Choc cardiogénique






Pathogénie et physiopathologie

Le choc cardiogénique se caractérise par une réduction critique primaire de la performance de la pompe cardiaque.
Le terme de choc « cardiogénique » ne concerne au sens plein du terme que la perturbation cardiaque primaire. Sur le plan de la pathogénie, on distingue les causes myogènes, mécaniques et rythmogènes.
                                                
Par ailleurs une dépression myocardique peut aussi s’observer lors du choc hypovolémique sévère, ainsi que lors du choc septique ou anaphylactique.
La perturbation de la fonction systolique avec capacité d’éjection diminuée, et la perturbation de la fonction diastolique avec remplissage ventriculaire réduit, activent le système sympatho- adrénergique (tonus vasomoteur et RVS augmentés, centralisation de la circulation), ainsi que les mécanismes vasorégulateurs neurohumoraux, rénaux et locaux. Le but de cette régulation est le rétablissement et le maintien d’un DC adapté avec une perfusion suffisante.

Diagnostic
Symptomatologie générale et examen clinique
Les signes cliniques relèvent de la centralisation de la circulation, avec :
-         Etat d’agitation ou troubles de la conscience,
-         Peau pâle, froide, couverte de sueurs et oligurie.

Sur le plan hémodynamique :
-         PAS< 90 mmHg et IC < 2,2 l/min/mètres carré de SC.

Les paramètres diagnostiques de base, PAS, PAM, et FC, associés aux manifestations cliniques, permettent l’établissement d’un bilan d’orientation. Ultérieurement, en milieu hospitalier, une surveillance invasive s’impose de principe.

Une valeur –seuil de la FC n’est pas connue ; elle dépend de chaque cas particulier (neuropathie diabétique, troubles de la conduction, prise de bêtabloquants, etc.). Des causes de choc d’orientation non cardiaque, telles que l’hypovolémie et le sepsis sont toujours à exclure.

Diagnostic de base
L’anamnèse et l’examen clinique, tous deux indispensable, comportent en particulier les éléments suivants :
-         Relevé des antécédents (affections cardiovasculaires, angioplastie percutanée et intervention chirurgicale), ainsi que de l’anamnèse actuelle et des médications en cours.
-         Evaluation de l’EG (état général) et de l(état de conscience (torpeur), inspection à la recherche de cicatrices opératoires (thoracotomie, prélèvement de greffons veineux).
-         Evaluation des signes cliniques de bas débit, avec examen de la circulation et de la coloration cutanées (peau fraîche à froide – couverte de sueurs, pâle à marbrée), ainsi que l’appréciation par palpation de la qualité du pouls et du rythme cardiaque (tachycardie/bradycardie, rythme régulier/irrégulier, absence de pouls périphérique).
-         Recherche de signes d’obstacle au retour veineux, tels qu’une turgescence des veines du cou (la partie supérieur du corps étant surélevée de 15 – 30°), des oedèmes, une hépatomégalie et de l’ascite.
-         Auscultation et percussion pulmonaire (œdème pulmonaire, épanchements pleuraux).
-         Auscultation cardiaque (souffle systolique, en particulier en cas d’insuffisance mitrale, de rétrécissement aortique ou de communication interventriculaire ; souffle diastolique, en particulier en cas d’insuffisance aortique et de sténose mitrale).
En complément des paramètres diagnostiques de base, les examens suivants sont requis :
-         Radiographie standard du thorax de face, pour l’évaluation de la taille et de la forme du cœur et du médiastin, de la perfusion pulmonaire et d’épanchements pleuraux, etc.
-         Pose d’une sonde vésicale à demeure pour la mesure de la diurèse horaire (valeur du seuil inférieur de la normale : 0,5 ml/kg/h).
-         Détermination de la température corporelle centrale.

Un ECG à 12 dérivations, à la recherche d’un infarctus aigu ou ancien, d’une ischémie myocardique et de troubles du rythme est indispensable.

L’analyse d’une arythmie et du segment ST permet de reconnaître précocement 0des troubles du rythme et une ischémie myocardique cliniquement muette.
Diagnostic avancé 
Le diagnostic avancé repose sur les éléments suivants :
-         Mesure invasive de la pression artérielle.
-         Mise en place d’un KTC multilumières, en évitant, en cas de thrombolyse, le recours à la veine sous- clavière et la veine jugulaire interne, compte tenu du risque hémorragique, et en abordant préférentiellement la veine jugulaire externe, basilique, céphalique ou fémorale.
-         Détermination des paramètres biologiques usuels : Hb, Na, K, Ca, Mg, créatinine et urée.
-         Détermination de la concentration sanguine de lactates.
-         Surveillance de la coagulation, par le dosage du TCA, du PTT, du taux de prothrombine (INR, temps de Quick), de la concentration de fibrinogène et de la numération plaquettaire.

Les marqueurs biochimiques d’une lésion myocardique ont une importance fondamentale pour le diagnostic positif et différentiel, le traitement et l’évaluation du risque :
-         Une élévation de la troponine cardiaque T et I (TnTc, TnIc) s’observe environ 2 h après la survenue de la lésion myocardique.
-         Une augmentation de la CPK-MB (normale jusqu’à 10% des CPK totales) ne s’observe qu’après 4 -6 h.
-         Le diagnostic avancé repose sur l’échocardiographie, ainsi que l’exploration hémodynamique invasive à l’aide du KTAP ou de l’analyse de contour de l’onde de pouls artériel.


Traitement 
Bases fondamentales
Le traitement vise à supprimer, dans la mesure du possible, les causes du dysfonctionnement myocardique et à rétablir l’état hémodynamique, en optimisant la précharge, la contractilité et la postcharge.

Les patients en état de choc cardiaque doivent bénéficier sans délai d’un cathétérisme cardiaque avec possibilité de recours à une Angioplastie coronaire percutanée (PCI).

Le délai jusqu’à une angioplastie devrait être le plus court possible. Il n’existe cependant pas de valeur- limite de temps. En cas d’angor persistant, une PCI est indiquée même après un intervalle prolongé, car on peut supposer la persistance de tissus encore viables.

Mesures thérapeutiques générales
Elles comportent les éléments suivants :
-         Oxygénothérapie immédiate par masque ou sonde nasale.
-         Intubation précoce avec ventilation contrôlée et analgo- sédation, pour diminuer le travail respiratoire et garantir une oxygénation de bonne qualité.
-         Mise en place préhospitalière de deux accès veineux de gros calibre, pour un apport séparé de catécholamines.
-         En règle générale, la mise en place préhospitalière d’un KTC n’est pas indiquée. Elle est par contre obligatoire dès la prise en charge initiale hospitalière (attention en cas de thrombolyse)
.
Analgésie et sédation

Une analgésie et une sédation suffisantes diminuent l’hyperactivité sympathique, la consommation d’oxygène, ainsi que la pré et la postcharge.

Chez le patient en ventilation spontanée, la morphine et le midazolam (Hypnovel) sont les agents de choix.
Troubles électrolytiques et acidose
Les anomalies de la concentration de K et de Mg sont à corriger sans délai, car les valeurs basses, en particulier, favorisent la survenue de troubles du rythme. L’acidose métabolique souvent présente diminue la sensibilité des récepteurs adrénergiques et a un effet inotrope négatif.

Dans des conditions de normoxie et de normocapnie, avec un BE < -10 mmol/l (soit un pH<7,25) un tamponnement avec du bicarbonate de Na, à la dose initiale de 1 mmol/kg est indiqué.

Troubles du rythme cardiaque

De principe on vise un contrôle de la fréquence cardiaque avec un rythme sinusal.

Une bradycardie sinusale, efficace d’un point de vue circulatoire mais ne répondant pas au traitement médicamenteux (par exemple injection IV de 0,5 à 3 mg d’atropine) requiert d’abord une stimulation cardiaque transcutanée sous analgo-sédation.
Les tachycardies supraventriculaires peuvent être à complexes fins ou à complexes larges, en cas de bloc de conduction intraventiculaire. Les tachycardies ventriculaires, par contre, se caractérisent toujours par des complexes larges.
En cas de choc cardiogénique, une cardioversion asservie aux ondes R est indiquée de préférence au recours à un essai thérapeutique par l’amiodarone (Cordarone).

Augmentation de la précharge
Une hypovolémie chez un patient en choc cardiogénique impose un traitement immédiat.

Les signes cliniques sont la sécheresse des muqueuses et la persistance du pli cutané. Sur le plan hémodynamique, une pression veineuse centrale (PVC) < 10mmHg est une indication de remplissage vasculaire.
En présence d’une hypovolémie majeure (par exemple PVC < 5 mmHg), un premier geste consiste en un remplissage titré de l’EIV par des solutés colloïdes iso- oncotique, comme la GEL à 4 % -30, l’HEA à 6% -130/0,4 ou l’HEA à 6% -200/0,5.
Les solutions électrolytiques complètes sont données à titre de complément pour corriger le déficit interstitiel.

Agents inotropes positifs

Catécholamines sur les récepteurs adrénergiques


1
2
1
2
DA1
DA2
Dopamine
0-3 g·kg-1·min-1
0
+
0
0
+++
+++
3-10 g·kg-1·min-1
+
+
++
+
++
++
> 10 g·kg-1·min-1
++
++
++
+
+
+
Dobutamine
+
0
+++
++
0
0
Adrénaline
+++
+++
++
+++
0
0
Noradrénaline
+++
+++
++
+
0
0

Les agents inotropes positifs et vasoconstricteurs sont indiqués dans l’éventualité où la PAM reste < 60 mmHg, malgré l’optimalisation du pré et de la postcharge, ainsi que de la FC.
Leur dose doit être la plus faible et leur durée d’administration la plus courte possible.

Quand l’hypotension est modérée (PAS > 80 mmHg), la dobutamine (dobutex) est la catécholamine de choix.

La dobutamine est un agoniste relativement sélectif des récepteurs β1- adrénergiques, qui, à doses plus élevées, supérieures à environ 7,5μg/kg/min, stimule simultanément les récepteurs alpha 1 et bêta 2. Des doses entre 2,5 – 15 μg/kg/min augmentent essentiellement la contractilité myocardique, alors que la FC et les RVS restent largement inchangées. Il en résulte une augmentation du DC et de la perfusion coronarienne.
Les doses dépassant 15 μg/kg/min augmentent nettement la consommation myocardique d’oxygène, la FC, les RVS et sont obsolètes.

La noradrénaline est indiquée en cas de collapsus résistant à la dobutamine.

La noradrénaline a des effets alpha adrénergiques prédominants : l’augmentation de la PAM devrait aussi entraîner celle de la perfusion coronarienne et cérébrale. Les doses initiales sont habituellement de l’ordre de 0,05 μg/kg/min.

L’adrénaline est indiquée comme ultime recours, quand les autres agents sont incapables d’augmenter la contractilité.

L’adrénaline stimule les récepteurs bêta 1, bêta 2 et alpha adrénergiques de façon dose- dépendante. A faible dose (0,03 – 0,1 μg/kg/min), elle augmente la contractilité myocardique et le DC par une bêta stimulation prédominante. A dose moyenne (0,1 – 0,2 μg/kg/min), elle stimule simultanément les récepteurs alpha et bêta, augmentant ainsi simultanément la postcharge et la contractilité.
A dose élevée (>0,2 μg/kg/min), la vasoconstriction par effet alpha est prédominante.
La dopamine stimule de façon dose- dépendante les récepteurs dopaminergiques et adrénergiques. De plus, elle libère de la noradrénaline au niveau des synapses sympathiques terminales ; du fait de ces effets non sélectifs, difficiles à prévoir, cet agent n’est plus recommandé.
La milrinone (Corotrope) est un inhibiteur de la phosphodiestérase avec un effet inotrope positif et un effet vasodilatateur, susceptibles de limiter le recours aux catécholamines en présence d’une contractilité insuffisante et d’une postcharge élevée (« inodilatateur »).

Réduction de la postcharge
En présence de certains causes de choc cardiogénique (par exemple insuffisance mitrale ou aortique), un abaissement de la postcharge est susceptible d’augmenter le VS ; un tel geste nécessite cependant une grande prudence, compte tenu du risque de collapsus réfractaire.

Le nitroprussiate de sodium, vasodilatateur pré et post-capillaire, est particulièrement puissant, facile à manier, du fait d’une demi-vie très courte, de l’ordre d’environ 1 min. la perfusion, débutée à la dose de 0,2 – 0,5 μg/kg/min, est progressivement augmentée et titrée, sous couvert d’une surveillance hémodynamique invasive.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire