Pneumonies communautaires graves de l’adulte







Taysir Assistance.TN   J.-P. Sollet, C. Legall
Les pneumonies aiguës communautaires sont des causes fréquentes d’hospitalisation et de mortalité.
La reconnaissance immédiate des formes sévères sur des critères simples, cliniques, radiologiques et biologiques, est une étape importante pour une prise en charge rapide en réanimation afin de contrôler les défaillances d’organes. Les prélèvements appropriés microbiologiques précèdent l’antibiothérapie qui doit être instituée très rapidement après le diagnostic de pneumonie. Malgré les techniques d’identification, la moitié seulement des pneumonies sont documentées.
Cette antibiothérapie, initialement probabiliste, intègre les germes pathogènes les plus souvent responsables, extra- et intracellulaires ; elle doit toujours être active sur le pneumocoque, bactérie la plus fréquente.L’association d’une b-lactamine et d’un macrolide ou d’une fluoroquinolone répond le mieux à cet objectif.Les fluoroquinolones actives sur le pneumocoque se sont substituées aux précédentes dans les plus récentes recommandations. Dans le cas exceptionnel des patients ayant des facteurs de risque particuliers, le traitement probabiliste doit prendre en compte Pseudomonas aeruginosa. La gravité d’une partie des pneumonies communautaires justifie le recours à des traitements adjuvants. L’antibiothérapie doit être réévaluée dans les 72 heures dans le but d’apprécier son efficacité, de l’adapter éventuellement et de la simplifier. La poursuite des antibiotiques à large spectre expose le patient à des effets indésirables et contribue aux résistances bactériennes. Pour les pneumonies dues au pneumocoque, les fluoroquinolones actives sur le pneumocoque pourront constituer une alternative en cas d’évolution importante des résistances du pneumocoque aux b-lactamines. La mortalité persistante des pneumonies reste sévère.
Ceci doit stimuler l’amélioration de la prise en charge initiale et faire rechercher de nouvelles thérapeutiques.

Mots clés : Pneumonie communautaire ; Sepsis sévère ; Insuffisance respiratoire aiguë ; Hypoxémie ;
« Streptococcus pneumoniae » ; « Legionella pneumophila » ; Bactéries intracellulaires ; Réanimation ; État de choc

Introduction
Le but essentiel de la prise en charge d’un patient ayant une pneumonie aiguë
communautaire (PAC) sévère est d’assurer sa guérison, c’est-à-dire permettre un retour à l’état antérieur dans les délais les plus brefs, sans séquelles liées à la pneumonie ellemême ou aux thérapeutiques administrées (intubation et ventilation mécanique, effets indésirables des médicaments, complications nosocomiales ou iatrogènes etc.), et sans sélection de micro-organismes résistants. Cet objectif doit être également obtenu aux meilleurs coûts.Les PAC sont des causes fréquentes d’hospitalisation et de mortalité. Si la plus grande partie des PAC est prise en charge par les médecins traitants, un phénomène sociologique sans précédent fait que de nombreux patients se présentent directement aux urgences. Les cliniciens doivent reconnaître rapidement la gravité initiale ou potentielle, certaines PAC pouvant s’aggraver secondairement aux urgences ou dans un service d’accueil.
Les formes sévères des PAC impliquent une prise en charge sans délai. De manière concomitante, il s’agit d’une urgence :
• dans le diagnostic par la radiographie thoracique, éventuellement la tomodensitométrie thoracique ;
• dans l’évaluation de la gravité présente ou potentielle, sur des critères simples, une partie des PAC s’aggravant secondairement.
La compétence et l’expérience du clinicien sont essentielles dans cette évaluation ;
• dans les prélèvements à visée microbiologique, les hémocultures, les prélèvements de l’arbre bronchique et la ponction pleurale ;
• de l’antibiothérapie probabiliste intégrant les microorganismes extra- et intracellulaires ;
• dans la prise en charge des défaillances d’organes, essentiellement respiratoire et hémodynamique.
En raison de cette gravité, une admission rapide en réanimation est requise.
Le pneumocoque reste la bactérie prédominante au cours des PAC. Mais au moment du diagnostic de PAC, le pathogène responsable est méconnu et le restera dans près de 50 % des cas du fait des limites des techniques microbiologiques d’identification.
L’antibiothérapie est donc initialement probabiliste. Elle doit intégrer dans son spectre l’ensemble des pathogènes potentiellement responsables, tout en restant active sur le  pneumocoque.
L’apparition, parmi les pneumocoques, de résistance à la pénicilline tend à modifier les schémas thérapeutiques probabilistes.
