C. de Vaumas, P. Montravers, H. Dupont
Le transit intestinal est assuré grâce à la contraction cyclique de la musculature lisse répartie le long du tractus digestif.
Plusieurs facteurs, électriques, hormonaux, vasculaires, ainsi que le contenu du tractus digestif, peuvent moduler la progression des aliments, expliquant le grand nombre de situations pathologiques responsables d’un syndrome occlusif. Cependant, la cause la plus fréquente est l’occlusion intestinale par obstacle mécanique, soit par bride, soit par tumeur. L’occlusion est responsable d’une stase de liquide digestif en amont de l’obstacle et d’une ischémie pariétale qui entraîne une augmentation de la perméabilité capillaire et qui peut se compliquer par une perforation digestive.
La séquestration liquidienne pourra être responsable de profonds désordres volémiques et hydroélectrolytiques, pouvant compromettre l’état hémodynamique et altérer la fonction respiratoire. Ainsi, selon la cause, la localisation, la durée d’évolution et le terrain sur lequel survient le syndrome occlusif, tous les intermédiaires clinicobiologiques sont possibles entre une simple douleur abdominale et un choc septique par perforation digestive avec défaillance multiviscérale. Le diagnostic clinique peut être complété par l’imagerie, en particulier la tomodensitométrie abdominale, qui permet d’apporter des éléments d’orientation étiologique et éventuellement des signes de tolérance digestive. Le traitement étiologique est dépendant de la cause. Le plus souvent, les occlusions d’origine mécanique ont recours à un traitement chirurgical, les autres, à un traitement médical. Les répercussions générales, en particulier les troubles hydroélectrolytiques doivent être pris en charge précocement.
Mots clés : Occlusion intestinale ; Iléus ; Cancer digestif ; Hypovolémie ; Troubles hydroélectrolytiques ,Ambulance Tunisia Taysir.
·
Physiopathologie
et causes du syndrome occlusif
·
Diagnostic du
syndrome occlusif
·
Traitement du syndrome
occlusif
Introduction
Le syndrome occlusif est défini par un arrêt du transit du contenu intestinal.Plusieurs causes peuvent en être responsables, même si la cause principale reste l’obstacle mécanique, soit par bride,
soit par cancer.Le traitement est le plus souvent chirurgical.Dans les autres situations, sans obstacle, le traitement peut être médical.Quel que soit le type de traitement, les conséquences générales, en particulier métaboliques, doivent être recherchées pour être prises en charge précocement.
Physiopathologie de la motricité gastro-intestinale
Rappels physiologiques de la motricité gastro-intestinale
De la face externe vers la lumière de l’intestin, les différentes couches de la paroi intestinale sont composées (Tableau 1) :
• d’une couche musculaire longitudinale ;
• d’une couche musculaire circulaire ;
• de la sous-muqueuse ;
• de la muqueuse, qui est le siège de la muscularis mucosae, une fine couche de fibres musculaires lisses.
La motricité intestinale est assurée par des contractions coordonnées des deux couches musculaires lisses, longitudinales et circulaires. Ces couches musculaires, organisées en syncytium, sont interconnectées par des gap junctions qui permettent unpassage, sous faible résistance, des ions d’une cellule à l’autre, facilitant ainsi la circulation du signal électrique [1].
Système nerveux
Le potentiel de membrane des cellules musculaires lisses est caractérisé par des variations cycliques de deux types d’ondes [1].
Ondes lentes
Ce sont des variations du potentiel de repos membranaire dont la fréquence, comprise entre trois et douze par minute, dépend de la localisation sur le tractus digestif. La fréquence est d’autant plus élevée que la localisation est basse. Ces ondes contrôlent l’apparition des potentiels de pointes qui sont à l’origine des contractions musculaires.
Potentiels de pointes
Ce sont des potentiels d’action. Ils naissent au sommet des ondes lentes et sont responsables de la contraction musculaire.
Tout au long du tractus digestif, la paroi intestinale est contrôlée par un système nerveux intrinsèque ou entérique, composé du plexus myentérique, ou plexus d’Auerbach, et du plexus sous-muqueux, ou plexus de Meissner. Ce système nerveux intrinsèque est contrôlé par le système nerveux extrinsèque composé des systèmes sympathique et parasympathique. Par ailleurs il existe des fibres nerveuses afférentes naissant de l’épithélium luminal et de la paroi intestinale, qui ont des connexions avec le système nerveux intrinsèque et extrinsèque [1, 2] (cf. Tableau 1).
Système nerveux intrinsèque
Il est aussi nommé entérique et a deux composantes (cf. Tableau 1 ).
Plexus myentérique ou plexus d’Auerbach
Ce réseau nerveux est situé entre les deux couches musculaires longitudinale externe et circulaire interne. La disposition de ce plexus est longitudinale, et il s’étend tout le long de la paroi intestinale. Il est impliqué dans le contrôle de l’activité motrice du tractus digestif.
Plexus sous-muqueux ou plexus de Meissner
Il est situé dans la couche sous-muqueuse de l’intestin. Son action est plus localisée par rapport au plexus d’Auerbach, et il intervient dans la régulation des sécrétions gastro-intestinales et du débit sanguin local.
Ces plexus sont composés de neurones :
• adrénergiques, dont le neurotransmetteur (la noradrénaline) a une activité inhibitrice de l’activité intestinale ;
• cholinergiques, qui augmentent l’activité gastro-intestinale grâce à l’acétylcholine ;
• non-adrénergiques non-cholinergiques, qui comprennent de nombreux neurotransmetteurs (adénosine, tryptophane, sérotonine, etc.) excitateurs ou inhibiteurs.
Système nerveux extrinsèque
Système sympathique
L’innervation sympathique naît du plexus coeliaque (estomac, intestin grêle) et des plexus mésentériques. Elle est distribuée uniformément à l’ensemble du tractus digestif. Les terminaisons nerveuses sécrètent de la noradrénaline.
L’activité alphaadrénergique prédomine sur l’activité bêta-adrénergique. La stimulation adrénergique a une activité inhibitrice de la motricité digestive et de renforcement du tonus des sphincters, soit par un effet direct de la noradrénaline sur le muscle lisse, soit par une inhibition du système nerveux autonome [3].
Système parasympathique
Il est principalement constitué du nerf vague, qui assure l’innervation de l’oesophage, l’estomac, la première moitié du côlon, et du nerf pelvien pour le côlon descendant. Le neuromédiateur, l’acétylcholine, entraîne une augmentation de la motricité intestinale et un relâchement sphinctérien [3].
Fibres nerveuses afférentes
Les cellules du tractus digestif sont le siège de nombreuses fibres afférentes sensibles à des stimulations physiques, chimiques ou biologiques. Ces fibres sont les composantes afférentes des arcs réflexes gastro-intestinaux localisés à l’intérieur du système nerveux intrinsèque, qui passent par les ganglions prévertébraux, la moelle épinière ou le tronc cérébral (cf. Fig. 1).
Système hormonal
L’activité motrice des hormones et des neuropeptides est faible par rapport à leur activité sur la sécrétion intestinale.
Leurs activités sont souvent locales et leurs effets vont dépendre des zones stimulées. Ainsi la cholécystokinine, sécrétée par la muqueuse jéjunale en présence de substances graisseuses dans la lumière digestive, va entraîner une augmentation de la vidange vésiculaire et une inhibition de la motilité gastrique. La motiline favorise la vidange gastrique. Si de nombreuses substances ont été identifiées, leur rôle physiologique n’a pas toujours été retrouvé [3].
Contenu endoluminal
Une part importante de la motricité digestive est due à la stimulation locale de récepteurs placés le long du tractus digestif et qui sont sensibles à différents types de stimuli (volume, nature, osmolarité, etc.).
Circulation splanchnique
Dans les situations normales, le débit sanguin intestinal n’intervient pas dans la régulation de la motilité intestinale. Le débit sanguin mésentérique est autorégulé pour maintenir les débits régionaux à un niveau optimal. Cependant, en cas de diminution du débit sanguin, que ce soit pour des raisons générales (baisse du débit cardiaque, baisse de la pression de perfusion tissulaire) ou locales (thromboses, emboles), la diminution de l’apport d’oxygène à la paroi digestive entraîne celle de la motricité intestinale, temporaire si la cause est rapidement traitée, définitive sinon.
Physiopathologie et causes du syndrome occlusif
L’occlusion intestinale est définie par un arrêt du transit intestinal responsable d’un arrêt des matières et des gaz. Il en résulte une distension intestinale en amont de l’obstacle.
L’origine peut être mécanique par un obstacle intra- ou extraluminal, ou fonctionnelle, sans obstacle apparent.
Physiopathologie
Quelle que soit l’origine de l’occlusion, mécanique ou fonctionnelle, la paroi intestinale est le siège d’une désynchronisation de l’activité musculaire responsable de l’arrêt du transit intestinal. Progressivement,
en amont de la zone occluse, il se produit une dilatation intestinale en réponse à une réaction inflammatoire pariétale.La dilatation intestinale entraîne une stase digestive responsable de troubles hydroélectrolytiques, d’une augmentation de la pression intra-abdominale et d’une pullulation microbienne, qui est une des conditions favorisant la translocation bactérienne [4].
Désordres hydroélectrolytiques
La séquestration liquidienne a lieu dans la lumière digestive en raison de l’obstacle, mais aussi dans la paroi en réponse à l’augmentation de la perméabilité capillaire. La séquestration pariétale est d’autant plus importante que les phénomènes inflammatoires sont importants et que l’occlusion fait suite à un obstacle mécanique [5].
La séquestration liquidienne peut être responsable de profonds désordres volémiques et hydroélectrolytiques, et contribue à augmenter la pression intraabdominale.
Plus tardivement, les pertes d’eau deviennent proportionnellement plus importantes que les pertes de sodium, conduisant alors au tableau de déshydratation intracellulaire (hypernatrémie).
Dans les occlusions basses, les troubles hydroélectrolytiques sont plus complexes à interpréter et dépendent surtout du délai de prise en charge, de la présence de diarrhée et d’une aspiration digestive. L’anomalie la plus fréquente est donc une déshydratation extracellulaire associée à une acidose métabolique.
Translocation bactérienne
La translocation bactérienne est discutée dans les phénomènes occlusifs. Elle est un phénomène nécessaire pour la maturation du système immunitaire mais, en cas de situations pathologiques, peut surcharger le système lymphatique etveineux [6] et être responsable d’un tableau de défaillance multiviscérale. L’occlusion intestinale représente une de ces situations, puisque les trois conditions nécessaires à la translocation peuvent être réunies et favoriser le passage de microorganismes vivants (bactéries, levures) ou de fragments de micro-organismes, à travers la paroi intestinale vers les ganglions lymphatiques.
Déséquilibre de la flore intestinale avec pullulation bactérienne
La croissance bactérienne est favorisée par la réduction de l’acidité gastrique, la diminution de la motricité digestive, et l’augmentation du temps de transit intestinal [7]. Il existe une corrélation positive entre le nombre de colonies bactériennes dans la lumière digestive et la concentration de ces dernières dans les ganglions lymphatiques. La concentration bactérienne augmente progressivement et s’équilibre avec la concentration juste en amont de l’obstacle.
Lésion de la barrière muqueuse intestinale
Bien que la translocation bactérienne puisse survenir à travers une barrière muqueuse intacte, la translocation est favorisée en cas d’altération de celle-ci. Les conditions d’hypoperfusion locale par un état de choc ou l’utilisation de catécholaminessont des situations reconnues comme favorisant les altérations de la muqueuse.
Troubles de la défense immunitaire
Les troubles de la défense immunitaire (troubles de la fonction cellulaire T et diminution des immunoglobulines A digestives) favorisent la translocation bactérienne [7].
Augmentation de la pression intra-abdominale
L’augmentation
de la pression intra-abdominale,secondaire à la séquestration liquidienne,est en grande partie responsable des dysfonctions d’organe rencontrées dans le syndrome occlusif [8].
La pression intra-abdominale, mesurée par sonde vésicale, est nulle, voire modérement augmentée en cas d’efforts de la vie quotidienne. Elle est considérée comme anormalement élevée à partir d’un seuil variant entre 12 et 20 cmH2O.
Récemment, il a été établi qu’une augmentation de la pression intra-abdominale est compliquée d’un syndrome du compartiment intra-abdominal en cas d’augmentation brutale de la pression au-delà de 20 cmH2O [9].
Au-delà de 20 à 40 cmH2O de pression intra-abdominale, la perfusion des organes intra-abdominaux diminue. Cette hypoperfusion tissulaire est d’autant plus prononcée en cas d’hypovolémie préexistante ou d’administration de catécholamines.
L’augmentation de la pression intra-abdominale est transmise à la cavité thoracique et limite la course diaphragmatique, diminuant la compliance pulmonaire, et favorise ainsi la constitution d’un effet shunt [10]. Sur le plan cardiovasculaire, l’augmentation de la pression intrathoracique entraîne une diminution du retour veineux et une diminution de la contractilité myocardique conduisant à une diminution du débit cardiaque [11].
La diminution du débit cardiaque, l’augmentation de la pression intra-abdominale, mais aussi la participation de facteurs endocriniens (hyperactivité sympathique et augmentation de la sécrétion d’hormone antidiurétique) concourent à diminuer le débit de filtration glomérulaire et à altérer la fonction rénale [12].
Enfin, l’hyperpression intra-abdominale peut être responsable d’une augmentation de la pression intracrânienne par diminution du retour veineux dans la veine cave supérieure [13].
Causes
Occlusions par obstacle
Les principales causes sont rassemblées dans les Tableaux 2–3.
En fonction des séries de la littérature, la fréquence des occlusions intestinales varie de 60 % à 80 % pour les occlusions du grêle, et de 20 % à 40 % pour les occlusions coliques [14, 15]. Occlusions par obstacle intrapariétal
Au niveau de l’intestin grêle
Tumeurs bénignes. Elles sont rarement révélées par un syndrome occlusif. Il s’agit de léiomyomes, lipomes ou de tumeurs neurogènes [15].
Tumeurs malignes. Elles sont responsables d’environ 15 % des occlusions du grêle. Il s’agit d’adénocarcinomes, de carcinoïdes du grêle ou de lymphomes. Les localisations secondaires tumorales sont plus fréquemment responsables d’occlusion intestinale que les tumeurs primitives [15].
Sténoses pariétales. Les sténoses d’origine cicatricielle (grêle radique) sont souvent responsables d’épisodes occlusifs chroniques. Les sténoses de nature inflammatoire sont principalement représentées par la maladie de Crohn. Son incidence européenne annuelle est de 5,6 pour 100 000 habitants avec une fréquence, plus importante au Nord qu’au Sud (respectivement 7,0 et 3,9 pour 100 000 habitants) [16]. Une complication occlusive de l’intestin grêle survient chez 33 % des patients atteints de cette maladie. Une cause rare est la sténose tuberculeuse.
Au niveau du côlon et du rectum
Cancer du côlon. C’est la cause la plus fréquente d’occlusion colique (70 %) et, dans environ 20 % des cas, il est révélé par un syndrome occlusif [14]. Dans deux tiers des cas, la localisation est colique gauche [15].
Maladies inflammatoires. La sigmoïdite diverticulaire dans sa forme pseudotumorale ou la rectocolite ulcérohémorragique sont rarement responsables d’occlusion intestinale.
Occlusions par obstacle intraluminal
Au niveau de l’intestin grêle
lléus biliaire. C’est une cause d’occlusion classique mais rare de l’intestin grêle. Il fait suite à la migration d’un volumineux calcul biliaire par une fistule cholécystoduodénale.
Phytobézoard. Il s’agit d’une concentration alimentaire qui se forme dans l’estomac, en particulier lorsqu’il existe une stase gastrique.
Corps étranger. Il est souvent ingéré de façon accidentelle (prothèses dentaires), mais aussi intentionnelle chez les patients atteints de troubles psychiatriques ou dans le cadre d’automutilation.
Plus que le risque obstructif, le danger est représenté par le traumatisme direct qu’il peut produire.
Ascaridiose. Il s’agit d’une parasitose, due à Ascaris lumbricoides, qui, en grande quantité, peut être responsable d’occlusion de l’iléon terminal.
Au niveau du côlon et du rectum
Les corps étrangers sont les principales causes d’obstacle intralunimal avec les fécalomes.
Occlusions par obstacle extraluminal
On peut distinguer deux types d’occlusion par obstacle extraluminal : les occlusions par strangulation, de loin les plus fréquentes et les compressions extraluminales.
Occlusions par strangulation
Occlusions sur brides ou adhérences péritonéales. Elles siègent le plus fréquemment au niveau du grêle où elles représentent la cause la plus fréquente des occlusions du grêle et deux tiers des occlusions intestinales. Leur origine est le plus souvent postopératoire, mais peut être aussi inflammatoire ou traumatique [17].
Volvulus. Ils siègent dans 80 % des cas au niveau du côlon pelvien et sigmoïde. Leur formation est favorisée par un dolichosigmoïde. Au niveau du côlon droit, un volvulus peut survenir en cas d’obstacle en aval d’un côlon droit mobile. Les volvulus du côlon transverse sont exceptionnels.
Hernies externes étranglées. Au niveau de l’intestin grêle il peut s’agir d’une hernie inguinale, crurale, ou ombilicale, et moins fréquemment d’une hernie diaphragmatique. Au niveau du côlon, de rares cas de hernies diaphragmatiques ont été décrits.
Hernies internes étranglées.
Elles sont la conséquence du passage d’un segment intestinal dans un orifice congénital ou créé par un montage chirurgical.
Invaginations intestinales.
Elles sont assez rares chez l’adulte, et sont souvent la conséquence d’une lésion organique (tumeur, adénopathie, diverticule de Meckel).
Chez le nourrisson, l’invagination intestinale aiguë du grêle est une occlusion associant strangulation et obstruction.
Compressions extraluminales de l’intestin
Les compressions extraluminales siègent le plus souvent au niveau de l’intestin grêle. Les causes les plus fréquentes sont la carcinose péritonéale, la compression par une tumeur de voisinage ou un abcès. La traduction clinique est souvent une occlusion chronique.
Occlusions sans obstacle apparent
Les principales causes des occlusions sans obstacle apparent sont résumées dans le Tableau 4.
Iléus induit par une cause digestive
Présence d’une pathologie infectieuse intra-abdominale.
Dans ce cas il se produit un iléus réflexe au contact du foyer infectieux qui, en l’absence de prise en charge, pourra s’étendre à l’ensemble du tractus digestif constituant une occlusion fébrile [15] :
• appendicite aiguë en particulier dans sa forme mésocoeliaque ;
• collections infectées intra-abdominales et péritonites ;
• cholécystite aiguë ;
• pathologie gynécologique infectieuse.
Présence d’une pathologie inflammatoire du tube digestif.
Il peut aussi s’agir d’occlusions fébriles dans le cadre de maladie de Crohn ou des autres maladies inflammatoires.
Présence d’une pathologie vasculaire. L’iléus est la conséquence d’une pathologie vasculaire ischémique [18] :
• ischémie mésentérique artérielle ou infarctus veineux mésentérique qui vont compromettre la vascularisation d’une zone plus ou moins importante de la paroi digestive. ;
• fissuration d’un anévrisme de l’aorte abdominale ;
• dissection aortique.
Présence d’une agression intrapéritonéale.
• Chimique en cas d’ulcère perforé, de péritonite biliaire, s’il y a présence de sang dans la cavité péritonéale.
• Due à une chimiothérapie intrapéritonéale.
• Inflammatoire lors de la présence de coulées de nécrose pancréatique en cas de pancréatite aiguë.
Iléus non induit par une cause digestive
Causes réflexes.
• Colique néphrétique.
• Torsion de kyste de l’ovaire.
• Hématome rétropéritonéal.
• Pneumopathie aiguë, infarctus du myocarde.
Causes médicamenteuses ou métaboliques.
• Morphiniques, neuroleptiques, etc.
• Hypokaliémie, hypomagnésémie, saturnisme.
Iléus postopératoire
L’iléus postopératoire est défini comme un arrêt des matières et des gaz dans les suites d’un geste chirurgical. La reprise de la motricité intestinale est différente en fonction du segment considéré. Elle débute entre la 4e et 24e heure postopératoire pour l’intestin grêle, à partir de la 24e à la 48e heure postopératoire pour l’estomac et de la 48e à la 72e heure pour le côlon [19, 20].
Principales causes de l’iléus postopératoire
Plusieurs mécanismes physiopathologiques sont impliqués dans l’iléus postopératoire. La stimulation nociceptive est responsable de la mise en jeu d’une augmentation de la stimulation sympathique, d’une diminution de la stimulation parasympathique et de la mise en jeu de réflexes locaux inhibiteurs.
Les morphiniques, exogènes (utilisés pour l’anesthésie et l’analgésie postopératoire), ou endogènes (enképhalines, endomorphine, dynorphine), contribuent à augmenter la durée de l’iléus postopératoire. L’action des morphiniques passe par la stimulation des récepteurs mu, kappa et delta digestifs situés à différents niveaux du tractus digestif, et kappa centraux [22].
D’autres mécanismes d’action restent à préciser [23].
En association avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les effets des morphiniques sur l’iléus sont diminués [24]. Les morphiniques administrés par voie péridurale ne diminuent pas la durée de l’iléus postopératoire [25].
Le blocage de la stimulation sympathique par anesthésie médullaire diminuerait la durée de l’iléus postopératoire de chirurgie digestive [20, 26, 27].Les autres médicaments de l’anesthésie n’ont pas d’effet majeur sur l’iléus postopératoire. Le propofol ne semble pas avoir d’effet sur la motilité intestinale, contrairement au thiopental, qui l’augmente au niveau duodénojéjunal. Les halogénés ont un effet inhibiteur du transit intestinal qui cesse lors de l’arrêt de leur administration. Le protoxyde d’azote entraîne une distension intestinale et pourrait contribuer à l’iléus postopératoire.
L’impact de la voie d’abord chirurgicale est discuté. La durée de l’iléus postopératoire est diminuée en cas de chirurgie colorectale coelioscopique par rapport à la laparotomie [28], vraisemblablement par une diminution de la réponse inflammatoire [29]. La motricité gastrique ne semble pas impliquée dans la reprise plus rapide du transit en cas de chirurgie coelioscopique [30]. Cependant, lors de la chirurgie coelioscopique, la douleur postopératoire est moindre, la reprise de l’alimentation plus précoce et la mobilisation plus rapide.
Le volume du remplissage vasculaire administré durant la période périopératoire influence la durée de l’iléus postopératoire. Chez des patients devant subir une colectomie [31], un travail randomisé a montré qu’une administration de moins de 2 litres de sérum physiologique dans la période postopératoire par rapport à un apport standard (supérieur à 3 litres) permettait une reprise du transit intestinal plus rapide (respectivement, médiane égale à 4 versus 3 jours) [31]. Ces résultats étaient confirmés dans un autre travail portant sur un collectif plus important de patients randomisés pour recevoir, durant une chirurgie abdominale majeure, un apport liquidien soit de 10 ml.kg–1.h–1 puis 12 ml.kg–1.h–1 (groupe contrôle, n = 75) soit de 4 ml.kg–1.h–1 (groupe restrictif, n = 77). Le résultat principal était une diminution de survenue de complications postopératoires dans le groupe restrictif (n = 13 versus 23) et une diminution de la durée de l’iléus postopératoire (médiane égale à 3 versus 4 jours ) [32]. Dans la chirurgie vésiculaire par coelioscopie, une administration de 15 ml.kg–1versus 40 ml.kg–1 de Ringer-lactate permettait une diminution des nausées et des vomissements postopératoires et une amélioration du confort général, bien que cet objectif soit difficile à caractériser.
Les rôles de l’alimentation entérale et de la sonde nasogastrique dans la durée de l’iléus postopératoire sont débattus [19].
Une méta-analyse incluant 3 964 patients (36 études) de chirurgie digestive retrouvait que la présence de la sonde nasogastrique postopératoire n’influençait pas la durée de l’iléus postopératoire mais que son maintien était responsable d’un nombre plus important d’épisodes fébriles, d’atélectasies et de survenue de pneumopathies postopératoires.Certains travaux ont montré que le retrait précoce de la sonde nasogastrique et la reprise d’alimentation entérale étaient bien tolérés, mais que la durée de l’iléus postopératoire n’était pas modifiée [33]. Dans les suites de chirurgie gynécologique carcinologique, la reprise précoce de l’alimentation entérale diminue la durée de l’iléus postopératoire [34].
L’immobilisation prolongée en postopératoire augmente la durée de l’iléus [35].
D’autres facteurs plus généraux interviennent dans le déterminisme du transit intestinal postopératoire, tels que l’âge, l’état nutritionnel, les désordres hydroélectrolytiques, la survenue de complications [20].
Complications occlusives postopératoire précoces
La distinction entre un iléus postopératoire prolongé et la survenue d’une complication postopératoire précoce n’est pas toujours aisée.
Le syndrome occlusif postopératoire précoce [36] est défini comme étant la constitution, dans les 30 jours suivant une chirurgie abdominale digestive [37] ou vasculaire [38], d’un syndrome occlusif localisé à l’intestin grêle, le transit intestinal étant redevenu normal dans les suites de l’intervention. Son incidence varie entre 0,7 et 9,5 % en cas de laparotomie ; elle est de moins de 1 % en cas de coeliochirurgie [39]. La cause principale est représentée par les adhérences précoces (70 à 90 % des cas) [37, 40]. Le rôle d’un déséquilibre entre la formation de fibrine et la fibrinolyse postopératoire est considéré comme le principal facteur favorisant ces adhérences [36]. Les hernies internes postopératoires sont également responsables de syndrome occlusif, mais avec une fréquence de survenue beaucoup plus faible (18 patients sur 1 061 dans les suites de chirurgie carcinologique majeure [41]).
Les complications infectieuses à type d’abcès postopératoires ou de péritonites ont une fréquence de survenue variable en fonction du type de chirurgie, du terrain et de la localisation.
La fréquence des péritonites postopératoires se situe entre 1 et 25 % dans la chirurgie colique. Une prise en charge optimale doit être mise en oeuvre dans le but de faire diminuer le taux de mortalité élevé de cette complication, actuellement estimé à près de 50 % des cas [36, 42].
Les autres causes sont représentées pas les invaginations intestinales postopératoires, les hématomes de paroi ou du mésentère [36].
Colectasie aiguë idiopathique
La colectasie aiguë idiopathique, ou syndrome d’Ogilvie, correspond à une dilatation de l’ensemble du côlon [43], sans cause organique retrouvée. L’origine physiopathologique est vraisemblablement un déséquilibre entre le tonus sympathique et parasympathique [43]. Ce syndrome a été décrit dans des situations aussi différentes que l’utilisation de médicaments [23] lors d’une ischémie digestive [18] ou en cas de syndrome infectieux [44]. Le syndrome d’Ogilvie a aussi été décrit en postopératoire de chirurgie digestive, cardiaque, gynécologique ou orthopédique [45]. Son incidence est faible, moins de 1 % dans les suite de chirurgie orthopédique, et mal précisée dans les autres grandes séries [45]. Le risque de perforation colique spontanée est de 3 %, entraînant une mortalité de 50 % [46].
Tableau 1.
Principales caractéristiques du système nerveux.
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Système nerveux extrinsèque
| ||
Système nerveux sympathique
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Naît du plexus coeliaque et du plexus mésentérique ; réparti sur l’ensemble du tube digestif
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La stimulation entraîne une inhibition de la motricité intestinale et une augmentation du tonus des sphincters
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Système nerveux parasympathique
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Naît du nerf vague (innervation de l’oesophage au côlon) et du nerf pelvien (innervation du côlon descendant
|
La stimulation entraîne une augmentation de la motricité intestinale et un relâchement du tonus des sphincters
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Système nerveux intrinsèque ou entérique
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Plexus myentérique
Plexus externe
Plexus d’Auerbach
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Répartition linéaire, tout le long du tube digestif ; localisés entre les couches musculaires longitudinales et circulaires
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Impliqués dans la motricité gastro-intestinale La stimulation entraîne une augmentation du péristaltisme
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Plexus sous-muqueux
Plexus de Meissner
|
Disposés dans la sous-muqueuse
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Impliqués dans la sécrétion gastro-intestinale et du débit sanguin local
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Tableau 2.
Principales causes des occlusions par obstacle.
| |
Obstacle intrapariétal
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Intestin grêle
|
Côlon-rectum
|
Tumeurs bénignes
|
Tumeurs malignes
|
Tumeurs malignes
|
Sigmoïdites
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Sténoses
Hématomes
Obstacle intraluminal
| |
Intestin grêle
|
Côlon-rectum
|
Iléus biliaire
|
Corps étranger
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Phytobézoard
Corps étranger
Ascaridiose
Obstacle extraluminal
Strangulation
| |
Intestin grêle
|
Côlon-rectum
|
Brides, adhérences
|
Volvulus
|
Hernies étranglées
Invagination intestinale
Compression extraluminale
| |
Intestin grêle
|
Côlon-rectum
|
Carcinose péritonéale
|
Tableau 3.
Fréquence de survenue des occlusions par obstacle
| |||
Intestin grêle :
60 % - 80%
|
Fréquence
|
Côlon – rectum :40 % - 20%
|
Fréquence
|
Brides, adhérences
|
50 % des occlusions du grêle
|
Cancer
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70 % des occlusions coliques
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Tumeurs (principalement secondaires)
|
16 % des occlusions du grêle
|
Sigmoïdites
|
10 % des occlusions coliques
|
Étranglement herniaire
|
15 % des occlusions intestinales
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Fécalomes
|
5 % des occlusions coliques, surtout chez le sujet âgé
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Maladies inflammatoires
|
33 % des patients atteints de maladie de Crohn
|
Volvulus
|
10 % des occlusions intestinales
|
Tableau 4.
Principales causes des occlusions sans obstacle apparent.
| |
Iléus induit par une cause digestive
| |
Pathologies infectieuses intraabdominales
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Appendicite
Collections infectées, péritonites
Cholécystite aiguë
Pathologie gynécologique infectieuse
|
Pathologies inflammatoires
|
Maladie de Crohn
Autres maladies inflammatoires
|
Pathologies vasculaires ischémiques
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Ischémie artérielle ou veineuse
Fissuration d’un anévrisme de
l’aorte
Dissection aortique
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Agression intrapéritonéale
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Chimique : ulcère perforé, péritonite
biliaire
Chimiothérapie intra-abdominale
Pancréatite aiguë
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Iléus non induit par une cause digestive
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Causes réflexes
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Colique néphrétique
Torsion de kyste de l’ovaire
Hématome rétropéritonéal
Pneumopathie aiguë, infarctus du
myocarde
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Causes médicamenteuses
ou métaboliques
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Morphiniques, neuroleptiques
Hypokaliémie, hypomagnésémie,
saturnisme
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Diagnostic du syndrome occlusif
Diagnostic du syndrome occlusif
Clinique
Le diagnostic de l’occlusion intestinale est clinique [47].
Il est posé devant la triade associant douleur abdominale, vomissement, et arrêt des matières et des gaz. La douleur abdominale est paroxystique dans 50 % des cas, soulagée dans 30 % des cas par des vomissements qui sont d’autant plus précoces que l’obstacle est haut situé. Ceux-ci sont d’abord alimentaires, puis bilieux et enfin, au stade tardif, fécaloïdes. L’examen clinique retrouve un silence auscultatoire qui est pathognomonique de l’arrêt des matières et des gaz.
Il existe, dans 50 % des cas, une distension abdominale qui se traduit par un tympanisme à la percussion [47].
L’examen est par la suite orienté sur la recherche d’éléments étiologiques (cicatrice abdominale, palpation des orifices herniaires) et de signes de mauvaise tolérance (état de choc, déshydratation).
Imagerie
Radiographie de l’abdomen sans préparation
La radiographie de l’abdomen sans préparation (ASP) est l’examen radiographique demandé de première intention. La sensibilité varie entre 30 % et 90 % en fonction du délai de réalisation, de la localisation et du type d’occlusion. Une occlusion très proximale peut ne pas avoir de traduction radiologique [48], ce qui peut conduire à une erreur diagnostique dans 20 % à 40 % des cas [48].
L’ASP comporte un cliché debout de face et couché de profil.
Si le patient ne peut tenir debout, seul un cliché de profil en décubitus latéral gauche est réalisé. Les différents éléments à rechercher sont les suivants :
• au niveau de l’intestin grêle : (Fig. 2) : C la présence anormale d’air dans l’intestin au niveau central (l’intestin grêle ne contenant pas d’air en position normale), C des niveaux hydroaériques, plus larges que hauts, C une dilatation intestinale ;
• au niveau colique : (Fig. 3) : C une dilatation du cadre colique, en amont de l’obstacle (> 5 cm pour le sigmoïde, > 10 cm pour le cæcum), C des niveaux hydroaériques qui, lorsqu’ils sont présents, sont plus hauts que larges.
La recherche de signes d’occlusion intestinale doit être complétée par la recherche de pneumopéritoine (présence d’air libre entre le foie et le diaphragme) sur ces différents clichés ainsi que sur des clichés centrés sur les coupoles diaphragmatiques.
Radiographies après opacification digestive
Au niveau de l’intestin grêle, une meilleure qualité d’exploration peut être obtenue par l’ingestion de produit de contraste soit par la bouche, transit du grêle, soit par une sonde entérale, entéroclyse. Ces examens ne sont pas adaptés aux contextes d’urgence car ils nécessitent l’absorption d’une quantité importante de produit de contraste ou l’introduction d’une sonde entérale [49]. Même s’ils sont de plus en plus suppléés par l’analyse scanographique de l’intestin, ces examens gardent une indication dans le cadre des occlusions chroniques si une information dynamique sur le péristaltisme doit être obtenue, ou si une analyse muqueuse fine est nécessaire [50].
Un lavement au produit de contraste hydrosoluble peut être indiqué en cas d’occlusion colique. Il permet de confirmer le niveau et le degré d’obstruction [51] (Fig. 4). Ces indications préférentielles restent les situations où la part entre une occlusion mécanique ou fonctionnelle est difficile à faire, ou dans les occlusions intestinales récidivantes [51].
Tomodensitométrie
Les progrès techniques font du scanner un instrument indispensable dans la démarche diagnostique de l’occlusion intestinale [52, 53]. Les nouveaux appareils, qui contiennent des multidétecteurs, permettent une augmentation des vitesses d’acquisition des images autorisant la réalisation de coupes inférieures au millimètre, laissant la possibilité de réaliser des reconstructions dans tous les plans de l’espace. L’analyse de l’intestin peut aussi être optimisée par la distension des anses digestives à l’aide de produit de contraste, l’entéroscanner [50].
La sensibilité diagnostique de cet examen est de l’ordre de 90 %, et la cause est retrouvée dans 70 à 95 % des cas [52, 53].
Au niveau de l’intestin grêle [49, 53] (Fig. 5), les brides etadhérences, principales causes d’occlusion intestinale, sont diagnostiquées devant une modification du diamètre de l’intestin réalisant un aspect zone dilatée/zone plate, sans lésion tumorale, d’épaississement de la paroi ou de lésion inflammatoire au niveau de cette zone de transition (Fig. 6).
La localisation de la zone occluse et la présence de vaisseaux mésentériques dans la zone de transition aidera à faire la distinction entre une adhérence et un volvulus. Les hernies externes doivent être évoquées devant l’issue d’intestin grêle par les orifices herniaires.
Les hernies internes sont plus rares et surviennent principalement dans la période postopératoire. Plus rarement, un defect congénital du mésocôlon descendant peut être responsable d’une hernie paraduodénale gauche.
Les tumeurs du grêle sont diagnostiquées devant la présence d’un syndrome tumoral associé ou non à un épaississement de la paroi digestive.Les maladies inflammatoires de l’intestin grêle (maladie de Crohn) peuvent être responsables de lésions obstructives diagnostiquées devant une augmentation de l’épaisseur de la paroi iléale qui est oedématiée, hypervascularisée avec une infiltration de la graisse. En regard d’un foyer infectieux ou inflammatoire (appendicite, pancréatite), le scanner peut détecter une zone d’occlusion. L’occlusion intestinale secondaire à une ischémie mésentérique est évoquée devant des images de dilatation intestinale, sans prise decontraste de la paroi digestive, associées à une pneumatose, voire une aérobilie, et des anomalies vasculaires des vaisseaux mésentériques (Fig. 7). Le scanner peut aider au diagnostic desautres causes plus rares d’occlusion du grêle (hémorragies, corps étrangers, etc.).
Au niveau du côlon [52], le cancer du côlon représente une des principales causes d’occlusion. L’examen scanographique précise son siège, l’importance de la dilatation en amont, en particulier coecale, et l’extension. Le volvulus est reconnu devant des images où l’on peut visualiser le pied de l’anse du segment digestif intéressé (en général le côlon sigmoïde) avec une image en bec d’oiseau. Le syndrome d’Ogilvie est défini parune distension de la totalité du côlon qui est sain sans obstacle intraluminal. Une dilatation du grêle est souvent associée et le risque de perforation caecale est élevé. Ce diagnostic n’est porté que devant l’absence de cause retrouvée, en particulier obstructive.
Enfin, le scanner peut visualiser un corps étranger ou un fécalome responsable de syndrome occlusif. Imagerie par résonnance magnétique (IRM) Non encore utilisées en routine et non adaptées à l’urgence, l’IRM et l’entéro-IRM commencent à trouver une place dans l’évaluation des occlusions intestinales chroniques, des pathologies vasculaires, et la surveillance de maladies inflammatoires [54].
Particularités diagnostiques
Siège de l’occlusion
La présentation clinique peut être différente en fonction du siège de l’occlusion [47]. Les occlusions du grêle sont caractérisées par des vomissements précoces et un arrêt tardif des gaz. Le météorisme abdominal n’est pas majeur, les signes de déshydratation sont d’autant plus marqués que l’obstacle est haut situé.
Souvent, l’interrogatoire retrouve des épisodes subocclusifs. La présence d’une cicatrice de laparotomie ancienne oriente vers le diagnostic d’occlusion intestinale sur bride. Les occlusions coliques surviennent le plus souvent chez des patients plus âgés. La douleur est souvent d’installation progressive, les vomissements sont tardifs, l’arrêt des matières et des gaz est précoce. Le météorisme intestinal peut être très important.
Mécanisme des occlusions mécaniques
Les éléments orientant vers une origine organique ou obstructive (tumeur, bride, etc.) sont des crises douloureuses abdominales à types de coliques intermittentes laissant des périodes d’accalmie qui peuvent être suivies de débâcle de matières. Ces douleurs sont secondaires à l’hyperpéristaltisme intestinal luttant contre l’obstacle. Cet hyperpéristaltisme peut être visible sous la peau de l’abdomen et audible sous forme debruits hydroaériques. Une occlusion par strangulation (hernie, invagination, etc.) doit être suspectée devant l’apparition brutale d’une douleur abdominale qui est permanente, violente. Le météorisme abdominal n’est pas toujours présent.
Syndrome occlusif postopératoire
Le syndrome occlusif postopératoire peut être secondaire à une cause infectieuse.
Le diagnostic est alors évoqué devant l’apparition d’un syndrome occlusif associé, classiquement, à une hyperleucocytose et une hyperthermie.
Le diagnostic est plus facilement évoqué lorsqu’il existe en plus une défaillance viscérale, en particulier circulatoire ou respiratoire. Dans les situations difficiles, des marqueurs biologiques comme la C-reactive protein ou la procalcitonine ont été proposés pour aider le diagnostic, mais aucun n’est spécifique de l’infection intra-abdominale.
La tomodensitométrie abdominale, avec injection de produit de contraste, recherche la persistance
anormale d’un pneumopéritoine, la présence d’air dans la zone périanastomotique, une ou plusieurs collections intra-abdominales.
L’opacification digestive est discutée avec le chirurgien et peut aider à la mise en évidence de fistule ou d’ulcère anastomotique [42]. Au total, l’imagerie postopératoire précoce ne peut éliminer le diagnostic de complication infectieuse postopératoire précoce, même en cas de normalité de l’examen.
La distinction entre un iléus postopératoire prolongé et l’apparition d’un syndrome occlusif postopératoire précoce n’est pas toujours aisée.
L’apparition d’une douleur abdominale brutale, de vomissements et d’une constipation fait évoquer une complication occlusive d’origine mécanique telle qu’une hernie interne ou une invagination [36]. Mais le diagnostic est moins aisé lorsque la douleur abdominale et les troubles du transit sont de faible intensité ou absents. Le signe clinique le plus constant (75 à 80 % des cas) est la distension abdominale [37].
L’imagerie peut aider au diagnostic étiologique du syndrome occlusif postopératoire précoce [36, 49]. Les radiographies de l’abdomen retrouvent de l’air dans l’intestin grêle, qui est dilaté et, dans la majorité des cas, ne permettent pas de porter un diagnostic. L’examen tomodensitométrique, surtout grâce aux reconstructions multiplanaires,avec injection de produit de contraste et
éventuellement opacification digestive, peut contribuer à mettre en évidence une cause mécanique telle qu’unebride,une anse volvulée, une invagination... Dans le cas particulier de la chirurgie laparoscopique, la cause la plus fréquente du syndrome occlusif est une incarcération d’une anse digestive à travers un orifice de trocart. Sur une série de 2 652 patients [39], trois cas de syndromes obstructifs postopératoires étaient décrits. Deux cas étaient secondaires à une hernie à travers un orifice de trocart, le troisième cas était consécutif à des adhérences [39].
Dans les cas difficiles, afin de faire la distinction entre un iléus postopératoire prolongé et un syndrome occlusif postopératoire précoce, un test diagnostique et thérapeutique aux produits de contraste est proposé par certaines équipes [36, 56]. Il consiste en la réalisation d’une radiographie abdominale après ingestion de produit de contraste hydrosoluble. Une opacification colique témoigne de l’absence d’obstacle. Une cause obstructive peut être ainsi mise en évidence et, si l’obstruction n’est que partielle, l’effet hyperosmolaire du produit de contraste peut aider à résoudre l’épisode occlusif. Un examen tomodensitométrique est réalisé si les radiographies standards ne permettent pas de poser le diagnostic. Le diagnostic étiologique n’est pas toujours retrouvé.
Colectasie aiguë idiopathique
Le diagnostic de colectasie aiguë idiopathique, ou syndrome d’Ogilvie, est suspecté devant l’association d’une distension abdominale importante et de troubles du transit intestinal. Les vomissements et l’arrêt des matières et des gaz ne sont pas constants [44, 45]. Le diagnostic est confirmé sur une radiographie de l’abdomen sans préparation [57], en présence d’une distention aérique de l’ensemble du cadre colique et rectosigmoïdien, associée à une dilatation caecale de plus de dixcentimètres. Le diagnostic différentiel avec une lésion obstructive peut être obtenu grâce à un lavement baryté avec une bonne sensibilité (96 %) et une bonne spécificité (98 %) [58].
Cependant, cet examen nécessite d’être réalisé avec prudence compte tenu du risque, estimé à 2 %, de perforation caecale lors de l’introduction du produit de contraste [44]. Le diagnostic peut aussi être confirmé par colonoscopie, examen qui a de plus l’avantage de réaliser une décompression digestive. La tomodensitométrie abdominale a une bonne sensibilité (96 %) et une bonne spécificité (93 %) pour faire la distinction entre une dilatation sur obstacle ou sans obstacle [52].
Diagnostic des répercussions générales
Conséquences hydroélectrolytiques et métaboliques
Il existe de façon constante un état de déshydratation, dont l’importance est à évaluer lors de l’examen clinique. Les signes de déshydratation extracellulaire sont une sensation de soif, la présence de pli cutané, une hypotonie des globes oculaires. En cas de déshydratation intracellulaire, la sensation de soif est majorée, la langue et les muqueuses sont desséchées, il existeune polypnée, voire des troubles neurologiques à type d’obnubilation, d’irritabilité et de délire. Les examens biologiques recherchent des troubles de la natrémie, de l’osmolarité plasmatique et précisent les autres signes de déshydratation (hémoconcentration, hyperprotidémie).
La déshydratation peut se compliquer d’insuffisance rénale fonctionnelle. Cliniquement, elle se traduit précocement par une oligurie puis une anurie. Biologiquement, l’urée et la créatinine plasmatique augmentent progressivement.
Conséquences sur le système cardiovasculaire
La séquestration liquidienne dans la paroi et dans la lumière digestive est responsable d’une diminution de la volémie efficace qui se traduit par une hypotension, d’abord orthostatique puis permanente. Il est estimé que l’hypotension artérielle survient lorsque les pertes volémiques sont supérieures ou égales à 30 %.
L’hypotension est la conséquence d’une diminution du débit cardiaque par baisse du retour veineux.
La tolérance cardiovasculaire à l’hypovolémie est dépendante des antécédents cardiovasculaires et son association ou non à des complications septiques.
Complications neurologiques
Même si le tableau neurologique est rarement au premier plan, plusieurs éléments peuvent concourir à altérer la conscience.
Une douleur abdominale éreintante évoluant depuis plusieurs jours peut être responsable d’une obnubilation.
L’hypoperfusion cérébrale par déshydratation, les troubles métaboliques, l’osmolarité plasmatique [59] et éventuellement les complications infectieuses [60] peuvent, à des degrés variables,
être responsables d’anomalies des fonctions neurologiques supérieures.
Complications respiratoires
Un volumineux troisième secteur intra-abdominal peut limiter l’ampliation thoracique, entraînant une gêne respiratoire, voire décompenser une insuffisance respiratoire chronique.Une dysfonction diaphragmatique peut être associée en cas de complication infectieuse intra-abdominale [61].
Cependant, la principale complication respiratoire du syndrome occlusif reste l’inhalation du contenu gastrique, qui peut plus particulièrement se produire lors de l’induction de l’anesthésie, au moment du retrait de la sonde d’intubation, mais aussi en cas de trouble de la conscience.
Traitement du syndrome occlusif
Traitement étiologique
Traitement des occlusions par obstacle
Obstacle au niveau de l’intestin grêle
La majorité des occlusions de l’intestin grêle est liée à une bride intrapéritonéale. Le traitement chirurgical n’est pas systématique, et est dicté par les signes de mauvaise tolérance intestinale [62].
Dans un travail [62] portant sur 487 épisodes occlusifs chez 329 patients, les auteurs montrent que le traitement médical de l’épisode occlusif, c’est-à-dire mise à jeun et aspiration gastrique, permettait une diminution de la durée d’hospitalisation.
Cependant, la fréquence de récidive était plus importante (40,5 %) par rapport aux patients opérés (26,8 %), et le délai d’apparition d’un nouvel épisode occlusif était plus court, respectivement 153 versus 411 jours. La prise en charge chirurgicale consiste à lever l’obstacle sur l’intestin et à réaliser ou non une résection intestinale en fonction de sa vitalité. Une anastomose peut être pratiquée dans le même temps opératoire en l’absence de complication infectieuse [47].
Occlusions coliques
Le traitement chirurgical est l’attitude la plus décrite pour le traitement de l’occlusion colique sur cancer [47]. En cas de localisation droite, il est préconisé une colectomie droite avec anastomose en un temps ; en cas de localisation gauche, une anastomose est discutée en fonction de l’état du côlon susjacent et des conditions locales [14]. La mise en place de prothèse intratumorale est en cours d’évaluation. L’objectif est de lever l’obstacle et de réaliser un traitement palliatif ou bien de permettre une préparation colique afin de réaliser une chirurgie colique dans de bonnes conditions locales [14, 63]. Le volvulus du côlon droit nécessite un traitement chirurgical, qui consiste le plus fréquemment en une hémicolectomie droite. Le volvulus du côlon pelvien est traité, le plus souvent, par endoscopie.
Syndrome occlusif postopératoire précoce
Le traitement chirurgical ou médical est dépendant de la cause retrouvée à l’issue de la démarche diagnostique [36, 49]. En cas de diagnostic de syndrome occlusif postopératoire précoce de chirurgie laparoscopique, une reprise chirurgicale est préconisée en raison de l’incarcération, dans plus de la moitié des cas, des anses digestives dans un orifice de trocart, compromettant la vitalité digestive [39, 64].
Occlusions sans obstacle apparent
Iléus postopératoire prolongé
La cause de l’iléus postopératoire étant multifactorielle, il n’existe pas de traitement spécifique [20]. La présence de la sonde nasogastrique ne diminue pas la durée de l’iléus postopératoire, et la reprise précoce de l’alimentation entérale isolée ne diminue pas sa durée de façon cliniquement pertinente [19].
L’utilisation de morphiniques par voie parentérale augmente la durée de l’iléus contrairement à leur utilisation par voie péridurale [20]. Une approche multifactorielle semble plus efficace pour diminuer la durée de l’iléus postopératoire. Cette attitude a été évaluée dans le cadre de colectomies [65]. Dans ce travail, pendant les 48 premières heures postopératoires, tous les patients recevaient une analgésie par péridurale thoracique continue, ils n’avaient pas de sonde nasogastrique, ils étaient mobilisés à partir de la 8e heure postopératoire et l’alimentation était reprise dans les 24 heures postopératoires. Pour 57 des 60 patients étudiés, la reprise du transit intestinal était constatée dans les 48 heures postopératoires. Seuls deux patients ont présenté une fuite anastomotique [65]. Dans un autre travail [66], les auteurs ont pu montrer que la motricité gastrique de ces patients était comparable à celle des volontaires sains [66]. Ces études prospectives, mais non comparatives, nécessitent d’être validées par des travaux randomisés.
Aucun traitement prokinétique n’a actuellement montré d’efficacité sur la diminution de la durée de l’iléus postopératoire.
L’érythromycine, utilisée à de faibles doses (100 à 200 mg), augmente la vidange gastrique mais ne diminue pas la durée de l’iléus [67]. L’utilisation de la néostigmine en postopératoire est entachée du risque, certes discuté [68], de lâchage d’anastomose qui lui est attribué. Des études méthodologiquement convaincantes sont nécessaires.
Complications infectieuses postopératoires
Le traitement des complications infectieuses intra-abdominales postopératoires révélées par un syndrome occlusif n’a rien de spécifique. En fonction du délai de survenue, le traitement comporte soit une laparotomie avec prélèvements à visée microbiologique [42], soit un drainage des collections intrapéritonéales guidé par l’échographie ou la tomodensitométrie [69].
L’antibiothérapie probabiliste est secondairement adaptée aux différents prélèvements microbiologiques retrouvés, et des mesures non spécifiques de réanimation seront appliquées.
Colectasie aiguë idiopathique
Le traitement de la colectasie aiguë idiopathique repose sur la correction des facteurs favorisantcetteaffection(infection, hypovolémie,hypoxémie,troubles hydroélectrolytiques, arrêt des morphiniques)et sur l’arrêt de l’alimentation entérale. En dehors de nausées et de vomissements, le rôle d’une aspiration gastrique n’est pas démontré, compte tenu de l’absence de la dilatation gastroduodénale. Devant l’absence d’amélioration après 24 [57] à 72 heures, un traitement de décompression doit être envisagé compte tenu du risque de perforation caecale.Celui-ci est estimé à 23 % en cas de diamètre supérieur à 12 centimètres [44]. Historiquement, la valeur maximale de dilatation du caecum retenue était de 9 centimètres. L’efficacité de la néostigmine a été montrée dans des travaux non randomisés et deux études prospectives randomisés [57, 70]. Dans le travail de Ponec et al. [57], les patients étaient randomisés pour recevoir soit 2 milligrammes de prostigmine en intraveineux (11 patients), soit un placebo (dix patients). Dix patients du groupe traité et un patient du groupe contrôle ont eu une décompression colique (P < 0,001) dans une médiane de temps de 4 minutes après l’injection médicamenteuse. Chez huit patients, sept du groupe contrôle et un du groupe traité, on a dû recourir à une décompression digestive par colonoscopie,. Des effets secondaires à type de douleurs abdominales, hypersalivation, ou vomissement étaient notés chez plusieurs patients. Deux patients ont présenté une bradycardie ayant nécessité l’administrationd’atropine. Un deuxième travail [70], concernant des patients de réanimation, montrait que 11 patients sur 13, qui recevaient de la néostigmine (0,4-0,8 mg.h–1) en intraveineux continu, avaient une émission de selles dans les 24 heures.
D’autres traitements médicaux ont été proposés (érythromycine, métoclopramide, cisapride), mais aucun n’est recommandé compte tenu du manque de données dans la littérature.
La décompression par colonoscopie est proposée après échec des différents traitements médicaux. Cette procédure est techniquement difficile. De plus, le risque de perforation n’est pas nul et le bénéfice à long terme non démontré [14, 44, 46]. La prise en charge chirurgicale est indiquée en cas d’ischémie digestive ou de péritonite par perforation.
Traitement médical
Correction des défaillances d’organes
Quelle que soit la rapidité avec laquelle le traitement étiologique est mis en oeuvre, il convient de mettre en place rapidement un traitement médical adapté à la situation clinique [71].
Défaillance cardiovasculaire
Dans les cas les plus fréquents, la baisse de la volémie efficace n’est pas responsable d’une diminution du débit cardiaque ou de la pression artérielle en raison d’une hyperstimulation sympathique réactionnelle. Cependant, l’hypovolémie doit être corrigée avant l’induction de l’anesthésie, qui peut aggraver le tableau hémodynamique par diminution de la précharge cardiaque [72]. En cas de prise en charge tardive de l’occlusion, alors que la séquestration liquidienne est importante, l’hypovolémie peut être responsable d’un véritable choc hypovolémique nécessitant de procéder à une expansion volémique rapide.
Le choix du produit de remplissage peut se porter sur des cristalloïdes ou sur des colloïdes. La conférence d’experts [72] recommande, dans cette situation, l’utilisation de cristalloïdes, puisque la cause de l’hypovolémie est une perte hydrosodée, les colloïdes n’étant proposés qu’en cas de choc persistant (recommandation de grade B) [72].
L’effet du remplissage vasculaire doit être apprécié sur la clinique (pression artérielle, fréquence cardiaque, marbrures périphériques, débit urinaire) et éventuellement par des techniques plus invasives (mesure de la pression veineuse centrale, de la pression capillaire pulmonaire, doppler oesophagien, échographie cardiaque, etc.) [72]. Leur mise en oeuvre ne doit pas retarder la prise en charge chirurgicale.
Désordres métaboliques
La correction des troubles métaboliques est débutée dès la prise en charge du patient.
La déshydratation extracellulaire est la conséquence de la perte de liquides digestifs. La fuite de liquides hypotoniques peut être responsable d’une hypernatrémie et d’une déshydratation intracellulaire associée.
L’hypernatrémie est responsable de l’hyperosmolarité plasmatique pouvant entraîner des troubles neurologiques en cas d’installation rapide.
La réhydratation avec du sérum physiologique isotonique (NaCl 9 ‰) permet decorriger cette hypernatrémie d’installation rapide. Dans les cas d’occlusion d’installation lente, responsables d’une importante déshydratation avec une hypernatrémie importante, il est recommandé de ne pas dépasser une vitesse de décroissance de la natrémie de 0,5 mmol.l–1 par heure, soit environ 10 mmol.l–1 par jour afin de prévenir le risque d’oedème cérébral [59]. Dans ce cas, les solutés hypotoniques tels que le glucosé à 5 % ou à 2,5 %, le sérum salé à 0,45 % ou le Ringer lactate sont utilisés [59].
Le déficit hydrique à corriger peut être évalué selon la formule suivante :
DH = 0,6 × Poids × 1 - ([140][Na+])
DH = déficit hydrique
0,6 = volume de distribution de l’eau totale dans l’organisme
Poids = poids corporel en kg
[Na+ ] = natrémie mesurée en mmol.l–1
Cette formule n’est qu’indicative car elle sous-entend que le volume de distribution de l’eau totale représente 60 % de l’organisme et que le poids corporel du patient, avant l’apparition des troubles hydroélectrolytiques, est connu. Elle ne tient pas compte des modifications pouvant survenir au cours du traitement.Enfin, le déficit hydrique calculé n’est valable que si l’hypernatrémie est la conséquence d’une perte en eau pure, réalisant une déshydratation intracellulaire à volume extracellulaire normal,
situation exceptionnelle dans le cadre de l’occlusion intestinale.
Une autre approche consiste, non plus à calculer le déficit hydrique théorique, mais à calculer la variation de natrémie plasmatique entraînée par une solution donnée (D [Na+]) [59] :
D [Na+] = [Na+]+]sol - [Na+]+]plasm/Eau corporelle totale + 1
[Na+]sol = concentration sodique d’une solution de correction
glucosé à 5 % : [Na+]sol = 0
Ringer-lactate : [Na+]sol = 130 mmol.l–1
NaCl 9 ‰: [Na+]sol = 154 mmol.l–1
[Na+]plasm = natrémie mesurée
Eau corporelle totale = 60 % du poids corporel chez l’homme, 50 % du poids corporel chez la femme.
Ainsi, le volume par 24 heures de la solution choisie à perfuser est déterminé en divisant le maximum de variation de natrémie par jour à ne pas dépasser par D[Na+].
Dans le cadre de l’urgence chirurgicale, l’application de ces formules dans la détermination des volumes à administrer n’est qu’indicative, car il est nécessaire de tenir compte des compensations et pertes peropératoires.L’hypokaliémie, secondaire à une occlusion haute, associée ou non à une alcalose métabolique, nécessite une correction précoce prudente, évaluée par des dosages plasmatiques répétés.La carence alimentaire peut entraîner une hypomagnésémie, dont la normalisation débutera le plus tôt possible pour ne pas entraîner de retard à la reprise du transit.
Le traitement de l’insuffisance rénale fonctionnelle n’a pas de spécificité. Si l’insuffisance rénale survient sur des reins antérieurement sains, la correction de la volémie entraîne celle de la fonction rénale et des troubles métaboliques qui peuvent la compliquer.
Autres défaillances d’organe
En fonction de l’importance du dysfonctionnement respiratoire et de l’état de conscience, une intubation trachéale peut être nécessaire. Ce geste doit être réalisé avec le plus grand soin en raison du risque d’inhalation bronchique.
Autres mesures thérapeutiques
Sonde gastrique
La sonde gastrique est mise en place au moment de la suspicion du diagnostic. Le recueil d’un abondant liquide digestif gastrique, voire fécaloïde, permet de soulager le patient. Si son rôle n’est pas discuté en préopératoire, son maintien en postopératoire est plus discuté [34].
Antibiothérapie
L’antibiothérapie est dépendante de la cause du syndrome occlusif.
Une antibiothérapie prophylactique est indiquée en cas de prise en charge chirurgicale. Elle entre dans le cadre de la chirurgie abdominale sans ouverture du tube digestif. Sa principale justification est la diminution des bactériémies secondaires aux phénomènes de translocations bactériennes qui pourraient survenir en peropératoire [7, 73]. En cas de perforation digestive peropératoire, l’antibiothérapie doit être prolongée en postopératoire selon les recommandations en vigueur [74].Dans le cas où le syndrome occlusif révèle une péritonite, l’antibiothérapie doit être rapidement mise en oeuvre, sans attendre les prélèvements peropératoires.Elle contribue à réduire la survenue de bactériémies et d’abcès résiduels postopératoires et la rapidité de sa mise en oeuvre en complément de la chirurgie contribue à améliorer le pronostic [42, 75].
L’usage des antibiotiques n’est pas recommandé dans le traitement médical du syndrome occlusif, la survenue d’un syndrome infectieux étant plutôt le critère conduisant vers une prise en charge chirurgicale [14].
Prise en charge anesthésique
L’inhalation du contenu gastrique lors de l’induction de l’anesthésie est la principale complication redoutée dans cette période.
Elle justifie la prescription d’antiacide 30 à 60 minutes avant l’induction de l’anesthésie, (ranitidine ou cimétidine enforme effervescente) [76] et une induction selon la technique de « séquence rapide » [76], utilisant des hypnotiques d’action rapide et puissante qui dépriment les centres du vomissement et les réflexes pharyngolaryngés. L’agent de référence reste le thiopental en raison de sa rapidité d’action et de sa puissance d’effet. Le propofol peut également être utilisé, mais ses effets hypotenseurs lui confèrent un maniement délicat en cas d’hypovolémie. Bien que discutée, la succinylcholine reste le curare dépolarisant de référence en raison de son délai d’action inférieur à la minute et de la puissante dépolarisation qu’elle entraîne [77].
La compression cricoïdienne, ou manoeuvre de Sellick, a pour objectif de comprimer l’extrémité supérieure de l’oesophage pour éviter l’inhalation du contenu gastrique. Cette compression doit être appliquée au début de l’induction et n’être relâchée qu’après vérification de la bonne position de la sonde d’intubation. Même si cette manoeuvre est controversée [78], elle reste recommandée dans cette situation.
Autres éléments thérapeutiques. En cas d’atteinte pulmonaire, le réglage du ventilateur respecte les recommandations actuelles consistant à délivrer de plus petits volumes courants (6 à 8 ml.kg–1) à une plus grande fréquence, afin de limiter les pressions de plateau à 30-35 cmH2O. Compte tenu des effets hémodynamiques néfastes en cas d’hypovolémie, l’utilisation d’une pression téléexpiratoire positive doit rester prudente.
L’équilibre hémodynamique peut être particulièrement difficile à maintenir durant la période per- et postopératoire.
L’instabilité hémodynamique est d’autant plus marquée que l’hypovolémie est profonde et qu’il existe une complication infectieuse. La surveillance hémodynamique est donc dépendante de l’état clinique du patient, du terrain sur lequel survient l’occlusion, et du délai de prise en charge. Le remplissage vasculaire peut être ajusté grâce aux mesures répétées de la pression veineuse centrale ou de la pression capillaire pulmonaire [72]. Des travaux plus récents suggèrent qu’un remplissage vasculaire guidé par la réponse du volume d’éjection systolique permettrait d’améliorer le pronostic [79] en postopératoire. Le volume d’éjection systolique était mesuré grâce à une sonde de Doppler transoesophagienne [80].
D’autres paramètres hémodynamiques, basés sur les variations cycliques du volume d’éjection systolique lors de la ventilation en pression positive peuvent être utilisés.
“ Points importants
• Le diagnostic de syndrome occlusif est porté devant l’association de douleurs abdominales, de vomissements et d’arrêt des matières et des gaz.
• Les examens cliniques et paracliniques doivent être orientés vers la recherche de la cause et des conséquences induites par l’arrêt du transit intestinal.
• Les occlusions peuvent être classées en occlusions par obstacle (intraluminal, intrapariétal et extraluminal) et en occlusions sans obstacle apparent, dont les causes sont très variées.
• Les occlusions sont responsables d’une déshydratation associée, à un degré variable, à des troubles hydroélectrolytiques, qui sont d’autant plus importants que l’occlusion est ancienne et située au niveau colique. Ces troubles doivent être pris en charge précocement.
• Le traitement étiologique, chirurgical le plus souvent, doit être mis en oeuvre d’autant plus rapidement qu’il existe des signes d’ischémie digestive.
• La prise en charge anesthésique des patients est à haut risque compte tenu de la possibilité d’inhalation lors de l’induction et au réveil de l’anesthésie.
• La tolérance hémodynamique peropératoire dépend de la gravité de l’occlusion et du terrain sur lequel survient le syndrome occlusif.
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