Traitement des hépatites fulminantes et subfulminantes



Prévention
Bien qu'elle constitue, en termes de coût et de résultats, le meilleur traitement des HFSF, la prévention est trop souvent ignorée ou négligée.
Prévention de la cause
La prévention étiologique comporte essentiellement la vaccination contre le virusde l'hépatite B,
 l'utilisation judicieuse et soigneusement surveillée desmédicaments potentiellement hépatotoxiques, et l'éducation régulière du public concernant la consommation des champignons sauvages.
Prévention de l'aggravation des hépatites aiguës
La prévention de l'aggravation des hépatites aiguës déclarées
- éviter l'évolution fulminante ou subfulminante
- passe par l'observation systématique des deux règlessuivantes : une origine médicamenteuse doit être envisagée ; toute administration médicamenteuse (excepté l'insuline chez le diabétique insulinodépendant et la quinine au cours d'un accès palustre à Plasmodium falciparum) doit être immédiatement suspendue.
Cette restriction vis-à-vis des médicaments a pour but d'éviter l'aggravation des hépatites médicamenteuses, dont le médicament responsable continuerait d'être ingéré après le début des symptômes, et celle des hépatites virales par des médicaments hépatotoxiques (tel le paracétamol). Toutefois, deux traitements médicamenteux peuvent être indiqués : la N-acétylcystéine, par voie intraveineuse, en cas d'hépatite au paracétamol [15] et l'aciclovir, par voie intraveineuse, en cas d'hépatite herpétique [2].
Prévention de l'aggravation iatrogène des hépatites aiguës sévères, fulminantes et subfulminantes
La prévention d'une aggravation iatrogène est essentielle au stade d'hépatite aiguë sévère comme après le début de l'encéphalopathie.
Le transfert médicalisé en milieuhépatologique est recommandé dans les plus courts délais : les malades agités doivent être attachés sans recevoir de neurosédatifs. Pour les longues distances, le transfert médicalisé en hélicoptère ou en avion est préférable avant l'apparition de l'encéphalopathie ou à son tout début (expérience personnelle). Plus que jamais, toute administration médicamenteuse doit être interrompue : plasma frais congelé, neurosédatifs, médicaments néphrotoxiques et corticoïdes sont contre-indiqués. Par ailleurs, le diagnostic étiologique justifie d'obtenir les examens sérologiques nécessaires en urgence.
Traitement curatif
Son but est de permettre au malade d'attendre soit la régénération efficace qui va lui permettre de guérir spontanément, soit la transplantation hépatique dont l'indication ne  doit être portée ni trop tôt, ni trop tard.
Traitement symptomatique
Il comporte l'apport quotidien de 1 à 2 l d'eau (en évitant l'hyperhydratation), de 200 g de glucose, de phosphore (phosphate dipotassique ou disodique selon la kaliémie), des vitamines du groupe B, et des quantités adaptées de sodium et de potassium. Une voie veineuse périphérique est le plus souvent suffisante. Quand un abord veineux central doit être utilisé, nous recommandons l'abord haut (pré-sterno-cléido-mastoïdien) de la veine jugulaire interne. La ventilation artificielle est indiquée par la profondeur du coma et la surveillance du pH artériel, mais surtout de la capnie et de la pression partielle en oxygène. En cas d'hypertension intracrânienne sévère, le mannitol intraveineux (0,5 g/kg, en bolus éventuellement renouvelable) ne peut être utilisé que si la créatininémie est inférieure à 120 μmol/l.
En cas d'insuffisance rénale aiguë, l'indication d'une épuration extrarénale sera d'autant plus précoce que l'état neurologique est sévère ou s'aggrave rapidement. Chez les malades confus ou comateux, elle nous paraît indiquée dès que la créatininémie atteint 150 μmol/l.
L'hémofiltration, ou l'hémodiafiltration, est souvent mieux tolérée que l'hémodialyse.
La prévention des infections bactériennes passe davantage par la restriction des méthodes invasives de surveillance et de traitement (cathéter central) que par une antibiothérapie préventive qui ne modifie pas la survie [24].
Transplantation hépatique orthotopique
La décision de TH orthotopique en urgence doit être prise par une équipe
 hépatologique graves). Ce critère décisionnel est donc fonction de l'âge : moins de 30 ans : association d'une confusion sévère ou d'un coma et du facteur V inférieur à 20 % ; plus de 30 ans : association d'une confusion sévère ou d'un coma et du facteur V inférieur à 30 %.
Tout traitement risquant d'altérer ces critères (cf. supra) est contre-indiqué avant la décision. Notre étude prospective de ces critères a montré qu'ils permettent de prévoir 95 % des survivants et que la TH pouvait être réalisée chez 85 % de ceux chez qui l'indication était protée [7]. La survie précoce, à 6 mois, des malades opérés est voisine de 75 % [9]. Les malades transplantés avec une TH orthotopique sont assujettis à une immunosuppression à vie.
CONCLUSION
L'essentiel du traitement des HFSF est leur prévention : son insuffisance est souvent retrouvée dans l'anamnèse.
La TH orthotopique, au prix d'une immunosuppression à vie, a certainement amélioré le pronostic global en permettant la survie de plus de 50 % des malades qui seraientdécédés. Toutefois, " l'idéal " serait le foie artificiel qui permettrait d'attendre les effets bénéfiques, parfois lents, de la régénération hépatique. Une étape dans ce sens vient d'être franchie avec les premiers résultats encourageants des greffes hépatiques auxiliaires en urgence dont le but, à l'aide d'une allogreffe temporaire, est d'attendre la régénération du foie natif laissé en place avant de débarrasser le malade du greffon [11].
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