Anesthésie-réanimation en chirurgie cardiaque







Taysir Assistance.TNM. Cannesson, O. Desebbe, J.-J. Lehot
La chirurgie cardiaque a évolué de manière importante au cours des 20 dernières années. Même si la cardiologie interventionnelle est aujourd’hui en mesure de prendre en charge de nombreuses pathologies, il n’en reste pas moins que les patients adressés pour chirurgie cardiaque sont actuellement plus âgés, à haut risque ou en défaillance multiviscérale. Les techniques d’anesthésie et de réanimation en chirurgie cardiaque reposent sur des molécules et des technologies de mieux en mieux adaptées à ce type d’environnement. L’avènement de l’échographie cardiaque chez les anesthésistes-réanimateurs a bouleversé la pratique de cette spécialité. Enfin, malgré la part de la chirurgie cardiaque à coeur battant, il est important de connaître et de comprendre la technique et les conséquences de la circulation extracorporelle et de l’assistance circulatoire. Ce chapitre fait le point sur les techniques d’anesthésie, de réanimation, ainsi que sur les outils pharmacologiques et technologiques qui entourent l’anesthésisteréanimateur dans le cadre de la chirurgie cardiaque.

Mots clés : Chirurgie cardiaque ; Circulation extracorporelle ; Pontage aortocoronaire ; Échocardiographie


Introduction
La chirurgie cardiaque présente comme particularité essentielle de nécessiter, pour la plupart des interventions, un arrêt du coeur avec utilisation d’un appareil de circulation extracorporelle (CEC). Cette chirurgie, qui a connu un essor tout particulier depuis les années 1980, ne se limite pas aux interventions cardiaques mais comprend aussi la chirurgie de l’aorte thoracique et des artères pulmonaires qui exigent la CEC.

Cependant, parmi les grandes évolutions de cette spécialité, la chirurgie coronarienne sans CEC, dite « à coeur battant », s’est considérablement développée ces dernières années [1].

Actuellement, la chirurgie coronarienne représente un peu plus de 50 % de l’ensemble des interventions de chirurgie cardiaque mais il semblerait que la tendance actuelle en France soit à la baisse devant la progression de la cardiologie interventionnelle.

La correction des valvulopathies représente plus de 35 % des interventions, les autres étant représentées par les cardiopathies congénitales et par certaines autres chirurgies sans CEC.
Sur le plan anesthésique, la tendance actuelle est à l’anesthésie balancée permettant un réveil et un sevrage de la ventilation mécanique plus rapides. L’utilisation systématique d’un cathéter artériel pulmonaire tend à disparaître. Cependant, le vieillissement des patients opérés [2] ainsi que l’augmentation des indications chirurgicales chez des patients à haut risque ou en défaillance multiviscérale rendent la prise en charge postopératoire toujours aussi lourde.



 Évaluation préopératoire
La consultation d’anesthésie est l’un des moments clés de la prise en charge du patient adressé pour chirurgie cardiaque. Elle va permettre l’évaluation du risque, la définition d’une stratégie périopératoire et l’information du patient sur la conduite de l’anesthésie, de la réanimation et des transfusions. Elle repose sur les données fournies par le dossier cardiologique, l’interrogatoire et l’examen.



Interrogatoire
Tout d’abord, l’interrogatoire va faire préciser les antécédents anesthésiques et chirurgicaux. Il va aussi chercher à mieux préciser le statut fonctionnel vis-à-vis d’une éventuelle insuffisance cardiaque ou d’une coronaropathie (dyspnée classée selon la classification de la New York Heart Association [NYHA], angor stable ou instable classé selon la classification de la Canadian Cardiovascular Society). Par ailleurs, le reste des antécédents médicaux doit évidemment être détaillé ainsi que la liste des traitements en cours. Il faut particulièrement rechercher l’existence d’une hypertension artérielle, d’un diabète, d’une obésité ou d’une insuffisance rénale et/ou respiratoire.

L’interrogatoire porte de plus sur une notion de diathèse hémorragique, personnelle ou familiale, de difficulté d’intubation, de tabagisme et d’allergie connue.

Examen clinique
En plus de l’examen classique, l’examen clinique va lui aussi se concentrer sur les signes d’insuffisance cardiaque droite (oedème des membres inférieurs, hépatomégalie, turgescence jugulaire) ou gauche (râles crépitants). La pression artérielle est vérifiée. Les pouls sont palpés, en particulier le pouls radial en vue de la cathétérisation de l’artère radiale pour la surveillance périopératoire de la pression artérielle sanglante. En raison du terrain (patient âgé, comorbidité respiratoire souvent associée), l’oxymétrie en air est vérifiée afin d’obtenir une valeur de référence.

Examens complémentaires
Radiographie thoracique
De face, elle est systématique à la recherche d’une anomalie du parenchyme pulmonaire mais aussi de signes indirects d’insuffisance ventriculaire gauche, de cardiomégalie ou encore de dilatation de l’aorte thoracique. De profil, elle permet de vérifier la position du coeur par rapport au sternum en cas d’antécédents de chirurgie cardiaque.

Électrocardiogramme
Il décèle les signes d’ischémie coronarienne. Il est normal chez 25 à 50 % des patients, même coronariens. Il peut montrer des anomalies du rythme ou de la conduction comme par exemple un bloc de branche gauche.


Échocardiographie
L’échocardiographie joue un rôle majeur dans la sélection et l’évaluation des patients adressés pour chirurgie cardiaque. Elle permet de faire un bilan des lésions valvulaires et d’évaluer les fonctions ventriculaires droites et gauches, systoliques et diastoliques.

Examens biologiques
Le bilan minimal comprend le groupage sanguin, la recherche d’agglutinines irrégulières, la numération globulaire, un bilan d’hémostase (plaquettes, fibrinogène, temps de céphaline activée, INR [international normalized ratio]) et un ionogramme sanguin avec créatininémie, ainsi qu’un bilan d’hémolyse en cas d’hémoglobinopathie.

Autres examens
Un échodoppler des troncs supra-aortiques est demandé s’il existe un souffle carotidien ou une artériopathie. Un Doppler des artères iliaques peut lui aussi être demandé si on envisage le recours à la contre-pulsion par ballonnet intra-aortique.
Enfin, les explorations fonctionnelles respiratoires n’ont d’intérêt que si l’oxymétrie de pouls est anormale. Dans le cas contraire, elles ne changent pas la prise en charge du patient.

Gestion des traitements préopératoires
Généralités
Conduite à tenir vis-à-vis des traitements en cours :
-les diurétiques sont arrêtés 24 à 48 heures avant la chirurgie en raison du risque d’hypokaliémie et d’hypovolémie préopératoire ;
- les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine : ils sont généralement interrompus 24 heures avant l’intervention en raison de la perte des mécanismes d’adaptation et de régulation de la pression de perfusion sanguine liée à l’inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone. Cependant, certains auteurs préconisent de poursuivre ces médicaments en cas de pontage aortocoronarien s’il existe une insuffisance cardiaque sévère (stade III à IV NYHA) en raison de la diminution de la postcharge ventriculaire gauche [3] ;
- les antivitamines K sont remplacés par de l’héparine souscutanée ;
- les antiarythmiques de la classe Ic (propafénone, cibenzoline, flécaïnide) sont généralement arrêtés 2 à 5 jours selon la posologie en raison de leurs propriétés inotropes négatives observées avec la CEC.
À l’inverse, sont poursuivis :
- les digitaliques, sauf en cas de suspicion clinique de surdosage ou des taux sériques suprathérapeutiques ;
- les inhibiteurs calciques pour la prévention de l’ischémie myocardique ;
- les bêtabloquants pour la prévention du risque de fibrillation auriculaire chez le coronarien et la cardioprotection ;
- la clonidine en diminuant les doses d’anesthésiques en conséquence.
En cas d’urgence, on doit antagoniser les antivitamines K par de la vitamine K1 et administrer du complexe prothrombique humain (PPSB).


Gestion des antiagrégants plaquettaires avant chirurgie cardiaque
L’aspirine est le plus souvent poursuivie durant la phase périopératoire en raison de la faible augmentation du saignement peropératoire [4] et de la diminution du taux d’infarctus postopératoire [5], ceci étant particulièrement vrai en cas de pontage aortocoronaire [4].
Concernant le clopidogrel, il n’y a pas aujourd’hui de consensus sur sa poursuite en période périopératoire. Il semble augmenter le saignement peropératoire bien qu’une étude récente infirme cette hypothèse [6]. Son arrêt peut provoquer un rebond d’accident thrombotique [7]. En pratique, si le clopidogrel est arrêté, il est recommandé de le stopper 10 jours avant la chirurgie [4].

En cas d’endoprothèse pharmacoactive, la durée minimale de l’association aspirine-clopidogrel est de 6 à 12 mois, elle est de 6 semaines si le stent est nu [8].
Pour la limitation du saignement peropératoire lié à l’utilisation d’un ou deux antiplaquettaires on a recours aux antifibrinolytiques, voire à la transfusion plaquettaire en cas de saignement inhabituel. La normalisation de l’hémostase fait alors courir le risque de thrombose de l’endoprothèse et les antiagrégants plaquettaires seront repris précocement après la chirurgie.

Bilan de la période préopératoire
Une fois réalisés la consultation et l’ensemble des examens préopératoires, on établit un score prédictif de morbidité et de mortalité périopératoire. Ce score permet d’informer au mieux le patient et sa famille, le chirurgien et le cardiologue et d’organiser de la manière la plus rigoureuse possible la prise en charge périopératoire.

Les scores les plus connus sont ceux de Parsonnet [9], Tuman [10], Tu [11], l’EuroSCORE [12] et le Cardiac Anesthesia Risk Evaluation (CARE) score [13]. Il semblerait que ce dernier présente une valeur prédictive comparable à celle de l’EuroSCORE mais qu’il soit plus satisfaisant en termes de reproductibilité [13]. Ces scores sont disponibles sur le site de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) (www.sfar.org).





Choix des agents anesthésiques en chirurgie cardiaque


Le but de l’anesthésie en chirurgie cardiaque est d’assurer une amnésie complète, une analgésie et une hypnose suffisantes afin de diminuer la demande en oxygène du myocarde et d’assurer une stabilité hémodynamique tout au long de l’intervention. La plupart des agents anesthésiques ont un effet sur les différents déterminants de la performance myocardique (précharge, postcharge, inotropisme, chronotropisme) ainsi que sur le baroréflexe. Il est donc important de connaître ces effets afin d’adapter au mieux l’anesthésie au terrain du patient ainsi qu’à la chirurgie pour laquelle il est adressé.

