Lesphénomènes physiopathologiques qui conduisent à la nécrose glandulaire sont obscurs. Les données expérimentales, anatomopathologiques et les différentes étiologies permettent de proposer deux mécanismes dans le déclenchement des PA : la théorie canalaire et la théorie acineuse, voire leur association. Ces théories reposent sur des perturbations du métabolisme cellulaire et une activation enzymatique avec hyperstimulation du pancréas [93].
La présence intracanalaire, et sous pression d’un agent inducteur (bile, alcool...), est responsable d’une augmentation de la perméabilité des parois des canaux aux enzymes protéolytiques, d’oùl’existenced’undiffusionpéricanalaireversletissuinterstitiel responsable de l’oedème, d’un processus inflammatoire et d’altérations de la microcirculation. Dans un second temps, il existe une extension des lésions aux acini pour des raisons qui restent inconnues.
Lorsque les conditions d’excrétion ne sont pas normales, il existe une coalescence des granules d’enzymes inactifs avec les vacuoles lysosomiales conduisant à une activation enzymatique et à la lyse cellulaire. Il semble que l’activation de trypsine à partir du trypsinogène soit un des éléments essentiels en ayant un rôle de starter dans le déclenchement de la « cascade » [31]. Normalement, la faible production de trypsine intracellulaire est inactivée par une antitrypsine pancréatique endogène. Dans le cadre d’une poussée de pancréatite, ce mécanisme de défense est dépassé, ce qui entraîne une production en grande quantité de trypsine et une activation des autres enzymes pancréatiques. Les effets tissulaires des enzymes pancréatiques activées une fois libérées sont bien connus [93] :
– phospholipase A2 (PlA2) : altération du surfactant pulmonaire par son activité cytolytique ;
– élastase :
dégradation des fibres élastiques vasculaires et hémorragies intrapancréatiques ;
– trypsine : activation du complément et des kinines, jouant probablement un rôle dans les phénomènes de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), dans la survenue d’un choc et/ou d’une insuffisance rénale aiguë ;
– kallicréine : activée par la trypsine circulante, la kallicréine participe à l’instabilité hémodynamique par l’intermédiaire d’un relargage de bradykinine et de kallidine ;
– lipase : nécrose de la graisse et des tissus péripancréatiques.
Les phénomènes d’ischémie du pancréas sont vraisemblablement responsables de la transformation des formes peu sévères oedémateuses en pancréatites nécrosantes et/ou hémorragiques [50].
L’évolution des cellules acineuses une fois stimulée est imprévisible, l’enchaînement des événements pouvant aboutir dans tous les cas de figure d’une forme mineure localisée aux formes les plus graves avec extension de la nécrose à toute la glande et relargage systémique et péritonéal d’enzymes, de cytokines, de radicaux libres, de TNF (tumor necrosis factor)-á, avec un risque important d’évolution vers un syndrome de défaillance multiviscérale. Les données les plus récentes, si elles sont confirmées, montrent que la survenue d’une PAN pourrait être liée aux dépassements des mécanismes de défense mis en place par le pancréas après un stress [30, 46]. Il semble que les PAP (pancreatitis associated proteins) sécrétées par le pancréas au décours d’une agression aient un rôle majeur dans ces mécanismes d’autodéfense du pancréas [30].
De très nombreux travaux expérimentaux et des essais chez l’homme ont proposé l’utilisation d’inhibiteurs de la trypsine [19, 21, 94], d’anti-TNF-á [24, 42], d’interleukine (IL) 10 [103], d’antagonistes de l’IL1 [68], de différents agents immunosuppresseurs (blocage de la sécrétion d’IL8 et de la cascade des cytokines) [1, 33] ou de lexipafant (cytokine inhibant le PAF [platelet activating factor]) [49, 62, 84]. Les résultats de ces travaux, même s’ils semblent avoir fait progresser les connaissances dans le domaine des phénomènes physiopathologiques de la PA, sont souvent contradictoires. Leurs analyses ne permettent pas, le plus souvent, de tirer des « conclusions définitives », soit en raison de problèmes méthodologiques, soit parce que, dans les essais chez l’homme, ces molécules, administrées trop tardivement dans l’évolution de la pancréatite, ne peuvent plus empêcher la survenue de la cascade d’événements et participer aux mécanismes d’autodéfense du pancréas.
De nombreuses années d’intoxication éthylique sont nécessaires avant l’apparition d’une PA [91, 93] qui, le plus souvent, survient sur des lésions de pancréatites chroniques [91]. Cependant, d’autres facteurs (hypertriglycéridémie ?) interviennent probablement, étant donné que seuls 5 % des éthyliques chroniques vont développer une PA [91]. Quant aux mécanismes de la pancréatite biliaire, ils restent inconnus et toujours débattus [93] depuis la théorie proposée par Opie en 1901 [69] qui repose sur un mécanisme de reflux biliaire dans le canal de Wirsung par obstruction de l’ampoule de Vater.
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