Diagnostic et prise en charge initiale



DIAGNOSTIC POSITIF
La prise en charge d’un patient présentant une hémorragie digestive aiguë est une urgence. L’hémorragie peut se révéler par l’extériorisation de sang sous la forme d’une hématémèse, d’un méléna ou d’une rectorragie. La présence de méléna témoigne du sang digéré ; il peut être observé en cas d’hémorragie haute ou basse. L’hémorragie peut également se traduire par un état de choc ou un malaise inexpliqué. L’hospitalisation de ces malades s’effectue au mieux en réanimation où une endoscopie digestive haute et les différentes techniques d’hémostase peuvent être effectuées rapidement. La pose d’une sonde gastrique dès le début de la prise en charge permet de confirmer le diagnostic, de vérifier le caractère actif de l’hémorragie et de laver l’estomac pour réaliser le geste endoscopique dans de meilleures conditions. Aucune étude n’a montré que la pose d’une sonde gastrique entraînait un risque spécifique de lésion d’une varice oesophagienne. Le rapport entre les avantages et les inconvénients de la préparation à l’endoscopie par des lavages gastriques répétés n’a pas été évalué. La conférence de consensus sur les traitements d’urgence des hémorragies digestives de l’hypertension portale de la cirrhose [93] préconise d’effectuer les lavages lorsque l’on ne dispose pas d’endoscope à gros canal opérateur.

DIAGNOSTIC DE GRAVITÉ ET GESTES IMMÉDIATS
Il convient d’évaluer d’emblée l’état hémodynamique du patient, le caractère actif du saignement et les pathologies associées pouvant influencer la prise en charge.

Gestes immédiats
Parallèlement, les gestes immédiats consistent à poser une ou mieux deux voies veineuses périphériques d’un calibre égal à 14 G. La voie périphérique est posée de préférence à une voie centrale car elle est obtenue plus aisément, elle est moins risquée chez ces malades qui présentent des troubles de coagulation parfois graves et son débit potentiel est plus important. Une oxygénothérapie en cas d’hémorragie importante est instituée.

Appréciation de la gravité
Lors d’une hémorragie aiguë, la perte sanguine brutale est responsable d’une baisse de la perfusion tissulaire en oxygène ; elle doit être corrigée sans délai. L’état hémodynamique est apprécié par la prise de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque ; les signes cliniques tels que pâleur, soif, sueurs, fréquence respiratoire, témoignent de la gravité de l’hémorragie. Il n’existe pas de critères spécifiques pour estimer la perte sanguine chez le malade atteint de cirrhose et on se réfère aux recommandations pour la pratique clinique proposées sur le remplissage vasculaire au cours des hypovolémies relatives ou absolues [82] (tableau IV). La mesure de la fréquence cardiaque doit toujours être interprétée en fonction de la prise des médicaments, en particulier des bêtabloquants. L’intensité des signes cliniques est étroitement liée à la rapidité avec laquelle cette perte sanguine se constitue.

Détermination de la persistance de l’hémorragie
Le caractère actif de l’hémorragie est un élément pronostique important qu’il n’est pas toujours facile de déterminer.
L’hématémèse et la rectorragie témoignent d’une hémorragie active, ce qui n’est pas nécessairement le cas du méléna.
Les lavages gastriques permettent d’apprécier l’activité de l’hémorragie.
L’aspect du liquide aspiré renseigne sur le caractère récent du saignement et a une valeur comparative pour le suivi ultérieur [14]. L’hématocrite initial n’est pas un bon reflet de la perte sanguine car l’hémodilution nécessite quelques heures.

DIAGNOSTIC ENDOSCOPIQUE
Endoscopie digestive
L’endoscopie digestive haute doit être réalisée aussitôt que l’état hémodynamique est stable.
Les études prospectives ont montré que les performances diagnostiques de l’endoscopie étaient améliorées par la précocité du geste [13, 39].Elle doit être réalisée dans les 6 premières heures qui suivent le début de l’hémorragie [93].
Dans cette attente et lorsque l’hémorragie est active, un traitement par vasopresseurs peut être entrepris.
Une intubation trachéale préalable à l’endoscopie est nécessaire chez les malades ayant une encéphalopathie ou des troubles de conscience [75].
 Lorsque l’hémorragie est responsable d’un état de choc persistant malgré le traitement vasopresseur, le traitement hémostatique par une sonde de tamponnement oesophagien permet d’attendre l’endoscopie.

Lésions endoscopiques
La fréquence des lésions hémorragiques chez le malade atteint de cirrhose est indiquée dans le tableau III. La rupture de varices oesophagiennes est en cause dans plus des trois quarts de ces hémorragies [12]. La sensibilité diagnostique de l’endoscopie est supérieure à 90 %. Ainsi, dans les études récentes où l’endoscopie est réalisée très précocement, la prévalence de la rupture de varices oesogastriques est passée de 50 à 80 % [32]. On note si les varices oesophagiennes ont des zébrures et des vésicules rouges regroupées sous le terme de « signes rouges » [98]. Le site de prédilection de la rupture de la varice est la partie distale de l’oesophage. Les 5 derniers centimètres de l’oesophage sont le siège des ruptures chez 86 % des patients [19]. Lorsqu’il n’y a plus d’hémorragie active lors de l’endoscopie et que l’examen gastroduodénal complet n’a pas montré de lésion susceptible de saigner en dehors des varices oesophagiennes, on peut considérer que les varices sont à l’origine de l’hémorragie. En effet, la réalisation d’une endoscopie de contrôle lors d’une récidive hémorragique montre qu’il s’agit très souvent d’une rupture de varices oesophagiennes alors que l’endoscopie initiale n’avait pas permis de déterminer l’origine exacte du saignement. D’autres lésions endoscopiques liées à l’hypertension portale peuvent être observées. Il s’agit de varices gastriques (souscardiales ou cardiotubérositaires) et de la gastropathie congestive d’aspect pavimenteux associée à des ectasies antrales [87]. Le saignement par rupture de varices gastriques représente moins de 10 % des hémorragies. L’évolution de ces hémorragies apparaît moins favorable du fait d’une hémostase plus difficile à obtenir et d’une plus grande fréquence des récidives [100]. La gastropathie congestive d’hypertension portale est à l’origine de 10 % de l’ensemble des hémorragies. Elle pourrait surtout être responsable de déglobulisation sans hémorragie extériorisée. Il ne semble pas exister de corrélation entre la présence d’une oesophagite et le risque d’hémorragie digestive. Les critères qui permettent d’affirmer la rupture de varices oesophagiennes sont le saignement actif, en « jet » ou en « nappe », se reproduisant après lavage, ou la présence d’un caillot ou d’un clou plaquettaire sur la varice.

La présence d’érosion, d’ecchymose ou de signes de la « série rouge » au niveau des varices ne témoigne pas d’un saignement récent mais est un facteur prédictif de la survenue d’une hémorragie. L’endoscopie digestive basse est utile dans le diagnostic des varices ectopiques colorectales ; celles-ci seraient responsables de 1 % des hémorragies digestives par hypertension portale [39, 59]. Le développement de ces varices est favorisé en cas de stomie abdominale [37].

Tableau IV. – Critères cliniques d’estimation de la perte sanguine
chez les malades présentant une hémorragie.
Pertes sanguines (mL)
< 750
800-1 500
> 1 500
PA systolique
inchangée
normale
diminuée
PA diastolique
inchangée
augmentée
diminuée
Fréquence cardiaque
(bat/min)
tachycardie modérée
100-120
= 120
Fréquence respiratoire
normale
normale
augmentée
Débit urinaire (mL/h)
> 30
20-30
< 20


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