Parmi les b-lactamines, l’amoxicilline, les céphalosporines de troisième génération, ceftazidime exclue, et les pénèmes restent actifs sur les souches de sensibilité diminuée à la pénicilline.
Les nouvelles fluoroquinolones actives sur le pneumocoque, tout en gardant un spectre large, présentent et présenteront un intérêt réel si des échecs liés à la résistance aux b-lactamines apparaissent ; leur utilisation doit tenir compte du rapport bénéfice/risque en raison d’effets indésirables plus importants.
Malgré une antibiothérapie active et une prise en charge en réanimation, la mortalité reste élevée, de 21 % à 48 %. [1-5]
Le pneumocoque a la particularité de tuer rapidement, l’antibiothérapie ne semblant pas modifier cette mortalité précoce. [6]
L’importance de la réaction inflammatoire explique cette gravité initiale. [7] Des facteurs génétiques jouent probablement un rôle non négligeable dans cette gravité. [8, 9]
Des innovations thérapeutiques adjuvantes, telles que la protéine C activée, permettent d’envisager une réduction de la mortalité à condition que la prise en charge soit optimale et que l’antibiothérapie soit adaptée. [10]
 Définition
Une PAC est une pneumonie acquise en ville, dans la « communauté ».
 L’un des problèmes majeurs est, pour une partie des PAC,
la possibilité d’une hospitalisation antérieure ; le délai admis dans les séries publiées, quand il est précisé, est de plus de 7 jours. [11, 12] Ce délai est probablement trop court pour différencier nettement une infection acquise dans une structure de soins de celle acquise dans la communauté ; un délai de 1 mois serait plus adapté à la définition d’une PAC.
Cette définition reste néanmoins imprécise et des « adaptations » sont nécessaires.
En effet, certains patients présentent des particularités qui modifient la répartition habituelle des micro-organismes. Par ailleurs, dans certains cas, la distinction entre infection acquise dans la communauté et infection liée aux soins est difficile.
C’est le cas en particulier :
• des patients vivant en maison de retraite qui représentent un groupe particulier par la classe d’âge, la fréquence et la gravité des pathologies sous-jacentes, la pression de sélection exercée par les traitements antibiotiques, une épidémiologie différente, des risques d’épidémie (affections virales, tuberculose...).
La variété des structures accueillant les personnes âgées rend parfois difficile la distinction entre « communauté» et hôpital, d’autant que la circulation de ces patients entre ces structures et les hôpitaux est importante ;
• des patients qui sont suivis en hospitalisation à domicile (HAD) avec des maladies sous-jacentes responsables d’une immunodépression sévère (cancer, syndrome de l’immunodéficience acquise [sida] etc.). Ils sont fréquemment hospitalisés, et en HAD, ils bénéficient d’une charge en soins importante du fait de leur dépendance ;
• des patients ayant eu une hospitalisation récente, qui peuvent avoir une flore bactérienne modifiée, soit par la transmission d’une bactérie multirésistante
(Staphylococcus aureus résistant à la méticilline [SARM]), soit par la sélection exercée par les antibiotiques (Pseudomonas aeruginosa).
Ils peuvent avoir une infection nosocomiale acquise au cours d’une hospitalisation mais qui se déclare à leur retour au domicile (Legionella pneumophila) ;
• d’une pathologie sous-jacente bronchopulmonaire (bronchite chronique, dilatation des bronches, mucoviscidose) qui expose le patient à une colonisation par Pseudomonas aeruginosa favorisée par des traitements antibiotiques itératifs ;
• d’un traitement immunosuppresseur (corticoïdes) qui peut exposer les patients à des infections particulières : Legionella pneumophila, Pneumocystis carinii, levures etc.).
Bien que la tuberculose dans sa localisation pulmonaire, la pneumocystose ou les infections à levures chez les patients en aplasie traités à domicile puissent être considérées comme des PAC, leur diagnostic et leur traitement ne seront pas abordés dans cette revue.
Sans rajouter à la complexité des situations, le lien avec une structure de soins ou une prise en charge en HAD est un facteur d’infections liées aux soins, les infections nosocomiales ne représentant qu’une partie de ces infections. Ces infections sont à différencier de l’acquisition réellement communautaire. En revanche, les patients ayant acquis une colonisation lors d’un séjour dans une structure de soins peuvent avoir une infection d’acquisition communautaire mais due à une bactérie « nosocomiale » ; la durée de cette colonisation d’acquisition nosocomiale est variable, elle peut durer plusieurs mois pour SARM.
Quoi qu’il en soit, il est important pour le clinicien de rechercher ces facteurs et de modifier éventuellement les antibiothérapies probabilistes habituellement
recommandées au cours des PAC.