Prémédication
Une benzodiazépine est souvent utilisée pour ses propriétés anxiolytique et anticonvulsivante, parfois associée à l’hydroxyzine, également par voie orale.

Hypnotiques

Protection myocardique et agents volatils halogénés
Le préconditionnement ischémique repose sur la capacité du muscle cardiaque à mieux tolérer une ischémie prolongée s’il est préalablement soumis à de brèves séquences d’ischémiereperfusion.
À l’opposé, le postconditionnement ischémique consiste à appliquer ces mêmes séquences d’ischémiereperfusion non pas avant l’ischémie létale, mais dès les premiers instants de la reperfusion précoce [14]. Cette protection endogène du myocarde peut aussi être déclenchée par l’administration d’agents pharmacologiques. Les halogénés ont ainsi été identifiés dès 1997 comme agents préconditionnants. De nombreux travaux expérimentaux ont confirmé leur aptitude à protéger le myocarde avant l’ischémie (préconditionnement anesthésique), voire s’ils sont administrés dès les premiers instants de la reperfusion (postconditionnement anesthésique) [14].

Les mécanismes d’action, fort complexes, impliquent probablement une ouverture des canaux potassiques ATPdépendants situés sur le sarcolemme et/ou sur la mitochondrie ainsi qu’un retard de l’ouverture du pore de transition de perméabilité mitochondriale (mPTP), phénomène qui se produit lors de la reperfusion précoce et qui aboutit à la mort cellulaire par nécrose et/ou apoptose [15]. Si toutes les études animales montrent un réel bénéfice de l’utilisation des halogénés, les études cliniques effectuées en chirurgie cardiaque sont quant à elles plus nuancées.

Les dommages myocardiques, évalués par les taux de troponine postopératoire, sont, selon les équipes, diminués ou inchangés [16].De nombreux facteurs peuvent interférer avec les résultats des travaux cliniques :l’effet protecteur diminue avec l’âge, en cas de diabète et/ou d’hyperglycémie peropératoire,lesoestrogènes ont un effet cardioprotecteur avéré, la tolérance du myocarde à l’ischémie dépend des traitements associés (sulfamides hypoglycémiants, nicorandil, théophylline) et des autres agents anesthésiques (morphiniques, kétamine, benzodiazépine, propofol).Pour finir, la technique opératoire et l’effet protecteur de la cardioplégie rendent la lisibilité de ces études complexe. Cependant, deux métaanalyses récentes tendent à montrer une diminution de la troponine en postopératoire chez les patients anesthésiés par halogéné [17, 18]. Une étude montre même une diminution des évènements cardiovasculaires à 1 an [19].

Hypnotiques intraveineux
Les effets cardiovasculaires des agents intraveineux (IV) dépendent de la dose administrée et sont d’autant plus marqués que leur administration est rapide en bolus. Une titration est recommandée.

Morphiniques
Les morphiniques n’entraînent pas de dépression myocardique directe mais ils augmentent le tonus vagal. Par conséquent, l’administration de morphiniques à l’induction de l’anesthésie induit peu d’effet hémodynamique chez le patient normovolémique.
Pendant longtemps, la tendance a été à l’utilisation de doses importantes de morphiniques à l’induction afin de limiter les doses d’hypnotiques qui ont un effet dépresseur cardiovasculaireplus marqué. Cependant, l’anesthésie analgésique pure ne garantit pas une amnésie suffisante et les techniques de l’anesthésie moderne permettent aujourd’hui de réaliser une anesthésie balancée avec une meilleure stabilité hémodynamique, un réveil plus rapide et une douleur postopératoire mieux contrôlée avec une durée de séjour en réanimation plus courte.

Morphine
Par voie intraveineuse, elle n’est plus utilisée que pour l’analgésie postopératoire.

Fentanyl
Pendant longtemps le fentanyl est resté le morphinique de choix en chirurgie cardiaque. Cependant, à hautes doses (50 à 150 μg kg-1), il entraîne un niveau d’anesthésie inadéquat avec prolongation des temps de ventilation postopératoires et tendance à l’hypertension artérielle chez les patients qui présentent une fraction d’éjection ventriculaire gauche supérieure à 35 %. Parmi l’ensemble des morphiniques puissants, le fentanyl est celui qui présente la demi-vie d’élimination la plus longue [20]. Par ailleurs, ce temps d’élimination est proportionnelà la durée de la perfusion [20] et est augmenté par la CEC.
Ces caractéristiques expliquent que le fentanyl est de moins en moins utilisé en chirurgie cardiaque.

Sufentanil
Il permet une stabilité hémodynamique en partageant les mêmes propriétés pharmacodynamiques que le fentanyl mais son élimination est plus rapide.

Alfentanil
La demi-vie d’élimination de l’alfentanil est deux fois moins longue que celle du sufentanil. Malgré cet intérêt potentiel dans le réveil des patients, l’utilisation d’alfentanil ne semble pas entraîner d’amélioration de la morbidité ni de la durée de séjour à l’hôpital comparée à l’utilisation de sufentanil en chirurgie coronaire [21].

Rémifentanil
Il présente une durée d’action particulièrement brève. Par conséquent, il doit être utilisé en perfusion continue [22] et, idéalement, en mode d’anesthésie intraveineuse à objectif de concentration (AIVOC). À forte dose (2 μg kg-1 min-1), il entraîne une baisse du volume d’éjection ventriculaire, de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle moyenne et du débit coronaire [23].

L’un des problèmes posés par le rémifentanil (conséquence directe de sa durée d’action très courte) est l’hyperalgésie secondaire rencontrée à l’interruption de son administration [24]. Dans ce contexte, il est recommandé de débuter l’analgésie postopératoire dès le bloc opératoire à l’aide de morphine intraveineuse (0,15 mg kg-1 une demi-heure à 1 heure avant la fin de la perfusion de rémifentanil). L’utilisation de rémifentanil au bloc opératoire ne semble pas diminuer de manière significative la durée de séjour en réanimation comparée à d’autres protocoles d’anesthésie [25]. En ce qui concerne la sédation en réanimation après chirurgie cardiaque, un protocole utilisant rémifentanil et propofol semble diminuer la durée d’intubation et de séjour en réanimation à coût égal comparé au protocole sufentanil-midazolam [26].

En conclusion, le rémifentanil semble le morphinique le plus adapté à la chirurgie cardiaque. Cependant, le sufentanil en raison de con coût moindre peut aussi être employé.

Myorelaxants
L’utilisation de myorelaxants en chirurgie cardiaque n’est pas strictement indispensable. Leurs indications, de manière générale, ont été détaillées dans une conférence de consensus de la SFAR [27]. Ils peuvent être utilisés pour faciliter l’intubation à condition d’employer des doses suffisantes, de respecter le délai d’action et les contre-indications. En cas d’estomac plein, la succinylcholine à la dose de 1 mg kg-1 reste le produit de référence [28], en association avec l’étomidate et la manoeuvre de Sellick. Le pancuronium ne devrait plus être utilisé du fait de ses effets anticholinergiques, de sa durée d’action et de la fréquence de l’insuffisance rénale en chirurgie cardiaque de l’adulte.

Anesthésie locorégionale
L’anesthésie-analgésie locorégionale type anesthésie péridurale ne s’est pas imposée en chirurgie cardiaque. Même si certains travaux mettent en avant sa faisabilité et ses avantages potentiels, certains travaux récents semblent mettre en doute son efficacité réelle ; elle reste donc discutée [29]. De plus, elle peut présenter un risque supplémentaire en présence de traitements antithrombotiques.

Choix du monitorage en chirurgie cardiaque


Parallèlement à l’évolution des techniques chirurgicales et de CEC, la prise en charge et le monitorage anesthésique se sont globalement simplifiés [30]. Cependant, le recrutement des patients a lui aussi évolué et l’anesthésiste-réanimateur et le chirurgien sont aujourd’hui confrontés à des problèmes liés au vieillissement ainsi qu’aux patients porteurs de pathologies multiples et par conséquent plus fragiles, présentant donc un risque opératoire plus important.

Il existe un monitorage dit « classique », qui s’adapte à toutes les situations rencontrées (électrocardiogramme, oxymétrie de pouls, capnographie, mesure invasive de la pression artérielle, pression veineuse centrale, température, diurèse) et un monitorage plus spécialisé dont l’intérêt doit être discuté au cas par cas.

Dans ce chapitre, nous nous proposons de faire un état des lieux des différents types de monitorage proposés ainsi que leurs applications possibles.

Monitorage non invasif
Électrocardiogramme
L’intérêt de l’électrocardiogramme (ECG) repose sur lasurveillance de la fréquence cardiaque, des troubles du rythme et de la conduction, et de l’ischémie myocardique. En chirurgie cardiaque, il convient d’utiliser un câble à cinq branches afin de surveiller au moins deux dérivations [31]. Par ailleurs, l’utilisation du câble à cinq branches semble améliorer la sensibilité de la détection des épisodes d’ischémie. On peut citer quelques indications propres à la chirurgie cardiaque :
- vérification d’un électrocardiogramme plat après injection du soluté de cardioplégie dans les ostiums coronaires. En effet, une fibrillation ventriculaire mal tolérée sur le plan métabolique peut survenir si le coeur est insuffisamment cardioplégié ;
-vérification du tracé à la recherche d’un sus ou sous-décalage du segment ST dans un territoire après CEC, notamment après pontage ou réimplantation des coronaires (chirurgie de type Bentall par exemple).

De nombreux facteurs sont susceptibles de parasiter le signal [32]. Les facteurs qui limitent l’interprétation du décalage du segment ST sont l’hypertrophie ventriculaire gauche, le bloc de branche gauche, le syndrome de Wolff-Parkinson-White, l’imprégnation digitalique, les troubles hydroélectrolytiques, l’hypothermie, les changements de position ou les mouvements spontanés du patient, les artefacts liés au bistouri électrique et la présence d’un pacemaker. Par ailleurs, au cours de la chirurgie coronaire à coeur battant la surveillance du segment ST peut être prise en défaut au cours des manipulations cardiaques.

Oxymètre de pouls
L’oxymètre de pouls est obligatoire mais est peu fiable durant la CEC du fait de la circulation non pulsée.

Température
La température vésicale est la plus utilisée. Ce monitorage est d’autant plus important que la sortie du bloc opératoire en normothermie va permettre une extubation trachéale plus précoce. Il n’existe pas d’étude sur le bénéfice de la normothermie sur les complications neuropsychiques comparée à l’hypothermie mais, en revanche, il semblerait qu’un réchauffement (actif par le circuit de CEC) trop rapide en fin de CEC aggrave l’ischémie cérébrale [33]. En cours de CEC, ce monitorage est indispensable. Un site unique central semble suffisant en normothermie. Dans les situations d’hypothermie on préfère utiliser deux sites de mesure (rectal ou vésical et oesophagien), ainsi que la mesure de la température du sang et de l’eau sur le circuit de CEC [30].

Diurèse
La mesure de la diurèse doit être systématique aussi bien en peropératoire qu’en postopératoire.

Analyse spectrale de l’électroencéphalogramme
L’index bispectral (BIS) semble particulièrement intéressant au cours de l’anesthésie en mode AIVOC et pendant la CEC où les volumes de distribution sont modifiés [34]. Il n’a pas fait la preuve de son utilité en termes de morbidité neurologique. Il semble prendre la place du monitorage peropératoire de l’électroencéphalogramme qui a été progressivement abandonné aujourd’hui [30].

Oxymétrie cérébrale
Le monitorage de l’oxymétrie cérébrale est un procédé récent qui permettrait de détecter les épisodes de désaturation cérébrale au cours de la chirurgie cardiaque. Il est basé sur l’absorption lumineuse de proche infrarouge (near infrared spectrometry, NIRS). Bien que présentant des perspectives cliniques intéressantes [35], il n’a pas encore totalement trouvé sa place dans la pratique quotidienne.

Doppler oesophagien
Le Doppler oesophagien permet la mesure non invasive et continue du débit cardiaque à l’aide d’ultrasons. Il permet aussi d’obtenir des informations sur des indices de volémie ou de fonction systolique [36]. Son intérêt par rapport à l’échographie cardiaque semble limité dans le contexte de la chirurgie cardiaque.

Échocardiographie
L’échocardiographie est devenue un outil indispensable en anesthésie et en réanimation pour chirurgie cardiaque et ses indications sont aujourd’hui multiples au bloc opératoire [37].
Dans ce contexte, c’est évidemment l’échographie transoesophagienne (ETO) qui s’impose puisque l’accès préthoracique est impossible. L’examen détaillé est décrit [38]. Par ailleurs, il est important de stocker et d’archiver les images afin de pouvoir les analyser a posteriori, de pouvoir comparer les examens et afin de pouvoir organiser une base de données.

Intérêt de l’échographie au bloc opératoire avant le geste chirurgical
L’échographie couplée au Doppler semble faciliter l’insertion des cathéters veineux centraux dans le territoire cave supérieur [39] en diminuant l’incidence des complications et en permettant d’accélérer le geste. Avant le geste chirurgical, l’ETO permet de réévaluer une pathologie valvulaire et de guider le geste chirurgical [40]. Elle permet par ailleurs d’évaluer les fonctions systoliques et diastoliques dont l’altération permettrait de prédire le recours aux inotropes à la fin de la CEC [41]. Par ailleurs, l’ETO permet d’aider le positionnement des canules de CEC [42] et de repérer les plaques d’athérome aortique.

Intérêt de l’échographie cardiaque au bloc opératoire pendant le geste chirurgical
Elle permet de monitorer la cinétique segmentaire ventriculaire gauche au cours de la chirurgie coronaire à coeur battant [43]. En dehors de cette indication, elle permet de vérifier la bonne position des canules de CEC [42].

Intérêt de l’échographie cardiaque au bloc opératoire après le geste chirurgical
L’intérêt principal est l’évaluation de la réparation chirurgicale d’une valvulopathie [37, 38, 40]. Elle permet par ailleurs de vérifier l’absence de bulles résiduelles après les manoeuvres de vidange [44]. Enfin, elle permet de réaliser un bilan hémodynamique à l’aide de l’analyse des fonctions systoliques et diastoliques ventriculaires et partant de guider la thérapeutique.

Intérêt de l’échographie cardiaque pour l’évaluation de la précharge
La surface télédiastolique du ventricule gauche est la dimension la plus étudiée en échocardiographie pour l’évaluation de la précharge ventriculaire gauche. Plusieurs études ont montré son intérêt pour le monitorage de la volémie et de la précharge [45]. Cependant, il a été montré que cet indice était un mauvais facteur prédictif de la réponse au remplissage vasculaire (défini par l’augmentation du débit cardiaque après un remplissage vasculaire) [46]. Les indices dynamiques, reposant sur les interactions cardiorespiratoires chez le patient sous ventilation mécanique en pression positive sont plus prédictifs de la réponse au remplissage vasculaire. Ainsi, les variations respiratoires des vélocités aortiques mesurées en Doppler pulsé [47], les variations respiratoires du diamètre de la veine cave inférieure [48] ou de la veine cave supérieure [49] sont de meilleurs facteurs prédictifs échocardiographiques de réponse au remplissage vasculaire. Cependant, en chirurgie cardiaque, et en particulier au cours de la période à sternum et péricarde ouverts, leur efficacité reste à démontrer.

Intérêt de l’échographie cardiaque pour l’évaluation de la fonction systolique ventriculaire
L’évaluation de la fonction systolique du ventricule gauche repose le plus souvent sur l’estimation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche ou sur la fraction de raccourcissement de surface en ETO. Cependant, cette mesure (comme la plupart des mesures qui évaluent la fonction systolique) dépend des conditions de charge du ventricule ainsi que de sa géométrie et de sa cinétique segmentaire [50]. Par conséquent, l’évaluation de la fonction systolique du ventricule droit, dont la géométrie n’est pas ellipsoïde, est difficile. Des indices plus récents tels que l’indice de Tei obtenu en Doppler pulsé conventionnel [51] ou en Doppler tissulaire [52] sont indépendants de la géométrie ventriculaire et de la cinétique segmentaire mais restent dépendants des conditions de charge [52].
Intérêt de l’échographie cardiaque pour l’évaluation de la fonction diastolique
L’évaluation de la fonction diastolique est réalisée à partir de l’enregistrement des flux de remplissage mitraux et veineux pulmonaires en Doppler pulsé conventionnel ainsi que sur les vélocités de l’anneau mitral enregistrées en Doppler tissulaire.
Là encore, les grandes variations de condition de charge en période per- et postopératoires rendent difficiles leur interprétation dans ce contexte.

Autres intérêts de l’échocardiographie
Elle permet la mesure du débit cardiaque, la recherche de shunts intracardiaques ou intrapulmonaires et le monitorage de la cinétique segmentaire ventriculaire. Les perspectives sont très nombreuses vu l’énorme évolution des technologies. L’échographie tridimensionnelle pourrait trouver sa place pour une analyse plus fine des réparations valvulaires, l’évaluation de la fonction ventriculaire droite et/ou la prise en charge des cardiopathies congénitales [53].

La miniaturisation des appareils d’échographie va probablement démocratiser encore plus l’utilisation de cette technologie [54]. Enfin, des techniques plus sophistiquées d’évaluation de la désynchronisation ventriculaire à l’aide du Doppler tissulaire pourraient voir le jour dans notre spécialité [55].






Monitorage invasif
Pression artérielle
Un monitorage invasif est indispensable en chirurgie cardiaque.
Le site de canulation est variable mais c’est le plus souvent l’artère radiale qui est choisie. Cependant, en fonction des impératifs de la chirurgie (prélèvement d’artère radiale en chirurgie coronaire, mauvais état du réseau artériel ou nécessité de canuler l’artère radiale droite en chirurgie de l’aorte thoracique) un autre site peut être utilisé. Chez les patients instables il est parfois préférable de réaliser le cathétérisme artériel avant l’induction de l’anesthésie afin de suivre au plus près les variations hémodynamiques.

Les complications liées à la mesure invasive de la pression artérielle sont rares [56]. Il est préférable de réaliser un test d’Allen avant de canuler l’artère radiale afin de s’assurer que l’artère cubitale est perméable et de diminuer le risque d’ischémie de la main mais son efficacité n’est pas démontrée. Par ailleurs, il est habituel de purger le cathéter en continu avec de l’héparine s’il doit rester en place plus de 24 heures mais cela peut perturber l’interprétation des tests de coagulation. Enfin, il faut tenir compte du site de canulation pour l’interprétation des valeurs, en particulier en cours de CEC [57].

Le signal de pression artérielle peut être analysé de manière quantitative (valeur de pression artérielle) et de manière qualitative. En particulier, il permet l’étude des variations respiratoires de la pression artérielle afin de prédire la réponse au remplissage vasculaire (variations respiratoires de la pression artérielle systolique [46], variations respiratoires de la pression artérielle pulsée [58]). La valeur de référence du zéro doit impérativement se situer au niveau des oreillettes.

Pression veineuse centrale
La mesure de la pression veineuse centrale s’effectue à l’aide d’un cathéter veineux jugulaire interne, parfois sous-clavier. Ce type de cathéter, outre la mesure de la pression veineuse centrale, permet l’administration de médicaments veinotoxiques.

La pression veineuse centrale renseigne sur la fonction ventriculaire droite, le retour veineux systémique, la volémie, les pressions intrathoraciques et la fonction de la valve tricuspide.
Au cours de la CEC, elle permet d’obtenir des informations sur le drainage veineux cave supérieur. Pour la prédiction de la réponse au remplissage vasculaire, la pression veineuse centrale n’est pas le meilleur indice [58].

Pression atriale gauche
Le plus souvent elle est mesurée par un cathéter mis en place directement par le chirurgien dans l’oreillette gauche. Actuellement, elle n’est quasiment plus utilisée qu’en chirurgie cardiaque pédiatrique.

Cathétérisme artériel pulmonaire
Le cathétérisme artériel pulmonaire par sonde de Swan-Ganz permet la mesure continue de la pression veineuse centrale, de la pression artérielle pulmonaire, du débit cardiaque (continu ou discontinu) de la pression artérielle pulmonaire occluse qui est un reflet de la pression de l’oreillette gauche et qui permet donc d’estimer la pression de remplissage du ventricule gauche. Par ailleurs, certains cathéters de Swan-Ganz permettent de mesurer la saturation veineuse en oxygène (SvO2) et la fraction ventriculaire droite [59]. Sa mise en place doit être rigoureuse en terme d’asepsie, au cours de la ponction et de la mise en place du cathéter. Les complications possibles sont la ponction traumatique, la ponction artérielle, le pneumothorax, la plaie de l’artère pulmonaire, les troubles du rythme et de la conduction (le cathéter de Swan-Ganz est contre-indiqué en cas de bloc de branche gauche sauf si le cathéter est muni d’une sonde d’entraînement électrosystolique), la constitution d’une boucle ou encore les complications infectieuses et thrombotiques.

Son utilisation systématique n’a pas fait la preuve de son efficacité en chirurgie coronaire [60] et certaines études suggèrent même que son utilisation systématique ne soit pas recommandée [61].

Elle est souvent utilisée en France pour les patients les plus à risque. Cependant, il faut garder à l’esprit que l’interprétation du profil hémodynamique obtenu avec ce cathéter est parfois difficile et qu’il faut une connaissance physiopathologique solide pour prendre des décisions adaptées. Par ailleurs, face à l’échographie, les données du cathéter de Swan-Ganz ont le désavantage de ne pas approcher la globalité de la fonction cardiaque tant sur le plan hémodynamique que sur le plan anatomique. Il semble donc qu’aujourd’hui l’échographie réponde mieux aux besoins diagnostiques. Cependant, l’intérêt du cathéter artériel pulmonaire repose sur le caractère continu des données qu’il fournit. 

PiCCO
Ce système permet une mesure continue du débit cardiaque par thermodilution transpulmonaire et analyse du contour de la courbe de pression artérielle à partir d’un cathéter veineux central dans le territoire cave supérieur et d’un cathéter artériel fémoral. Ce système permet par ailleurs un monitorage continu des variations respiratoires du volume d’éjection et donc de la réponse au remplissage vasculaire [62]. Il met à l’abri du risque de rupture de l’artère pulmonaire, en particulier chez les patients valvulaires avec hypertension pulmonaire.


Monitorage biologique
Ionogramme sanguin
L’ionogramme sanguin comprend la surveillance de la kaliémie, du bicarbonate, de la calcémie, de la calcémie ionisée chez l’enfant et de la natrémie. Par ailleurs, le monitorage et l’optimisation de la glycémie au bloc opératoire permettent de diminuer la morbidité [63].

Mesure itérative des gaz du sang
Elle est indispensable.

Hémostase
Dans la chirurgie sous CEC l’exploration de l’hémostase au bloc opératoire est indispensable. Elle doit être réalisée avant l’initiation de la CEC afin de surveiller l’efficacité de l’héparine puis plusieurs fois en cours de CEC pour la surveillance de son effet.

Antibioprophylaxie


La chirurgie cardiaque est une chirurgie dite « propre » (classe 1 d’Altemeier). Les recommandations actuelles pour l’antibioprophylaxie en chirurgie cardiaque proposent une céphalosporine de première génération type céfazoline [64] à la dose de 2 g préopératoires suivie d’une réinjection de 1 g à la 4e heure, ou bien de deuxième génération type céfamandole. La tendance actuelle est d’augmenter les doses afin d’obtenir des concentrations tissulaires largement supérieures aux CMI durant le geste opératoire. En effet, l’hémodilution liée à la circulation extracorporelle doit être prise en compte dans la détermination de la dose à administrer [65, 66].

En cas d’allergie, on propose la vancomycine à la dose unique de 15 mg kg–1 en perfusion préopératoire.


Circulation extracorporelle


La CEC permet de dériver le sang tout en maintenant la circulation et l’oxygénation systémique afin d’immobiliser le coeur et d’obtenir la vacuité des cavités cardiaques au cours du geste chirurgical. Schématiquement, le sang veineux mêlé est drainé au niveau des veines caves ou de l’oreillette droite par un phénomène de gravité, il est récupéré dans un réservoir puis réinjecté par une pompe à travers un échangeur thermique et un oxygénateur vers une canule placée dans l’aorte ascendante (Tableau 2, Fig. 1). À ce système s’ajoutent un circuit de récupération du sang dans le champ opératoire, un échangeur thermique qui permet de réguler la température du sang réinjecté et une pompe pour la solution de cardioplégie.

La CEC fait l’objet d’un article à part entière de l’EMC [68].

Matériel
Le matériel doit être systématiquement vérifié avant toute utilisation. Les oxygénateurs les plus souvent utilisés sont les oxygénateurs à membranes en raison de leur grande biocompatibilité avec les cellules sanguines [69]. Les pompes sont le plus souvent à galet, ce qui assure un débit continu. Le débit en mode pulsé est moins utilisé. Afin de limiter les emboles de gaz et de particules émises pendant la CEC, on utilise des filtres sur la ligne artérielle. Ce système est équipé d’une alarme qui permet de détecter les emboles et donc de diminuer l’incidence des complications de ce type.

Amorçage de la CEC
Le circuit de CEC est amorcé à l’aide d’une solution d’amorçage (priming) associant cristalloïdes et colloïdes, avant la canulation. À cette solution est ajoutée une dose d’héparine non fractionnée de 5 000 à 10 000 UI. L’utilisation du priming permet de limiter la transfusion sanguine. La conséquence de cette technique est une hémodilution importante. Ainsi, on peut tolérer un hématocrite jusqu’à 20 % en cours de CEC [70].

En deçà, il est décrit des effets secondaires tels que l’ischémie rétinienne. En postopératoire, l’hémodilution se corrige par la diurèse spontanée du patient. Dans certains cas, on peut avoir recours aux diurétiques. Cependant, dans la majorité des cas, la restitution du sang contenu dans le réservoir de l’oxygénateur en fin de CEC permet de retrouver un hématocrite autour de 30 % après la chirurgie. La transfusion autologue présente peu d’indication en chirurgie cardiaque en raison de ses nombreuses contre-indications (anémie, sténose carotidienne serrée, angor instable, sténose serrée du tronc commun de la coronaire gauche, rétrécissement aortique serré, insuffisance cardiaque non contrôlée, hypertension artérielle non contrôlée, abord veineux difficile).

Déroulement de la CEC
Pour la décoagulation, on utilise de l’héparine non fractionnée à la dose de 250 à 400 UI kg-1 en injection directe avant la mise en place des canules. Pour s’assurer de l’efficacité de l’héparine on mesure l’activated clotting time (ACT) avant et après l’injection. La valeur recherchée d’ACT avant d’autoriser le commencement de la CEC est de 400 s au moins. L’utilisation préventive d’acide tranexamique ou d’aprotinine permet une réduction des besoins transfusionnels [71]. Avant de commencer la CEC, on doit vérifier la liberté de la ligne artérielle en observant la transmission rétrograde du pouls aortique et l’absence de surpression à la mise en route de la CEC après déclampage de la ligne veineuse. Une fois le débit théorique atteint, on peut arrêter la ventilation mécanique. Le chirurgien va alors clamper la racine de l’aorte et administrer la solution cardioplégique.
Cette solution provoque un arrêt cardiaque et diminue la consommation en oxygène du myocarde. In fine, le but de la solution de cardioplégie est de protéger le myocarde pendant le clampage aortique. Les solutions de cardioplégie sont le plus souvent riches en potassium et froides (4 °C).

Le froid participe lui aussi à la cardioprotection. Certaines équipes utilisent la cardioplégie sanguine afin d’augmenter l’apport en oxygène au myocarde. La solution de cardioplégie peut être administrée par voie antérograde (dans la racine de l’aorte) ou rétrograde (dans le sinus coronaire) ce qui semble diminuer le pic postopératoire de troponine en chirurgie coronaire [72]. On doit réaliser des injections répétées à intervalles de 20 à 30 minutes. Actuellement, aucune solution de cardioplégie ne semble supérieure aux autres.

Le monitorage standard au cours de la CEC comporte le débit de perfusion, la pression artérielle, la pression veineuse centrale, la température d’injection au niveau de la canulation aortique, la SvO2 mesurée sur la canule veineuse (juste avant l’oxygénateur), l’hématocrite, la gazométrie artérielle et les ionogrammes sanguins itératifs ainsi que la capnographie sur la canulation veineuse pour certaines équipes [73]. Le suivi des recommandations de la Haute autorité de santé (www.has-sante.frpermettraient d’éviter la majorité des accidents.

Arrêt de la CEC
La ventilation mécanique doit être reprise avant l’arrêt de la CEC. Après reprise de l’activité électrique cardiaque (après cardioversion ou non) ou après électrostimulation, il faut rechercher le niveau de remplissage optimal. Une fois que la pression artérielle est normalisée et que la température centrale a dépassé 35 °C, on peut commencer le sevrage de la CEC. Si l’état hémodynamique reste précaire en dépit d’un remplissage optimal, il faut utiliser des agents inotropes qui sont choisis au cas par cas en fonction du patient et de la pathologie. En cas d’échec, on peut avoir recours à une assistance circulatoire, le plus souvent sous forme de contrepulsion aortique.

Après l’arrêt de la CEC, l’hémostase chirurgicale doit être soigneuse. On doit antagoniser l’héparine, dose pour dose, par  du sulfate de protamine. Selon le protocole utilisé, une nouvelle injection d’antifibrinolytiques est utilisée pour prévenir le saignement postopératoire [74].

Conséquences de la CEC
La CEC entraîne une activation de la coagulation, une fibrinolyse et une inflammation généralisée qui vont entraîner un syndrome dit de « post-perfusion ». Sur le plan métabolique on observe une hyperglycémie et une augmentation des hormones du stress d’autant plus importante au cours de la CEC normothermique [75]. La CEC altère à la fois l’immunité à médiation humorale et l’immunité à médiation cellulaire [76].

L’avantage de l’hypothermie sur la normothermie, en termes de risque neurologique au cours de la CEC, n’a pas été clairement validé et reste discuté [77]. Sur le plan myocardique on observe des lésions d’ischémie reperfusion de manière constante [78], se traduisant par une élévation de troponine I inférieure à 10 μg l-1. Sur le plan pulmonaire, la CEC entraîne une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires ainsi qu’une inflation hydrique par altération de la perméabilité capillaire avec diminution concomitante de la capacité vitale jusqu’au 7e jour postopératoire [79].
Pathologie coronarienne



La tendance actuelle est celle d’une diminution du nombre de patients adressés pour pontage aortocoronaire au chirurgien.
L’année 2005 a vu réaliser plus de 110 000 angioplasties coronaires avec, pour la première fois et de manière parallèle, une stagnation, voire une diminution du nombre de pontages.
Cependant, les patients adressés à la chirurgie sont souvent plus âgés et présentent des pathologies multiples et complexes. Cette tendance est à mettre en balance avec l’expérience nordaméricaine qui a récemment montré que le devenir à long terme était plus favorable après pontage qu’après angioplastie chez les patients avec au moins deux coronaires atteintes [80].

Par ailleurs, la chirurgie coronaire sans CEC s’est développée et les particularités de l’anesthésie dans ce cas de figure doiventêtre connues pour pouvoir prendre en charge ces patients [81].
Cette technique nécessite une verticalisation du coeur pour le pontage de la coronaire droite et de la circonflexe [1], ce qui entraîne une gêne au retour veineux. Certaines équipes utilisent une « micropompe » d’assistance droite dans cette situation [82].

Pour pouvoir réaliser son geste dans de bonnes conditions, le chirurgien va stabiliser le coeur de part et d’autre de la zone à ponter. L’intérêt de cette technique est qu’elle semble diminuer les emboles cérébraux [83, 84], les arythmies cardiaques postopératoires [85] et les transfusions homologues avec des résultats similaires en termes d’efficacité [81]. Cependant, en termes de dysfonction cognitive postopératoire les résultats sont aujourd’hui encore discutés, comparés à la chirurgie avec CEC [86].

Que la technique soit avec ou sans CEC, le pontage aortocoronarien utilise des artères ou des veines. Les artères mammaires sont les plus utilisées. Les greffons veineux (veine saphène interne surtout) nécessitent quant à eux une anastomose proximale réalisée sous clampage latéral de l’aorte. Dans certains cas et selon les équipes, les artères radiale et gastroépiploïque peuvent être utilisées. Le risque des greffons artériels est le vasospasme (prévenu par inhibiteur calcique ou nitroglycérine [87]) mais ils offrent une meilleure perméabilité à long terme.

Évaluation préopératoire
Évaluation clinique
L’évaluation clinique de ce type de patients va se concentrer sur le statut fonctionnel (score NYHA), sur les caractéristiques de la douleur angineuse (en particulier angor stable ou instable, ce dernier étant de plus mauvais pronostic) et sur la présence éventuelle d’endoprothèses coronaires conventionnelles ou pharmacoactives. Il faut évidemment rechercher les pathologies associées (diabète, hypertension artérielle, obésité, autres atteintes vasculaires, insuffisance rénale, etc.).

Examens complémentaires
Outre les examens complémentaires classiques cités plus haut, il faut impérativement s’informer des résultats de la coronarographie.
Il faut retenir que les sténoses de plus de 50 % représentent une indication chirurgicale et que l’altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche est de plus mauvais pronostic. Par ailleurs, chez ces patients à risque vasculaire il faut rechercher des atteintes vasculaires périphériques, en particulier au niveau des troncs supra-aortiques et des artères iliofémorales pour mise en place d’une contrepulsion intra-aortique. Dans certaines situations, en cas de sténose carotidienne significative, on peut être amené à réaliser l’endartériectomie carotidienne avant la revascularisation coronaire.

Évaluation du risque
À l’issue de l’évaluation préopératoire il est possible d’évaluer le risque opératoire à partir des scores cités plus haut (Parsonnet [9], Tuman [10], Tu [11], Euroscore [12] et Cardiac Anesthesia Risk Evaluation [13]) (Tableau 3). Ceci va permettre de prévoir la prise en charge per- et postopératoire de ces patients. Il ressort que les facteurs de mauvais pronostic sont l’âge supérieur à 75 ans, l’obésité morbide, la réintervention, la chirurgie en urgence, une altération de la fonction ventriculaire gauche (fraction d’éjection < 40 %) et l’insuffisance rénale chronique nécessitant la dialyse. Dans le contexte de l’urgence, la concentration de troponine préopératoire est corrélée à la morbimortalité postopératoire [88].

Technique d’anesthésie
Les principes généraux de la prise en charge de ces patients reposent sur l’équilibre de la balance entre les apports et la consommation en oxygène du myocarde. Il convient donc d’éviter la tachycardie et les variations importantes de la pression artérielle. Le Tableau 4 résume la prise en charge anesthésique standard.

Prémédication
Il faut poursuivre les traitements antiangineux jusqu’à l’intervention. Pour les autres traitements : cf. supra « Gestion des traitements préopératoires ».

Monitorage
Le monitorage comprend l’électrocardiogramme avec câble à cinq branches et monitorage du segment ST, la pression artérielle invasive, la diurèse, la température, l’oxymètre de pouls et la pression veineuse centrale. Les autres méthodes de monitorage sont à adapter au patient et à sa fonction cardiaque. Le recours à l’ETO doit être le plus large possible [37, 40].

Protocole d’anesthésie: Il s’oriente classiquement vers l’association propofol/ sufentanil ou propofol/rémifentanil. Cependant, en raison de leurs effets myocardiques, les anesthésiques halogénés volatils semblent avoir leur place.
Dans le cas de la chirurgie à coeur battant on peut proposer comme objectifs hémodynamiques les paramètres suivants [89] :
- maintien d’une pression artérielle moyenne > 60 mmHg ;
- correction d’une éventuelle hypovolémie ;
- fréquence cardiaque < 70 battements/min ;
- SvO2 > 75 % ;
- et index cardiaque > 2 l min-1 m-2.

En cas d’hypotension on réalise un passage en position de Trendelenburg, puis un remplissage vasculaire avant de recourir aux vasoconstricteurs. En cas de bas débit cardiaque, on peut réaliser un remplissage vasculaire avant le recours aux inotropes, voire l’installation d’un ballon de contrepulsion. Les extrasystoles ventriculaires peuvent être traitées par lidocaïne, amiodarone, ou bêtabloquant et maintien d’une kaliémie > 4,5 mmol l-1. Enfin, la conversion en CEC doit être proposée en cas de grande instabilité avec ischémie myocardique.

Complications mécaniques de l’infarctus du myocarde
Les complications mécaniques de l’infarctus du myocarde sont particulièrement graves. Elles nécessitent pour la plupart une prise en charge en urgence. Dans le cadre de l’urgence, on recommande l’application des protocoles de référence pour l’induction en séquence rapide par l’association de thiopental ou d’étomidate et de succinylcholine en respectant les contreindications [28]. Les complications mécaniques sont la rupture cardiaque intrapéricardique, la rupture septale et l’insuffisance mitrale aiguë.

Rupture cardiaque
Elle se traduit par une tamponnade d’apparition rapide ou brutale. Elle survient le plus souvent autour du 2e ou 3e jour après infarctus.

Rupture septale
Elle est responsable d’un shunt intracardiaque gauche-droite entraînant un hyperdébit pulmonaire avec oedème aigu du poumon et/ou choc cardiogénique. Elle survient autour de la 24-48e heure après infarctus et est située au niveau de l’infarctus.
La mortalité est voisine de 85 % [90]. Le diagnostic repose sur la survenue ou l’aggravation d’un souffle, typiquement en rayon de roue, associé à un état de choc. La confirmation est échocardiographique. La prise en charge anesthésique est celle de l’insuffisance mitrale aiguë. Le monitorage par cathéter de Swan-Ganz avec capteur de SvO2 permet de détecter des récidives postopératoires : en préopératoire la SvO2 est toujours haute en raison du shunt gauche-droite mais en postopératoire, une réascension de la SvO2 doit faire évoquer la récidive.

Insuffisance mitrale aiguë
Les mécanismes de l’insuffisance mitrale aiguë après infarctus sont la rupture de pilier dans le cadre de l’infarctus inférieur, l’insuffisance mitrale sur infarctus étendu avec dilatation du ventricule gauche et de l’anneau mitral et l’insuffisance mitrale par dysfonction ischémique de pilier. L’insuffisance mitrale aiguë par rupture de pilier peut donner un tableau voisin de la rupture septale si ce n’est que dans l’insuffisance mitrale la SvO2 est diminuée. Dans ce cas, le traitement préopératoire repose sur les vasodilatateurs, les inotropes, les diurétiques, la ventilation en pression positive et éventuellement la mise en place d’un ballon de contrepulsion avant la prise en charge chirurgicale.

L’insuffisance mitrale sur infarctus étendu est de mauvais pronostic et la chirurgie ne le modifie pas. Enfin, dans le cadre de l’insuffisance mitrale par dysfonction ischémique de pilier, le rétablissement du débit coronaire permet dans certains cas de faire régresser l’insuffisance mitrale [91]. Pour la prise en charge anesthésique, l’ETO et le cathéter de Swan-Ganz s’imposent. La ventilation doit se faire sans protoxyde d’azote ni halogénés.
Valvulopathies


Le nombre de chirurgies valvulaires s’est stabilisé en France malgré la diminution des indications pour rhumatisme articulaire.Les causes dégénératives sont majoritaires chez le sujet âgé. Dans ce contexte, les effets de l’anesthésie peuvent être particulièrement dangereux et il est important de comprendre la physiopathologie des valvulopathies pour mener une anesthésie raisonnée.

L’échographie cardiaque a une place importante dans ce type de chirurgie [37, 40] d’autant que les substitutions valvulaires par prothèse mécanique ou biologique cèdent de plus en plus la place aux réparations valvulaires. L’insertion d’une prothèse valvulaire mécanique impose une héparinothérapie postopératoire précoce, ce d’autant plus qu’elle se trouve en position mitrale et qu’il existe une arythmie. Les patients adressés pour chirurgie valvulaire sont de plus en plus âgés, présentent donc des pathologies multiples, ont souvent plusieurs valvulopathies et des atteintes coronaires potentielles. Par ailleurs, l’hypertension artérielle pulmonaire préopératoire est un facteur de mauvais pronostic.

Les rétrécissements valvulaires représentent une gêne à l’augmentation du débit cardiaque. Par conséquent, il est important de préserver les conditions de charge et la fonction contractile. Une diminution de la postcharge peut entraîner une baisse du débit cardiaque. À l’inverse, pour les régurgitations valvulaires, la baisse de la postcharge est favorable.

Valvulopathies aortiques
Rétrécissement aortique
Le rétrécissement aortique devient chirurgical lorsqu’il est symptomatique (syncope, insuffisance cardiaque, angor) ou quand l’orifice aortique est inférieur à 1 cm2 [92]. Les étiologies les plus fréquentes sont dégénératives. Près de 25 % des patients porteurs d’un rétrécissement aortique ont une coronaropathie associée [93], il faut donc systématiquement demander une coronarographie en préopératoire.

Le rétrécissement aortique est responsable d’une augmentation chronique de la postcharge du ventricule gauche. Ce phénomène est responsable d’une hypertrophie ventriculaire gauche qui a pour conséquence une baisse de la compliance ventriculaire et du volume de sa cavité. Par ailleurs, cette hypertrophie, associée à l’obstacle réalisé par le rétrécissement aortique, va entraîner une augmentation de la demande en oxygène du myocarde. Ces patients sont donc très sensibles à la baisse de la pression artérielle diastolique. À un stade évolué, le rétrécissement aortique est responsable d’une insuffisance cardiaque.

Dès lors, la cavité ventriculaire se dilate, les résistances pulmonaires augmentent et le gradient transvalvulaire diminue car le ventricule n’est plus capable de générer un gradient. La prise en charge anesthésique repose sur quatre points essentiels : éviter l’hypotension, l’ischémie, la perte de la systole atriale (qui compromet le remplissage ventriculaire) et l’hypovolémie.

En pratique, il faut éviter les agents qui dépriment la fonction myocardique, il faut assurer un remplissage adéquat et éviter la vasodilatation artérielle. L’induction classique comprend un morphinique associé à un anesthésique intraveineux faiblement dépresseur myocardique (étomidate). Le monitorage (outre le monitorage classique) fait assez largement appel à l’ETO. Le cathéter de Swan-Ganz, en raison des troubles du rythme qu’il peut entraîner et de ses contre-indications en cas de bloc de branche gauche, est réservé aux patients les plus graves. La prise en charge des épisodes d’hypotension consiste en l’allègement de l’anesthésie si nécessaire, l’administration d’éphédrine et le remplissage vasculaire. L’hypovolémie postopératoire est l’une des causes principales d’hypotension (en raison de l’hypertrophie ventriculaire gauche et de la baisse de compliance ventriculaire avec dysfonction diastolique) et le remplissage vasculaire est indiqué dans ce contexte si le ventricule gauche présente une fonction systolique normale.

Insuffisance aortique
L’insuffisance aortique est soit chronique (rhumatisme articulaire aigu, bicuspidie, maladie annuloectasiante) soit aiguë (endocardite infectieuse, dissection aortique, traumatisme).
L’insuffisance aortique chronique qui évolue sur 10 à 20 ans va entraîner une dilatation ventriculaire gauche responsable d’une baisse de la pression artérielle diastolique (avec augmentation de la pression artérielle pulsée) et d’une hypoperfusion diastolique.

Dans ce contexte, une insuffisance cardiaque congestive est de mauvais pronostic. Quant à l’insuffisance aortique aiguë, elle peut entraîner un oedème aigu du poumon dans un contexte de choc cardiogénique. Sur le plan physiopathologique, l’insuffisance aortique est responsable d’une surcharge volumétrique du ventricule gauche car en diastole le ventricule gauche reçoit le sang en provenance de l’oreillette gauche et de l’aorte ascendante.

Le but de l’anesthésie est de ne pas augmenter les résistances vasculaires systémiques, de maintenir la fréquence cardiaque haute afin de diminuer le temps de remplissage ventriculaire et donc de limiter la surcharge volumétrique. Les traitements diurétiques et vasodilatateurs sont maintenus jusqu’à la chirurgie.
L’anesthésie peut utiliser le propofol, le sévoflurane, le desflurane ou l’isoflurane associés à un morphinique type sufentanil ou rémifentanil.

Valvulopathies mitrales
Les pathologies valvulaires mitrales sont responsables d’une augmentation des pressions en amont de la valve mitrale.Ce phénomène va entraîner une distension de l’oreillette gauche (qui peut induire des troubles du rythme supraventriculaires),une hypertension artérielle pulmonaire postcapillaire puis une défaillance ventriculaire droite. Ces complications, quand elles surviennent, aggravent le pronostic en particulier chez le sujet âgé.

Rétrécissement mitral
Cette pathologie se rencontre deux fois plus chez la femme que chez l’homme et est le plus souvent d’origine rhumatismale (exceptionnellement d’origine congénitale). Vingt-trois pour cent des patients présentent des lésions coronaires associées [94].
Le rétrécissement mitral est responsable d’une restriction ventriculaire gauche et d’une surcharge chronique de l’oreillette gauche qui peut être responsable de troubles du rythme supraventriculaires.
L’augmentation du débit cardiaque chez ces patients s’obtient soit par augmentation de la pression auriculaire gauche, soit par allongement du temps de diastole (par baisse de la fréquence cardiaque par exemple). L’évaluation préopératoire se concentre essentiellement sur l’évaluation de la fonction ventriculaire gauche (systolique et diastolique), l’appréciation d’un trouble du rythme supraventriculaire, la mesure de la surface de l’orifice mitral, la recherche d’une dilatation de l’oreillette gauche et des cavités droites, la présence d’un thrombus intra-auriculaire gauche, la mesure des pressions artérielles pulmonaires et la recherche de valvulopathies associées.

Tout comme pour la prise en charge anesthésique du rétrécissement aortique il convient de respecter la volémie afin d’éviter les variations de précharge du ventricule gauche (si la précharge s’élève on s’expose au risque d’oedème aigu du poumon, si elle
baisse trop on s’expose au risque de bas débit cardiaque) et de la fréquence cardiaque. La stabilité hémodynamique à l’induction doit être un des objectifs principaux et il faut utiliser des agents qui permettent de ne pas trop diminuer la fonction contractile ventriculaire. Les poussées d’hypertension artérielle pulmonaire sont prises en charge par l’administration de monoxyde d’azote inhalé ou de prostacyclines inhalées [95]. Les complications postopératoires comportent la rupture ventriculaire gauche, l’inclusion de l’artère coronaire circonflexe dans la suture de la valve prothétique et la gêne à l’éjection ventriculaire du fait de la taille réduite de la cavité ventriculaire gauche [96].

Insuffisance mitrale
L’insuffisance mitrale chronique est d’origine rhumatismale ou dystrophique. L’insuffisance mitrale aiguë quant à elle peut résulter d’une rupture de cordage ou de pilier, d’une dysfonction de muscle papillaire, d’une endocardite infectieuse ou d’un traumatisme. L’insuffisance mitrale entraîne une régurgitation systolique vers l’oreillette gauche (système à basse pression comparé au réseau systémique). Ce phénomène est responsable d’une dilatation de l’oreillette gauche avec possible hypertension artérielle pulmonaire et risque d’oedème aigu du poumon et, d’autre part, surcharge volumétrique du ventricule gauche qui peut entraîner une dysfonction ventriculaire gauche. Par conséquent, la réparation chirurgicale peut précipiter une défaillance aiguë du ventricule gauche par augmentation brutale de la postcharge. En préopératoire, du fait de l’insuffisance mitrale, la fraction d’éjection ventriculaire gauche est surestimée.

Outre la préservation de la fonction contractile ventriculaire à l’induction, la prise en charge anesthésique doitmaintenir une fréquence cardiaque rapide pour diminuer la régurgitation mitrale et les résistances vasculaires systémiques basses.


Pathologies péricardiques



On distingue la tamponnade de la péricardite constrictive.
Cependant, les deux pathologies se caractérisent par une gêne au remplissage ventriculaire droit puis gauche par augmentation de la pression intrapéricardique et égalisation des pressions atriale et ventriculaire en diastole. La conséquence en est une baisse du volume d’éjection ventriculaire. La tamponnade se traduit par un état de choc avec cyanose dans le territoire cave supérieur, turgescence jugulaire et augmentation de la pression veineuse centrale. Le maintien du débit cardiaque se fait par l’augmentation du remplissage vasculaire et de la fréquence cardiaque.

Le diagnostic de tamponnade est échocardiographique mais les images échographiques ne sont pas toujours en rapport avec la sévérité du tableau clinique [97]. Il est recommandé de monitorer la pression artérielle de manière invasive avantl’induction anesthésique. L’antisepsie chirurgicale est réalisée et le chirurgien est habillé avant l’induction de l’anesthésie. Par ailleurs, il faut limiter les pressions ventilatoires positives jusqu’au drainage de l’épanchement car il existe un risque de désamorçage ventriculaire gauche par augmentation de la postcharge du ventricule droit induit par la ventilation mécanique [98]. Le patient est en position assise. En cas de collapsus, on a recours au remplissage vasculaire et aux sympathomimétiques.

La prise en charge de la péricardite constrictive est souvent moins aiguë. Cependant, le geste est plus long et on peut avoir recours à la CEC.

Cardiomyopathie obstructive


La cardiomyopathie obstructive peut être responsable de la constitution d’un bourrelet septal en regard de la valve mitrale antérieure qui peut faire obstacle à la chambre de chasse ventriculaire gauche et par conséquent constituer une gêne à l’éjection ventriculaire gauche. Cet obstacle est majoré par l’augmentation de la contractilité. Par ailleurs, en raison de l’hypertrophie ventriculaire, il existe un risque d’ischémie et de trouble du rythme. La prise en charge chirurgicale consiste à réséquer une partie du muscle cardiaque correspondant au bourrelet septal.

Comme pour le rétrécissement aortique orificiel, l’anesthésie doit respecter une précharge élevée, maintenir un rythme sinusal, éviter les inotropes et maintenir une postcharge élevée pour assurer la perfusion coronaire. Les bêtabloquants sont maintenus jusqu’à l’intervention.

 Embolie pulmonaire


Les indications d’embolectomies se rencontrent quand l’utilisation des fibrinolytiques est contre-indiquée et l’hémodynamique instable en raison de l’embolie elle-même. Dans ces situations, l’embolie pulmonaire est responsable d’une augmentation brutale et majeure de la postcharge du ventricule droit avec réalisation d’un tableau de coeur pulmonaire aigu. La prise en charge repose sur le traitement de la défaillance cardiaque, de l’hypotension artérielle et de l’hypoxémie. L’intubation et la ventilation mécanique dans ces situations peuvent avoir des conséquences dramatiques en raison de la majoration de la postcharge ventriculaire droite. Par conséquent, l’induction anesthésique doit être réalisée après installation chirurgicale du patient. Par ailleurs, la mise en place de la CEC peut se faire par une canulation fémorofémorale sous anesthésie locale et avant induction. Les sympathomimétiques et l’inhalation de monoxyde d’azote sont souvent nécessaires.


Pathologies de l’aorte thoracique





Le plus souvent, la prise en charge des lésions de l’aorte thoracique se fait dans le contexte de l’urgence. De manière générale, il faut éviter les à-coups de pression artérielle à l’induction qui peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur une aorte déjà fragilisée. En parallèle, il faut maintenir une pression artérielle suffisante pour avoir une pression de perfusion médullaire adéquate. Selon le siège de la lésion, la technique de prise en charge est variable. On peut avoir recours à l’arrêt de la circulation cérébrale avec hypothermie profonde (température cérébrale de 18 °C) ou perfusion cérébrale avec du sang froid (antérograde ou rétrograde) dans les réparations de l’arche aortique. Pour la prise en charge des lésions de l’aorte thoracique descendante, le monitorage des pressions du liquide céphalorachidien pourrait être utile pour diminuer le risque de paraplégie postopératoire [99]. Pour les différentes pathologies de l’aorte thoracique, le monitorage de la pression artérielle invasive doit se faire par un cathéter artériel situé dans l’artère radiale droite puisque l’artère sous-clavière gauche est susceptible d’être clampée pendant la chirurgie.

Rupture traumatique de l’aorte
Elle survient le plus souvent dans un contexte de polytraumatisme et siège le plus souvent dans la région de l’isthme. Le diagnostic doit être évoqué dans un contexte de choc avec décélération brutale. La confirmation se fait d’abord au scanner (tomodensitométrie corps entier dans le cadre du bilan initial lésionnel d’un polytraumatisé), éventuellement à l’ETO [100]. Le traitement chirurgical consiste en un remplacement de la partie endommagée de l’aorte par prothèse sous CEC fémorofémorale.

La prise en charge anesthésique repose sur la prévention de l’aggravation des lésions aortiques (maintien d’une pression artérielle systolique [PAS] inférieure à 100 mmHg par l’utilisation de bêtabloquants s’il n’existe pas de choc hémorragique).
Par ailleurs, le recours à la ventilation monopulmonaire avec exclusion du poumon gauche aide le geste chirurgical. Actuellement, de nombreuses ruptures de l’isthme aortique sont artérielles traitées par endoprothèses posées par voie fémorale.

Dissection aortique
La dissection aortique consiste en la création d’un « faux chenal » situé entre l’intima et la média de l’artère et progressant dans le sens antérograde et/ou rétrograde à partir d’une « porte d’entrée ». On distingue classiquement les dissections aortiques de type A (intéressant l’aorte thoracique ascendante et nécessitant la prise en charge chirurgicale car elle risque de s’étendre aux coronaires ou aux artères à destination céphalique) des dissections aortiques de type B (épargnant l’aorte thoracique ascendante). Les complications classiques de la dissection aortique sont l’extension à la valve aortique et aux coronaires avec risques d’insuffisance aortique aiguë, d’ischémie myocardique et de tamponnade.

Par ailleurs, il faut se méfier car certaines dissections aortiques ont pu faire suspecter à tort un infarctus du myocarde avec administration de traitements anticoagulants à la prise en charge initiale [101]. Il faut aussi monitorer la pression artérielle de manière invasive avant l’induction anesthésique en ayant souvent recours aux vasodilatateurs et à l’esmolol. L’objectif est de diminuer la tension pariétale de l’aorte, on maintient donc une pression artérielle systémique inférieure à 100 mmHg.

Anévrisme de l’aorte
Les anévrismes proviennent d’une dilatation de l’aorte initiale qui peut évoluer vers la compression des organes voisins ou vers la fissuration. L’indication est chirurgicale quand le diamètre devient supérieur à 60 mm. La prise en charge d’un anévrisme de l’aorte ascendante impose le recours à la CEC avec hypothermie profonde (28 °C) le plus souvent et arrêt circulatoire. Les complications de la prise en charge de l’anévrisme de l’aorte thoracique sont l’ischémie cérébrale et/ou myocardique, les emboles cérébraux et l’hémorragie postopératoire par lâchage des sutures aortiques.

Sténose de l’isthme
Les sténoses ou coarctations de l’isthme aortique sont le plus souvent d’origine congénitale et en dehors du contexte de l’urgence. Dans ce contexte le clampage aortique est mieux toléré que dans les autres pathologies en raison du développement d’un réseau collatéral. Le risque postopératoire majeur est l’hypertension artérielle avec possibilité de lâchage de suture.


Transplantation cardiaque


La transplantation cardiaque a pour indication les cardiopathies primitives ou ischémiques entraînant un score NYHA à 4, une fraction d’éjection ventriculaire gauche < 20 %, une VO2max < 14 ml kg-1 min-1 et dont la prise en charge échappe au traitement médical optimal. L’hypertension artérielle pulmonaire (résistances artérielles pulmonaires > à 8 unités Wood soit 640 dyn s-1 cm-5 ou gradient transpulmonaire > 15 mmHg), le diabète insulinodépendant avec atteinte organique grave ainsi que les pathologies neuropsychiatriques graves sont des contre-indications.


Anesthésie pour transplantation cardiaque
La transplantation cardiaque est réalisée chez un patient dont la fonction cardiaque est particulièrement dégradée. Il convient donc d’adapter le protocole d’anesthésie en conséquence. Par ailleurs, les transplantations ont souvent lieu dans le cadre de l’urgence chez des patients à estomac plein, ce qui peut nécessiter une induction à séquence rapide. Le monitorage est celui d’une chirurgie cardiaque sous CEC. Il est fréquent d’associer un cathéter de Swan-Ganz à SvO2 et débit continu avec mesure de la fraction d’éjection droite. L’extrémité du cathéter est positionnée dans la veine cave supérieure au moment de la suture des oreillettes ou de la veine cave.

Coeur transplanté
La compatibilité ABO, un cross-match s’il existe des anticorpsirréguliers, ainsi qu’une adéquation poids/taille entre donneur et receveur sont nécessaires. L’évaluation du greffon est faite sur les circonstances de la mort cérébrale ainsi que sur l’échocardiographie et les doses d’inotrope nécessaires.

La transplantation va entraîner une dénervation initiale du coeur responsable d’une modification de la fréquence cardiaque avec une tachycardie ou une bradycardie par dysfonction sinusale, ainsi que d’une altération du baroréflexe diminuant en particulier la réponse à l’hypovolémie [102].
Immédiatement après la greffe, le coeur transplanté va devoir s’adapter à une éventuelle hypertension artérielle pulmonaire.

L’introduction d’inotropes dans ce contexte est fréquente : adrénaline, voire inhibiteurs de la phosphodiestérase III (milrinone) pour la fonction systolique ventriculaire gauche. On utilise systématiquement l’isoprénaline en raison des phénomènes de bradycardie précédemment décrits. Le traitement de la défaillance ventriculaire droite passe par le NO inhalé (baisse d’une éventuelle HTAP), voire par l’assistance mécanique ventriculaire droite temporaire.

Prise en charge postopératoire
Le problème le plus souvent rencontré dans le contexte de la transplantation cardiaque est la dysfonction du greffon. Cette dysfonction peut être liée à des problèmes de protection myocardique, de souffrance myocardique chez le donneur, d’inadaptation de la taille du greffon par rapport au poids et à la taille du receveur, ou à une hypertension artérielle pulmonaire réalisant alors un tableau de défaillance ventriculaire droite.

Le rejet doit être suspecté devant une insuffisance ventriculaire droite, une cardiomégalie de novo, des troubles du rythme cardiaque, une diminution de l’amplitude du signal ECG (indice de Shumway), une hépatomégalie, une diminution du temps de relaxation isovolumétrique en échocardiographie ou encore de la fièvre. Il est important que le diagnostic soit fait le plus précocement possible en raison du fait que l’altération de la fonction systolique est tardive et qu’elle survient à un stade où le pronostic vital est déjà engagé.


Cardiopathie congénitale de l’enfant et de l’adulte


L’anesthésie des cardiopathies congénitales de l’enfant fait l’objet d’un article de ce traité auquel nous renvoyons le lecteur [103].
Avec les progrès réalisés par la prise en charge médicochirurgicale des cardiopathies congénitales du nouveau-né et du nourrisson, le nombre des patients atteignant l’âge adulte augmente progressivement et nécessite souvent une réintervention.

On observe classiquement trois situations : les cardiopathies sévères non opérées, les cardiopathies sévères qui ont déjà été opérées et les cardiopathies bénignes négligées et non opérées qui se sont compliquées et qui ont évolué vers l’insuffisance cardiaque. L’un des problèmes classiques des cardiopathies congénitales non opérées est représenté par le phénomène d’Eisenmenger qui consiste en une hypertension artérielle pulmonaire fixée après évolution sur plusieurs années d’un shunt gauche-droite.
Chez l’adulte, l’une des pathologies le plus fréquemment rencontrée est la communication interauriculaire. Il faut porter une attention particulière à l’absence d’injection de bulles en cas de shunt droite-gauche en raison du risque d’embolie cérébrale gazeuse.


Tumeurs du coeur

Le plus souvent la tumeur est bénigne (le myxome est l’étiologie la plus fréquente) et présente un risque d’enclavement et un risque emboligène. La prise en charge anesthésique est classique et ne nécessite pas de sonde de Swan-Ganz si la fonction ventriculaire est conservée (et d’autant moins si la tumeur siège dans les cavités droites).
Prise en charge postopératoire en chirurgie cardiaque


Particularités de la prise en charge postopératoire
Les variations hémodynamiques en période postopératoire de chirurgie cardiaque sont importantes pour de nombreuses raisons. La CEC induit un grand nombre de modifications physiologiques et le geste chirurgical induit de nouvelles contraintes hémodynamiques susceptibles de déstabiliser un équilibre parfois précaire. Par ailleurs, comme pour tout geste chirurgical, l’anesthésie a des conséquences sur le système circulatoire du patient. Ainsi, la période postopératoire s’accompagne de modifications physiologiques capables de bouleverser l’équilibre hémodynamique : le retour à la normothermie avec redistribution des flux sanguins régionaux, la douleur avec la tachycardie et l’augmentation des besoins myocardiques en oxygène qu’elle induit, les frissons, le sevrage de la ventilation mécanique ou encore la suppression de la vasoplégie induite par les agents anesthésiques sont des exemples de modifications physiologiques qui surviennent en postopératoire.

