Période périopératoire de l'anesthésie cardiaque en dehors de la chirurgie cardiaque







ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE
La phase préopératoire est essentielle dans la prise en charge du patient insuffisant cardiaque, qui bénéficie d’une évaluation exhaustive.
Dans certains cas, en particulier chez des personnes âgées, c’est l’occasion de détecter la dysfonction cardiaque.L’objectif principal de l’évaluation préopératoire reste de diminuer le risque périopératoire. Une littérature abondante existe sur l’évaluation du risque cardiaque en chirurgie non cardiaque, mais elle considère principalement le risque lié à une coronaropathie [12, 17, 18, 23, 31, 32]. Le score de Goldman, dont l’objectif était de stratifier le risque cardiovasculaire périopératoire, identifie les symptômes d’insuffisance cardiaque comme un facteur de risque majeur.

L’évaluation préopératoire et l’ensemble de la prise en charge périopératoire ont beaucoup évolué depuis, cependant l’insuffisance cardiaque reste 20 ans plus tard toujours identifiée comme un facteur de risque de complications cardiovasculaires. L’évaluation préopératoire du patient insuffisant cardiaque comporte plusieurs étapes, dont l’objectif est la diminution du risque périopératoire [14].

Évaluation clinique
Son but est de détecter ou diagnostiquer la cardiopathie.
 L’interrogatoire, lors de la consultation préopératoire, permet de préciser l’existence d’une dyspnée, d’une orthopnée, l’importance de la capacité d’effort, les antécédents (oedème pulmonaire aigu, troubles du rythme, etc) [33]. La classification de la New York Heart Association (NYHA) reste la plus utilisée des classifications cliniques (tableau IV).
L’examen clinique recherche une tachycardie, des signes congestifs, un galop, les signes cliniques orientant vers une étiologie.

Tableau IV. – Classification de la New York Heart Association (NYHA).
Classe I
Aucune gêne fonctionnelle
Classe II
Limitation fonctionnelle pour les efforts intenses
Classe III
Limitation fonctionnelle pour les efforts légers
Classe IV
Symptômes au repos

Explorations complémentaires
Elles permettent de compléter l’évaluation de la sévérité par des examens paracliniques complémentaires de l’évaluation clinique ; parmi ceux-ci, l’échocardiographie-doppler tient une place prédominante.
La radiographie pulmonaire permet de rechercher l’existence d’un index cardiothoracique supérieur à 0,5, évocateur d’une cardiopathie évolutive.
L’électrocardiogramme recherche un trouble du rythme ou de la conduction.
L’échocardiographie-doppler permet l’évaluation de la fonction systolique ventriculaire gauche, anormale pour une fraction d’éjection inférieure à 60 % ou une fraction de raccourcissement inférieure à 35 %. L’échographie permet également de rechercher des troubles de la cinétique segmentaire, une hypertrophie pariétale et une dysfonction diastolique du ventricule gauche, même s’il est difficile de la quantifier. Elle permet également le diagnostic d’une valvulopathie éventuellement accessible à un traitement radical.
Ces examens sont indiqués en l’absence d’évaluation récente d’une cardiopathie connue, ou lorsqu’une modification récente de la symptomatologie clinique laisse penser qu’une optimisation du traitement est possible. Un geste chirurgical impliquant des modifications hémodynamiques peropératoires importantes justifie également la réalisation d’une échographie, afin de mieux optimiser le risque périopératoire et de déterminer le meilleur monitorage et la stratégie d’anesthésie.

Optimisation du traitement
Elle implique la correction des facteurs aggravants, tels que les troubles de l’équilibre hydroélectrolytique, l’anémie, la volémie, les troubles du rythme… Un avis spécialisé cardiologique, souvent nécessaire si le patient n’est pas déjà régulièrement suivi pour sa pathologie cardiaque, vise à s’assurer que le traitement est optimal et, si ce n’est pas le cas, à mettre en oeuvre le traitement le plus adéquat [49]. Le traitement du patient insuffisant cardiaque repose schématiquement sur les inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Un diurétique est associé si des épisodes congestifs ont eu lieu. À ces deux molécules sont souvent associés, soit un bêtabloquant (stades II et III de la NYHA, voire pour certains stade IV), par exemple le carvédilol, soit la spironolactone (25 mg.j–1) dans les formes sévères.