Ces facteurs doivent susciter surtout des recherches microbiologiques spécifiques (Pneumocystis carinii, mycobactérie, levure etc.) et des prélèvements adaptés.
Certaines recommandations tiennent compte de ces modifications dans l’épidémiologie bactérienne, en particulier des risques de Pseudomonas aeruginosa.



Signes cliniques et radiologiques
Les signes cliniques sont bien connus. Les signes généraux sont regroupés sous le terme de syndrome inflammatoire de réponse systémique : fièvre supérieure ou égale à 38 °C ou hypothermie inférieure ou égale à 36 °C, tachycardie supérieure ou égale à 90 b min–1, fréquence respiratoire supérieure ou égale à 20 c min–1, hyperleucocytose supérieure ou égale à 12 000 mm–3 ou leucopénie inférieure à 4 000 mm–3.
Les signes dus à la PAC sont la toux, l’expectoration, la dyspnée associées ou non à des douleurs pleurales ; à l’examen clinique, matité et râles crépitants avec ou sans frottement  pleural. Ils sont associés parfois à des signes extrapulmonaires (céphalées, myalgies, troubles digestifs etc.). L’expectoration peut être absente initialement ou de manière permanente, limitant l’exploration microbiologique.La différenciation clinique entre pneumonie dite « atypique »et pneumonie pneumococcique n’est pas spécifique. Les personnes âgées ont souvent un tableau clinique trompeur marqué par une symptomatologie fruste et l’absence de fièvre.
La radiographie thoracique est fondamentale pour affirmer une pneumonie. Le plus souvent, il est observé une opacité parenchymateuse alvéolaire avec bronchogramme aérien prenant un aspect systématisé lobaire ou d’opacités alvéolaires multiples. Mais d’autres aspects sont décrits : pseudotumoral,images interstitielles etc.
La radiographie recherche d’autres complications : épanchement pleural, cavité, images alvéolaires bilatérales compatibles avec un oedème lésionnel (syndrome de détresse respiratoire aigu : SDRA) etc.ou permet de découvrir une maladie sous-jacente méconnue (cancer). Dans les formes sévères de PAC, les modifications radiologiques sont rarement spécifiques d’un agent pathogène. Ce n’est que très rarement que des images extensives et très destructrices pourront être liées à Staphylococcus aureus producteur de leucocidine de Panton-Valentine. [13]
Une discordance entre une symptomatologie clinique bruyante et l’absence d’image radiologique évidente peut exister.
Une nouvelle radiographie faite dans des conditions rigoureuses : en inspiration, face et profil, permet de préciser une image non visible sur un cliché de mauvaise qualité.
En l’absence d’image évidente, malgré une radiographie de bonne qualité, une
tomodensitométrie peut être nécessaire pour visualiser des opacités alvéolaires
compatibles avec une pneumonie.
 Points forts
Définition des PAC
• Les PAC sont acquises hors des structures de soins et à distance d’une hospitalisation.
• Le diagnostic est retenu sur les signes de syndrome inflammatoire de réponse systémique, la symptomatologie pulmonaire et obligatoirement sur les anomalies radiologiques. Ces anomalies ne sont pas spécifiques d’un agent pathogène.





 Facteurs de risque de mortalité des pneumonies communautaires graves de l’adulte



Les services de réanimation utilisent déjà des scores de gravité prédictifs de mortalité. Ces scores n’ont pas été établis uniquement à partir des données de patients ayant une PAC, mais ils restent pertinents pour cette pathologie. Des scores ou des facteurs de risque plus spécifiques ont été étudiés au cours des PAC.
Scores de mortalité spécifiques aux pneumonies aiguës communautaires
Les scores de mortalité spécifiques sont devenus une nécessité pour décrire une population, évaluer la performance d’unité de soins, stratifier les patients pour l’évaluation de nouvelles thérapeutiques etc.
Leur utilisation pour l’aide à la décision sesitue à un niveau individuel : une décision est prise pour un patient donné. L’utilisation à ces deux niveaux, collectif et individuel, impose à l’utilisateur de connaître la méthodologie de construction et de validation du score qu’il choisit afin d’en maîtriser les limites. [14]
Un score peut être appliqué dans la population pour laquelle il a été construit et avec l’objectif qui lui était assigné. S’il s’agit d’un score de mortalité, son utilisation pour une décision individuelle conduit à des erreurs du fait d’une sensibilité et d’une spécificité trop faibles.
Deux scores ont fait l’objet de nombreuses publications et de validation : ce sont le Pneumonia Severity Index (PSI) , dit score de Fine, et celui CURB-65 de la British Thoracic Society (BTS).
Enfin, un troisième score dit de Leroy a été déterminé spécifiquement en réanimation.
