Taysir Assistance.TNFrancis Bonnet : Professeur des Universités, praticien hospitalier
Ngai Liu : Chef de clinique-assistants
Pierre-Louis Darmon : Chef de clinique-assistants
Département d'anesthésie-réanimation, hôpital Henri-Mondor, 94010 Créteil France
Résumé
Les complications cardiovasculaires sont la principale cause de morbidité et de mortalité périopératoire chez ces patients. L'évaluation préopératoire repose sur un faisceau d'éléments cliniques et une hiérarchie d'examens établie en fonction de chaque patient pour apprécier la qualité de la perfusion myocardique et de la fonction ventriculaire.
L'objectif de l'anesthésie est de préserver la stabilité hémodynamique et de prévenir la survenue d'épisodes d'ischémie myocardique. Plusieurs stratégies anesthésiques sont possibles pour atteindre cet objectif.
Un monitorage hémodynamique attentif en raison de l'instabilité cardiovasculaire inhérente à ce type de chirurgie et le dépistage de l'ischémie per- et postopératoire sont nécessaires pour guider des interventions thérapeutiques rapides.
Les principales complications pouvant obérer la période postopératoire sont la survenue d'un infarctus du myocarde, d'une insuffisance respiratoire, d'une insuffisance rénale et d'une ischémie mésentérique.
La chirurgie de l'aorte abdominale est un geste relativement stéréotypé. Elle s'effectue sur une population de patients souffrant très fréquemment de cardiopathie ischémique et de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) en raison d'une communauté de facteurs de risque de ces deux maladies avec la pathologie aortique obstructive ou anévrismale. Les patients soumis à la chirurgie aortique qui subissent le plus souvent une intervention programmée posent différents problèmes.
En période préopératoire, la principale préoccupation est l'évaluation du risque opératoire en sachant jusqu'où il est raisonnable de pousser les investigations et sur quelles mesures thérapeutiques préventives elles peuvent déboucher. En période peropératoire, il importe d'instaurer une surveillance hémodynamique et de détecter la survenue d'une ischémie myocardique ainsi que de choisir une technique anesthésique qui minimise les variations hémodynamiques.
Enfin, la période postopératoire est marquée par une incidence accrue d'ischémie myocardique et comporte un risque de complications cardiaques et respiratoires ainsi que de complications spécifiques qu'il importe également de prévenir et diagnostiquer.
EVALUATION PRÉOPÉRATOIRE
La maladie athéromateuse qui est à l'origine de la pathologie aortique a d'autres localisations, vasculaires, cardiaques ou rénales qui peuvent retentir sur le déroulement de l'intervention prévue et se compliquer à cette occasion. L'incidence possible de ces pathologies sur le déroulement de l'anesthésie doit être évaluée de façon à anticiper la survenue des complications en corrigeant les facteurs de risque préopératoires.
Pathologie cardiovasculaire associée Cardiopathie ischémique
L'évaluation préopératoire des cardiopathies ischémiques chez les patients soumis à la chirurgie aortique constitue un exemple modèle des problèmes rencontrés lors de l'évaluation du risque opératoire en général. Le dépistage d'une pathologie donnée chez un sujet devant être opéré n'a d'intérêt que : si cette pathologie est fréquente ; si elle est susceptible de retentir sur le bon déroulement de l'anesthésie et de la chirurgie ; s'il existe un test fiable, c'est-à-dire sensible et spécifique permettant de l'identifier ou de prédire la survenue de complications périopératoires ; si la découverte de cette pathologie ou l'appréciation de sa sévérité amènent à entreprendre une thérapeutique correctrice ou à modifier la conduite de l'anesthésie de façon à diminuer ce risque. Examinons ces quatre points dans le cadre de la chirurgie aortique.
Les patients soumis à la chirurgie aortique ont une incidence élevée de cardiopathie ischémique. Il y a quelques années, Hertzer et coll. ont en effet montré en pratiquant une coronarographie chez tous les patients devant être opérés de l'aorte que plus de 66 % d'entre eux avaient des lésions sténosantes significatives d'au moins un tronc coronaire principal [50]. Un point plus particulièrement intéressant est que nombre de patients atteints de cardiopathie ischémique étaient en fait asymptomatiques. Pourtant plus de 40 % de ces patients avaient des lésions coronaires sévères dans l'étude de Hertzer et coll.
L'existence d'une cardiopathie ischémique est un facteur pronostic défavorable chez les patients soumis à la chirurgie aortique. En effet, les complications cardiovasculaires sont la principale cause de mortalité opératoire et à distance chez ces patients [6, 11, 85]. La notion de risque a été bien définie chez les patients ayant un antécédent d'infarctus du myocarde.
Chez ces patients il existe un risque de récidive, augmenté par rapport à la population générale et qui dépend notamment de l'ancienneté de la nécrose [94] ; bien que ce risque ait été récemment revu à la baisse [87] il reste supérieur dans les trois premiers mois suivant la nécrose à ce qu'il est dans la période des trois à six mois suivants et ne se stabilise qu'après un an. Les patients ayant des manifestations d'ischémie myocardique préopératoire fréquentes sont aussi plus exposés au risque d'infarctus postopératoire, même si la relation de causalité n'est pas directe [84].
L'identification des facteurs de risque de complications postopératoires est un problème difficile. Comme mentionné plus haut, des antécédents récents d'infarctus constituent un risque accru de récidive périopératoire. Goldman et coll. ont défini un index de risque de complications cardiaques chez les patients soumis à une chirurgie non cardiaque, basé sur des données cliniques et d'examens complémentaires simples [45].
Malheureusement cette stratification du risque cardiaque ne s'applique pas aux patients candidats à la chirurgie aortique qui constituent une population présélectionnée à risque augmenté [52]. La réalisation d'une épreuve d'effort permet d'évaluer la réserve coronaire des patients et pourrait constituer un bon test de discrimination [15]. Toutefois, en raison d'une claudication intermittente ou d'une hypertension artérielle souvent associée, une épreuve d'effort ne peut être effectuée ou menée à son terme dans bon nombre de cas. Les patients ayant une incidence élevée d'épisodes ischémiques avant la chirurgie sont probablement à risque de complications [34, 68, 84] mais les capacités de déambulation de ces patients sont réduites, ce qui diminue la valeur prédictive des tests [29]. Après l'étude initiale de Boucher et coll., il est apparu intéressant d'effectuer une discrimination des patients à l'aide d'une tomoscintigraphie de perfusion myocardique au thallium sensibilisée par le dipyridamole [13]. Le dipyridamole crée en effet un vol réversible en cas de lésion coronaire sténosante. Les images scintigraphiques sont enregistrées immédiatement après injection de dipyridamole et à distance.
Elles montrent une perfusion homogène en l'absence de lésion coronaire. Chez les patients ayant des antécédents d'infarctus, il existe un ou plusieurs défauts de perfusion qui apparaissent comme des images lacunaires persistant à distance de l'injection de dipyridamole. En cas d'ischémie, le dipyridamole fait apparaître une image lacunaire qui disparaît à distance. Le travail de Boucher et coll. concluait que les scintigraphie au thallium-dipyridamole permettait, mieux que les données cliniques, d'identifier sur la présence de lacunes réversibles, les patients susceptibles de développer des complications postopératoires.
Cet examen non invasif qui semblait sensible et spécifique connut alors un engouement certain [23, 29] que vint tempérer l'expérience acquise par d'autres équipes montrant que, outre certaines difficultés diagnostiques, la valeur prédictive de la scintigraphie au thallium n'était pas aussi bonne que prévu, en raison notamment de la grande fréquence des anomalies de perfusion dans la population étudiée [66]. D'autre part, un défaut de perfusion constaté à la scintigraphie ne correspondait pas toujours à une lésion coronaire sténosante accessible à un geste thérapeutique [19]. En présence d'un examen négatif, le risque opératoire est en revanche considéré comme très faible [23, 29]. En conclusion, il n'existe pas actuellement de test fiable permettant d'identifier les patients à risque de complications et atteints de lésions curables. La stratégie d'évaluation s'établit donc sur un faisceau d'arguments [28] (tableau I).
En particulier, la décision d'effectuer une coronarographie qui implique une forte probabilité de lésion curable n'est prise qu'en conjonction avec un cardiologue et après confrontation aux explorations antérieures.
Le traitement des sténoses coronaires authentifiées améliore-t-il le pronostic de la chirurgie aortique ? Aucune étude prospective ne permet de répondre à cette question.
Toutefois, si l'on admet que le pronostic à moyen et à long terme de ces patients dépend de l'existence d'une cardiopathie ischémique, il semble logique de traiter les lésions coronaires authentifiées avant chirurgie aortique soit par pontage soit par dilatation en fonction de la nature de ces lésions. D'autre part, plusieurs séries toutefois non comparatives montrent que la morbidité postopératoire des patients ayant des sténoses coronaires traitées est remarquablement faible [20, 64, 79].
En conclusion, la stratégie d'évaluation se discute en fonction de chaque patient (tableau I). Le schéma décisionnel suivant peut être proposé. Chez les patients asymptomatiques, si les données de l'interrogatoire, de l'examen clinique, de l'électrocardiogramme (ECG) et de la radiographie thoracique ne mettent pas en évidence d'anomalie, il n'est pas nécessaire de poursuivre plus loin les investigations préopératoires.
S'il existe des anomalies électriques (sous-décalage de ST) ou radiologiques (cardiomégalie), il peut être utile d'effectuer un ECG d'effort ou une scintigraphie au thallium et en fonction des résultats de débattre avec un cardiologue de l'opportunité de poursuivre les investigations par une coronarographie. Les patients symptomatiques ont soit un angor instable, et dans ce cas il est évident qu'il faut équilibrer leur traitement avant l'intervention, soit un angor stable et dans ce dernier cas les investigations à entreprendre se discutent en fonction des examens et des traitements précédemment effectués. Si les patients ont été auparavant complètement explorés, il n'y a pas d'indication à reprendre les investigations sauf pour le cas où la symptomatologie aurait franchement évolué. Dans le cas contraire les examens complémentaires qui se discutent sont à nouveau l'ECG d'effort et la scintigraphie au thallium, puis éventuellement la coronarographie.
Insuffisance cardiaque
L'évaluation de la fonction ventriculaire gauche s'effectue selon le même mode de raisonnement. Les patients symptomatiques ayant une dyspnée d'effort sont susceptibles d'avoir une fonction ventriculaire altérée, ainsi que les patients qui, même asymptomatiques, ont une cardiomégalie révélée par une radiographie thoracique préopératoire. Ces patients relèvent d'une mesure de la fraction d'éjection soit par échocardiographie soit par angioscintigraphie.
Une fraction d'éjection abaissée est un bon indice de complications cardiovasculaires potentielles [33, 36]. Les patients ayant développé une insuffisance cardiaque doivent être conduits à l'intervention avec un traitement le mieux adapté possible à leur condition. La notion d'une insuffisance cardiaque influence également le choix des techniques anesthésiques de monitorage peropératoire et la stratégie de soins postopératoires.
Hypertension artérielle
L'hypertension artérielle, très fréquente chez les patients opérés de l'aorte, est en partie à l'origine des lésions d'athérome qui entrent dans la genèse de la maladie aortique.
L'hypertension artérielle n'est pas forcément un facteur de risque de complications à condition qu'elle soit équilibrée, et qu'elle ne s'associe pas à une cardiopathie ischémique ou à une insuffisance cardiaque [80]. Une néphropathie hypertensive est à prendre en considération avant chirurgie aortique car une aggravation postopératoire de la fonction rénale est fréquente [72]. La valeur de la créatinine peut parfois être proche de la normale du fait d'une augmentation de la pression de perfusion, alors même que la fonction rénale est altérée et se révélera comme telle à l'occasion d'une baisse per- ou postopératoire des chiffres tensionnels. Si une hypertension s'associe à une cardiopathie ischémique, une hypotension peropératoire pourra aussi avoir des conséquences préjudiciables sur la perfusion myocardique. Enfin, les patients hypertendus ont souvent une hypertrophie cardiaque concentrique et une altération de la compliance ventriculaire qui les rend très sensibles aux variations de volémie. Ils justifient donc, comme les insuffisants cardiaques, d'une surveillance hémodynamique peropératoire appropriée.
Lésions athéromateuses carotidiennes associées
La recherche de lésions athéromateuses carotidiennes et d'antécédents d'accidents neurologiques transitoires ou définitifs fait partie du bilan systématique précédant la chirurgie aortique. Ces lésions étant fréquentes (de 10 à 20 % des cas), les sténoses carotidiennes ainsi dépistées ont été souvent opérées de façon préventive dans la crainte de la survenue d'un accident neurologique dans les suites de la chirurgie aortique. Cette attitude a été remise en cause [3] car plusieurs séries de la littérature montrent que le risque d'accident neurologique dans les suites de la chirurgie aortique est le même, qu'il existe ou non des lésions carotidiennes [14]. En l'absence d'étude prospective randomisée démontrant l'intérêt ou non de la chirurgie carotidienne prophylactique avant chirurgie aortique, il semble raisonnable de n'opérer que les patients ayant des indications reconnues de la chirurgie carotidienne, c'est-à-dire ceux ayant des sténoses serrées (> 75 %) et des antécédents d'accidents neurologiques.
Interférences des traitements cardiovasculaires avec l'anesthésie
Si la règle générale est de ne pas interrompre les traitements cardiovasculaires à l'occasion de la chirurgie, cette attitude n'est pas sans poser quelques problèmes. Certes, personne ne conteste le bien-fondé du maintien des traitements bêtabloquants en prémédication et de leur reprise rapide en période postopératoire en raison du risque de rebond à l'arrêt, mais il est clair qu'un traitement bêtabloquant limite en période peropératoire les possibilités d'adaptation à une hémorragie [80]. De même, la réintroduction d'un traitement antihypertenseur en période postopératoire chez un patient par ailleurs hypovolémique n'est pas souhaitable et des traitements de substitution, rapidement réversibles, se révèlent plus maniables pour les périodes per- et postopératoires. Enfin, récemment le risque d'hypotension peropératoire sévère, associé au maintien des inhibiteurs de l'enzyme de conversion, a été souligné, amenant à recommander leur interruption [56, 107]. L'utilisation de diurétiques pose peu de problèmes en dehors des désordres ioniques. Les effets des inhibiteurs calciques peuvent s'ajouter à ceux des halogénés pour diminuer les résistances vasculaires périphériques et la contractilité. Les inhibiteurs calciques peuvent aussi potentialiser l'effet des curares et réduisent les besoins en anesthésiques généraux. Bon nombre de patients reçoivent des traitements anticoagulants qui doivent être contrôlés et relayés par une héparine avant l'intervention.
Les antiagrégants peuvent interférer insidieusement avec l'hémostase peropératoire et il est de bonne règle d'interrompre les traitements par ticlopidine. En ce qui concerne l'aspirine aucune attitude n'étant codifiée, c'est le degré d'allongement du temps de saignement effectué dans de bonnes conditions de fiabilité qui semble le meilleur guide de la conduite à tenir, et notamment si une anesthésie locorégionale est envisagée.
Bronchopneumopathie chronique obstructive
Du fait d'un tabagisme important, les patients soumis à la chirurgie aortique ont souvent une BPCO plus ou moins évoluée. Tabagisme et BPCO augmentent significativement la morbidité respiratoire postopératoire c'est-à-dire le risque d'atélectasie, de pneumopathie ou d'insuffisance respiratoire aiguë [102]. L'évaluation de cette pathologie est d'abord clinique (ancienneté de la dyspnée, infection respiratoire récente). Les données des explorations fonctionnelles respiratoires sont relativement peu contributives pour préciser le risque, même si une hypercapnie de repos, un VEMS (volume expiratoire maximal/seconde) inférieur à 1 litre ou une valeur du rapport VEMS/CV inférieure à 50 % sont considérés de mauvais pronostic [38]. Néanmoins, aucune valeur seuil ne permet de préciser avec spécificité le risque de complication respiratoire [102]. Quoi qu'il en soit, une insuffisance respiratoire ne constitue pas une contre-indication à la chirurgie aortique, elle implique néanmoins une préparation visant à éradiquer les foyers infectieux bronchopulmonaires et à améliorer la fonction respiratoire par une kinésithérapie préopératoire.