Complications hémodynamiques
Choc cardiogénique
Le bas débit cardiaque est défini par un index cardiaque inférieur à 2,2 l min-1 m-2, des résistances artérielles élevées, des pressions de remplissage élevées et une baisse de la SvO2 associés aux signes cliniques et biologiques du choc.

L’échocardiographie permettrait à elle seule de faire le diagnostic de choc cardiogénique devant la cinétique des ventricules, leurs tailles, la fonction des prothèses valvulaires ou une dysfonction diastolique.

Les étiologies sont multiples : ischémie par déséquilibre de la balance demande/apport en oxygène du myocarde, spasme coronaire, défaut de protection myocardique, dysfonction de pontage, tamponnade ou dysfonction valvulaire. Outre le traitement étiologique, le traitement préventif repose sur l’éviction des agents anesthésiques cardiodépresseurs, l’utilisation préventive d’une solution riche en glucose qui représente le principal nutriment du myocarde ischémique [104] et l’utilisation éventuelle d’un ballonnet de contrepulsion intra-aortique (CPBIA) prophylactique [105].
La constatation d’un bas débit cardiaque lors du sevrage de la CEC doit entraîner une prolongation du temps de CEC afin de permettre un sevrage très progressif de l’assistance circulatoire. Si nécessaire, on a recours à de faibles doses d’inotropes (adrénaline, dobutamine ou éventuellement inhibiteurs de la phosphodiestérase III) en fonction du statut hémodynamique. Si le bas débit cardiaque persiste, l’équipe médicochirurgicale peut avoir recours à une assistance uni- ou biventriculaire.

Hypotension et hypovolémie
L’hypovolémie postopératoire est fréquente et a des causes multiples. Ainsi, aux côtés du saignement postopératoire, l’hémodilution, l’augmentation de la perméabilité capillaire post-CEC, l’administration de diurétiques ou encore le défaut de compensation des pertes opératoires sont autant de causes d’hypovolémie postopératoire. Le diagnostic est parfois difficile. Classiquement, il associe des pressions de remplissage basses et une diminution de l’index cardiaque. Cependant, l’estimation de la volémie et de la précharge-dépendance biventriculaire reste compliquée, en particulier après chirurgie cardiaque et là encore l’échographie cardiaque est d’une aide précieuse.

Le saignement postopératoire doit être compensé avec rigueur. Par ailleurs, ce saignement n’est pas toujours d’origine chirurgicale et il faut corriger les modifications de l’hémostase qui sont fréquentes après la CEC. L’acide tranexamique et l’aprotinine [106] ont des efficacités démontrées mais il faut se méfier d’un possible risque prothrombotique qui pourrait être responsable d’un caillotage des drains avec risque de tamponnade. En cas de saignement chirurgical, il faut savoir poser l’indication de reprise en gardant à l’esprit qu’elle semble être responsable d’une augmentation de la morbimortalité postopératoire [107].

Poussées hypertensives
Les poussées hypertensives postopératoires sont fréquentes (30 à 50 % des patients) en particulier en cas d’hypertension artérielle préopératoire, après revascularisation coronaire et après chirurgie de l’aorte thoracique. L’hypothermie et les frissonspeuvent favoriser l’hypertension artérielle. Ces poussées doivent être traitées en raison du risque hémorragique qu’elles entraînent.

De plus, par l’augmentation de la postcharge, elles entraînent un risque de défaillance ventriculaire gauche chez les patients dont la fraction d’éjection était préalablement altérée.
Le traitement repose sur le réchauffement, l’analgésie et les agents antihypertenseurs. Les antihypertenseurs doivent être non cardiodépresseurs, comme les alphabloquants (urapidil par bolus de 10 mg) ou le nitroprussiate de sodium (toujours disponible, mais risque d’intoxication au cyanure si l’utilisation est prolongée), ou peu cardiodépresseurs comme la nicardipine (bolus de 0,5 mg).

Il est possible d’utiliser les bêtabloquants injectables (esmolol, aténolol, acébutolol) en cas de poussée hypertensive associée à une tachycardie chez les patients à fraction d’éjection du ventricule gauche préservée.

Syndrome hyperkinétique
Le syndrome hyperkinétique associe une hypotension artérielle associée à un index cardiaque > 2,5 l min-1 m-2, une pression de l’oreillette droite < 5 mmHg, une pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) < 10 mmHg et des résistances périphériques basses < 800 dyn s-1 cm-5 [108]. Ce syndrome s’intègre dans un syndrome inflammatoire généralisé qui se manifeste parfois seulement par une fébricule. Sa fréquence varie de 8 à 20 % selon les auteurs [109]. Les patients doivent être traités afin de rétablir une pression de perfusion par la correction d’une anémie et l’adjonction de vasoconstricteurs tels que la phényléphrine, la noradrénaline, voire la terlipressine.

Des études récentes se sont intéressées à l’utilisation du bleu de méthylène avec des résultats encourageants [110, 111]. L’hypothèse repose sur l’inhibition de la synthèse d’acide nitrique par le bleu de méthylène. En effet, au cours de la réaction inflammatoire responsable du syndrome hyperkinétique, il y aurait une activation des NO synthases. Non traité, le syndrome hyperkinétique est responsable d’une morbimortalité qui s’élève jusqu’à 25 %.

Troubles du rythme
Les épisodes de fibrillation atriale postopératoire surviennent chez 15 à 40 % des patients [112]. Ils sont favorisés par l’âge et sont responsables d’une augmentation de la durée de séjour hospitalier [112]. Leur traitement préventif repose sur l’association de digitaliques et de bêtabloquants [112].

Ces troubles du rythme supraventriculaires peuvent être mal tolérés chez les patients présentant une dysfonction diastolique. Le traitement curatif est basé sur l’amiodarone intraveineuse et sur la cardioversion externe.

Tamponnade
La tamponnade se caractérise par l’accumulation de liquide dans le sac péricardique responsable d’une gêne au remplissage [113, 114]. La cause est un défaut d’hémostase chirurgicale, un trouble de la coagulation et/ou une dysfonction des drains péricardiques. Ce phénomène entraîne une égalisation des pressions diastoliques auriculaires et ventriculaires gauches et droites. Cliniquement, cela se traduit par un état de choc avec cyanose du visage, turgescence jugulaire et typiquement une pression veineuse centrale (PVC) > 15 mmHg. Par ailleurs, le patient est tachycarde par activation sympathique réflexe. La courbe de PA montre un pouls paradoxal ; ce signe n’est pas constant et le diagnostic repose sur l’échocardiographie transthoracique ou transoesophagienne. Le drainage chirurgical est une urgence absolue. Dans l’attente de sa réalisation, on a recours au remplissage et aux sympathomimétiques.

Hypertension artérielle pulmonaire
L’hypertension artérielle pulmonaire se rencontre fréquemment après chirurgie cardiaque pédiatrique et chez les patients présentant une hypertension artérielle pulmonaire préopératoire.
Les facteurs qui la favorisent sont nombreux : hypoxémie, acidose, hypercapnie, libération de substances vasoconstrictrices par les leucocytes ou les plaquettes activées, le réveil, la douleur, les aspirations trachéales ou l’injection de protamine. L’hypertension artérielle pulmonaire peut entraîner une dysfonction ventriculaire droite. Si elle se pérennise on peut observer une défaillance cardiaque globale. Le traitement repose sur l’éviction des facteurs favorisants et sur le support inotrope, la vasodilatation pulmonaire (NO inhalé ou prostacycline en nébulisation) et la vasoconstriction systémique en cas d’hypotension systémique.

Complications neurologiques [115]
Elles sont essentiellement représentées par des accidents vasculaires cérébraux (1 à 3 %) et surtout par des dysfonctions cognitives (30 à 65 % des patients 1 mois après l’intervention).
Les principales étiologies sont les embolies cérébrales (athérome aortique, emboles gazeux) et l’hypoperfusion accentuée par les lésions d’ischémie-reperfusion.

Un certain nombre d’interventions ont montré un certain bénéfice à la survenue d’évènements neurologiques : la manipulation précautionneuse de l’aorte ascendante (risque de migration d’emboles calcaires), le contrôle glycémique per- et postopératoire strict, le maintien d’un hématocrite supérieur à 28 % et d’une pression artérielle moyenne supérieure à 50 mmHg. L’utilisation de remacemide (antagoniste des récepteurs NMDA) et de lidocaïne limiterait également les complications neurologiques.

D’autres lésions plus « périphériques » sont également possibles : plexus brachial, nerf phrénique, paires crâniennes dont le nerf optique [116].

Conclusion
La chirurgie cardiaque a beaucoup évolué au cours des 20 dernières années. Cette évolution est due en grande partie aux progrès spectaculaires de l’anesthésie et de la réanimation liées à cette spécialité. Les progrès les plus significatifs sont relatifs aux molécules utilisées en anesthésie, aux progrès de la CEC et à l’avènement de l’échocardiographie per- et postopératoire. Les patients adressés en chirurgie cardiaque sont aujourd’hui souvent plus âgés et présentent des pathologies multiples qui alourdissent leur prise en charge. Le rôle de l’anesthésiste-réanimateur dans cette spécialité est essentiel. La bonne connaissance de la physiopathologie ainsi que des technologies qui entourent cette spécialité doit être systématiquement mise à jour pour améliorer la prise en charge des patients.

 Points essentiels
Au cours de la chirurgie cardiaque, la circulation extracorporelle entraîne un grand nombre de désordres biologiques, physiologiques et cliniques.
En chirurgie cardiaque, la gestion hémodynamique per- et postopératoire passe par une maîtrise de l’échocardiographie.
L’utilisation du cathéter de Swan-Ganz demeure importante dans la prise en charge hémodynamique des patients à haut risque.
Les données échocardiographiques préopératoires influencent les protocoles d’anesthésie.
La conduite à tenir vis-à-vis des traitements préopératoires à visée cardiologique doit être parfaitement connue dans ce contexte.
Cette spécialité nécessite une étroite collaboration entre anesthésistes, réanimateurs, chirurgiens et cardiologues.
Le contrôle glycémique est primordial en peropératoire.
La prise en charge des pontages aortocoronaires à cœur battant est relativement différente des autres types d’intervention.
Les principales complications postopératoires sont d’ordre cardiaque, neurologique, rénal et pulmonaire.

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