« Pneumonia Severity Index »
Ce score est un score prédictif de mortalité à 30 jours des PAC chez les patients hospitalisés. [15] Publié en 1997, il est en fait l’aboutissement de plusieurs études publiées entre 1993 et 1997.
Il a eu pour but la recherche de variables prédictives de mortalité. Il a été établi sur une population de 14 199 patients vus dans des hôpitaux nord-américains (États-Unis et Canada) pour une PAC (MedisGroups Derivation Cohort), puis validé dans une cohorte de 38 039 patients dans une population identique. La dernière étape de validation a été faite dans une cohorte « Pneumonia PORT » (Patient Outcome Research Team) de 2 287 patients dont une partie, 944 patients, était traitée en ambulatoire et une autre, 1 343 patients, était hospitalisée. Les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et immunodéprimés, ou hospitalisés dans les 7 jours précédant le diagnostic ou transférés d’un autre hôpital étaient exclus de l’étude. Les patients venant de maisons de retraite constituaient 8,5 % de l’effectif.
Le score est établi en calculant la somme des points attribués à 19 variables. Les 19 variables (données démographiques, maladie sous-jacente, données cliniques, données radiologiques, données de laboratoire dont une gazométrie artérielle) et les points qui leur sont attribués sont présentés dans le Tableau 1.
Selon le nombre de points, cinq classes de risque de mortalité au 30e jour ont été différenciées, et à chacune d’elle est attribuée une mortalité. Les classes de risque vont de I à V, mais seules les classes de II à V se voient attribuer des points, la classe de risque I étant par définition celle pour laquelle aucun facteur de risque n’est retrouvé.
La mortalité était de 0,1 % pour la classe de risque I, de 0,6 % pour la classe de risque II (égal ou inférieur à 70 points), de 0,9 % pour la classe de risque III (de 71 à 90 points), de 9,3 % pour la classe IV (de 91 à 130 points) et de 27 % pour la classe de risque V (plus de 130 points) ; la mortalité globale de la cohorte était de 5,2 %. La mortalité était légèrement différente entre les patients hospitalisés et ceux traités en ambulatoire. Par rapport aux deux premières cohortes qui ont servi à la construction du score et à sa validation, la mortalité globale était moins élevée (5,2 % au lieu 10,2 et 10,6 %). Les classes de risque I, II et III sont considérées comme des classes de faible risque de mortalité.
Des informations sur cette cohorte ont été secondairement publiées : dans seulement 5,7 % des cas, une cause bactérienne a été identifiée, [16] une hospitalisation secondaire a été nécessaire pour 71 des 944 patients traités en ambulatoire, soit 7,5 %. [17]
Il est important de préciser que l’utilisation de ce score impose dans un premier temps de rechercher des signes de gravité ; ce sont essentiellement ceux issus des recommandations de l’American Thoracic Society (ATS) [18] et modifiés par Ewig [19] (Tableau 2). Une démarche en deux étapes est proposée par les auteurs.
• La première étape permet de différencier les patients de la classe de risque I des autres classes de risque II à V. Au-delà de 50 ans, le patient est au minimum dans une classe de risque II ; indépendamment de l’âge, s’il a une maladie sousjacente (cancer, insuffisance cardiaque, maladie vasculaire cérébrale, insuffisance rénale ou hépatique) et/ou des signes de gravité, il sera dans une classe de risque élevé.
• La deuxième étape est le calcul de la somme des points attribués aux 19 variables (Tableau 1). Ce calcul permet d’établir les classes de risque I, II et III avec une mortalité de 0,1 à 2,8 %, et les classes de risque IV et V avec une mortalité de 8,2 et 29,2 % respectivement. Une étude prospective [16] a permis de valider la « solidité » de ce score : la mortalité des patients de la classe de risque IV était de 9 % dont 7 % liés à la PAC et celle de la classe de risque V de 27,1 % dont 20,4 % liés à la PAC.
Plusieurs limites et réserves sont apparues au score de Fine.
• L’hypoxémie, dont le « poids » est seulement de 10, reste un facteur important de gravité.
• Le jugement clinique du médecin est important dans la décision, ceci est rappelé par les concepteurs du score (par exemple un jeune adulte ayant une hypotension et une tachycardie pourrait être « classé » en risque II bien que la PAC soit sévère).
• Ce score n’est pas prédictif de mortalité individuelle, mais de mortalité de cohorte en fonction d’une classe de risque regroupant plusieurs patients.