CONSÉQUENCES HÉMODYNAMIQUES DE LA CHIRURGIE AORTIQUE
La chirurgie aortique abdominale implique des manoeuvres de traction mésentérique et de clampage et déclampage de l'aorte sus- ou sous-rénale qui ont des conséquences hémodynamiques spécifiques et focalisent souvent l'attention. Paradoxalement, les variations hémodynamiques peuvent être parfois plus marquées au cours de l'anesthésie en dehors de la période de clampage, en raison d'une hémorragie brutale ou d'une simple intubation.
Syndrome de traction mésentérique
En début d'intervention peut survenir un syndrome hémodynamique très particulier résultant de la traction exercée sur le mésentère pour extérioriser les anses grêles et exposer l'aorte. Ce syndrome est caractérisé par un effondrement de la pression artérielle, une tachycardie et une élévation du débit cardiaque. Il résulte d'une libération de prostaglandines vasodilatatrices comme en témoignent l'érythème cutané qui l'accompagne, l'élévation des taux plasmatiques et l'effet préventif des anti-inflammatoires non stéroïdiens inhibiteurs connus de la synthèse des prostaglandines [93, 106].
Clampage aortique
Le clampage de l'aorte réalise une augmentation de la post-charge du ventricule gauche [46, 71]. Classiquement ses conséquences sont d'autant plus marquées qu'il est haut situé (le clampage sus-rénal a plus de retentissement que le clampage sous-rénal) et que la circulation collatérale est moins développée (le clampage d'un anévrisme a plus d'effet que celui d'une sténose athéromateuse) [53, 91]. L'adaptation hémodynamique dépend de la qualité du myocarde. Les patients ayant une cardiopathie ischémique réagissent souvent au clampage par une élévation des pressions auriculaire et capillaire pulmonaire en raison d'une altération de contractilité ou de compliance [2, 46].
Le débit cardiaque baisse modérément en réponse au clampage [46, 71, 103]. Plusieurs mécanismes peuvent rendre compte de cette baisse du débit cardiaque, le plus classique étant la diminution du retour veineux du fait de l'exclusion d'un territoire perfusé. Plus récemment, il a été suggéré que la diminution du débit cardiaque était la réponse normale à une réduction des besoins métaboliques résultant de l'arrêt de la perfusion des membres inférieurs [39]. Le clampage aortique même sous-rénal modifie la circulation rénale [17, 37, 39] ; le débit sanguin rénal diminue et notamment le débit cortical ainsi que la filtration glomérulaire et la diurèse.
Quoi qu'il en soit, les modifications hémodynamiques résultant du seul clampage aortique sont souvent minimes, notamment quand il est sous-aortique dans le cadre d'une pathologie occlusive aortique et le clampage ne constitue pas obligatoirement le " temps fort " de l'intervention.
Les contraintes anatomiques, liées par exemple au développement d'un anévrisme intéressant les artères rénales, peuvent parfois obliger le chirurgien à un clampage susrénal.
Le retentissement hémodynamique est dans ce cas plus important. Le clampage sus-rénal provoque bien entendu une période d'ischémie rénale. Pour éviter la survenue d'une insuffisance rénale postopératoire, plusieurs équipes préconisent d'administrer soit du mannitol, soit du furosémide ou de la dopamine [11, 25, 49].
Déclampage aortique
Le déclampage de l'aorte s'effectue en une ou deux fois selon qu'un tube aortique ou une prothèse bifurquée ont été mis en place. Le déclampage qui survient en fin d'intervention est souvent l'occasion de variations hémodynamiques plus importantes que le clampage.
Le déclampage provoque une baisse de la pression artérielle systémique d'autant plus marquée que le patient était au préalable hypovolémique [90]. Le débit cardiaque peut également diminuer par séquestration veineuse dans les membres inférieurs ou par hypovolémie. Une hypertension artérielle pulmonaire très transitoire a été décrite au déclampage attribuée à une augmentation de la pression veineuse en CO2 résultant de la remise en circulation des membres inférieurs au préalable non perfusés [54]. La survenue d'ischémie myocardique est fréquente au déclampage [91], probablement favorisée par la baisse brutale de perfusion coronaire qui s'y associe. La prévention des effets hémodynamiques du déclampage passe donc par un remplissage vasculaire adapté guidé par les données de l'hémodynamique artérielle pulmonaire.
CONSÉQUENCES HÉMODYNAMIQUES DE LA CHIRURGIE AORTIQUE
La chirurgie aortique abdominale implique des manoeuvres de traction mésentérique et de clampage et déclampage de l'aorte sus- ou sous-rénale qui ont des conséquences hémodynamiques spécifiques et focalisent souvent l'attention. Paradoxalement, les variations hémodynamiques peuvent être parfois plus marquées au cours de l'anesthésie en dehors de la période de clampage, en raison d'une hémorragie brutale ou d'une simple intubation.
Syndrome de traction mésentérique
En début d'intervention peut survenir un syndrome hémodynamique très particulier résultant de la traction exercée sur le mésentère pour extérioriser les anses grêles et exposer l'aorte. Ce syndrome est caractérisé par un effondrement de la pression artérielle, une tachycardie et une élévation du débit cardiaque. Il résulte d'une libération de prostaglandines vasodilatatrices comme en témoignent l'érythème cutané qui l'accompagne, l'élévation des taux plasmatiques et l'effet préventif des anti-inflammatoires non stéroïdiens inhibiteurs connus de la synthèse des prostaglandines [93, 106].
Clampage aortique
Le clampage de l'aorte réalise une augmentation de la post-charge du ventricule gauche [46, 71]. Classiquement ses conséquences sont d'autant plus marquées qu'il est haut situé (le clampage sus-rénal a plus de retentissement que le clampage sous-rénal) et que la circulation collatérale est moins développée (le clampage d'un anévrisme a plus d'effet que celui d'une sténose athéromateuse) [53, 91]. L'adaptation hémodynamique dépend de la qualité du myocarde. Les patients ayant une cardiopathie ischémique réagissent souvent au clampage par une élévation des pressions auriculaire et capillaire pulmonaire en raison d'une altération de contractilité ou de compliance [2, 46].
Le débit cardiaque baisse modérément en réponse au clampage [46, 71, 103]. Plusieurs mécanismes peuvent rendre compte de cette baisse du débit cardiaque, le plus classique étant la diminution du retour veineux du fait de l'exclusion d'un territoire perfusé. Plus récemment, il a été suggéré que la diminution du débit cardiaque était la réponse normale à une réduction des besoins métaboliques résultant de l'arrêt de la perfusion des membres inférieurs [39]. Le clampage aortique même sous-rénal modifie la circulation rénale [17, 37, 39] ; le débit sanguin rénal diminue et notamment le débit cortical ainsi que la filtration glomérulaire et la diurèse.
Quoi qu'il en soit, les modifications hémodynamiques résultant du seul clampage aortique sont souvent minimes, notamment quand il est sous-aortique dans le cadre d'une pathologie occlusive aortique et le clampage ne constitue pas obligatoirement le " temps fort " de l'intervention.
Les contraintes anatomiques, liées par exemple au développement d'un anévrisme intéressant les artères rénales, peuvent parfois obliger le chirurgien à un clampage susrénal.
Le retentissement hémodynamique est dans ce cas plus important. Le clampage sus-rénal provoque bien entendu une période d'ischémie rénale. Pour éviter la survenue d'une insuffisance rénale postopératoire, plusieurs équipes préconisent d'administrer soit du mannitol, soit du furosémide ou de la dopamine [11, 25, 49].
Déclampage aortique
Le déclampage de l'aorte s'effectue en une ou deux fois selon qu'un tube aortique ou une prothèse bifurquée ont été mis en place. Le déclampage qui survient en fin d'intervention est souvent l'occasion de variations hémodynamiques plus importantes que le clampage.
Le déclampage provoque une baisse de la pression artérielle systémique d'autant plus marquée que le patient était au préalable hypovolémique [90]. Le débit cardiaque peut également diminuer par séquestration veineuse dans les membres inférieurs ou par hypovolémie. Une hypertension artérielle pulmonaire très transitoire a été décrite au déclampage attribuée à une augmentation de la pression veineuse en CO2 résultant de la remise en circulation des membres inférieurs au préalable non perfusés [54]. La survenue d'ischémie myocardique est fréquente au déclampage [91], probablement favorisée par la baisse brutale de perfusion coronaire qui s'y associe. La prévention des effets hémodynamiques du déclampage passe donc par un remplissage vasculaire adapté guidé par les données de l'hémodynamique artérielle pulmonaire.
EVOLUTION POSTOPÉRATOIRE
Problèmes du réveil anesthésique
Les patients de chirurgie aortique sont exposés en phase de réveil aux complications cardiovasculaires précédemment mentionnées que sont la survenue d'une ischémie myocardique ou d'une insuffisance ventriculaire gauche. En particulier, la fréquence de l'ischémie est particulièrement élevée en période de réveil [68]. Le réveil anesthésique et le frisson qui l'accompagne provoquent une stimulation sympathique importante, et par voie de conséquence, une augmentation de la consommation d'oxygène du myocarde et des épisodes de tachycardie et d'hypertension systémique. Il n'existe pas une seule méthode pour répondre à ces perturbations mais, comme au cours de l'anesthésie, plusieurs attitudes sont possibles. Une mesure préventive telle que la lutte peropératoire contre l'hypothermie est toujours nécessaire. De même, il est utile de maintenir en ventilation contrôlée les patients tant que la phase de réveil n'est pas terminée. L'obtention d'une analgésie efficace joue probablement aussi un rôle préventif de la survenue de complications cardiovasculaires [67, 108]. Le traitement des épisodes ischémiques ou hémodynamiques de la période de réveil dépend de l'analyse des circonstances de survenue qui en est faite. A titre indicatif, l'utilisation de bêtabloquant d'action rapide (esmolol) est appropriée en cas de tachycardie, les inhibiteurs calciques comme la nicardipine permettent de contrôler les accès hypertensifs, enfin la clonidine est particulièrement indiquée en cas d'hypertension et de tachycardie associées aux frissons [81, 82].
Complications postopératoires
La chirurgie aortique expose les patients à un certain nombre de risques et de complications spécifiques.
Infarctus du myocarde
La survenue d'infarctus postopératoire complique 3 à 5 % des interventions [18, 52, 102].
Cette complication est associée à une fréquence élevée d'épisodes d'ischémie sans qu'un lien de causalité soit établi. En effet, le mécanisme des infarctus est la thrombose coronaire favorisée par différents facteurs comme des anomalies d'hémostase postopératoires ou un taux élevé de catécholamines circulantes. Les infarctus postopératoires sont souvent asymptomatiques et de diagnostic difficile, pourtant leur mortalité est plus élevée que la moyenne. Les nécroses non transmurales sont probablement sous-estimées du fait des difficultés diagnostiques.
Complications respiratoires
La chirurgie aortique comme toute chirurgie abdominale retentit sur la fonction respiratoire et notamment sur la cinétique diaphragmatique. En période postopératoire, les échanges gazeux sont perturbés, la survenue d'atélectasies est fréquente et le sevrage de la ventilation assistée parfois difficile. Des complications majeures comme une pneumopathie ou une insuffisance respiratoire peuvent également survenir encore qu'elles soient souvent symptomatiques d'autres complications.
