Aspects spécifiques de l’anesthésie en chirurgie abdominale par laparotomie de l’adulte







Taysir Assistance.TNB. Goubaux, O. Pérus, M. Raucoules-Aimé
De meilleures connaissances dans le domaine de la physiologie du péritoine et des différents organes intrapéritonéaux ont permis une amélioration de la prise en charge des patients devant bénéficier d’une chirurgie digestive majeure. L’abord de la cavité abdominale par laparotomie est responsable de la rupture de l’équilibre d’un milieu très complexe, ce d’autant qu’un drainage est réalisé, et s’accompagne essentiellement de répercussions respiratoires, qui sont la cause la plus fréquente des complications postopératoires. De plus en plus de patients âgés et en mauvais état général bénéficient d’interventions majeures. Leur prise en charge débute dès la période préopératoire, où une prise en charge nutritionnelle est parfois nécessaire. La réhabilitation postopératoire des patients revêt également une importance primordiale, car elle facilite les suites opératoires : une meilleure gestion des nausées et vomissements postopératoires, et le développement des techniques d’analgésie locorégionale postopératoire en sont les principales bases.


Mots clés : Péritoine ; Grand épiploon ; Drainage ; Aspiration digestive ; Complications respiratoires ; Iléus postopératoire ; Nausées et vomissements postopératoires ; Nutrition périopératoire ; Réhabilitation postopératoire


Introduction
La chirurgie abdominale est un domaine vaste, qui s’étend de la chirurgie pariétale (cure de hernie, d’éventration), à la chirurgie des organes creux (estomac, grêle, voies biliaires, côlon, rectum), pleins (foie, rate, pancréas), et plus récemment, à la chirurgie des cancers intrapéritonéaux (résection de nodules de carcinose associée à une chimiohyperthermie intrapéritonéale ou CHIP).

Contrairement aux idées reçues, l’anesthésie-réanimation en chirurgie abdominale est une spécialité riche et délicate, car elle s’adresse bien souvent à des patients âgés, en mauvais état général et devant bénéficier d’une chirurgie majeure. Des progrès ont été réalisés ces dernières années, tant au niveau des protocoles chirurgicaux que des techniques anesthésiques, contribuant de ce fait à l’amélioration de la qualité des suites opératoires, et à la diminution de l’incidence des complications.

Les indications opératoires ont pu être élargies à de nombreux types de patients, et des interventions innovantes pour le traitement des cancers ou de l’obésité morbide se sont développées.
Toutefois, la prise en charge postopératoire de ces patients demeure encore complexe, en raison des retentissements de la chirurgie sur cette zone particulière qu’est la région abdominale.

Généralités

Rappels physiologiques
Péritoine
Le péritoine est l’organe incontournable de la chirurgie abdominale par laparotomie : de par son rôle d’enveloppe, de soutien, de défense et de nutrition des différents viscères, il est intéressé par les incisions et les drainages éventuels, entraînant différentes répercussions physiopathologiques.
 Vaste séreuse de 1,5 à 2 m2, le péritoine est composé de deux feuillets : un feuillet pariétal (10 % de la surface), qui couvre la partie interne de la paroi abdominale et du pelvis, incluant le diaphragme, et un feuillet viscéral (90 % de la surface), qui recouvre la partie intra-abdominale du tractus digestif, le foie et la rate, et forme le grand épiploon et le mésentère. Chaque feuillet est constitué d’une monocouche de cellules mésothéliales aplaties à contours polygonaux. Sur le plan embryonnaire, ces cellules mésothéliales dérivent du mésoderme, comme les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins, ce qui leur confère des propriétés communes avec ces dernières. Elles sont capables d’exprimer à leur surface membranaire des marqueurs spécifiques qui leur permettent de provoquer la migration des neutrophiles, de présenter des antigènes aux cellules immunitaires, et de produire des cytokines, des facteurs de croissance, des facteurs d’activation et de désactivation du plasminogène tissulaire, etc. Ces propriétés leur octroient un rôle considérable dans la physiopathologie des péritonites.

Les cellules mésothéliales péritonéales sécrètent également un liquide visqueux aux propriétés proches de celles du surfactant, qui contient une petite quantité de cellules [1] (essentiellement des lymphocytes, des polynucléaires neutrophiles et des macrophages, qui proviennent du grand épiploon, des cellules mésothéliales desquamées, et des cellules dendritiques). Ce liquide, à l’état normal d’un volume d’environ 100 ml, [2] présente essentiellement deux fonctions :
- d’une part, il permet d’assurer le glissement des viscères intraabdominaux au cours du péristaltisme ;
-d’autre part, il joue un rôle majeur de défense contre un éventuel inoculum. [3] En effet, le liquide péritonéal est soumis à un flux constant, de direction céphalique, qui l’amène vers la région sous-diaphragmatique (Fig. 1) ; dans cette zone, la couche de cellules mésothéliales est fenêtrée par des orifices directement reliés au réseau lymphatique, ce qui permet son absorption. [3] Ainsi, il suffit de quelques minutes pour commencer à nettoyer la cavité péritonéale en cas d’inoculum. Par ailleurs, la taille des fenêtres diaphragmatiques est modulable, notamment au cours des processus inflammatoires, ce qui permet, en cas de besoin, d’augmenter la résorption lymphatique.

Chez l’adulte, le débit sanguin splanchnique total est estimé entre 1 et 2,4 l min–1. Le péritoine est très richement vascularisé.
La vascularisation est issue de deux sources : la première en provenance des artères mésentériques supérieure et inférieure, avec retour veineux via la veine porte ; la seconde en provenance des artères iliaques, lombaires, circonflexes, épigastriques et intercostales, avec retour veineux indépendant du système porte. [2] Il existe un réseau capillaire très riche et très complexe.

Les différentes ramifications assurent, au niveau des mésos, la vascularisation intestinale, et traversent successivement la séreuse, la musculeuse et la sous-muqueuse. En cas de dilatation de la cavité intestinale, ces ramifications artérielles peuvent être étirées et/ou comprimées, ce qui compromet la vascularisation de la paroi intestinale.

Le réseau lymphatique du péritoine est très étendu et permet, comme pour les autres organes, de drainer le liquide provenant de l’interstitium. Comme nous l’avons vu plus haut, le drainage se fait de manière autonome, par voie ascendante, par l’intermédiaire des fenêtres situées dans la surface sous-diaphragmatique, vers le médiastin et les vaisseaux de la base du cou.

Plusieurs facteurs physiologiques peuvent modifier le débit du drainage, tels la posture, la variation de pression hydrostatique intrapéritonéale, l’inflammation, ou certains médicaments. [2]
L’innervation du péritoine est également très riche, et permet de véhiculer des informations sensitives, ainsi que des phénomènes réflexes lors des agressions (Tableau 1) : le péritoine pariétal antérieur est innervé par les six derniers nerfs intercostaux, le postérieur par le plexus lombaire, le diaphragmatique par le phrénique et les nerfs intercostaux, le pelvien par les nerfs honteux et hypogastriques, et le péritoine viscéral par les nerfs splanchniques. Au niveau du péritoine pariétal antérieur, toute irritation ou manipulation déclenche une douleur éventuellement accompagnée d’une contracture musculaire si le stimulus est intense. Le péritoine viscéral est, quant à lui, sensible à d’autres stimuli (traction sur les mésos, distension de la lumière digestive, des espaces tissulaires, des capsules des organes pleins).

Du fait de ses caractéristiques anatomiques, le péritoine se comporte comme une membrane semi-perméable, ce qui permet un échange bilatéral d’ions et de liquide : cette propriété, qui concerne essentiellement le péritoine viscéral, est utilisée lors de la dialyse péritonéale. [2] La capacité d’absorption d’eau est normalement de 52 ml·h–1, mais elle peut augmenter lors de l’inflammation. Les substances absorbées sont essentiellement véhiculées via le système porte (50 %), cave (33 %), et le canal thoracique (17 %). L’importance de la réabsorption portale constitue l’un des fondements de la CHIP, traitement novateur des carcinoses péritonéales primitives ou secondaires aux cancers coliques et ovariens. [5]

Enfin, le péritoine est un organe capable d’une grande régénération, même en cas de résection importante, cette dernière s’effectuant en 4 semaines environ.

Grand épiploon
Tablier graisseux s’étendant sur toute la partie antérieure du péritoine pariétal, le grand épiploon joue un rôle capital dans la défense contre l’infection. Très richement vascularisé, il présente un réseau capillaire particulier, qui repose presque au contact du mésothélium, et dont les circonvolutions sont nommées « glomérules », du fait de leur analogie structurale avec le glomérule rénal. [6] À proximité des lits vasculaires, on retrouve des « taches laiteuses » décrites par Ranvier en 1874, qui correspondent à des agrégats de leucocytes périvasculaires ; ces amas, dont le nombre diminue avec l’âge, contiennent essentiellement des macrophages à différents stades de maturation (70 % des cellules), et des lymphocytes B et T (10 % chacun).

Cette configuration anatomique particulière du réseau capillaire à proximité directe du mésothélium est adaptée pour permettre, en cas de besoin, la migration rapide d’une grande quantité de leucocytes. [6]

Le grand épiploon est mobile, et balaie la surface antérieure de la masse intestinale. Il présente essentiellement trois fonctions.
Il est capable d’adhérer à des corps étrangers intrapéritonéaux, comme les drains ou les cathéters de dialyse intrapéritonéale.
En cas d’agression bactérienne, il possède une grande capacité à absorber et éliminer les bactéries : c’est le deuxième site, après les fenêtres diaphragmatiques que nous avons décrites précédemment, à présenter cette propriété. En cas de péritonite, le grand épiploon est le principal site à promouvoir la migration d’une grande quantité de macrophages vers la cavité péritonéale : d’une part les différents médiateurs de l’inflammation, sécrétés par les cellules mésothéliales, activent directement les macrophages présents dans les taches laiteuses, et favorisent la venue de neutrophiles provenant de la circulation systémique ; d’autre part, le débit sanguin local est capable d’augmenter, ce qui accélère les échanges. [6] En adhérant aux foyers infectieux, le grand épiploon produit un exsudat riche en fibrine, à l’origine de fausses membranes constituées d’éléments phagocytaires.

Ces fausses membranes limitent l’extension de l’infection en la cloisonnant. Enfin, le grand épiploon est doué d’une capacité d’angiogenèse, ce qui a ouvert la voie à de nombreuses perspectives thérapeutiques, notamment en cas de chirurgie reconstructrice. [7]

Péritoine et péritonite
Comme nous venons de le voir, le péritoine est équipé pour fournir une grande résistance vis-à-vis des bactéries : sa surface lisse se prête facilement au nettoyage, les bactéries sont rapidement éliminées par les phagocytes du grand épiploon et les courants du liquide intrapéritonéal. La présence de fausses membranes fabriquées par le grand épiploon influence le pronostic, [3] et est étroitement régulée par les cellules mésothéliales : celles-ci sécrètent un inhibiteur d’activation du plasminogène, qui limite la lyse des fausses membranes de manière à empêcher la dissémination de l’infection à d’autres secteurs. Par ailleurs, les liquides infectés s’accumulent dans les zones déclives, les culs-de-sac de Douglas, et les hypocondres.

Cependant, cet équilibre est perturbé à la fois par l’anesthésie (diminution pharmacologique de l’absorption lymphatique du liquide péritonéal) et la chirurgie (diminution des capacités immunitaires des cellules) ; [8] les défenses peuvent également être amoindries si une omentectomie a été effectuée, [9] comme cela peut être le cas en chirurgie carcinologique.
Ainsi, si la contamination est importante, ou lorsque le terrain est fragilisé (immunodépression, réintervention, etc.), l’infection se développe.

L’attitude chirurgicale longtemps préconisée consistant à laver à grande eau la cavité abdominale (« solution to pollution is dilution ») [10] est actuellement remise en question ; si elle s’avère indispensable en cas de péritonite franche, elle est toutefois insuffisante, et entraîne de nombreuses répercussions physiopathologiques au sein de la cavité péritonéale. Le lavage entraîne un oedème des tissus sous-mésothéliaux et inactive les cellules mésothéliales et les neutrophiles. [3] Par ailleurs, le mésothélium est fragilisé par l’infection et ses lésions peuvent être aggravées par la chirurgie et le lavage. Le tissu sous-mésothélial, encore plus fragile, est facilement sujet à l’infection, celle-ci pouvant se disséminer rapidement vers la plèvre, le médiastin, le pelvis ou les membres inférieurs ; dans ce cas, l’ablation des zones atteintes est indispensable et la chirurgie peut être très délabrante.

Le traitement chirurgical reste encore à l’heure actuelle le traitement de référence, quitte à renouveler la laparotomie ou à effectuer une laparostomie, [11] associé à une antibiothérapie par voie générale, mais celle-ci ne suffit pas à réduire la mortalité postopératoire des patients. Comme pour le sepsis, l’instauration précoce du traitement demeure le principal facteur pronostique des péritonites.

Voies d’abord du péritoine par laparotomie [12]
La totalité des viscères de l’abdomen peut être abordée par des incisions variées des parois de l’abdomen. Depuis le développement des indications de coeliochirurgie, certaines incisions sont de moins en moins utilisées, car délabrantes, tant sur le plan esthétique que fonctionnel ; de plus, les suites postopératoires de la coeliochirurgie sont plus simples et plus courtes. [13]

Les incisions se doivent de respecter le plus possible l’architecture de la paroi abdominale : on préfère sectionner les aponévroses plutôt que les muscles, et si cela n’est pas possible, on essaie de cheminer entre les fibres musculaires plutôt que de les sectionner.
Nous ne nous intéressons, dans cet exposé, qu’aux incisions antérieures de l’abdomen, qui se regroupent en trois types : verticales, obliques, et transversales.

Incisions verticales (Fig. 2)
Les plus utilisées sont les laparotomies médianes : elles ont l’avantage d’être simples à réaliser, peu hémorragiques, faciles à agrandir et à refermer, et d’épargner les masses musculaires et les fibres nerveuses puisqu’elles passent par la ligne blanche abdominale. Elles comportent malgré tout un risque d’éventration postopératoire supérieur aux autres incisions. [14] En fonction du site de l’incision, on parle de laparotomie médiane sus-ombilicale (entre la xiphoïde et l’ombilic), « à cheval sur l’ombilic » (où le contournement de celui-ci se fait par la gauche pour éviter l’insertion du ligament rond), ou sous-ombilicale (entre l’ombilic et le pubis) ; en cas d’extension de la laparotomie du pubis au sternum, on parle de laparotomie médiane xiphopubienne. La laparotomie sus-ombilicale entraîne des répercussions importantes sur le plan respiratoire, avec une amputation de la capacité vitale (CV). [12]


Nous n’évoquons pas les laparotomies paramédianes, qui sont très peu utilisées en France, et réservées à certaines indications particulières.

Incisions obliques (Fig. 3)
Elles sont surtout utilisées pour la chirurgie des organes de l’étage sus-mésocolique. L’incision en ogive bi-sous-costale de
Leclerc est utilisée pour la chirurgie gastrique, pancréatique, et hépatique.

Incisions transversales (Fig. 4)
Elles peuvent être pratiquées à tous les étages de l’abdomen et sectionnent les fibres charnues du grand droit ou l’aponévrose des muscles larges en dehors. Elles entraînent classiquement moins d’éventrations que les laparotomies médianes, mais les séquelles motrices et sensitives sont plus fréquentes.


Parmi elles, nous pouvons citer l’incision transverse droiteparaombilicale, réservée pour la réalisation des colectomies droites, l’incision transversale sus-pubienne de Pfannenstiel utilisée en chirurgie gynécologique et dont il existe de nombreuses variantes, qui toutes cependant respectent les fascias musculaires, et l’incision de Mac Burney qui est utilisée pour l’abord de la région cæcale (appendicectomie par minilaparotomie).

L’utilisation de ces différentes incisions est amenée à évoluer avec l’amélioration des techniques chirurgicales, qui proposent actuellement d’effectuer des minilaparotomies, éventuellement associées à la coelioscopie, même pour des interventions majeures. [15]




Drainages abdominaux
On distingue différents types de drainage, mais tous ont les mêmes objectifs.

Drainage de la paroi abdominale
Il est utilisé pour prévenir l’apparition d’un hématome de paroi du fait de l’existence d’un pannicule adipeux important, prévenir la formation d’un abcès de paroi en cas d’intervention septique, ou protéger la mise en place de matériel prothétique lors d’une chirurgie de réfection pariétale : [12] on utilise alors des drains multiperforés aspiratifs type Redon, éventuellement associés à des pansements compressifs en cas de décollements importants de la paroi. Leur indication est bien précise, et leur mise en place diminue l’incidence des complications et la durée des suites postopératoires. [16]

Drainage de la cavité abdominale
Son objectif est d’évacuer toute substance indésirable susceptible d’entraîner des complications suppuratives qui peuvent rester localisées, ou évoluer vers une dissémination systémique. [17]
Le drainage à visée thérapeutique s’effectue de plus en plus souvent par voie percutanée en radiologie interventionnelle, avec contrôle échographique, tomodensitométrique, ou radioscopique : ses avantages sont nombreux, car il permet le plus souvent d’éviter des laparotomies ou des reprises chirurgicales, [18] avec un bon taux de succès et de reproductibilité. [19]


Le drainage peut également être effectué de manière prophylactique, auquel cas il est mis en place dès la fin de l’intervention : il permet d’éliminer les débris liquidiens et solides qui s’accumulent au décours du geste chirurgical, de protéger la cavité abdominale des conséquences d’un éventuel lâchage de suture, ou bien d’évacuer le suintement produit en regard d’une anastomose digestive. Dans ce cas, le ou les drains sont mis en place en regard des zones déclives : les hypocondres et les culsde- sac de Douglas. Du fait de la pression négative qui règne dans la cavité abdominale, les liquides sont aspirés vers la région diaphragmatique, ce qui explique le risque de formation d’abcès sous-phréniques, même chez un patient assis.

Le drainage ne peut se faire que contre la pesanteur, soit par le biais d’un drainage aspiratif, soit à l’aide d’un drainage par capillarité (type Mikulicz) ; en cas d’aspiration, celle-ci doit être douce (-20 cmH2O).
Ces drainages doivent être surveillés de manière attentive : aspect et quantité du liquide, comptabilisation des pertes en vue d’un bilan entrées-sorties. Des bilans biologiques peuvent être utilisés pour affiner le diagnostic d’une complication (hématocrite, dosages enzymatiques, bactériologie, ionogramme, pH, etc.) ; les renseignements procurés par les drains sont importants (hémorragie, infection, lâchage anastomotique, etc.).

Le trajet du drain doit être le plus court possible, et lorsqu’il n’est plus productif, il doit être mobilisé et retiré progressivement.
L’ablation d’un drain se fait au bout de quelques jours, en fonction de sa localisation et du débit des liquides drainés ; lorsqu’il est en sentinelle devant une anastomose digestive, il peut rester en place plus longtemps (jusqu’à 8 j), le temps que celle-ci cicatrise.
Bien que très utile à certains égards, la mise en place d’un drainage de la cavité abdominale est de moins en moins systématique, en raison des complications qu’elle peut entraîner.

En effet, du fait des propriétés du mésothélium péritonéal et du grand épiploon, le drain peut être rapidement exclu à cause de la présence de fausses membranes, [20] ou bien être responsable d’hémorragie ou de fistule du fait d’une érosion progressive des vaisseaux ou des organes creux situés à proximité. [21] Il a même été décrit des cas d’ensemencement métastatique à distance, le long du trajet du drain lors de la chirurgie carcinologique. [22]

Par ailleurs, la mise en place d’un drainage peut être contreindiquée chez certains patients, du fait du terrain sous-jacent (cirrhotique par exemple), celui-ci pouvant favoriser la survenue de complications. [23]

Aspiration digestive
L’intérêt de l’aspiration digestive postopératoire est là aussi de plus en plus remis en cause : l’évolution des techniques chirurgicales, moins invasives, et de la réhabilitation postopératoire des patients y est pour beaucoup. [24]

Les avantages avancés d’une aspiration gastrique postopératoire étaient de prévenir la survenue de nausées et vomissements postopératoires (NVPO), et d’éviter un éventuel lâchage des anastomoses digestives en limitant leur distension ; en fait, il s’avère que l’incidence des complications postopératoires est bien plus fréquente chez les patients porteurs d’une sonde d’aspiration nasogastrique, [25] ce qui fait que la majeure partie des équipes réserve son utilisation aux interventions longues, qui peuvent nécessiter une ventilation prolongée en postopératoire.

La sonde est en général introduite au cours de l’intervention chirurgicale, après l’intubation orotrachéale des patients ; sa mise en place est parfois malaisée, et un contrôle radiologique s’avère indispensable en cas d’utilisation de la sonde comme vecteur permettant l’injection de médicaments ou de liquide lors de la nutrition entérale. Des accidents peuvent survenir lors de la pose : ils sont exceptionnellement graves (perforation oesophagienne, pneumothorax, perforation cardiaque ou de la base du crâne, etc.), mais les ulcérations muqueuses compliquées d’hémorragie sont fréquentes, provoquées par une irritation directe de la sonde au contact de la muqueuse (moins fréquente si on utilise une sonde siliconée) et/ou par une oesophagite favorisée par le reflux de liquide gastrique.


