Diagnostic clinique des péritonites




Infections extrahospitalières
Le diagnostic pose en général peu de problèmes. Il est basé sur des signes cliniques (Tableau 3). Le patient se plaint généralement de douleurs abdominales associées à des troubles du transit (nausées, vomissements, arrêt des matières et des gaz, etc.), le plus souvent dans un contexte fébrile. L’examen clinique met en évidence une douleur à la palpation de l’abdomen, une défense en cas d’examen effectué précocement ou une contracture des muscles de la paroi abdominale et une douleur du cul-de-sac de Douglas lors du toucher rectal. La principale incertitude concerne l’étiologie de l’affection. Le diagnostic étiologique est établi secondairement par la chirurgie (Tableau 2).

Chez les sujets âgés, les infections intra-abdominales peuvent se présenter avec une séméiologie minimale. [27] Ainsi, Cooper et al. ont montré que chez des sujets de plus de 65 ans, les nausées, les vomissements et la fièvre étaient observés moitié moins souvent que chez des sujets plus jeunes et la durée des symptômes était plus que doublée. [28] Dans ce travail, 14 % des patients de plus de 65 ans avaient une température de moins de 36 °C (contre seulement 3 % des patients plus jeunes). De plus, les causes appendiculaires paraissaient également moins fréquentes que chez les patients jeunes, alors que les causes sigmoïdiennes ou biliaires étaient plus fréquentes. [28] Lorsque ces éléments sont reconnus à un stade précoce, ils font poser parfois une indication opératoire même si le diagnostic n’est pas certain. Cependant, le plus souvent ces patients ne sont opérés qu’à un stade tardif. [27, 28]

Quel que soit l’âge du patient, un diagnostic retardé ou un traitement différé conduisent rapidement à une aggravation du tableau clinique. Des signes biologiques de souffrance tissulaire (élévation de la créatinine, thrombopénie, hypoxémie, ictère ou acidose lactique...) sont alors fréquemment constatés, voire un tableau de choc avec défaillance polyviscérale. [29, 30] 
 Chez des patients porteurs de maladies sous-jacentes (cardiovasculaire, respiratoire, rénale, etc.), la survenue d’une péritonite se traduit souvent par une décompensation brutale du tableau avec un état de choc ou une défaillance polyviscérale. L’insuffisance respiratoire aiguë est une circonstance fréquente de révélation d’une urgence chirurgicale tant chez les sujets âgés que chez les patients porteurs d’une insuffisance d’organe. Ainsi, un tableau de choc avec insuffisance respiratoire aiguë peut être l’élément révélateur d’une urgence abdominale pouvant à tort orienter vers un autre diagnostic (pathologie respiratoire ou cardiovasculaire).

Infections nosocomiales
Les patients hospitalisés peuvent développer une complication digestive en rapport avec leur maladie causale, ou indépendante (sigmoïdite, ulcère perforé...) (Tableau 2). Le diagnostic de péritonite est souvent effectué à un stade tardif. Une péritonite secondaire banale peut survenir chez un patient insuffisant rénal hémodialysé. Chez ces patients médicaux, l’intensité des signes abdominaux, la rapidité d’installation de l’infection et son caractère polymicrobien sont autant d’éléments évocateurs d’une infection chirurgicale (Tableau 3). Les signes de gravité et de décompensation brutale décrits dans les infections communautaires sont tout aussi applicables en cas d’infection nosocomiale.

Infections postopératoires
Elles sont observées chez 1,5 à 3,5 % des patients ayant subi une laparotomie, [31, 32] leur fréquence maximale est observée entre le 5e et le 7e jour postopératoire (Tableau 2). Un deuxième pic retardé correspond aux complications constatées au-delà de la seconde semaine. Le diagnostic est souvent difficile, marqué par la survenue d’une fièvre au décours d’une chirurgie abdominale, [33] isolée ou associée à des manifestations abdominales ou extra-abdominales (Tableau 4, Fig. 2). La présentation clinique peut être déroutante ou atypique et orienter dans une fausse direction. C’est le cas pour :
• des troubles de conscience, une agitation ou des troubles psychiatriques évocateurs de syndrome de sevrage alcoolique ou médicamenteux ou de confusion du sujet âgé ;
• une insuffisance rénale d’aggravation progressive, voire brutale, suggérant une complication toxique médicamenteuse ou une cause médicale d’insuffisance rénale ;
• une détresse respiratoire aiguë attribuée à tort à une embolie pulmonaire, un oedème pulmonaire ou une infection pulmonaire responsable de la fièvre ;
• un oedème pulmonaire lésionnel inexpliqué ou considéré comme une pneumopathie d’inhalation ou un oedème pulmonaire cardiogénique ;
• une thrombopénie ou des troubles de l’hémostase ;
• une cholestase inexpliquée pouvant faire évoquer une pathologie biliaire.
La clinique n’est généralement pas suffisante pour établir le diagnostic, sauf à un stade tardif ou en cas d’issue de liquide digestif par les drains ou d’une masse palpable anormale (Tableau 3).Quelques éléments liés au contexte opératoire peuvent orienter le clinicien. Ainsi, les interventions qui prédisposent le plus à un sepsis postopératoire sont celles effectuées dans un contexte septique, en situation d’urgence,chez un patient à risque d’immunodépression (corticothérapie, dénutrition, maladie inflammatoire du tube digestif etc.).
Ainsi, Krukowski rapporte une fréquence d’infection postopératoire de 0,1 % après une chirurgie propre passant à 6,5 % en cas de chirurgie septique. [36]
Ce sont surtout les conditions locales (zone irradiée ou cancéreuse) et la difficulté du geste chirurgical qui favorisent la survenue d’un sepsis postopératoire.Pettigrew et al.ont évalué prospectivement 113 patients opérés de résection colique.[37]Dans ce travail, 53 % des patients jugés à risque du fait de la difficulté du gestechirurgical ont développé une complication chirurgicale postopératoire contre seulement 15 % des patients jugés à risque faible.
Dans ce travail, lorsque des critères supposés refléter une immunodépression étaient analysés (âge, dénutrition etc.), l’incidence des complications était équivalente chez les patients à risque élevé et à risque faible. [37]
Enfin, l’expérience de l’opérateur est également un élément important à prendre en compte. [38]

Tableau 3.
Principaux critères cliniques et liés aux circonstances conduisant à une décision opératoire.
Suspicion d’une péritonite extrahospitalière ou nosocomiale
Plaie pénétrante de l’abdomen (péritonite extrahospitalière uniquement)
Pneumopéritoine
Signes d’irritation péritonéale (douleur du cul-de-sac de Douglas au toucher
rectal, défense abdominale)
Contracture abdominale
Occlusion ne faisant pas sa preuve ou avec fièvre
État de choc
Signes cliniques de défaillance viscérale
Suspicion d’une péritonite postopératoire
Critères formels de réintervention
Défaillance viscérale
Pus ou liquide dans les drains
Signes locaux cliniques et radiologiques
Fort doute diagnostique chez un patient à risque
Surveillance renforcée ne conduisant pas immédiatement à une réintervention
Hyperleucocytose croissante
Fièvre isolée inexpliquée
Troubles du transit isolés
Signes biologiques de défaillance

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