Ischémie mésentérique
L'ischémie mésentérique est une complication classique liée à un défaut de suppléance de l'arcade de Riolan. Elle affecte le plus souvent le côlon gauche. L'ischémie mésentérique qui doit être diagnostiquée précocement avant le stade d'infarctus se manifeste souvent par une reprise trop précoce du transit qui peut se faire sous forme de mélaena à un stade évolué. Le tableau clinique peut être plus bâtard sous forme de douleurs abdominales importantes malgré l'analgésie ou d'un état de choc inexpliqué. Une coloscopie doit être pratiquée au moindre doute, elle permet, mieux que la laparotomie elle-même, d'apprécier l'extension des lésions. En fonction de l'importance de ces lésions une colectomie peut être nécessaire ou non.
Insuffisance rénale
L'insuffisance rénale est une complication dont l'incidence a régressé probablement en raison d'un meilleur contrôle hémodynamique des patients. Les facteurs responsables d'une insuffisance rénale postopératoire sont multiples. Une aggravation d'une altération préexistante de la fonction rénale peut survenir du fait d'un bas débit cardiaque, d'une hypovolémie, d'une rhabdomyolyse, d'emboles d'athérome dans les artères rénales lors des manoeuvres de clampage et de déclampage ou d'une thrombose de ces mêmes artères en cas de sténoses ou de pontage. Si un geste spécifique a été effectué sur les artères rénales en période peropératoire, il faut, en cas d'aggravation de la fonction rénale postopératoire, contrôler rapidement par une angiographie la perméabilité de ces artères.
Le maintien d'un état hémodynamique stable est probablement le meilleur facteur de prévention de l'insuffisance rénale postopératoire.
Ischémie distale
L'ischémie périphérique est une complication en relation avec le geste chirurgical mais elle peut être favorisée par l'hypovolémie ou un bas débit cardiaque. L'ischémie résulte soit d'emboles d'athérome distaux, soit d'une thrombose artérielle et dans ce cas elle peut conduire à reprendre une anastomose aortofémorale ou parfois à compléter l'intervention par un pontage distal. L'ischémie provoque une rhabdomyolyse et la reperfusion peut parfois s'accompagner d'un syndrome de loge ayant un retentissement local et général.
Plus le lit distal est de médiocre qualité, plus le risque d'ischémie périphérique est important et plus une prévention par un traitement anticoagulant sera nécessaire.
Chirurgie de l'aorte abdominale en urgence
La chirurgie en urgence concerne les anévrismes de l'aorte rompus ou fissurés. Ces patients nécessitent d'être opérés le plus rapidement possible. L'évaluation est réduite aux données de l'interrogatoire, quand il est possible, et à l'appréciation des signes de choc. Il importe, dès le diagnostic effectué, d'assurer des abords veineux périphériques de bon calibre et de débuter un remplissage vasculaire à l'aide de colloïdes. La mise en place du monitorage ne doit pas retarder le geste chirurgical mais, compte tenu de la fréquence des perturbations hémodynamiques (hypovolémie, défaillance ventriculaire), il est souhaitable de compléter le monitorage invasif en cours d'intervention pour guider le remplissage vasculaire et l'utilisation de médicaments inotropes qui sont souvent nécessaires.
L'induction de l'anesthésie s'effectue en présence du chirurgien car elle peut déstabliser un état cardiovasculaire précaire rendant encore plus immédiate la nécessité du clampage aortique. La curarisation n'est effectuée qu'à l'incision car en relâchant la sangle abdominale, elle peut majorer le saignement rétropéritonéal. En cours d'intervention la récupération du sang épanché par un système type " cell saver " ou Solcotrans® permet des économies substantielles. En période postopératoire, les complications sont les mêmes que celles de la chirurgie à froid mais leur incidence est considérablement supérieure et la mortalité est élevée, justifiant le traitement à froid des anévrismes aortiques de plus de 5 cm de diamètre qui ont un risque important de rupture [74].
CONCLUSION
La chirurgie aortique est dominée par le risque cardiovasculaire. Le maître mot est l'évaluation préopératoire dont la stratégie doit être établie pour chaque patient. Le second élément important est le monitorage per- et postopératoire pour assurer un dépistage rapide des complications dont l'analyse circonstancielle permet un traitement adapté.
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