Un bénéfice en termes de mortalité semble constaté. En cas de persistance d’une symptomatologie dans les formes sévères, les digitaliques, en association avec le traitement classique, permettraient une amélioration fonctionnelle.On peut observer actuellement un regain d’intérêt pour cette famille de molécules.Le cardiologue pose également les indications éventuelles de la mise en place d’un pacemaker, d’un remplacement valvulaire, etc. En dehors de l’urgence, cette stratégie n’est optimale que si les délais entre la consultation d’anesthésie et le geste chirurgical prévu sont suffisants pour permettre le diagnostic, l’évaluation et l’optimisation du traitement.
Lorsque le diagnostic est précisé et le traitement optimal, la réalisation du geste chirurgical doit impérativement reposer sur une réflexion médicale multidisciplinaire concernant le rapport bénéfice-risque.

Détermination de la stratégie de prise en charge
L’évaluation préopératoire permet de déterminer, en particulier, le monitorage qui sera utilisé en peropératoire. Si l’insuffisance cardiaque est compensée sous traitement optimal, le monitorage dépend du geste envisagé, en particulier s’il implique des modifications hémodynamiques importantes (clampage aortique, clampage du pédicule hépatique, chirurgie thoracique, utilisation de ciment, etc).En cas d’insuffisance cardiaque décompensée, le risque lié à l’anesthésie elle-même suffit à justifier un monitorage lourd invasif, mis en place avant l’induction anesthésique, et ce quel que soit le geste chirurgical envisagé [50].
– Surveillance de la dérivation DII du cardioscope (détection d’un trouble du rythme) [1, 60].
– Monitorage de la température.
– Surveillance continue de la diurèse.
– Monitorage continu de la fraction expirée en CO2.
– Monitorage continu invasif de la pression artérielle.
– Cathétérisme de l’artère pulmonaire avec monitorage continu de la saturation du sang veineux mêlé en oxygène (adéquation du débit cardiaque au besoin tissulaire en oxygène [58]) et mesure de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (la pression veineuse centrale est ininterprétable dans ce contexte [1, 30]).
– L’échographie transoesophagienne est un élément utile du monitorage peropératoire : elle permet l’évaluation en continu de la fraction de raccourcissement du ventricule gauche, des conditions de charge et des effets des modifications de charge sur la fonction ventriculaire, sur l’importance d’une fuite valvulaire.
La plupart des indices échographiques sont très dépendants des conditions de charge, mais certains indices permettraient de s’affranchir de cet aspect. Sa limite est dans la nécessité d’apprentissage de la technique et la difficulté de la surveillance continue au cours de la période de réveil.
– Les nouvelles méthodes de mesure continue non invasives du débit cardiaque basées sur le CO2 expiré ou l’étude de la pulsatilité artérielle sont encore en cours d’évaluation [4, 57].
Le lieu de surveillance pour la période postopératoire doit également être prévu dès ce moment (réanimation, surveillance prolongée en salle de soins postinterventionnelle).

PRÉMÉDICATION ET TRAITEMENTS PRÉOPÉRATOIRES
La période préopératoire a pour objectif de détecter des problèmes méconnus, d’ajuster les traitements cardiovasculaires et de préciser le rapport bénéfice-risque. La visite préopératoire doit être un rappel ou un résumé des décisions prises et vise à assurer une prémédication adéquate.

Tableau V. – Effets circulatoires de l’anesthésie et de la chirurgie, d’après [34].
Anesthésie générale
Mécanismes non spécifiques
Baisse de la O2
Inhibition sympathique
Dépression du baroréflexe
Mécanismes spécifiques
Action myocardique
Action vasculaire
Anesthésie locorégionale
Sympatholyse dans le territoire bloqué
Veinodilatation
Vasodilatation artérielle
Dépression du sympathique cardiaque
Chirurgie
Stimulation douloureuse
Tachycardie, hypertension
Hypovolémie (saignement, iléus avec troisième secteur)
Hypotension, tachycardie
Altération du retour veineux (compression cave, position)
Clampage artériel

– L’agent sédatif utilisé pour la prémédication doit à la fois être suffisamment sédatif pour limiter le retentissement de l’induction de l’anesthésie et ne pas comporter d’effet hémodynamique significatif ; les benzodiazépines et l’hydroxyzine sont les plus utilisées.
– De nombreux traitements peuvent avoir été mis en oeuvre depuis longtemps ou au cours des explorations récentes. L’attitude vis-àvis du traitement cardiologique dépend des molécules utilisées [7, 37].
Les digitaliques ont une durée d’action longue et une marge thérapeutique très étroite. Pour cette raison, ils ont été de moins en moins utilisés. Tous les facteurs favorisant la survenue d’une toxicité (hypokaliémie, hypoxémie…) et les conditions modifiant la pharmacodynamie doivent être optimisés. L’ionogramme sanguin doit donc être réalisé en préopératoire pour permettre d’éventuelles corrections préopératoires, notamment celle de la kaliémie. Les taux plasmatiques préopératoires de digitaline doivent être contrôlés.

Les traitements diurétiques doivent être interrompus la veille. L’hypovolémie qu’ils peuvent induire sera le cas échéant corrigée en salle d’opération après évaluation clinique et sur les données du monitorage.La spironolactone est prescrite à une posologie où les effets diurétiques sont faibles.Il n’y a cependant pas d’intérêt à continuer le traitement. L’arrêt des vasodilatateurs la veille de l’intervention est recommandé, en raison de la potentialisation de l’effet vasodilatateur des anesthésiques. C’est le cas des inhibiteurs calciques, surtout les dihydropyridines. Le diltiazem et le vérapamil ont un effet chronotrope et inotrope négatif additif avec celui des anesthésiques.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont fréquemment utilisés chez le patient insuffisant cardiaque. Ils agissent sur le système rénine-angiotensine. Les effets associés des produits anesthésiques sur l’activité sympathique et le baroréflexe entraînent un risque majoré d’hypotension artérielle lors de l’induction de l’anesthésie, lors d’une hypovolémie ou d’une hémorragie, avec une absence d’accélération réflexe de la fréquence cardiaque. Si l’interruption du traitement la veille de l’intervention, c’est-à-dire 12 à 24 heures avant selon la demi-vie de la molécule, se discute lorsque l’indication est l’hypertension, les effets bénéfiques des inhibiteurs de l’enzyme de conversion conduisent le plus souvent à son maintien jusqu’à l’intervention chez le patient insuffisant cardiaque, même si l’hypotension à l’induction est alors plus fréquente [5, 8].

PÉRIODE OPÉRATOIRE
Les mécanismes de compensation restent effectifs, mais ils sont altérés par les effets des produits anesthésiques, durant cette période où la demande métabolique est faible lorsque la profondeur de l’anesthésie est adéquate.

Les facteurs de décompensation peropératoire sont essentiellement liés aux périodes de fortes variations hémodynamiques, qu’elles soient liées à l’anesthésie (induction, analgésie insuffisante) ou au geste chirurgical (hémorragie, clampage vasculaire, modifications hémodynamiques rapides) (tableau V).

Effets de l’anesthésie
Effets de la ventilation
L’anesthésie générale nécessite la ventilation artificielle, dont les effets sont à prendre en compte, en particulier chez le patient insuffisant cardiaque chez qui l’interaction cardiopulmonaire est particulière et en équilibre fragile. La ventilation mécanique entraîne une diminution de la précharge du ventricule gauche par augmentation des pressions intrathoraciques et baisse du retour veineux. La diminution de la pression transmurale du ventricule gauche entraîne une diminution de la postcharge et favorise l’éjection systolique [28, 39].
Effets de l’anesthésie générale et des produits de l’anesthésie [9, 34]
· Anesthésie générale
L’anesthésie générale permet une diminution de la consommation tissulaire en oxygène, du fait de contraintes myocardiques moins importantes par baisse des conditions de charge. En effet, elle associe à une diminution de la réponse sympathique, une altération du baroréflexe, et de manière plus ou moins importante, une dépression de l’inotropisme, de la conduction, et une action sur la vasomotricité modifiant donc les conditions de charge du ventricule. Le sevrage brutal de l’hyperactivité sympathique compensatrice lors de l’induction de l’anesthésie peut entraîner une chute brutale du débit cardiaque. À l’inverse, une stimulation nociceptive, alors que l’anesthésie est insuffisante, peut être délétère et mal tolérée par le biais de la stimulation sympathique et de l’élévation de la postcharge.
· Médicaments de l’anesthésie
Induction.
Les benzodiazépines sont encore utilisées, essentiellement en chirurgie cardiaque, en raison de leurs faibles effets hémodynamiques, en particulier l’absence d’effet sur l’inotropisme.
Elles augmentent la capacitance veineuse.
Les barbituriques sont utilisables dans les insuffisances cardiaques compensées à condition de les titrer. Ils ont une action dépressive sur la contractilité.
L’étomidate permet le maintien relatif du tonus sympathique et semble donc indiqué chez le patient insuffisant cardiaque. Ses effets cardiovasculaires sont quasi inexistants en clinique, même s’il existerait un effet inotrope négatif sur organe isolé [56].
Le propofol est utilisable avec prudence dans les insuffisances cardiaques compensées ; certains travaux proposent de l’utiliser en entretien associé à des morphiniques type rémifentanil [27].
La kétamine provoque une stimulation sympathique et une vasodilatation. Sa place reste très restreinte, limitée à certaines chirurgies superficielles.
Les morphiniques ont peu d’effets hémodynamiques : pas d’effet inotrope, ralentissement de la fréquence cardiaque (effet vagal), action faible ou nulle sur la vasomotricité. Ils sont utilisés à doses relativement élevées pour limiter les conséquences de la stimulation nociceptive, et permettre de modérer les doses d’hypnotiques et leurs effets circulatoires.
Les myorelaxants ont un effet sur le système nerveux autonome.
Certains ont un effet vagolytique aboutissant à une augmentation modérée de la fréquence cardiaque. L’atracurium possède un effet histaminolibérateur qui peut entraîner une hypotension mal tolérée s’il est injecté trop rapidement. La succinylcholine peut provoquer une augmentation transitoire de la fréquence cardiaque, mais la facilitation de l’intubation et les risques d’une éventuelle inhalation ne permettent pas de limiter son utilisation, en particulier lors d’une induction de type « séquence rapide ».
Entretien.
L’utilisation des morphiniques en peropératoire doit permettre une atténuation des effets de la stimulation nociceptive.
Le niveau de myorelaxation dépend du geste chirurgical, et son monitorage est indispensable pour éviter une curarisation résiduelle très nuisible lors de la période de réveil.
Les anesthésiques volatils halogénés ont un effet inotrope négatif par action sur le calcium ionisé intracytoplasmique. L’isoflurane, le sévoflurane et le desflurane ont une action inotrope négative, mais moindre que ne l’était celle de l’halothane. Cet effet est en partie compensé par la vasodilatation artérielle, diminuant la postcharge ventriculaire gauche [44]. Les variations rapides du taux inspiré de desflurane entraînent une stimulation sympathique qui doit être évitée.
. Anesthésie locorégionale
Elle n’est possible que pour certains gestes chirurgicaux. Les blocs tronculaires ou périphériques sont réalisables quand le geste chirurgical le permet.
L’anesthésie locorégionale entraîne une sympatholyse dans le territoire bloqué, associant une veinodilatation, une vasodilatation artérielle. De plus, les anesthésies médullaires hautes inhibent la réponse sympathique myocardique, pourtant principalement impliquée dans les mécanismes compensatoires. Les effets bénéfiques sont la diminution de la postcharge du ventricule gauche dans le cadre des cardiomyopathies requérant une baisse de la postcharge, l’analgésie adaptée et persistant dans la période postopératoire immédiate.Les risques sont en rapport avec les variations rapides des conditions de charge ventriculaire pour les anesthésies médullaires, l’inhibition de la réponse myocardique à la stimulation sympathique, les risquesd’échec de la technique avec analgésie insuffisante et ses conséquences physiologiques.
D’autre part, une attention particulière doit être portée à la toxicité cardiaque de la bupivacaïne.
Par ailleurs, de nombreuses maladies responsables d’une insuffisance cardiaque justifient un traitement anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire, et dans ce cas le rapport bénéfice/risque n’est pas en faveur de l’anesthésie régionale. En effet, à ce jour, aucune étude n’a réussi à montrer un bénéfice objectif de l’anesthésie locorégionale sur l’anesthésie générale chez les patients insuffisants cardiaques.

En conséquence, les techniques d’anesthésie locorégionale chez le patient insuffisant cardiaque doivent être utilisées avec précaution. Les blocs périphériques peuvent être un bonne alternative à l’anesthésie générale lorsque le geste chirurgical envisagé les permet. Les anesthésies médullaires ne sont pas indiquées chez l’insuffisant cardiaque sévère. La rachianesthésie est contre-indiquée en cas de dysfonction diastolique importante ou d’hypovolémie, en raison de la variation rapide des conditions de charge, pouvant conduire dans ce contexte à un arrêt cardiaque, dont la réanimation est le plus souvent difficile. En théorie, la péridurale permet l’administration fractionnée des anesthésiques locaux, pour obtenir le niveau d’anesthésie souhaité tout en limitant le caractère brutal des modifications de charge du ventricule gauche.

En pratique, cette « titration » des anesthésiques conduit initialement à sous-estimer dans un premier temps la posologie nécessaire, et à surestimer secondairement le complément, avec des effets hémodynamiques parfois majeurs apparaissant de manière retardée.
L’utilisation de ces techniques doit donc être réservée à certaines situations où l’on attend un bénéfice par rapport à l’anesthésie générale, et nécessite un opérateur expérimenté.

Effets de la chirurgie
La stimulation douloureuse en rapport avec l’acte chirurgical entraîne une tachycardie, une augmentation de la postcharge du ventricule gauche.
L’hypovolémie efficace se traduit par une tachycardie, une hypotension rapidement mal tolérée chez les patients porteurs d’une cardiomyopathie dilatée.
Les clampages vasculaires (aorte, pédicule hépatique, etc) entraînent des variations des conditions de charge myocardique majeures et très rapides. De même, les modifications du retour veineux (position, billot, manipulations chirurgicales, etc) peuvent avoir un retentissement important sur les conditions hémodynamiques. Toutes ces modifications, non spécifiques et transitoires, en rapport avec l’acte chirurgical, peuvent avoir chez le patient insuffisant cardiaque des conséquences sérieuses.Aussi la connaissance parfaite du déroulement de l’acte chirurgical et son suivi permanent sont indispensables pour ajuster en temps réel les différents paramètres.
Au total, la prise en charge peropératoire du patient insuffisant cardiaque répond à quelques principes généraux, à adapter en fonction de l’étiologie.
– Maintien de la volémie et du retour veineux, surtout en cas de cardiopathie hypertrophique ; éviter l’hypervolémie en cause dans
les oedèmes pulmonaires périopératoires (transfusion rapide, sevrage de la ventilation mécanique, stimulation nociceptive, etc).
– Maintien de la fonction du sympathique cardiaque [11, 34, 36], ou diminution minime. Une sympatholyse trop importante peut entraîner un arrêt cardiaque inopiné.
– Le principe général est le maintien de la fréquence cardiaque [6].
La tachycardie est par elle-même inotrope positive ; cependant, audelà de 120 b.min–1, la diminution du temps diastolique compromet le remplissage ventriculaire.
Par ailleurs, les troubles du rythme, parfois favorisés par les agents anesthésiques et les modifications  métaboliques liées à l’intervention, sont très mal tolérés et nécessitent un traitement immédiat.
– Ne pas augmenter la postcharge du ventricule gauche qui est un obstacle à l’éjection ventriculaire, et entraîne un risque de surcharge pulmonaire en cas de modification rapide [51].

PÉRIODE DU RÉVEIL ANESTHÉSIQUE
La période du réveil est la période à risque chez le patient insuffisant cardiaque ; en effet, les modifications métaboliques et des conditions de charge cardiaque sont rapides, importantes et simultanées.
– Réchauffement, si l’hypothermie n’a pu être évitée en peropératoire. Le réchauffement progressif permet d’étaler la dette thermique. Le réchauffement avant le réveil et l’extubation permet de limiter la survenue de frissons.
– Frissons, qui peuvent multiplier par 3 ou 4 la consommation en oxygène.
– Sevrage de la ventilation assistée.
– Stimulation nociceptive. À cette période de la prise en charge anesthésique, les modifications du retour veineux et l’absence de réserves myocardiques (pour faire face à l’augmentation du débit cardiaque et la hausse de l’extraction tissulaire d’oxygène) expliquent.
la fréquence des décompensations, en particulier l’oedème pulmonaire cardiogénique.Les facteurs surajoutés de décompensation (curarisation résiduelle, douleur postopératoire avec augmentation de la consommation en oxygène et stimulation sympathique importante) peuvent être évités. La naloxone est contre-indiquée à ce stade [10, 13].
L’attention doit donc se porter sur la correction ou la prévention de ces troubles :
– normothermie ou sédation le temps du réchauffement ;
– analgésie suffisante ;
– sevrage de la ventilation une fois les autres paramètres corrigés, éventuellement sous traitement inotrope positif ;
– contrôle de l’hématose (PaO2, PaCO2) et correction d’une anémie.

