Douleur Chronique ,douleur aiguë :Facteur temps




La durée d’évolution est une autre variable à prendre en compte dans la compréhension d’une douleur. Par le fait même de sa persistance, une douleur qui est initialement un simple symptôme (douleur-signal d’alarme), peut se modifier et devenir un syndrome à part entière (douleur-maladie). Par exemple, une douleur succédant à un traumatisme physique initial peut se maintenir ou être accentuée par des facteurs secondaires, physiologiques (contractures réflexes) ou psychologiques (comportements douloureux, invalidation, dépression, bénéfices secondaires…). Une douleur chronique qui évolue depuis plus de 3 ou 6 mois ne peut être appréhendée simplement comme une douleur aiguë qui persiste. [8]
L’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) (1999) définit en effet la douleur chronique comme une douleur « évoluant depuis plus de 3 à 6 mois et/ou susceptible d’affecter de façon péjorative le comportement ou le bienêtre du patient ». À l’évolution temporelle de la douleur est associé l’impact négatif sur le patient. [2]
Des différences d’ordre neurophysiologique, neuropsychologique et comportemental justifient en effet la distinction douleur aiguë-symptôme/douleur chronique-syndrome (ou douleur-maladie). Lorsqu’une douleur tend à persister, son évaluation doit s’élargir aux divers facteurs psychologiques et comportementaux, causes et/ou conséquences susceptibles de participer à son maintien ou son exagération. Le Tableau 2 présente les différences schématiques entre douleur aiguë et douleur chronique.
En fait, les douleurs chroniques se répartissent en deux grandes catégories distinctes : les douleurs cancéreuses et les douleurs chroniques non malignes, parfois improprement dénommées « bénignes ». La douleur cancéreuse se rapproche plus d’une douleur aiguë persistante, ou d’une succession de douleurs aiguës. Les modalités respectives de prise en charge sont très différentes (Tableau 3).
À l’exception de certains cas de douleurs séquellaires liées aux traitements, le cancer est une affection évolutive qui réclame « somato-psycho-social »
Tableau 2 :
Comparaison des douleurs aiguës et chroniques (non cancéreuses).

Douleur aiguë
(symptôme)
Douleur chronique
(syndrome)
Finalité biologique



Mécanisme générateur

Réactions somatovégétatives

Composante affective

Comportement

Modèle de compréhension
Utile
Protectrice
Signal d’alarme

Unifactoriel

Réactionnelles

Anxiété

Réactionnel

Médical Classique

Inutile
Destructrice
Maladie à part entière
Plurifactoriel


Habituation ou entretien


Dépression

Renforcé

Pluridimensionnel
« somato-psycho-social »

 Tableau 3 :
 Comparaison des douleurs chroniques cancéreuses et non cancéreuses.


Douleur cancéreuse
Douleur non cancéreuse
Pathologie

Douleur


Finalité biologique




Mécanisme
Générateur

Place des morphiniques

Composante affective

Comportement

Attitude à encourager

Modèle de compréhension
Évolutive

Aiguë persistante
Symptôme

Inutile
Destructrice
Signal d’alarme et maladie à part entière

Excès de nociception
Plurifactoriel

Essentielle


Anxiodépression


Réactionnel

Accepter le handicap


Pluridimensionnel
« somato-psycho-social »
Séquellaire

Chronique
Syndrome

Inutile
Destructrice
Maladie à part entière


Plurifactoriel


Exceptionnelle


Anxiodépression


Renforcé

Apprendre à gérer le handicap

Pluridimensionnel
« somato-psycho-social »
Tableau 4.
Symptomatologie du syndrome douloureux chronique.
Plainte douloureuse        - douleur permanente depuis plus de 6 mois.
        - origine physiopathologique actuelle incertaine
              - nombreux antécédents de traitements inefficaces
                                    - handicap fonctionnel exagéré
                                    - conduite toxicomaniaque


Comportement anormal vis-à-vis de la maladie - conviction somatique de la maladie
                                                                      - désir de chirurgie
                                                                      - déni des conflits interpersonnels 
                                                                      - déni des perturbations émotionnelles
                                                                      - dysphorie admise comme réactionnelle

Symptomatologie dépressive                               - fatigabilité
                                                                   - troubles de concentration
                                                                   - perte des intérêts
                                                                   - insomnie
                                                                   - humeur dépressive

Facteurs de renforcement       - évitement d’activités néfastes
                                           - attention, sollicitude de l’entourage
                                           - bénéfices secondaires financiers

Contexte sociofamilial             - exemples de douleur chronique dans l’entourage
                                           - antécédents familiaux de dépression ou d’alcoolisme

une prise en charge adaptée dans des délais rapides. Le traitement symptomatique de la douleur ne peut être dissocié du traitement étiologique de la maladie cancéreuse. Les douleurs cancéreuses peuvent bénéficier d’un large arsenal thérapeutique:utilisation fréquente de morphiniques (douleurs intenses) par voie orale, parentérale ou centrale, blocs anesthésiques, associations de plusieurs antalgiques et de coantalgiques, interventions neurochirurgicales…
Les douleurs chroniques non malignes fréquemment rencontrées sont les douleurs de l’appareil locomoteur (lombalgies, lomboradiculalgies, notamment postchirurgicales, autres affections rhumatismales), les douleurs neuropathiques, les syndromes douloureux régionaux complexes (algodystrophies, causalgies), les céphalées, les douleurs myofasciales, les fibromyalgies, les douleurs psychogènes et les douleurs idiopathiques.
Que le médecin exerce seul ou au sein d’une équipe pluridisciplinaire, pour mieux comprendre et mieux traiter une douleur chronique, il lui faudra savoir analyser les divers facteurs psychosociaux susceptibles de favoriser le caractère rebelle de la douleur. Le modèle somato-psycho-social de compréhension de la douleur chronique implique l’existence possible d’une symptomatologie psychopathologique sans qu’il soit nécessaire pour autant d’exclure un éventuel mécanisme générateur nociceptif ou neuropathique sous-jacent.
La compréhension des mécanismes psychopathologiques impliqués dans la douleur chronique non cancéreuse reste encore imparfaite. Sans entrer dans le détail d’hypothèses qui sont encore affaire d’école, il nous paraît préférable de désigner par « syndrome douloureux chronique » un ensemble encore mal différencié de symptômes comportementaux et psychiques qu’il faut savoir identifier car ils sont susceptibles de participer à l’entretien et à l’exacerbation d’une douleur chronique (Tableau 4). Leur présence indique que le problème ne peut être posé uniquement en termes somatique et rend indispensable une analyse globale, somatique et psychosociale pour guider la stratégie de prise en charge.

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