Suite à différents travaux ne montrant aucun bénéfice à laisser une sonde gastrique en postopératoire, et ce, même après chirurgie abdominale majeure, [26, 27] les recommandations concernant les protocoles postopératoires se modifient progressivement au profit d’une réalimentation postopératoire précoce (cf. infra), [24] en dépit de traditions anesthésiques et chirurgicales profondément ancrées.


Spécificités de l’anesthésie réanimation en chirurgie abdominale ouverte


Retentissement respiratoire de la chirurgie digestive par laparotomie
Physiopathologie
Le retentissement respiratoire de la laparotomie domine les problèmes postopératoires en chirurgie viscérale. Le site et la taille des incisions chirurgicales, la sévérité de la douleur postopératoire et les altérations de la fonction diaphragmatique sont les principaux facteurs responsables de la dégradation postopératoire de la fonction ventilatoire. [28, 29]

Chirurgie sus-mésocolique
Après une chirurgie sus-mésocolique, la CV et le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) sont diminués, selon les études, de 45 à 70 % le premier jour postopératoire, et ce même chez des sujets antérieurement indemnes de maladie respiratoire. La ventilation minute est parfois normale, le plus souvent diminuée par rapport à l’état préopératoire. [29] La diminution de la participation de l’activité diaphragmatique à la ventilation alvéolaire, longtemps controversée, entraîne un surcroît de travail des muscles inspiratoires thoraciques. Cette dysfonction diaphragmatique persiste pendant 7 jours environ.

Le mécanisme principal de cette dysfonction diaphragmatique serait une inhibition réflexe dont le point de départ se situerait au niveau des afférences viscérales mésentériques. [30] Cependant,l’origine exacte de ce réflexe et de ses voies de transmission reste discutée. Le péritoine ne semble pas impliqué dans cette dysfonction car la chirurgie sous-mésocolique n’entraîne pas les mêmes modifications. La taille des incisions chirurgicales ne joue aucun rôle dans la survenue de ces troubles de la mécanique diaphragmatique, puisque lors des cholécystectomies sous coelioscopie, Sharma et al. retrouvent les mêmes altérations qu’en chirurgie ouverte. [31] Enfin, la douleur postopératoire ne semble pas non plus en cause, car l’analgésie postopératoire par injection de morphinique en péridurale ne modifie pas ces perturbations respiratoires. 

Ces modifications de la fonction ventilatoire ne seraient pas constantes, et selon Nimmo et al., il semblerait exister, en chirurgie digestive majeure chez un même patient, des variations dans le temps des modes respiratoires, alternant des périodes de ventilation abdominale paradoxale et des périodes de ventilation normale. [32]

Chirurgie sous-mésocolique
En chirurgie sous-mésocolique, les répercussions ventilatoires des incisions sont moindres et de plus courte durée. Le VEMS et la CV s’abaissent d’environ 30 à 40 % avec un maximum à j + 1, et reviennent à la normale en 3 à 5 jours. [33]

Complications respiratoires après laparotomie abdominale
Les complications respiratoires postopératoires après chirurgie abdominale sont fréquentes, et sont associées à un accroissement de la morbidité postopératoire et à une prolongation du séjour en milieu hospitalier. [34]
La baisse de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) ainsi que la diminution du volume de fermeture alvéolaire contribuent à maintenir collabées de nombreuses alvéoles pulmonaires, ce qui favorise la survenue d’atélectasies postopératoires. [35]
Ces modifications respiratoires, associées aux effets résiduels de l’anesthésie et des analgésiques postopératoires, inhibent la toux, détériorent la clairance mucociliaire et contribuent au risque de survenue de pneumopathie postopératoire.
La fréquence de ces complications respiratoires postopératoires est inversement proportionnelle à la distance entre le diaphragme et l’incision chirurgicale. L’incidence globale des complications se  situe aux alentours de 20 %. Cependant, ces estimations varient beaucoup selon les études en fonction des critères diagnostiques retenus, allant de 20 % [36] à près de 70 %. [37]

En chirurgie sous-mésocolique, leur fréquence se situe entre 0 et 5 %.
Différents travaux ont cherché à retrouver des facteurs de risque de survenue des complications respiratoires : dans un travail prospectif publié dans Chest en 1997, et portant sur 630 malades, les auteurs [38] identifient 14 facteurs de risque de survenue de complications respiratoires, dont les plus significatifs en analyse univariée sont : l’âge supérieur à 60 ans, l’obésité, les antécédents de cancer, une intoxication tabagique jusqu’à 8 semaines avant la chirurgie et une anesthésie de plus de 4 heures. En analyse multivariée, cinq facteurs de risque sont isolés : l’âge supérieur à 60 ans, un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 27 kg/m2, des antécédents de cancer, l’intoxication tabagique et les incisions chirurgicales sus-mésocoliques, auxquels les auteurs associent les troubles des fonctions cognitives.

Ces résultats sont en concordance avec les autres études sur le même thème. Il faut remarquer que les anomalies de la spirométrie préopératoire ne figurent pas dans les facteurs prédictifs, ce qui est en accord avec les données de la littérature [39, 40] qui montrent que cet examen n’est pas supérieur à la clinique dans le dépistage des malades à risque.

Prévention des complications respiratoires
Elle reste un sujet très discuté, et depuis plus de 40 ans de très nombreux travaux ont tenté de démontrer l’intérêt de l’analgésie péridurale postopératoire afin de diminuer la morbidité respiratoire après chirurgie abdominale majeure.

L’analgésie péridurale permettrait une mobilisation, une kinésithérapie respiratoire et une toux sans douleur. [41] De plus, la dysfonction diaphragmatique résultant de l’inhibition réflexe de l’activité du nerf phrénique après laparotomie serait abolie par une analgésie péridurale thoracique, [42, 43] améliorant la contraction diaphragmatique.

Les partisans de cette technique évoquent également les effets bénéfiques résultant de la diminution de la réponse de l’organisme au stress chirurgical, ces avantages étant bien supérieurs aux complications liées à l’insertion d’un cathéter péridural. Dans un article publié en 2002, Rigg et al. [44] présentent une étude prospective portant sur 915 patients, en insistant sur l’intérêt de l’analgésie péridurale postopératoire pour diminuer les complications respiratoires graves. Cette étude fait suite à une méta-analyse comparant la morbidité respiratoire en fonction du type d’analgésie utilisé et qui concluait que l’analgésie péridurale associée à des dérivés morphiniques diminue la fréquence des atélectasies postopératoires et à un moindre niveau les infections pulmonaires, tandis que l’analgésie avec des anesthésiques locaux améliore la saturation artérielle en oxygène et diminue le risque infectieux pulmonaire. [45]

À l’inverse, d’autres études ne retrouvent aucun effet bénéfique de cette technique en termes de morbidité respiratoire. [46]
Parmi les explications possibles pour comprendre ces discordances entre les études, on peut penser que le niveau d’analgésie atteint varie d’une étude à l’autre, et que finalement les complications respiratoires n’étant pas si nombreuses, les différentes études n’incluent pas assez de malades pour pouvoir conclure définitivement. Il semble également que pour avoir une analgésie efficace, il faut obtenir une analgésie dynamique, c’est-à-dire un niveau d’analgésie qui permette toux, mouvements et kinésithérapie sans douleur, et non se contenter d’une analgésie de repos. [47]

