TROUBLES DU RYTHME FRÉQUENTS
Tachycardie sinusale
Définie comme une fréquence cardiaque supérieure à 100 b·min-1, elle est souvent observée dans les premières heures de l’infarctus.
Elle pose toujours le problème d’un infarctus étendu et d’une insuffisance cardiaque et constitue un indicateur de mauvais pronostic. Témoin de l’activation adrénergique, elle peut aussi simplement être secondaire à la douleur. Cette tachycardie accroît la demande en oxygène du myocarde et, en dehors des altérations franches de la fonction systolique des ventricules, doit être contrôlée par un traitement bêtabloquant intraveineux (aténolol, métoprolol ou esmolol) avec un relais per os.
Bradycardie sinusale
La bradycardie sinusale est le plus souvent observée lors des infarctus inférieurs. Habituellement bien tolérée, elle ne nécessite pas de traitement. Si elle est associée à une hypotension artérielle, des signes vagaux ou si la fréquence est trop basse, vers 40 b·min-1, on accélère le rythme cardiaque par une faible dose d’atropine : 0,5 mg par voie intraveineuse. Exceptionnellement, la bradycardie ne répond pas à l’atropine et est mal tolérée. Une sonde d’entraînement électrosystolique est justifiée.
Extrasystoles ventriculaires (ESV) et courtes salves de tachycardie ventriculaire (TV)
Les ESV et les TV en courtes salves n’ont pas d’incidence pronostique à ce stade de l’infarctus. Leur traitement n’est de fait pas systématique. Certaines ESV sont cependant facteurs ou marqueurs du risque de survenue d’une FV : très fréquentes, polymorphes, débutant sur l’onde T du cycle précédent, en salves de plus de dix complexes ventriculaires. Il n’est cependant pas certain que l’administration de lidocaïne dans ces circonstances (1 mg/kg rapidement par voie intraveineuse, puis de 1 à 4 mg/min en continu), en supprimant les ESV et les salves multiformes, améliore réellement le pronostic. En fait, les bêtabloquants sont aussi très efficaces pour contrôler ces troubles du rythme et prévenir leurs complications.
Rythmes idioventriculaires accélérés
Ce sont des tachycardies à complexes larges dont la fréquence dépasse rarement 100 b·min-1. Elles peuvent entrer en compétition avec le rythme sinusal et présenter des complexes de fusion ou le « coiffer », c’est-à-dire le dépasser. Elles surviennent en salves de quelques secondes à plusieurs minutes qui s’espacent et disparaissent en 24 à 36 heures. Au cours et décours de la thrombolyse, leur survenue constitue un excellent indice de reperfusion. Elles sont parfaitement supportées et ne requièrent pas de traitement.
TROUBLES DU RYTHME GRAVES
Tachycardie et fibrillation ventriculaire
Les FV et TV soutenues précoces influent négativement sur le devenir des patients au cours de la période hospitalière. Pour les survivants, ces troubles du rythme très précoces ne modifient pas ou très peu le pronostic hospitalier à long terme [37, 65, 93]. Plusieurs facteurs participent à la survenue de ces arythmies : la taille de l’infarctus, l’instabilité électrique, la diminution du seuil de FV, la persistance de l’occlusion. L’incidence des FV n’est pas diminuée par la thrombolyse [25]. Certaines tachycardies ventriculaires sont polymorphes, très rapides, oscillent comme une torsade de pointes et sont très mal tolérées. Les FV font suite aux précédentes ou surviennent d’emblée.
Ces troubles du rythme sont en apparence imprévisibles. S’ils entraînent une perte de connaissance ou sont mal supportés, leur traitement doit être immédiat par un choc électrique externe initial de 200 joules suivi en cas d’inefficacité par des chocs de 360 joules [75]. Habituellement, on restaure assez facilement un rythme sinusal. Le problème est de prévenir les récidives. La première démarche est de rechercher et corriger une hypokaliémie, une hypomagnésémie, une hypoxie. La seconde est d’essayer de contrôler le substrat ischémique. La meilleure méthode est certainement de rétablir la perméabilité coronaire. Sur le plan pharmacologique, les bêtabloquants sont prescrits en première intention aux doses de la phase aiguë. Souvent, le premier antiarythmique utilisé dans ce contexte est la lidocaïne.
L’amiodarone par voie intraveineuse est une alternative. En fait, lorsqu’ils récidivent malgré un traitement bêtabloquant et antiarythmique, la gestion de ces troubles du rythme devient difficile. La mise en place d’une CPIAB stabilise souvent le patient.
L’introduction des amines (dobutamine et dopamine) reste une démarche ambivalente dans ce contexte ; si elle peut contrôler une défaillance cardiaque, elle est aussi un facteur de récidive des troubles du rythme. Enfin, quand les accès de TV/FV sont déclenchés par des ESV qui émergent sur un fond de bradycardie sinusale, l’accélération de la fréquence cardiaque par une sonde d’entraînement électrosystolique (de 100 à 110 b·min–1) est efficace.
Asystolie et dissociation électromécanique
Lorsqu’elles surviennent dans le cadre d’une dégradation de la fonction ventriculaire gauche, l’asystolie comme la dissociation électromécanique sont habituellement mortelles.Lorsque l’asystolie est due à un trouble sévère de la conduction (BAV du troisième degré ou arrêt sinusal), la mise en place immédiate d’un entraînement électrosystolique externe et/ou la récupération d’un rythme d’échappement par administration d’isoprénaline peut donner le temps d’installer une sonde d’entraînement électrosystolique.
Ces troubles du rythme indiquent souvent une déchéance ventriculaire importante ou une complication mécanique (rupture du coeur) au-delà de toute ressource thérapeutique.
Blocs de branche et bloc auriculoventriculaire
L’apparition d’un nouveau bloc de branche gauche ou plus souvent droit à la phase aiguë d’un infarctus indique une ischémie ou une nécrose importante, étendue au septum [81]. Il s’agit plus souvent d’un bloc droit et d’un infarctus antérieur. En présence d’un bloc de branche droit, le risque d’évolution vers un BAV complet est d’autant plus important qu’existent un axe gauche et un allongement de l’espace PR. En l’absence de régression, la mortalité des patients avec un bloc de branche récent persistant est de près de 20 % [80].
Les BAV du deuxième degré, de type Mobitz 2, correspondent aux mêmes types de lésion. Le risque d’évolution vers un BAV complet est aussi élevé et surtout imprévisible avec des conséquences hémodynamiques catastrophiques. Ces anomalies de conduction sont donc des indications de mise en place d’une sonde d’entraînement électrosystolique préventive.
Les BAV du premier degré et les BAV complets correspondent à deux mécanismes de pronostic très différents. Comme précédemment, il peut s’agir de l’extension de la nécrose au myocarde environnant la branche droite et la division antérieure de la branche gauche des voies de conduction. Cela indique un infarctus antérieur très étendu. Le BAV est presque contingent de la dégradation de la fonction ventriculaire gauche qui constitue le vrai facteur pronostique.
La mise en place d’une sonde d’entraînement électrosystolique préventive en cas de BAV du premier degré, palliative en cas de BAV du troisième degré, influe peu sur l’avenir du patient. Par ailleurs, en particulier lors des infarctus inférieurs, le BAV correspond à l’ischémie ou la nécrose du noeud auriculoventriculaire. Aux anomalies de conduction participe souvent une hypertonie vagale. Le BAV du premier degré est bénin.
Il peut annoncer un BAV complet mais celui-ci s’installe progressivement. Le BAV complet est souvent bien supporté, avec un échappement assez rapide et haut situé (complexes QRS fins). Il est fréquent qu’il soit levé par une petite dose d’atropine. Il n’y a pas d’indication d’un entraînement électrosystolique. Cette réputation de bénignité ne doit pas occulter la surmortalité des infarctus inférieurs compliqués de BAV complet. Lorsqu’une bradycardie due à un BAV du deuxième ou troisième degré ou à une dysfonction sinusale se surajoute à une atteinte sévère de la fonction ventriculaire droite, elle entraîne une dégradation hémodynamique parfois très sévère (cf supra, Choc cardiogénique).
AUTRES TROUBLES DU RYTHME CARDIAQUE
Pratiquement tous les troubles du rythme ventriculaires et supraventriculaires peuvent être observés à la phase aiguë d’un infarctus du myocarde. En dehors de ceux déjà mentionnés, on cite les tachycardies jonctionnelles, les tachycardies atriales, les flutters et FA.
La FA est une complication fréquente de l’infarctus du myocarde aigu, avec une incidence rapportée de 7 % à 11 % [34]. Elle survient souvent après la vingt-quatrième heure et a une réponse ventriculaire rapide. Les patients ayant une FA ont plus souvent une maladie coronaire tritronculaire, un infarctus inférieur et une insuffisance cardiaque, et sont âgés. Ils ont aussi trois fois plus de risque de développer un AVC durant la phase hospitalière (3,1 % versus 1,3 % ; p < 0,01), le plus souvent ischémique (1,8 % versus 0,5 % ; p < 0,01). La FA est un facteur indépendant de mortalité à 30 jours (odds ratio : 1,3). Son traitement commence par la recherche d’un facteur favorisant : anomalie électrolytique, fièvre, hypovolémie, hypoxie avant d’évoquer une péricardite ou une ischémie atriale. La tachycardie est habituellement contrôlée par les bêtabloquants (aténolol, métoprolol, sotalol) ou l’amiodarone par voie intraveineuse. Elle a tendance à céder spontanément mais à récidiver rapidement. Un choc électrique externe est indispensable en cas de mauvaise tolérance hémodynamique, mais un encadrement pharmacologique par amiodarone pourrait réduire l’incidence élevée des récidives.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire