Endometriose : maladie mystérieuse douleur et hypofertilité chez la femme.



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Qu’est-ce que l’endométriose ?



L’endométriose est une maladie chronique, généralement récidivante qui touche 1 femme sur 10, en âge de procréer.
L’endomètre est le tissu qui tapisse l’utérus. Sous l’effet des hormones (oestrogènes), au cours du cycle, l’endomètre s’épaissit en vue d’une potentielle grossesse, et s’il n’y a pas fécondation, il se désagrège et saigne. Ce sont les règles. Chez la femme qui a de l’endométriose des cellules vont remonter et migrer via les trompes. Le tissu semblable au tissu endométrial qui se développe hors de l’utérus  provoque alors des lésions, des adhérences et des kystes ovariens, (endométriomes) dans les organes colonisés. Cette colonisation, si elle a principalement lieu sur les organes génitaux et le péritoine peut fréquemment s’étendre aux appareils urinaire, digestif, et plus rarement pulmonaire.

Elle touche potentiellement toutes les femmes réglées. Et lorsqu’on les interroge, la plupart des femmes atteintes sévèrement par cette maladie se plaignent d’avoir souffert depuis la puberté de douleurs gynécologiques.
L’endométriose est une maladie complexe. On a même coutume de dire qu’il n’y a pas une mais « des » endométrioses car cette maladie ne se développe pas de la même façon d’une femme à l’autre…
Il n’existe pas de certitudes concernant l’endométriose si ce n’est qu’elle revêt différentes formes à différents endroits selon différentes proportions d’une femme à l’autre.

Aujourd’hui, l’endométriose est diagnostiquée, souvent par hasard, avec un retard moyen de cinq années, durant lesquelles la maladie a eu le temps de causer des dommages notables à différents organes. Selon les sources, cette maladie toucherait de 1 femme sur 20 à 1 femme sur 10.
Quelle est l’origine de la maladie ?
Plusieurs théories existent sur l’apparition de cette maladie, sans qu’aucune n’explique totalement toutes les formes de cette maladie.
On a ainsi longtemps évoqué le fait que cette maladie concernait surtout les femmes blanches ou érudites ou riches, ou même les trois à la fois. Ces légendes semblent encore trouver un écho aujourd’hui. Il est pourtant évident que la seule explication valable au fait qu’une femme européenne soit plus souvent diagnostiquée qu’une femme africaine par exemple, réside dans la différence des conditions de vie économiques et culturelles.
Parmi les théories les plus plausibles, on peut citer :
  • la transplantation de cellules endométriales soit par les trompes,les voies lymphatiques, vasculaires, ou suite à un acte chirurgical gynécologique (laparotomie, césarienne, épisiotomie).
  • la métaplasie : transformation d’un tissu normal en un autre tissu anormal, le tissu péritonéal se transformerait donc en tissu endométriosique soit spontanément, soit à cause de facteurs hormonaux.
Quant à la théorie de la grossesse qui guérit, elle est également mise en cause. En fait, il semble plus réaliste de considérer que la grossesse ne « guérit » pas l’endométriose, mais l’améliore notablement ou préserve d’une dégradation de la situation, offrant une période de rémission.

A la recherche des gènes de susceptibilité

Les chercheurs tentent aujourd’hui de mieux comprendre les mécanismes de cette maladie complexe et ses liens avec l’infertilité. Ils travaillent notamment à l’identification de gènes de susceptibilité, de manière à élucider leur rôle et à découvrir des marqueurs de risque.
Deux grandes études ont permis l’analyse génétique systématique de cohortes de femmes atteintes d’endométriose ou non. La première est une étude japonaise publiée en 2010 impliquant 1 907 patientes et 5 292 témoins (femmes sans endométriose), la seconde est une étude internationale incluant 3 194 patientes et 7 060 témoins. Dans les deux cas, les auteurs sont parvenus à identifier des variations génétiques significativement associées à la maladie.
Cellules déciduales de l'utérus in vitro. Endomètre.
Cellules déciduales de l'utérus in vitro. Endomètre.
Cependant, ces variations n’augmentent que faiblement le risque relatif de développer la maladie : pour chaque variation, une patiente a 10 à 30 % de probabilité supplémentaire de développer la pathologie, et de nombreuses femmes porteuses de ces variations « à risque » ont une très forte probabilité de ne pas développer la maladie. Ces données génétiques peuvent donc servir de points de départ pour appréhender des mécanismes biologiques liés à l’endométriose, mais elles ne peuvent absolument pas être utilisées comme marqueurs de risque dans la pratique clinique.
Des chercheurs de l’Inserm(*) ont tenté une approche plus ciblée, en travaillant uniquement avec des femmes présentant un endométriome ovarien. Une étude épigénétique globale a montré des différences de méthylation (modification chimique) de l’ADN entre les cellules qui composent les lésions et celles de l’endomètre de patientes, en particulier aux extrémités des chromosomes. Ce phénotype est associé à des formes particulières de l’enzyme DNMT3L de la famille des méthyl-transférases de l’ADN. Une de ces formes multiplie par sept le risque de développer la maladie et pourrait donc servir d’outil de diagnostic et de pronostic, précieux sur les plans clinique et biologique.

Qui touche-t-elle ?
Potentiellement, toutes les femmes réglées. Il n’est pas rare aujourd’hui de voir de très jeunes femmes atteintes par cette maladie. Et lorsqu’on les interroge, la plupart des femmes atteintes sévèrement par cette maladie se plaignent d’avoir souffert depuis la puberté de douleurs gynécologiques violentes sans que le médecin ait évoqué une possible endométriose. Il existe également des cas de femmes ménopausées ou opérées par hystérectomie et ovariectomie qui continuent à souffrir d’endométriose, notamment à cause des traitements hormonaux de susbstitution.
Quels sont les symptômes de l’endométriose ?
Ils peuvent être multiples et liés à la localisation de la maladie, chroniques ou périodiques, ou totalement absents dans les formes asymptomatiques, et leur intensité n’est pas révélatrice de la gravité des lésions.
Le symptôme le plus courant de l’endométriose (retrouvé chez 50 à 91% des femmes selon les études) est la douleur,  règles douloureuses (dysménorrhée), douleurs pendant les rapports sexuels (dyspareunie), douleurs pelviennes fréquentes, défécation douloureuse, difficulté pour uriner (dysurie), douleurs lombaires, abdominales (ombilicales …), douleurs pelviennes ou lombaires pouvant irradier jusque dans la jambe (cruralgie), …
Cette douleur n’est pas une dysménorrhée primaire qui passe avec du paracétamol. Il s’agit bien souvent d’une douleur invalidante entraînant une incapacité totale ou partielle pendant quelques jours, voire, pour les cas les plus sévères, permanente, et nécessitant le recours à des antalgiques puissants et même morphiniques.
La douleur gynécologique est LE symptôme le plus explicite de l’endométriose. Il paraît alors incompréhensible que des patientes souffrant de douleurs pelviennes handicapantes depuis leurs premières règles soient diagnostiquées au bout de six années en moyenne.
La douleur liée à l’endométriose peut être continue ou ponctuelle, fonction de la localisation des lésions et des adhérences. Liée au cycle, elle se manifeste souvent de manière plus aiguë au moment de l’ovulation ou des règles.
Pour certaines, ce sera l’incapacité de mener une vie normale, professionnelle, familiale et intime, que ce soit pour quelques jours ou durablement. Pour d’autres, ce sera l’incapacité de faire un effort physique, que ce soit soulever son sac de courses ou tout simplement tenir debout.
Pour d’autres encore, ce sera une douleur telle qu’elle provoquera des pertes de connaissance et des vomissements. Pour celles-ci, il sera impossible de rester longtemps dans une même position et en changer sera tout aussi douloureux que la conserver. Pour celles-là, il faudra recourir à des médicaments anti-douleur, comme les morphiniques, qui leur apporteront un répit, dès lors qu’elles n’y seront pas accoutumées, en échange d’effets secondaires redoutables.
Pour toutes, la pire des prisons, celle où l’esprit n’est plus que douleur dans un corps douloureux. Celle où on espère et redoute l’instant qui vient. Où on est prête à tout essayer, du remède miracle au gourou, pour échapper à la douleur
Les autres symptômes les plus couramment relevés dans l’endométriose sont :
  • saignements (métrorragie, rectorragie ou spotting) principalement prémenstruels
  • fatigue
  • diarrhée ou constipation
  • troubles digestifs
  • brûlure urinaire, sang dans les urines
  • lombalgie, sciatique ou cruralgie (douleurs irradiant dans la jambe)
  • infertilité : la maladie est souvent révélée à l’occasion d’un bilan de fertilité

Mieux comprendre les liens entre endométriose et infertilité

Les chercheurs suspectent qu’il existe par ailleurs des différences biologiques et physiologiques entre les femmes atteintes d’endométriose et les autres, qui seraient à l’origine de la baisse de fertilité souvent associée à cette maladie. Des recherches menées à l’hôpital Cochin ont par exemple récemment montré que trois gènes sur les quatre codant pour les récepteurs aux prostaglandines, des médiateurs chimiques de l’inflammation, sont 10 à 20 fois plus exprimés dans l’endomètre utérin de patientes atteintes d’endométriose que dans celui de femmes qui ne présentent pas la maladie. Ce taux est même multiplié par quarante dans les tissus endométriaux extraits de lésions. En parallèle, l’expression d’une enzyme clef de la synthèse des prostaglandines, la PTGS2, est augmentée près de 10 fois dans l’endomètre des patientes endométriosiques. D’autres pistes biologiques paraissent pertinentes à explorer pour comprendre l’infertilité de ces patientes, comme celle de la fonction et de la réserve ovarienne des femmes atteintes d’endométriose.
Plusieurs études pointent en outre du doigt l’existence de facteurs de risque environnementaux. Les chercheurs s’interrogent par exemple sur le rôle éventuel des perturbateurs endocriniens ou celui de l’influence des acides gras polyinsaturés et d’autres composants alimentaires pouvant entrainer des anomalies épigénétiques. Une étude récente réalisée chez la souris montre par exemple que l’exposition prénatale des souris au Bisphénol A pourrait favoriser une pathologie ressemblant à l’endométriose chez les souris femelles.


Le diagnostic de l’endométriose


Le diagnostic de l’endométriose est complexe car la maladie revêt des formes variées.
L’interrogatoire de la patiente par le médecin, gynécologue ou généraliste doit pouvoir orienter le diagnostic : douleurs pendant les règles, pendant les rapports sexuels, troubles digestifs, urinaires, saignements anarchiques, douleurs à la marche, …
Cet interrogatoire amènera le médecin à prescrire différents examens.
La liste présentée ci dessous n’est pas exhaustive, votre médecin pourra vous prescrire d’autres examens s’il le juge nécessaire.
Outils de diagnostic : Examens radiologiques et chirurgicaux 
Echographie /Echographie pelvienne : Examen radiologique, utilisant les ultrasons, qui permet de visualiser les organes internes. Pour plus de précisions et pour visualiser le col de l’utérus, on pratique une échographie endo-vaginale ou endo-pelvienne par l’introduction d’une sonde dans le vagin. Cet examen, habituellement indolore, est surtout utile pour déceler la présence de kystes ovariens. Les autres lésions peuvent malheureusement passer inaperçues.
IRM : Technique d’imagerie par résonnance magnétique permettant d’obtenir des vues en 2D ou 3D. Cet examen offre une observation précise des tissus « mous », tels que les organes internes. Dans le cas d’une endométriose, l’IRM permet de détecter des kystes, des nodules ou des lésions. Elle est utilisée afin notamment de confirmer et de détailler les résultats obtenus via une échographie  endo-vaginale en révélant d’autres atteintes non détectées précédemment.
Cœlioscopie (ou laparoscopie): Technique chirurgicale, mini-invasive, dédiée au diagnostic ou à l’intervention chirurgicale proprement-dite. Elle consiste en l’introduction d’une petite caméra via le nombril, et de différents instruments via des incisions de 5 à 10 mm. Dans le cadre d’une endométriose, la cœlioscopie apparaît comme l’examen de référence pour la pose d’un diagnostic complet.  Elle permet en effet de visualiser directement les lésions, de prélever des biopsies afin de confirmer le diagnostic et de réaliser des interventions chirurgicales curatives extrêmement complexes.
Laparotomie ou laparatomie : C’est un acte chirurgical qui consiste à ouvrir l’abdomen de manière horizontale ou verticale afin d’accéder à la cavité abdominale. Longtemps utilisée dans le cadre du traitement chirurgical de l’endométriose, la laparotomie a progressivement cédé sa place à la coeliosocopie.
Hystérographie ou Hystérosalpingographie : Examen radiologique de l’utérus et des trompes, utilisant les rayons X et effectué après l’introduction, via une petite sonde, d’un liquide opaque dans le col de l’utérus. L’hystérographie permet ainsi de rechercher les malformations utérines, les déformations de la cavité utérine par des adhérences ou la perméabilité des trompes. Cet examen, qui a un rôle important dans l’exploration d’une infertilité, n’est toutefois pas recommandé en première intention pour le diagnostic d’une endométriose.
Echographie endorectale : réalisation d’une échographie pelvienne à l’aide d’une sonde fine qui est introduite dans le rectum. Cet examen est réservé à l’exploration des lésions d’endométriose profonde qui pourraient concerner le rectum, jusqu’à 25 cm au dessus de l’anus.
Coloscanner à l’air, coloscopie virtuelle, uroscanner : Examens par tomographie computérisée, qui réalisent une exploration fine de l’ensemble du rectum et du colon, respectivement des uretères, dans le cas de certaines formes sévères d’endométriose profondes.



Les traitements de l’endométriose


Quels sont les principaux traitements de l’endométriose ?
Il n’existe pas aujourd’hui de traitements définitifs de l’endométriose, même si la chirurgie et l’hormonothérapie peuvent endiguer l’évolution de cette maladie durant plusieurs mois ou années selon les cas.
Si dans de rares cas d’endométriose à un stade infime, une femme peut vivre sans aucun traitement particulier, la plupart du temps un suivi médical à vie est nécessaire. L’endométriose diminue et disparaît généralement après la ménopause, mais doit tout de même être surveillée surtout quand des traitements hormonaux de substitution sont mis en place à la ménopause.
L’endométriose est une maladie hormono dépendante… il convient donc de priver l’organisme de l’hormone qui va nourrir les cellules : l’oestrogène. Aujourd’hui, les spécialistes s’accordent pour dire que le traitement de base consiste à empêcher la survenue des règles (rappelons que les lésions d’endométrioses disséminées sur les organes vont saigner et créer de micros hémorragies en même temps que les règles). Ainsi, donner une pilule en continu ou poser un stérilet libérant des hormones permet à certaines femmes de ne plus souffrir et de vivre normalement.
Lorsque cela ne suffit pas, il convient de faire d’entamer des cures de ménopause artificielle (injection d’analogues de la GN-Rh)  plus ou moins longues que l’on prendra soin de doubler d’une « add back therapy » pour pallier les effets secondaires liés à la ménopause (douleurs osseuses, bouffées de chaleur, sécheresse de la peau…). Il s’agit de réintroduire un peu d’oestrogène, sous contrôle médical, pour éviter une privation trop brutale pour l’organisme.
Enfin, le traitement peut être chirurgical si la femme n’est pas soulagée. Cela sera décidé en concertation avec l’équipe médicale, au regard de ce que vit la patiente au quotidien, de ses antécédents et au vu de son désir de grossesse.
Nous rappelons que tout ceci ne saurait se substituer à une consultation médicale. Chaque cas d’endométriose est unique et c’est en accord avec votre médecin que les décisions doivent se prendre.

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