D’autres techniques sont également proposées pour diminuer l’incidence des complications pulmonaires postopératoires, et en particulier les atélectasies, en permettant d’augmenter le volume moyen pulmonaire : ventilation non invasive (VNI) intermittente, spirométrie incitative, exercices de respiration forcée, physiothérapie pulmonaire. Une méta-analyse récente suggère que ces différentes méthodes seraient d’une efficacité similaire, réduisant d’un facteur 2 les complications respiratoires. [48] 

Iléus postopératoire et reprise du transit

Définition et physiopathologie
Le péristaltisme intestinal est un phénomène automatique, dont l’organisation est liée aux complexes moteurs migrants.
L’origine du péristaltisme vient de la présence de cellules musculaires et nerveuses (plexus de Meissner et Auerbach), ces dernières assurant le départ des complexes myoélectriques interdigestifs. L’association de contractions rythmiques, toniques et phasiques (ondes de péristaltisme) permet de cette manière d’assurer la progression du bol alimentaire.
La motricité de l’ensemble du tractus digestif est inhibée après l’acte chirurgical. S’il existe une grande variété de définitions pour décrire les changements de son activité durant la période postopératoire, aucune nomenclature standard n’a encore été mise en place. L’inhibition du transit est temporaire, et chaque appareil se remet progressivement en route : le grêle est le premier à reprendre une activité normale, au bout de 6 à 12 heures postopératoires, puis l’estomac (12 à 24 h), et enfin, le côlon et le rectum (3e-5e j). C’est ce délai qui est considéré par la plupart des auteurs comme définissant l’iléus postopératoire. [49]

En pratique quotidienne, la reprise du transit est associée au passage des premiers gaz, et peut être étudiée simplement par une auscultation des quadrants de l’abdomen à la recherche de bruits hydroaériques.
Parfois, cependant, certains patients souffrent en postopératoire d’une prolongation inhabituelle de la durée de l’iléus digestif, avec accumulation de gaz et de sécrétions, responsable de nausées, vomissements, douleurs et distension abdominale.

Ce phénomène, nommé iléus postopératoire paralytique, peut prendre de plusieurs jours à plusieurs semaines pour se lever, et est à distinguer de l’iléus postopératoire habituel, les mécanismes mis en jeu étant probablement différents. L’iléus paralytique est responsable d’un prolongement de la durée d’hospitalisation, entraînant un surcoût important. Mais la plupart du temps, du fait de l’absence de nomenclature claire, la plupart des praticiens intègre l’iléus paralytique dans l’iléus postopératoire classique.

Quoi qu’il en soit, la durée de l’iléus est corrélée à l’intensité de l’agression chirurgicale, et semble être plus élevée après résection colique. [49]
Plusieurs facteurs ont été proposés afin d’expliquer la survenue de ce phénomène.
- Inhibition des réflexes neurologiques. La motricité du tractus digestif est sous la dépendance de trois systèmes nerveux : le système nerveux parasympathique qui en stimule la motricité, le système nerveux sympathique qui l’inhibe, et le système nerveux intrinsèque, qui prend plutôt en charge les contractions péristaltiques de l’estomac et du grêle. La motricité du côlon est plus dépendante du système nerveux extrinsèque, ce qui le rend plus vulnérable à l’iléus. [49] Lors de l’agression chirurgicale, deux arcs réflexes sont mis en route : un arc afférent vers la corde spinale, et un efférent dépendant du système nerveux sympathique, qui est responsable de l’iléus.
C’est ce dernier réflexe qui est bloqué lorsqu’on utilise une analgésie péridurale, dont plusieurs études ont montré le bénéfice sur la diminution de la durée de l’iléus postopératoire. [51]
- Neurotransmetteurs et médiateurs de l’inflammation. Les médiateurs de l’inflammation sécrétés par l’intestin lors du stress chirurgical contribuent à la survenue de l’iléus postopératoire : [49] les modalités d’action sont encore mal connues, mais il est admis que plus le traumatisme chirurgical est important, plus l’iléus est sévère. [52] Il semble également que la simple manipulation d’une section du tube digestif suffise à entraîner un iléus généralisé. [53] L’infiltration par des leucocytes de la paroi musculaire digestive semble mise en cause dans ce phénomène. [52] Par ailleurs, le rôle du monoxyde d’azote et de certains peptides impliqués dans les neurotransmissions (vasoactive intestinal peptide, calcitonin gene related peptide, substance P, et plus récemment, la cyclooxygénase 2) semble également indéniable, mais reste encore à définir de manière précise. [49]

Prévention de l’iléus postopératoire
Plusieurs moyens sont à notre disposition pour limiter la durée de l’iléus postopératoire. La mise en oeuvre de ces techniques s’inclut dans une prise en charge multimodale de l’anesthésie et de la douleur postopératoire, et ceci dans le cadre d’un programme de réhabilitation précoce postopératoire (cf. infra).

 Anesthésie
Tous les agents anesthésiques ont une action inhibitrice sur le transit intestinal, la zone la plus vulnérable à l’iléus étant le côlon. [49] Seule la mise en place d’une anesthésie péridurale semble avoir une action bénéfique sur l’iléus postopératoire, par blocage des réflexes nerveux afférent et efférent ; [54] le niveau idéal de la mise en place du cathéter semble être en position thoracique ; [55] le bénéfice est meilleur si l’on n’ajoute pas de morphinique à la solution d’anesthésique local. [51]

Analgésie
Les opiacés altèrent la motilité du tractus digestif, et là encore, plus particulièrement le côlon, [49] la quantité totale de morphine étant corrélée au délai de réapparition des gaz. [56] Le tractus digestif possède en effet des récepteurs aux opioïdes, dont la stimulation déclenche un réflexe inhibiteur de la motilité intestinale. [57] S’il paraît toutefois difficile de se passer des morphiniques lors des chirurgies majeures, l’adjonction d’anti-inflammatoires non stéroïdiens semble avoir un effet bénéfique, d’une part parce qu’ils entraînent une épargne en morphiniques, et d’autre part, parce qu’ils diminuent le degré de l’inflammation locale causée par l’acte chirurgical. [49]

Chirurgie
La coelioscopie s’accompagne d’un iléus postopératoire moins important qu’en laparotomie. [13]

Traitement de l’iléus postopératoire
Traitements médicamenteux
Des mesures simples comme la correction d’éventuels désordres hydroélectrolytiques, et des apports énergétiques suffisants (cf. infra) sont une étape obligatoire avant d’envisager un traitement médicamenteux.
- Néostigmine : il s’agit du médicament prokinétique le plus anciennement utilisé pour réduire la durée de l’iléus postopératoire et lutter contre l’atonie digestive. Elle agirait par le biais d’une inhibition de la cholinestérase, prolongeant ainsi l’action de l’acétylcholine au niveau des récepteurs de la paroi intestinale, permettant une amélioration de l’activité contractile. [58] Elle n’est cependant pas dénuée d’effets secondaires dose-dépendants, en particulier cardiovasculaire et bronchique.
- Cisapride : agoniste des récepteurs de la sérotonine (5-HT4), il possède un effet prokinétique sur l’estomac et l’intestin grêle. C’est la seule molécule à avoir prouvé son effet sur l’iléus postopératoire. [51] En revanche, du fait de ses effets cardiaques délétères (allongement du QT), il n’est plus utilisé en routine, et a été retiré du marché aux États-Unis en 2000.
- Érythromycine : antibiotique de la classe des macrolides, il est un agoniste des récepteurs à la motiline ; s’il est utile en réanimation pour diminuer la quantité du résidu gastrique, iln’a en revanche pas montré de supériorité sur la durée de l’iléus postopératoire dans une étude randomisée en double aveugle par rapport au placebo. [59]
- Métoclopramide : neuroleptique antagoniste de la dopamine indiqué dans le traitement des nausées postopératoires, il semble posséder des effets délétères sur la résolution de l’iléus postopératoire. [60]
- Somatostatine : dans une étude expérimentale, un dérivé de la somatostatine, l’octréotide, semble améliorer l’iléus, en restaurant, d’une part les ondes péristaltiques, et d’autre part les taux plasmatiques de motiline. [61] Des études cliniques prospectives seront nécessaires pour évaluer cette molécule.
- Autres : Des résultats encourageants ont été procurés par l’utilisation de laxatifs, [62] de fédotozine, [63] de chewinggum, [64] voire d’infusions à base d’herbes chinoises (daikenchu- to), [65] mais des études seront nécessaires pour en évaluer l’efficacité contre placebo.

Traitements non médicamenteux
L’association de différentes mesures dans le cadre d’une analgésie et d’une réhabilitation postopératoire a des effets bénéfiques, et aboutit à une reprise plus précoce du transit.
Dans une étude prospective, Basse et al. ont observé une reprise du transit à la 48e heure postopératoire chez les patients qui bénéficiaient de l’association analgésie péridurale, laxatifs, nutrition et mobilisation postopératoires précoces. [66] Une information détaillée des patients lors de la consultation préanesthésique concernant la période postopératoire a également fait ses preuves. [67]

Nausées et vomissements postopératoires
Bien que la survenue de NVPO ne soit pas à proprement parler une spécificité de la chirurgie par laparotomie, la chirurgie abdominale en constitue un facteur de risque reconnu. [68]
En France, près de 10 % de la population bénéficie chaque année d’une anesthésie générale. Parmi elle, environ 30 % des patients souffrent de NVPO. [69] Les NVPO sont si désagréables en période postopératoire qu’elles représentent le sujet de plainte le plus courant après anesthésie. Leur survenue peut aggraver la morbidité postopératoire par le biais d’une déhiscence de la paroi, de saignement, voire d’inhalation du contenu gastrique, et ainsi être responsable d’une prolongation du séjour hospitalier et d’une diminution de la satisfaction du patient vis-à-vis de sa prise en charge. On comprend ainsi que depuis plus de 40 ans, de nombreuses publications aient proposé des traitements, voire des recettes pour les prévenir. Malheureusement, ces études étaient de faible puissance, du fait d’effectifs insuffisants, et les anesthésistes confrontés à ce problème utilisaient les antiémétiques de façon irrationnelle, ce d’autant qu’aucun des traitements proposés n’avait pu être testé faute de modèle animal de NVPO.

Depuis les années 1990, des progrès considérables ont été réalisés dans le domaine du traitement des nausées après chimiothérapie, et de grandes études multicentriques ont été initiées pour tester ces molécules en anesthésie, et tout particulièrement les antagonistes des récepteurs à la 5-hydroxytryptamine (ondansétron). Depuis cette date, les anciennes études ont systématiquement été analysées, critiquées et synthétisées dans des revues de la littérature. [70]

Actuellement, une question reste posée : faut-il prévenir de façon systématique les NVPO ? Depuis l’essor de la chirurgie, il est connu de tous que tous les patients ne vomissent pas après l’anesthésie et ceux qui le font, ne vomissent qu’une fois ou deux, sans que cela n’aggrave le pronostic. Ceci a longtemps été un des arguments du « wait and see ». [71] Cependant, il semble qu’un certain nombre de malades à risque pourrait bénéficier d’une prévention systématique en période périopératoire, en particulier après chirurgie viscérale. [72] Reste alors à choisir la meilleure molécule ou la meilleure association au meilleur coût.

Dans une étude récente portant sur 5 199 patients avec des facteurs de risque de NVPO et recrutés dans 28 centres, Apfel et al. [73] ne retrouvent aucune différence d’efficacité entre le dropéridol, la dexaméthasone et l’ondansétron, utilisés en monothérapie, chacun réduisant l’incidence des NVPO de 26 %.

Alors, que faire ?
Il faut essayer de limiter les risques de NVPO : éviter le protoxyde d’azote sans doute, [74] utiliser le propofol enanesthésie intraveineuse à objectif de concentration (AIVOC), peut-être, et réserver la prévention des NVPO aux malades à haut risque en utilisant un mélange de plusieurs molécules [75] antisérotoninergiques (les sétrons), antidopaminergiques comme le dropéridol à faible dose, [76] et la dexaméthasone. [77]

Nutrition périopératoire
La dénutrition protéinoénergétique est extrêmement fréquente chez les patients hospitalisés et tout particulièrement chez les patients de chirurgie digestive carcinologique. [78] Cette dénutrition est directement responsable d’un certain nombre de complications postopératoires. Il paraît donc licite de nourrir les patients dénutris avant de les confier aux chirurgiens. Cependant, si de très nombreux travaux ont essayé de mettre en évidence l’intérêt d’une nutrition précoce, il semble actuellement que seuls les patients très sévèrement dénutris puissent en bénéficier en termes de réduction de morbidité et de mortalité. [79]

Évaluation de la dénutrition
En septembre 2003, à la demande de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation de la santé (ANAES) a publié des recommandations sur l’évaluation diagnostique de la dénutrition protéinoénergétique. [79] Ce diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques en l’absence de gold standard.
Trois types de critères permettent d’évaluer l’état nutritionnel des patients dès leur entrée à l’hôpital :
- critères anthropométriques, les plus simples à réaliser : poids, taille, IMC mais aussi appréciation de la masse musculaire par la mesure de la circonférence brachiale, et de la masse grasse par la mesure du pli cutané tricipital ;
- marqueurs biologiques : albumine et préalbumine, protéine vectrice du rétinol, transferrine, en privilégiant les protéines à demi-vie courte, le taux de lymphocytes, la 3-méthylhistidine urinaire, et la créatininurie des 24 heures ;
- index multifactoriels : le pronostic inflammatory and nutritional index (PINI), l’index de Müllen ou pronostic nutritional index (PNI), l’index de Buzby ou nutritional risk index (NRI = [1,519 × albuminémie (g.l–1)] + [0,417 × poids actuel/ poids habituel × 100]), l’index de Detsky ou subjective global assessment (SGA), et enfin, le mini nutritional assessment (MNA).

Selon l’avis du jury de la Conférence de consensus de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR), la meilleure évaluation est fournie par l’indice de Buzby. [79]
À partir de ces arguments, une dénutrition modérée (Tableau 2) ou sévère (Tableau 3) peut être évoquée dès l’entrée à l’hôpital, [80] ce qui permettra la mise en route éventuelle d’une nutrition artificielle (cf. infra).

Fréquence de la dénutrition
Si l’incidence d’une dénutrition préopératoire chez les patients de chirurgie digestive dépend des méthodes d’évaluation utilisées, deux grandes populations de malades sont exposées à une dénutrition : ce sont les patients porteurs d’une maladie inflammatoire du tube digestif, et ceux porteurs d’un cancer.

En cancérologie digestive, 30 à 90 % des patients sont dénutris, l’importance de la perte de poids dépendant du type de tumeur, de sa localisation et de son étendue. Ainsi, dans une étude multicentrique regroupant plus de 3 000 patients, Dewys et al. retrouvent une perte de poids supérieure à 10 % chez plus de 30 % des patients porteurs d’un cancer gastrique ou pancréatique, [81] alors que chez des malades cancéreux ambulatoires, Edington et al. ne retrouvent une dénutrition que chez 10,3 % d’un groupe de 213 patients suivis pour cancer gastro-intestinal, prostatique ou pulmonaire. [82]

Les patients avec une maladie inflammatoire du tube digestif (maladie de Crohn ou rectocolite ulcérohémorragique) ont souvent une altération de l’état nutritionnel sous l’action conjuguée de troubles de l’absorption intestinale et de pertes exsudatives. La dénutrition observée lors de la maladie de Crohn a une prévalence qui a été longtemps considérée comme élevée, puisque, pour Fleming, [83] 63 à 75 % des patients ont une perte de poids. Cependant, il est possible que les appréciations rapportées soient le plus souvent faites en période aiguë.

Une étude récente de Cosnes [84] fait état de 6,6 % de patients dénutris seulement, mais le critère à partir duquel une dénutrition est diagnostiquée est très sévère (IMC < 17 kg/m2), alors que la limite usuelle est à 18,5 kg/m2 (Organisation mondiale de la santé [OMS] 1995). Lorsqu’elle existe, la dénutrition est bien entendu liée à la réduction des apports alimentaires, à la malabsorption, aux pertes digestives, mais aussi à l’augmentation de la dépense énergétique induite par le syndrome inflammatoire. [83]

Conséquences de la dénutrition en chirurgie digestive
Les conséquences d’une dénutrition préopératoire sont connues depuis de nombreuses années, puisqu’en 1936, Studley décrivait les relations existant entre la perte de poids préopératoire et la mortalité postopératoire. [85] Depuis, de très nombreuses études ont permis de préciser l’impact de la dénutrition sur les différents organes. La dénutrition est associée à des modifications de la composition corporelle, à des altérations des processus de cicatrisation, à une augmentation de la sensibilité aux infections par modification des mécanismes immunitaires, à une diminution de la synthèse des médiateurs hormonaux et des cytokines, à une modification de la flore intestinale. Ainsi, les patients dénutris sont exposés à des complications infectieuses postopératoires locales et générales, ainsi qu’à des dysfonctions cardiorespiratoires. [86, 87]

Indications de la nutrition artificielle
Les indications de la nutrition artificielle en chirurgie programmée de l’adulte et chez le sujet agressé, et leurs modalités d’application ont été parfaitement définies par deux conférences de consensus organisées par la SFAR en 1994 [79] et par la Société francophone de nutrition entérale et parentérale en 1997. [88]

Réhabilitation postopératoire
Concept récent en plein développement, la réhabilitation des malades, c’est-à-dire leur retour le plus rapidement possible à une vie proche de la normale après chirurgie, englobe toutes les facettes des soins périopératoires. Bien que cette notion de réhabilitation ne soit pas à proprement parler une spécificité de la chirurgie abdominale par laparotomie, les modifications physiologiques entraînées par les interventions, tant par leur lourdeur que par leur longueur, placent ce type de chirurgie au centre des problèmes de réhabilitation postopératoire, ainsi que le démontre l’abondante littérature dans cette spécialité.

C’est l’équipe de Kehlet [89] qui, dans les années 1990, a commencé à formaliser des travaux initiés dès 1987 par Yeager et al. [90]
Deux grands écueils de la chirurgie abdominale doivent être pris en compte pour permettre une réhabilitation précoce des patients : la gestion de la douleur postopératoire et la prévention des problèmes infectieux, et ce dès le peropératoire.

Diminution des phénomènes infectieux
La diminution de l’incidence des complications infectieuses en chirurgie digestive par laparotomie a fait l’objet d’une nombreuse littérature. Ceci s’explique par le taux des complications infectieuses, et en particulier les abcès de paroi, qui varie de 9 à 27 % après chirurgie digestive. [91]

Antibioprophylaxie [92]
L’objectif de l’antibioprophylaxie en chirurgie est de s’opposer à la prolifération bactérienne afin de diminuer le risque d’infection postopératoire. Elle est réservée à la chirurgie dite « propre » ou « propre-contaminée », la chirurgie « septique » ou « contaminée » relevant d’une antibiothérapie curative.
Administrée généralement, en France, par voie intraveineuse, elle doit toujours précéder l’acte opératoire dans un délai maximal de 1 heure à 1 heure 30 ; en pratique, elle s’administre la plupart du temps lors de l’induction de l’anesthésie.
La durée de son administration est clairement définie : s’agissant d’une prophylaxie, il n’y a pas lieu de la poursuivre au-delà de l’acte chirurgical, voire 24 ou 48 heures en présence de facteurs de risque particuliers (diabète par exemple).
Des réinjections toutes les demi-vies de l’antibiotique utilisé sont réalisées, le plus souvent à la moitié de la dose initiale.
Les antibiotiques utilisés en prophylaxie ne doivent pas être les mêmes que ceux utilisés en traitement curatif, de manière à limiter la résistance des germes. Bien entendu, une molécule alternative doit pouvoir être utilisée en cas d’allergie aux bêtalactamines.

En cas de patient nécessitant une prophylaxie de l’endocardite infectieuse, c’est cette dernière qui prime, et le spectre sera élargi en fonction des bactéries susceptibles d’être retrouvées sur le site opératoire.
Les protocoles peuvent varier selon les équipes ; dans tous les cas, ils sont réalisés conjointement avec les chirurgiens et lesinfectiologues, et validés par le Comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN). [92] Le Tableau 4 est un exemple de protocole d’antibioprophylaxie utilisé par notre équipe.

Normothermie
La fréquence de l’hypothermie peropératoire est de l’ordre de 40 à 60 % en chirurgie par laparotomie : [93] elle est secondaire à l’anesthésie générale qui inhibe la thermorégulation, à la température des salles opératoires (21 °C), aux pertes hydroélectrolytiques liées à l’évaporation par les anses grêles exposées, à la perfusion de solutés non réchauffés et à la durée de l’intervention.

Cette hypothermie est associée à une augmentation des concentrations sériques de noradrénaline et à une vasoconstriction, [94] responsable d’une diminution de la pression partielle en oxygène dans les tissus sous-cutanés. [95] Ce phénomène brise le processus oxydatif du principal moyen de défense contre l’infection, la synthèse de radicaux libres par les polynucléaires neutrophiles en présence d’oxygène, [96] et entraîne une perte de protéines et une diminution de la synthèse du collagène. Il paraît donc licite de chercher à limiter la déperdition de chaleur, l’hypothermie peropératoire étant également responsable de la survenue de troubles de la coagulation, [97] d’une altération de la fonction plaquettaire, [98] d’une augmentation de la morbidité cardiovasculaire lors du réveil.