TRAITEMENT DES COMPLICATIONS CARDIOVASCULAIRES PÉRIOPÉRATOIRES [21]
La survenue d’une dysfonction ventriculaire périopératoire peut être la conséquence de la décompensation d’une cardiopathie chronique sous-jacente, d’une ischémie myocardique ou d’un infarctus, d’un choc septique, d’une contusion myocardique.
La physiopathologie est sensiblement différente dans les décompensations de formes chroniques où tous les mécanismes de compensation sont mis en oeuvre, et les formes aiguës où cela n’est pas le cas [35].Cependant les principes de traitement restent centrés sur les mêmes objectifs.

Précharge
L’objectif est l’augmentation du volume vasculaire, tout en évitant la surcharge pulmonaire. Les effets de l’augmentation dépendent de la contractilité basale des ventricules gauche et droit. Le ventricule droit est moins précharge-dépendant que le ventricule gauche en l’absence de dysfonction ventriculaire, mais l’élévation de la précharge devient un élément important en cas de défaillance droite.
Le ventricule gauche est, lui, précharge-dépendant, qu’il soit pathologique ou non. Le remplissage s’effectue en fonction des situations par des produits sanguins, des colloïdes ou des cristalloïdes.

Postcharge
L’élévation de la postcharge est fréquente dans le contexte périopératoire. L’obstacle à l’éjection qu’elle représente peut être très mal toléré par le ventricule défaillant.
 La suppression des facteurs déclenchants peut suffire à rétablir l’équilibre : suppression de la stimulation nociceptive, correction d’une acidose, d’une hypoxémie, d’une hypercapnie.
 La place des vasodilatateurs comme la trinitrine est faible dans la période périopératoire, en raison du contexte impliquant de nombreuses variations hémodynamiques, du risque d’hypotension, de la tachyphylaxie. Elle permet une augmentation du volume d’éjection, une réduction de la tension pariétale avec baisse de la consommation myocardique en oxygène, une vasodilatation coronaire.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion semblent montrer leur efficacité lors de leur administration après infarctus du myocarde ou après chirurgie cardiaque [29, 53] mais ce n’est pas le cas lors de son administration préventive chez des patients souffrant d’une dysfonction ventriculaire gauche sévère [48].
La dobutamine est la catécholamine de choix si l’effet inotrope positif est souhaité : elle entraîne une augmentation dosedépendante du débit cardiaque et une diminution des pressions de remplissage. La baisse de la capacitance veineuse favorise le retour veineux (fig 3).
La norépinéphrine est utile pour le maintien de la pression de perfusion, mais elle augmente la postcharge et l’ischémie tissulaire.
Ses effets sont intéressants en cas de défaillance ventriculaire droite associée.

La dopexamine stimule les récepteurs bêta2-adrénergiques, dopaminergiques 1 et 2 et inhibe le recaptage de la noradrénaline, entraînant un effet bêta1-adrénergique indirect. Elle a peu d’effet vasoconstricteur, et est utilisée principalement dans les suites de chirurgie cardiaque, pour sa composante dopaminergique, ses effets vasodilatateurs rénal, splanchnique et pulmonaire. La tachycardie induite reste un des facteurs limitant son utilisation. Le mécanisme d’action des inhibiteurs des phosphodiestérases permet un effet inotrope positif indépendant du système bêtaadrénergique (augmentation de l’entrée intracellulaire de calcium par hausse du taux d’adénosine monophosphate cyclique [AMPc]), de manière synergique avec les agonistes adrénergiques. Son utilisation est limitée par ses effets secondaires (thrombopénie, hypotension).
Les moyens mécaniques (ballon de contre-pulsion, pompes ou coeur artificiel) nécessitent une infrastructure lourde et ne sont que des techniques transitoires en cas de défaillance cardiaque sévère.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire