 9 à 20 %) lorsque du sévoflurane est utilisé pour l’induction de l’anesthésie par comparaison au propofol. [69] Lors de la chirurgie ambulatoire, l’incidence des nausées et des vomissements postopératoires est plus fréquente 30 minutes après une anesthésie induite et entretenue avec du sévoflurane par comparaison au propofol, mais au bout de 90 minutes la différence disparaît. [28] Lorsque l’agent halogéné est seulement utilisé pour l’entretien de l’anesthésie, l’incidence des nausées et des vomissements est extrêmement variable et atteint de 10 à 67 % des patients. [8, 73] Par comparaison avec le propofol, l’augmentation d’incidence des nausées et des vomissements après administration d’agents halogénés est transitoire et disparaît après 2 à 4 heures car l’effet antiémétique du propofol est concentration-dépendant. [5]
Dans une étude prospective chez 1 180 patients, Apfel et al. ne retrouvent pas de différence d’incidence de risque émétique entre l’isoflurane, l’enflurane ou le sévoflurane. [5] Dans cette étude, l’incidence des nausées-vomissements précoces est proportionnelle à la durée d’administration des agents volatils. Les antiémétiques comme le dropéridol, les inhibiteurs de la 5-hydroxytryptamine ou les corticoïdes à faibles doses permettent, seuls ou en association, une réduction de 50 à 98 % de l’incidence de cet effet secondaire qui dépend aussi du type de chirurgie, du terrain et de l’administration de morphiniques. Le faible coût et l’efficacité du dropéridol permettent en pratique d’utiliser les agents halogénés seuls ou associés à du N2O (y compris en cas d’antécédents émétiques postopératoires) et de ne pas privilégier l’utilisation du propofol dans cette indication.
Coagulation
Contrairement à l’isoflurane, l’halothane et le sévoflurane inhibent in vitro l’agr
égation plaquettaire et inhibent la synthèse de thromboxane A2 plaquettaire. Les conséquences en termes de risque hémorragique périopératoire n’ont été ni démontrées, ni évaluées.
Dose-test, anesthésie péridurale et anesthésiques halogénés
Lors de la réalisation d’anesthésie locorégionale sous anesthésie générale avec du sévoflurane chez l’adulte ou chez l’enfant, le passage intravasculaire de l’anesthésique local doit être dépisté par la diminution d’amplitude de l’onde T. Une réduction de 25 % de l’onde T a en effet une meilleure sensibilité et spécificité que l’élévation de fréquence cardiaque ou de pression artérielle. 



Utilisation pratique

Induction
Parmi les agents anesthésiques, seuls l’halothane et surtout le sévoflurane peuvent être utilisés lors de l’induction chez l’adulte 
et chez l’enfant. L’effet irritant du desflurane contre-indique  
formellement son utilisation comme agent d’induction. L’effet  
irritant de l’isoflurane est moindre qu’avec le desflurane, mais  
le plus long délai d’induction rend cette technique moins  
maniable pour la pratique clinique. Si l’induction au masque  
chez l’enfant est très largement utilisée depuis longtemps,  
l’induction au masque chez l’adulte est une pratique récente. 
Peu utilisée, elle permet cependant, dans l’extrême majorité des  
cas, une stabilité hémodynamique et des conditions d’intubation  
excellentes tout en conservant la ventilation spontanée.
Ceci constitue un avantage en cas d’intubation difficile. Les 
complications respiratoires secondaires observées lors de  
l’induction par inhalation avec du sévoflurane ont la même  
fréquence que lors d’une induction intraveineuse et la majorité  
des auteurs retrouve une même acceptation de la technique dès  
lors qu’il est demandé au patient d’inspirer une capacité vitale 
forcée d’un mélange contenant 50 % de N2O et 8 % de sévoflurane.
Cette technique dite « de la capacité vitale » permet 
d’accélérer la vitesse de perte de conscience qui varie alors entre  
20 et 60 secondes.
La majorité des utilisateurs emploie dès l’induction leur circuit-filtre, ce qui permet de réduire la consommation d’agents 
halogénés. En effet, le circuit ainsi saturé d’halogénés est utilisé  
pour l’entretien de l’anesthésie dès l’induction. Cette pratique  
évite d’avoir à saturer l’espace mort du circuit secondairement  
comme c’est le cas après une induction intraveineuse. Une valve  
spécifique, la valve SIBI®, permet de réaliser la préoxygénation  
et la préparation du circuit sans utiliser le circuit accessoire.

Cette valve réduit la pollution du bloc opératoire.
Bien que simple en apparence, cette technique nécessite un 
minimum d’apprentissage car le délai au bout duquel il est  
possible d’intuber est variable entre les sujets (4 à 5 minutes) et  
il n’existe pour le moment aucun moyen objectif autre que le  
sens clinique de l’opérateur pour juger du moment optimal de  
l’intubation ou de l’insertion du masque laryngé. La valeur 
téléexpiratoire des concentrations en halogéné ne permet pas de  
déterminer ce délai car elle reflète mal les concentrations  
cérébrales pendant l’induction (cf. supra). Les publications  
déterminant les CAM d’intubation ou de pose de masque  
laryngé sont toutes effectuées en condition stationnaire et donc  
n’ont pas de relevance clinique lors de l’intubation. Le BIS ne  
permet pas lui non plus de prédire quels sujets vont ou non  
bouger lors de l’intubation. Seuls des critères cliniques parfois  
subjectifs tels que le délai écoulé depuis le début de l’induction,  
la position centrée des pupilles, un myosis (inconstant) et le 
relâchement du maxillaire inférieur permettent de juger du  
moment adéquat pour intuber le patient.
Des adjuvants ont été proposés lors de l’induction au masque 
avec le sévoflurane pour améliorer ou raccourcir les délais de  
perte de conscience, d’intubation ou de pose de masque  
laryngé. L’adjonction de N2O au mélange permet de réduire le  
délai d’intubation et la concentration alvéolaire théorique  
d’intubation. [104] Une moindre incidence de phénomènes 
d’excitation lors de l’induction liée à l’association de N2O au  
sévoflurane est observée chez l’enfant mais pas toujours chez  
l’adulte. [20, 116] L’utilisation conjointe de morphiniques associés  
au sévoflurane peut être proposée pour améliorer les conditions  
d’induction. Les concentrations idéales de morphiniques et leur  
moment d’administration dépendent de l’objectif clinique.
L’objectif théorique est de réduire la CAM de l’halogéné et 
d’accélérer la vitesse d’induction tout en gardant une stabilité  
hémodynamique et une ventilation efficace. L’adjonction d  
morphiniques ne permet pas d’accélérer le délai de perte de  
conscience. Les morphiniques permettent certes de diminuer la  
CAM d’intubation du sévoflurane à 2 % environ, mais parallèlement  
la synergie d’action sur la commande respiratoire entre  
opioïdes et agents halogénés est responsable d’apnées chez un  
nombre élevé de patients, y compris pour des concentrations de  
morphiniques faibles. [27]L’avantage principal des petites  
concentrations de morphiniques est d’obtenir une stabilité  
hémodynamique supérieure et d’éviter l’élévation de fréquence 
cardiaque induite par la technique ou l’intubation. [109] Lorsque  
les concentrations de morphiniques sont plus importantes, une  
chute de pression artérielle et de fréquence cardiaque est  
observée chez 30 % des patients de façon similaire à l’association  
propofol-alfentanil. [110] Des cas d’asystolie ont été également  
décrits. Enfin, l’incidence d’apnée voire la fermeture de  
glotte induite par les fortes concentrations de morphiniques  
rendent alors cette technique peu différente de l’induction par  
voie intraveineuse et un curare peut s’avérer nécessaire.
Lors de l’induction anesthésique avec 8 % de sévoflurane, des 
modifications de l’EEG sous forme d’activité pointes-ondes ont  
été décrites chez l’adulte et chez l’enfant. Ces modifications  
surviennent de façon préférentielle lorsque la concentration de  
fin d’expiration s’élève au-dessus de 2 CAM, en présence d’une  
hypocapnie spontanée ou provoquée par une hyperventilation 
intentionnelle, et seraient paradoxalement moins fréquentes en  
présence de N2O. Ces modifications électriques peuvent être  
associées à des mouvements cloniques. Quelques cas de crises  
tonicocloniques généralisées ont été observés chez des patients  
prédisposés, voire ont permis de diagnostiquer une tumeur  
cérébrale latente. Chez les sujets prédisposés, cette activité n’est  
pas limitée à la zone épileptogène, ce qui suggère un risque de  
manifestation électrique paroxystique y compris chez les sujets  
sains. [63] L’incidence de ces anomalies est pour le moment mal  
connue, notamment chez l’adulte. Dans une étude prospective,  
Conreux et al. l’enregistrent chez deux enfants sur 18, alors que  
Constant et al. ne l’observent chez aucun enfant. [19, 20]
L’utilisation d’une benzodiazépine comme agent de prémédication 
pourrait expliquer la discordance entre ces deux études. De  
plus, aucune corrélation entre cette activité électrique paroxystique  
et des anomalies résiduelles lors du réveil n’a pu être  
établie. Cette activité électrique cérébrale paroxystique survient  
au même moment que l’augmentation de fréquence cardiaque  
et l’élévation de la pression artérielle, comme c’est le cas lors  
des sismothérapies. La relation de cause à effet existant entre  
cette activité électrique et la tachycardie (voire la poussée  
hypertensive) observée en moyenne dans les 2 minutes suivant  
le début de l’induction reste cependant à établir. Clairement,  
chez les patients souffrant d’antécédents d’épilepsie, il semble  
donc préférable de ne réserver la technique d’induction au  
masque avec 8 % de sévoflurane qu’aux situations où l’induction  
par voie intraveineuse n’est pas possible. Il est alors licite  
d’élever le seuil épileptogène de ces patients grâce à l’administration  
préopératoire d’une benzodiazépine.
Enfin, chez le coronarien et l’insuffisant cardiaque, cette technique n’a pour le moment pas été validée.
Avec l’induction au masque, le coût d’une anesthésie, même 
de courte durée, est inférieur à celui d’une anesthésie avec du  
propofol sous réserve d’un contrôle strict du débit de gaz frais  
et de la durée de préparation du circuit. [50, 107] Ainsi, après  
l’induction avec un circuit-filtre, en réduisant le débit de gaz  
frais à 1 l.min–1 et en fermant le vaporisateur, la décroissance 
lente des concentrations expirées jusqu’à la CAM est obtenue en 
20 minutes en moyenne. Cette technique dite d’overcoasting, qui  
limite la délivrance des halogénés à la stricte période de  
l’induction, permet ainsi une réduction nette des coûts pour des  
anesthésies de courte durée.        
Si la pratique de l’induction par inhalation a des avantages 
majeurs chez l’enfant, les indications spécifiques de cette  
technique chez l’adulte restent à définir. Plusieurs auteurs  
rapportent l’intérêt de cette technique en cas d’intubation  
difficile. [26, 50]
Entretien
Actuellement, l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane sont 
majoritairement utilisés après une induction intraveineuse pour  
l’entretien de l’anesthésie. Leurs faibles différences pharmacodynamiques  
expliquent que leur choix dépende de leurs  
différences pharmacocinétiques contrebalancées par leur coût  
direct et indirect (cf. infra). L’argument cinétique, très largement 
utilisé pour justifier un abandon de l’halothane et de l’isoflurane,  
résulte d’une schématisation héritée de la seule analyse  
des coefficients de partition sang-gaz des différents agents. La  
réalité est plus complexe et le délai d’obtention de concentrations  
alvéolaires adaptées soit à l’anesthésie soit au réveil  
dépend de nombreux paramètres. Ceux-ci peuvent être modulés  
pour obtenir des effets cliniques superposables quel que soit  
l’agent utilisé dans nombre de circonstances (cf. supra).
Le coût direct de l’anesthésie peut en effet être multiplié par 
quatre. Le prix de l’entretien et d’une adaptation thérapeutique  
peuvent atteindre une somme élevée dès lors que la gestion des  
gaz frais n’est pas rigoureuse ou qu’un circuit sans réinhalation  
est utilisé. Les moindres effets de la réinhalation justifient une  
gestion différente des ajustements thérapeutiques selon l’agent.  
Avec de l’isoflurane, l’augmentation rapide des concentrations  
de fin d’expiration ne peut être obtenue qu’en augmentant de  
façon simultanée la concentration délivrée par le vaporisateur et  
le débit de gaz frais. Du fait de la plus faible captation périphérique  
du sévoflurane et surtout du desflurane, [87]augmenter au  
maximum la concentration délivrée par le vaporisateur permet 
une adaptation thérapeutique rapide sans avoir à augmenter le  
débit de gaz frais. De plus, ce dernier peut être réglé à des  
valeurs très basses, inférieures à 1 l.min–1, suffisantes pour  
compenser la consommation du patient et les fuites.
L’utilisation du N2O en association avec les halogénés reste justifiée du fait de son effet additif sur la CAM de ces derniers.
L’adjonction de 50 % de N2O permet de réduire de moitié la 
consommation des agents halogénés et donc d’autant le coût  
d’utilisation des plus chers d’entre eux. La réduction du risque  
de mémorisation et celle du délai de réveil pour les agents les  
plus solubles constituent un avantage clinique indéniable. [45, 46]
Aucun agent halogéné ne possède d’autorisation de mise sur 
le marché spécifique pour un type de chirurgie donné. En  
pratique clinique, l’isoflurane reste indiqué dans l’extrême  
majorité des cas pour l’entretien de l’anesthésie générale  
balancée. Cependant, lorsque des concentrations élevées 
d’halogénés sont nécessaires, l’isoflurane s’accumule et un délai  
de réveil supérieur est prévisible. L’utilisation d’agents peu  
solubles comme le desflurane ou le sévoflurane peut donc se  
justifier lorsque l’anesthésiste doit réaliser une hypotension  
contrôlée. Plus encore, la grande maniabilité des agents peu 
solubles permet d’adapter le niveau d’anesthésie plus rapidement.
Ainsi, l’adaptation du niveau d’anesthésie plus rapide 
avec du desflurane qu’avec de l’isoflurane permet une moindre  
utilisation des hypotenseurs associés. [9] Bien qu’il n’existe pas  
d’étude randomisée, un contrôle moins rapide des variations de  
pression artérielle est prévisible avec l’isoflurane, lors de la  
chirurgie du phéochromocytome par exemple ou pour diminuer  
la poussée hypertensive liée à un stimulus nociceptif chez un 
hypertendu. De même, en pratique clinique, l’allègement de  
l’anesthésie, nécessaire en cas de chute de tension artérielle  
majeure, est obtenu moins rapidement avec l’isoflurane.
Clairement, bien que toujours utilisable, l’isoflurane n’a plus, 
pour ces raisons, une place privilégiée en pratique dans les  
indications suivantes : chirurgie du phéochromocytome ;  
hypotension contrôlée ; patient pour lequel des modifications  
hémodynamiques majeures sont attendues comme chez le  
patient hypertendu ; contrôle du retentissement hémodynamique  
lors de la chirurgie comportant des clampages vasculaires 
carotidien ou aortique. Ainsi, le desflurane utilisé pour contrôler  
les à-coups de pression artérielle lors de la chirurgie aortique  
permet le maintien des performances hémodynamiques [48] et  
un contrôle rapide des chiffres tensionnels.
Si l’utilisation d’agents faiblement liposolubles a peu de 
conséquences sur la durée de séjour en salle de réveil, un  
retentissement psychomoteur lié à la persistance de faibles  
concentrations d’halogénés est en faveur de l’utilisation d’agents  
moins solubles lors de la chirurgie ambulatoire.

Coût et choix de l’agent halogéné

Les différences de coût entre agents halogénés constituent le critère de choix principal pour la majorité des anesthésies. À l’échelle individuelle, bien que l’augmentation des dépenses par anesthésie ne soit pas majeure, celle-ci devient importante à l’échelle d’un département d’anesthésie. Les dépenses pharmaceutiques liées aux agents halogénés sont en effet les dépenses les plus importantes d’un service d’anesthésie. [51] Lorsque le produit est administré avec un circuit-filtre, l’élévation de coût au millilitre ne se répercute pas de façon directe et proportionnelle sur le coût de l’anesthésie du fait des différences d’une part de CAM, d’autre part de réinhalation entre halogénés mais aussi de débit de gaz frais. Ainsi, par comparaison à l’isoflurane, l’augmentation moyenne de coût atteint un facteur 3,3 pour le sévoflurane à 3,9 pour le desflurane lorsqu’un circuit-filtre est utilisé avec un débit de gaz frais de 1,8 lmin–1. [136]En appliquant les tarifs alloués à un département d’anesthésie d’un centre hospitalier universitaire, ces consommations de gaz correspondent à des coûts de 2,3 euros pour l’isoflurane, 7,5 euros pour le sévoflurane et 9 euros pour le desflurane administrés pendant 100 à 122 minutes. Cette augmentation de coût peut être variable selon les pratiques (notamment en cas d’utilisation de débit de gaz frais très faible). Ainsi, en circuit fermé avec un débit de gaz frais de 0,2 lmin–1, les consommations de sévoflurane et d’isoflurane sont équivalentes et celles de desflurane deux fois supérieures à celles de l’isoflurane et du sévoflurane (Fig. 11). [92] Ceci implique un surcoût théorique quatre fois supérieur à celui de l’isoflurane, surcoût similaire pour les deux agents les plus récents. La réduction de coût liée à la diminution des débits de gaz frais est beaucoup plus importante pour les agents les moins solubles que pour les agents plus solubles. [92] Pour un débit de gaz frais de 1 lmin–1, la différence de consommation entre le sévoflurane et l’isoflurane atteint un rapport d’environ 1,3, et celle entre le desflurane et l’isoflurane un rapport de 3. Cette modélisation implique un surcoût de 5,4 pour le sévoflurane et de 6 pour le desflurane. [92]
Cette différence ne se justifie que si l’intérêt clinique est réel. Ce dernier reste cependant subjectif et son bénéfice n’a pas été chiffré. Plus que les différences de délai de réveil ou de durée de séjour en salle de surveillance postinterventionnelle, seule une sécurité plus grande d’utilisation justifie le choix d’un agent plus cher. Ainsi, la moindre occupation de la salle de surveillance postinterventionnelle induite par l’utilisation des agents de cinétique rapide, comme le desflurane, ne peut influencer les coûts en personnels (qui restent fixes), mais augmente la disponibilité des personnels soignants pour prendre en charge les patients les plus graves. [11] Enfin, la sécurité et la maniabilité d’une induction au masque constituent un argument de plus grand poids que le coût pour justifier l’utilisation du sévoflurane chez l’enfant.
Conclusion
Parmi les agents halogénés, seuls l’isoflurane, le sévoflurane et le desflurane méritent d’être conservés dans l’arsenal thérapeutique de l’anesthésie. En pratique clinique habituelle, les différences pharmacodynamiques de ces trois agents sont minimes. Comparés à l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane sont essentiellement caractérisés par une cinétique plus rapide mais sont aussi plus coûteux. Ces deux agents doivent donc être prioritairement utilisés en circuit fermé en association à une gestion rigoureuse des débits de gaz frais. Tous les agents halogénés, quel que soit leur coût, restent néanmoins des choix beaucoup plus économiques et permettent un réveil le plus souvent plus rapide que les agents intraveineux qu’ils soient utilisés pour l’entretien ou pour l’induction de l’anesthésie. Une plus grande maniabilité plus que la rapidité du réveil constitue l’argument essentiel pour privilégier l’administration de sévoflurane et surtout de desflurane à celle d’isoflurane. La moindre âcreté et la moindre solubilité du sévoflurane permettent de l’utiliser pour l’induction au masque chez l’adulte comme chez l’enfant. La pratique de l’induction au masque chez l’adulte bénéficie d’un intérêt récent, mais certains effets liés à la technique méritent d’être mieux évalués chez certains groupes de patients.

 Points essentiels
• La nature, le nombre et la position des atomes d’halogène conditionnent les propriétés pharmaceutiques, les effets et la toxicité des
anesthésiques halogénés. Les propriétés physicochimiques des agents halogénés et leur liposolubilité (évaluée par le coefficient de
partage huile/eau) dépendent de la substitution d’un atome d’hydrogène par un atome de fluor mais surtout de brome et, à
moindre degré, de chlore.
• Une température d’ébullition et une pression de vapeur saturante différentes entre les halogénés conditionnent la calibration des
vaporisateurs conventionnels. Ainsi, chaque agent halogéné ne peut être administré que par l’intermédiaire de son vaporisateur
spécifique afin d’éviter le risque de sur- ou sous-dosage.
• L’importance de la captation tissulaire, et donc du stockage des agents halogénés, est quantifiée en pratique clinique par l’écart
entre les concentrations inspirées et celles de fin d’expiration.
• Lors de l’utilisation d’un circuit-filtre, la cinétique des gaz est influencée par la concentration délivrée par le vaporisateur, le débit de
gaz balayant le vaporisateur, le volume du circuit et la quantité de gaz réinhalée.
• Les bases fortes, hydroxyde de sodium et hydroxyde de potassium, contenues dans la chaux sodée ou la chaux barytée dégradent
tous les agents halogénés. La formation de monoxyde de carbone survient essentiellement en cas d’utilisation de chaux barytée
asséchée.
• L’effet hypnotique global des agents halogénés résulte de l’effet conjoint sur les structures médullaires et supramédullaires. Les
effets hypnotiques des agents halogénés sont dose-dépendants et quantifiés par la concentration alvéolaire minimale (CAM).
• Les agents halogénés augmentent le débit sanguin cérébral du fait de leur effet vasodilatateur. Cet effet est plus marqué avec
l’halothane (× 2) et l’enflurane (× 1,5). L’enflurane peut augmenter la pression intracrânienne indépendamment de ses effets sur le
débit et le volume sanguin cérébral, via l’augmentation de volume du liquide céphalorachidien.
• Les agents halogénés dépriment la réponse ventilatoire à l’hypoxie et à l’hypercapnie de façon dose-dépendante. La réponse à
l’hypoxie est altérée dès 0,1 CAM d’agent halogéné et disparaît au-delà de 1,1 CAM d’halogénés.
• Les agents halogénés diminuent la pression artérielle de façon dose-dépendante. Cet effet dépend d’un effet vasodilatateur
périphérique qui est plus marqué pour l’isoflurane et le sévoflurane que pour le desflurane. Les agents halogénés dépriment la
réponse baroréflexe. Cette altération de la réponse baroréflexe est plus importante avec l’halothane et l’enflurane qu’avec
l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane.
• Avec l’isoflurane, l’effet vasodilatateur prédominant sur la macrocirculation a été tenu responsable de syndromes de vol coronaire,
mais uniquement chez les sujets présentant une atteinte coronaire tritronculaire.
• L’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane altèrent peu ou pas le débit sanguin hépatique, contrairement à ce qui est observé avec
l’halothane.
• Les agents halogénés potentialisent les curares par un effet direct musculaire. La potentialisation des curares est variable selon
l’agent halogéné et le type de curare utilisés.
• Tous les agents halogénés relâchent la musculature lisse utérine de façon proportionnelle à leur concentration. À concentration
modérée (< 2 CAM), cet effet est similaire entre les différents halogénés.
• Le relâchement de la musculature lisse de l’oeil participe, avec la réduction de production d’humeur aqueuse, à la diminution de
pression intraoculaire observée avec tous les halogénés
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