En 1996, Kurz et al. [99] montrent que le maintien d’une température corporelle supérieure à 36 °C diminue la fréquence des abcès de paroi après chirurgie colique réglée. Cette étude a suscité beaucoup de commentaires et de nombreux travaux contradictoires. Certains n’ont pas retrouvé les mêmes relations entre hypothermie et infections postopératoires, [100, 101] même après chirurgie colique. [102] D’autres, au contraire, retrouvent cette association. [103]

Ventilation en hyperoxie
Puisque l’apport d’oxygène au tissu sous-cutané est indispensable au bon fonctionnement des moyens de défense contre l’infection, il a été proposé d’augmenter l’oxygène dissous chez les patients sous anesthésie. C’est l’hypothèse de travail initial de Greif et al. [96] qui, en ventilant leurs malades avec une concentration de l’oxygène dans l’air inspiré (FiO2) à 80 %, retrouvent une diminution de moitié du taux d’infection de paroi après chirurgie colorectale par rapport à un groupe de patients ventilés avec une FiO2 à 30 %. Bien évidemment, les études contradictoires ne se sont pas fait attendre : Pryor et al., dans un article publié en 2004, [104] ne retrouvent aucun effet bénéfique de l’hyperoxie sur le taux d’abcès de paroi. Cependant, il semblerait que la méthodologie de cette dernière étude soit critiquable, en particulier vis-à-vis des critères de comorbidité des deux groupes. Comme souvent, il est difficile de conclure, les infections postopératoires étant de principe multifactorielles et les études difficilement comparables.

Respect de l’équilibre glycémique
Cf. question spécifique.
Gestion de la douleur postopératoire
Gérer la douleur postopératoire en chirurgie gastro-intestinale par laparotomie, c’est assurer aux patients que l’on prend en charge les suites opératoires les plus confortables possibles et l’accélération de leur réinsertion.
L’analgésie postopératoire idéale doit empêcher la survenue de la douleur et atténuer les effets délétères de la réponse de l’organisme à l’agression chirurgicale. Elle doit être simple à administrer, sans surveillance complexe et ne doit induire qu’un taux faible de complications. De plus, elle doit participer si possible à la réhabilitation précoce des patients en facilitant la reprise du transit intestinal sans augmenter le risque de lâchage anastomotique.

De très nombreux protocoles analgésiques ont été proposés en chirurgie abdominale par laparotomie, associant à des degrés divers paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens, morphiniques, etc.

Aucun des produits proposés, seul ou en association, ne répond à la définition de l’analgésie idéale.
Depuis sa description en 1900 par Tuffier, [105] de nombreuses études expérimentales et cliniques ont souligné l’intérêt de l’analgésie péridurale en chirurgie abdominale.
Les malades qui bénéficient d’une analgésie péridurale ont des scores de douleur inférieurs à ceux qui reçoivent une analgésie par voie parentérale, [106] que cette analgésie péridurale soit débutée avant l’incision chirurgicale ou à la fermeture de la paroi ; [107] cependant, le blocage péridural avant l’incision diminue le besoin postopératoire en analgésique de complément. [108] L’analgésie péridurale thoracique est plus efficace que l’analgésie autocontrôlée aux morphiniques [109] ou la péridurale lombaire [110] pour diminuer la douleur postopératoire. Enfin, il semblerait que les NVPO soient moins importants lorsque les patients bénéficient de ce type d’analgésie plutôt que d’une analgésie autocontrôlée intraveineuse. [111, 112]

La durée optimale de l’analgésie postopératoire est mal connue. Elle dépend de nombreux facteurs comme les suites chirurgicales, le ressenti des patients, les structures d’hospitalisation, et l’habitude des infirmières à gérer ce type d’analgésie. [113]

L’analgésie péridurale possède d’autres avantages par rapport à l’analgésie parentérale. Nous avons vu plus haut son rôle dans la prévention des complications respiratoires et dans la diminution de la durée de l’iléus postopératoire. Elle semble également participer à l’amélioration des suites opératoires en diminuant la fréquence des désunions anastomotiques.
Des études déjà anciennes [114] suggèrent une baisse des résistances vasculaires splanchniques lors du blocage sympathique par la mise en place d’une péridurale thoracique. L’augmentation du débit sanguin splanchnique qui en résulte pourrait faciliter la cicatrisation anastomotique. Cependant, il a été suggéré plus récemment que bien que le flux mésentérique global soit augmenté, ceci se ferait aux dépens des vaisseaux périanastomotiques qui ne pourraient pas bénéficier de la vasodilatation induite par le blocage sympathique, entraînant ainsi un « vol » sanguin au niveau des anastomoses. [115]

Cependant, une méta-analyse sur 562 patients issus d’études randomisées effectuées entre 1966 et 2000 ne retrouve aucune différence dans la fréquence des désunions anastomotiques entre les patients recevant une analgésie péridurale postopératoire et ceux recevant une analgésie par dérivés morphiniques.

Enfin, il a été évoqué un effet des analgésies péridurales sur la diminution des saignements peropératoires, [116] la fréquence de survenue des complications thromboemboliques, [117] voire une diminution de la morbidité cardiaque [118] ou du séjour hospitalier après chirurgie gastro-intestinale par rapport à des patients recevant une analgésie conventionnelle. Cet effet n’a jamais été démontré de façon formelle.

Mobilisation et réalimentation précoces
Toujours dans le cadre d’une réhabilitation postopératoire du patient, certains ont proposé une réalimentation précoce, [26] ainsi qu’un lever et une mobilisation dès le premier jour postopératoire. [24] Si cette attitude semble être bien tolérée par les patients, aucune étude prospective randomisée n’a encore été réalisée afin de comparer les techniques modernes de réhabilitation postopératoire (péridurale analgésique, kinésithérapie et réalimentation précoces, absence de sonde nasogastrique, drainage minimal) à une prise en charge classique, en termes de bénéfices sur le confort, la survenue de complications postopératoires, et la durée de séjour des patients.

Conclusion
Du fait d’une meilleure connaissance de la physiologie et de la physiopathologie des complications encourues, l’anesthésieréanimation en chirurgie abdominale par laparotomie a connu d’énormes progrès, aussi bien dans la prise en charge en peropératoire (gestion de l’antibioprophylaxie, amélioration de l’oxygénation tissulaire, réanimation hydroélectrolytique, équilibre glycémique) que dans les suites postopératoires. Parmi ces dernières, nous retiendrons notamment la prise en charge des NVPO, de l’iléus paralytique, mais surtout, de la douleur postopératoire, qui correspond à un élément majeur de la réhabilitation postopératoire du patient : pour ce faire, la mise en place d’un cathéter péridural en vue de l’analgésie postopératoire semble être la technique de référence, et devrait être proposée systématiquement au patient lors de la consultation préanesthésique. Mais la généralisation de cette technique impose des changements d’organisation, de protocoles, et une formation adaptée du personnel soignant, qui ne pourront se faire que progressivement.

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