• S’agissant d’un score prédictif de mortalité, tenter d’en faire un outil de décision d’hospitalisation, à plus forte raison d’admission en réanimation, peut conduire à des erreurs de prise en charge. Cet objectif n’a pas été validé. Les auteurs eux-mêmes et certaines sociétés savantes ont seulement suggéré que les patients de classes de risque I à III pourraient être traités en ambulatoire. En 2003, l’Infectious Diseases Society of America (IDSA) a revu sa position sur ce score ; elle recommande de l’utiliser comme moyen de stratification du risque et surtout de l’associer à une évaluation précise du patient et au jugement du clinicien. [20]
• Son utilisation dans d’autres populations ou dans un pays et/ou un système de santé différents ou par les médecins généralistes nécessite une validation spécifique.
• De nombreuses données sont nécessaires, en particulier les gaz du sang artériels (pH et pression partielle en oxygène [PaO2]).
• Les données socioéconomiques ou psychologiques ainsi que les troubles digestifs, les maladies neuromusculaires ou une immunodépression ne sont pas pris en compte.
Score CURB-65
Ce score proposé par la BTS est un score prédictif de mortalité. [21] Ce score a été réactualisé en associant le facteur « âge ». [22]
Il a été construit et validé dans une population de 1 000 PAC à partir d’une base de données disponible au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas.
Six éléments recueillis lors de l’admission à l’hôpital le composent : confusion mentale, urée sanguine supérieure à 7 mmol l–1, fréquence respiratoire supérieure ou égale à 30 c min–1, pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg ou diastolique inférieure ou égale à 60 mmHg, âge supérieur ou égal à 65 ans. Chaque élément forme l’acronyme du score.
La mortalité est de 0,7 % pour un score à 0, 3,2 % pour un score à 1, 13 % pour un score à 2, 17 % pour un score à 3, 41,5 % pour un score à 4 et 57 % pour un score à 5.
Score établi en réanimation
L’étude de Leroy [23] effectuée en réanimation stratifie les patients en trois classes avec une mortalité de 4 %, 25 % et 60 %. Cet index pronostique simplifié à l’admission est établi à partir de six facteurs indépendants de mortalité (âge supérieur à 40 ans, pronostic à 5 ans de la maladie sous-jacente, pneumonie dont le mécanisme n’est pas une inhalation, atteinte de plus d’un lobe, nécessité d’une ventilation mécanique, choc septique).
Pour la classe de risque intermédiaire, la mortalité ne peut être prédite uniquement à l’admission, et un ajustement est nécessaire tenant compte des complications survenues en cours d’hospitalisation.
Facteurs de risque de mortalité
Plusieurs autres facteurs de risque de mortalité des PAC ont été identifiés :
• extension des images radiologiques et existence d’un choc septique ; [2]
• maladie sous-jacente ultérieurement ou rapidement fatale, état de choc, bactériémie, antibiothérapie inadaptée, complications non liées à la pneumonie ; [5]
• ventilation mécanique et choc septique. [19]
Impact de la résistance bactérienne sur la mortalité
L’impact de la résistance bactérienne sur la mortalité a été essentiellement étudié au cours des pneumonies à pneumocoque.
La résistance à la pénicilline ne semble pas entraîner de surmortalité [6]. Dans une étude récente, la mortalité globale était de 16,3 % parmi les 465 patients adultes hospitalisés pour une PAC due au pneumocoque ; elle était de 18,3 % pour celles dues à des souches sensibles et 13,9 % pour celles dues à des souches de sensibilité diminuée. [24] En réanimation, toujours dans cette étude, la mortalité était de 34,8 % chez les patients ayant une souche sensible à la pénicilline et 27,8 % chez ceux ayant une souche de sensibilité diminuée.
Parmi les 221 patients ayant une PAC à pneumocoque bactériémique, la mortalité était de 20,1 % pour les souches sensibles à la pénicilline et 15,2 % pour les souches de sensibilité diminuée.
Impact du délai de la prescription d’antibiotiques sur la mortalité
Le délai de la prescription d’antibiotiques par rapport àl’admission est considéré comme un facteur de risque chez les patients de plus de 65 ans. Deux études portant chacune sur plus de 10 000 patients de plus de 65 ans ont montré que l’administration d’une antibiothérapie dans les 6 heures pour l’une [25] et dans les 4 heures pour l’autre [26] était associée à une diminution de la mortalité au 30e jour avec respectivement un odd ratio à 0,85 (intervalle de confiance [IC] 95 %, 0,75-0,96) et un odd ratio ajusté à 0,85 (IC 95 %, 0,76-0,95) ; la mortalité dans cette dernière étude étant de 11,6 % pour les patients traités dans les 4 heures et de 12,7 % pour ceux traités au-delà de la 4e heure.
 Points forts
Facteurs de risque de mortalité
• La mortalité globale des PAC est de 5 %. Le PSI est le score prédictif de mortalité à 30 jours le mieux étudié ; les classes de sévérité IV et V ont une mortalité élevée, 9 % et 27 % respectivement ;
• Les facteurs de risque de mortalité des PAC sont multiples. La résistance du pneumocoque ne semble pas avoir d’impact sur la mortalité ; en revanche, le retard dans l’initiation de l’antibiothérapie adaptée chez les patients de plus de 65 ans aggrave le pronostic.


Critères d’admission en réanimation des pneumonies communautaires graves de l’adulte




Ces critères ont été établis à partir des facteurs de risque de mortalité. Ils permettent ainsi de définir la sévérité de la pneumonie.
L’ATS recommande l’admission en réanimation si le patient présente un des signes suivants : [18]
• fréquence respiratoire supérieure à 30 c min–1 ;
• insuffisance respiratoire sévère (PaO2/FiO2 < 250) ou nécessité d’une ventilation mécanique ;
• images bilatérales ou atteinte de plus de deux lobes à la radiographie thoracique ou augmentation de plus de 50 % de la taille des opacités ;
• état de choc (pression artérielle systolique inférieure ou égale à 90 mmHg ou diastolique inférieure ou égale à 60 mmHg), nécessité de drogues vasoactives pendant plus de 4 heures ;
• diurèse inférieure à 20 ml h–1 ou 80 ml 4h–1 ou insuffisance rénale nécessitant une épuration extrarénale.
La Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) a recommandé, en 2000, dans la révision de la IVe conférence de consensus, les critères de l’ATS pour justifier l’hospitalisation en réanimation. [27]
Dans une étude prospective, [19] ces signes de gravité issus des recommandations de l’ATS ont été classés en mineurs et majeurs (Tableau 2) afin d’améliorer leur sensibilité et leur spécificité, la sévérité étant jugée sur la nécessité d’une admission en réanimation.
Un critère majeur ou deux critères mineurs justifient l’admission en réanimation. Si la sensibilité d’un seul critère était élevée (98 %), sa spécificité était en revanche faible (32 %).
L’utilisation d’un des critères majeurs ou de deux des critères mineurs augmentait la spécificité à 94 %, la valeur prédictive positive (VPP) à 75 % et la valeur prédictive négative (VPN) à 95 %, la sensibilité étant à 78 %.
En 2004, l’IDSA et l’ATS ont collaboré pour l’élaboration de critères d’évaluation de la gravité en intégrant des signes cliniques et biologiques retenus par ces sociétés mais également par la BTS et d’autres études.
Deux étapes sont indiscutablesdans l’appréciation de la gravité pour imposer une admission en réanimation : la nécessité d’une ventilation mécanique, l’existence d’un choc septique. D’autres facteurs interviennent en l’absence de ces deux facteurs dans la décision d’admission en réanimation :
• ceux de la BTS : confusion, urée sanguine supérieure à 7 mmol l–1, fréquence respiratoire supérieure ou égale à 30 min–1 ;
• certains critères de l’ATS : rapport PaO2/FiO2 inférieur à 250, atteinte radiologique multilobaire ;
• une hypothermie inférieure à 36 °C, [28] une neutropénie, une thrombopénie, la nécessité d’un remplissage massif pour maintenir une pression artérielle suffisante ;
• une atteinte hépatique d’origine alcoolique, une hypoglycémie.
Ces recommandations n’ont pas été encore publiées et la décision de classer ces éléments en critères majeurs et mineurs n’a pas été encore prise. Ces critères devront être validés par une étude prospective.
L’admission en réanimation doit donc être décidée surl’analyse des signes cliniques, biologiques et radiologiques, mais dans tous les cas le jugement clinique et l’expérience du médecin restent importants. Par ailleurs, un patient non admis d’emblée en réanimation doit bénéficier, alors que le traitement antibiotique a débuté, d’une surveillance établie à partir des critères de l’ATS qui ont l’avantage d’être simples et d’alerter le clinicien.
Utilisation des scores dans l’admission en réanimation
Les études sur la décision d’hospitalisation sont dominées par les analyses issues des travaux de Fine. [15, 16] Selon ces travaux, si 75 % des patients peuvent être traités en ville (classe de risque I et majorité des classes II et III), les patients de classes de risque IV et V doivent être hospitalisés. Ces modèles destinés à prédire la mortalité ne sont pas validés en tant qu’outil de décision pour hospitaliser ou non un patient. Ils ne peuvent être utilisés pour décider une admission en réanimation.
Les scores de mortalité ont été proposés pour formaliser l’admission en réanimation. Il est évident que plus le risque de mortalité est élevé, et donc le niveau du score, plus les motifs d’admission en réanimation sont présents.
Pour les scores étudiés, PSI et CURB-65, l’âge a un « poids » très important dans leur calcul ; pour le PSI, les maladies sousjacentes ont également une forte influence. Le score CURB-65 a une approche plus clinique et plus simple par rapport au PSI.
L’évaluation de la gravité par ces scores conduit à méconnaître une gravité évidente chez un patient jeune, ayant une hypoxémie sévère et même un état de choc. Le score PSI pourrait avoir un intérêt chez un patient âgé ayant une PAC : l’âge et les maladies sous-jacentes confèrent à la PAC, même intrinsèquement peu sévère selon les critères de l’ATS, une sévérité « extrapulmonaire » justifiant sa prise en charge en réanimation.
Une étude nord-américaine a conclu que ces deux scores prédictifs n’étaient pas adaptés en tant que critères d’admission en réanimation. [29] Sur cette cohorte de 1 339 patients hospitalisés, 170 étaient admis en réanimation (12,7 %). Sur ces 170 patients, 27 % étaient classés en faible risque de mortalité (classes I, II et III). Inversement, en tenant compte des critères de sévérité, une grande partie des patients n’ont pas été admis en réanimation : 83 % des 804 patients avaient au moins un des critères de l’ATS, 74 % des 440 patients avaient les critères modifiés de l’ATS, 80 % des 321 patients avaient les critères de la BTS. La mortalité des patients admis en réanimation était de 21,1 %, significativement plus élevée que celle des patients non admis en réanimation (5,1 %), mais uniquement pour ceux classés en risque IV et V.
D’autres facteurs ont dû intervenir dans la mortalité. Les critères modifiés de l’ATS sont discriminants pour la nécessité d’une ventilation mécanique, tandis que le PSI est discriminant pour la mortalité.
L’IDSA intègre dans sa réactualisation de 2003 le calcul du PSI mais en l’associant à l’évaluation précise des conditions qui pourraient compromettre la prise en charge au domicile et le jugement clinique, alors qu’en 2000 cette société recommandait, pour les seuls patients de la classe de risque V, une admission en réanimation. [30] Cette démarche s’applique plus à la décision d’hospitalisation qu’à l’admission en réanimation. [20]
En conclusion, les critères modifiés de l’ATS, deux critères mineurs ou un critère majeur, permettent de mieux définir la gravité de la PAC nécessitant une admission en réanimation.
Néanmoins, d’autres facteurs, intégrés par l’IDSA et l’ATS, permettront de moduler l’évaluation de la gravité en intégrant des signes cliniques et biologiques dans un algorithme de décision. Mais tenant compte de la sensibilité ou la spécificité insuffisante de ces critères et de l’absence de validation, le jugement clinique et l’expérience du clinicien restent encore un élément important dans la décision d’admission en réanimation.



Diagnostic étiologique des pneumonies communautaires graves de l’adulte 



Faut-il isoler l’agent pathogène ?
Au cours des PAC, comme pour toute situation infectieuse, il est important d’isoler l’agent pathogène. Plusieurs raisons justifient cette démarche : affirmer la nature infectieuse de la PAC, permettre une adéquation de l’antibiothérapie à la bactérie isolée, limiter l’utilisation prolongée de molécules à spectre large afin de maîtriser l’apparition de résistances, les surcoûts et les effets indésirables.
Malgré les recherches mises en oeuvre, l’agent responsable n’est isolé que dans 50 % des cas ; [2-4] dans l’étude menée en réanimation, l’agent pathogène a pu être identifié dans 72 % des cas. [1]Ce faible rendement peut s’expliquer par l’utilisation de techniques de microbiologie inadéquates ou la fréquence d’une antibiothérapie préalable.Cet état de fait a engendré des controverses et des contradictions dans les recommandations des sociétés savantes ; c’estainsi que les experts de l’ATS [18] prônaient, en 1993, un traitement reposant sur des données épidémiologiques avec un choix de molécules à spectre très large, alors qu’en 2000, ceux de l’IDSA recommandaient fortement l’identification de l’agent pathogène afin d’adapter secondairement l’antibiothérapie. [30]

 Points forts
Évaluation de la gravité d’une PAC
• Les critères retenus par l’ATS sont des signes simples permettant au clinicien d’analyser la gravité d’une PAC.
L’existence d’un des signes suivants : fréquence respiratoire supérieure à 30 cycles min–1, hypoxémie (PaO2/FiO2 < 250), images bilatérales ou multilobaires, état de choc, oligurie ou insuffisance rénale, impose d’envisager une admission en réanimation.
• En l’absence de gravité initiale, avant d’hospitaliser un patient dans une unité de soins, une nouvelle évaluation doit être effectuée en raison du risque d’aggravation secondaire.
• Les scores de gravité, tels que le PSI ou le CURB-65, ne sont pas adaptés à la décision d’hospitalisation en réanimation. L’impact de l’âge et des maladies sousjacentes sur le calcul de ces scores ne permet pas dedéceler une gravité réelle chez un patient jeune ayant une PAC grave.


En pathologie infectieuse, et plus particulièrement quand la PAC est sévère, l’isolement de ou des agents pathogènes est fortement recommandé au plan de la prise en charge thérapeutique ainsi qu’au plan épidémiologique. Des progrès considérables doivent être effectués dans la mise au point de techniques diagnostiques spécifiques et rapides.
Quelle stratégie diagnostique pour explorer un foyer pulmonaire ?
Les prélèvements peuvent être effectués directement au sein du foyer infectieux (biopsie pulmonaire, ponction transthoracique) ou indirectement par des procédures invasives (fibroscopie) ou par des cultures d’expectorations.
L’étude de Moine [1] menée en réanimation reflète bien la grande diversité des prélèvements effectués en France : expectoration dans 45 % des cas, prélèvements bronchiques distaux protégés dans 89 % des cas .
Ces prélèvements contribuaient au diagnostic bactériologique dans respectivement 30 % et 32 % des cas.
Plusieurs modalités de prélèvements sont proposées :
• « invasifs » permettant, lors d’une fibroscopie, des prélèvements bronchiques distaux par un lavage bronchoalvéolaire (LBA), un cathéter distal protégé, une brosse ;
• non invasifs ; l’expectoration permet d’affirmer un diagnostic lorsque des micro-organismes pathogènes tels que Legionella pneumophila, Mycobacterium tuberculosis ou virus sont isolés.
Pour les autres micro-organismes, l’interprétation de la culture est possible à condition de respecter les conditions de prélèvement et d’interprétation. L’IDSA recommande fortement cet examen. [30] Au cours des pneumonies à pneumocoque, plusieurs études ont montré une sensibilité de 50 à 60 % et une spécificité de plus de 80 %. [31, 32]
Prélèvements bronchopulmonaires invasifs
Ponction transthoracique à l’aiguille fine (22 ou 25 G)
Elle permet un diagnostic dans 14,5 à 27 % des cas. [2, 33, 34]
Mais des problèmes de tolérance (pneumothorax, hémoptysies de faible abondance dans 13 % à 20 % des cas) en limitent l’usage. Cette technique est contre-indiquée chez les patients ayant une hypoxémie sévère, des troubles de coagulation, un emphysème sévère ou qui sont ventilés.
Ponction transtrachéale
Cette technique a été une méthode de référence, [31] mais a été abandonnée en raison des complications (hémorragie, décompensation d’une insuffisance respiratoire aiguë, emphysème sous-cutané), des contre-indications (troubles de la coagulation, détresse respiratoire, agitation du patient...), des difficultés d’interprétation en cas de troubles de déglutition, et de la perte d’expérience des équipes. Des faux négatifs sont observés : chez six patients ayant une bactériémie à Streptococcus pneumoniae, dans trois cas seulement la bactérie était isolée dans la ponction transtrachéale. [32]
Prélèvements bronchiques distaux effectués lors d’une fibroscopie
Ces prélèvements (LBA, cathéter distal protégé, brosse etc.) ont été peu évalués dans le cadre spécifique des PAC. [35]
L’interprétation de ces cultures quantitatives est en général issue d’études effectuées au cours des pneumopathies acquises lors de la ventilation mécanique. Parmi les rares études publiées, celle de Örtqvist [36] et celle de Jimenez [37] soulignent une bonne sensibilité et concordance de la brosse au LBA chez des patients ayant une PAC peu sévère et n’ayant pas reçu d’antibiotique.
En pratique, au cours d’une PAC sévère :
• chez les patients intubés et ventilés d’emblée, la fibroscopie ne pose pas de problème, mais il existe des risques inhérentsà chaque prélèvement (aggravation de l’hypoxémie au cours de la fibroscopie ou au décours d’un LBA, pneumothorax ou hémoptysie au décours d’une brosse...) ;
• chez les patients non intubés hypoxémiques, une fibroscopie effectuée même à travers un masque à haute concentration d’oxygène peut décompenser une détresse respiratoire. Si elle est indiquée, l’opérateur doit être entraîné et être capable de gérer une complication. En ventilation non invasive et plus particulièrement en pression positive, toujours avec un opérateur entraîné, une exploration fibroscopique peut être réalisée avec sécurité. [38] Néanmoins, en raison du risque de décompensation respiratoire et d’arrêt cardiaque hypoxémique, son utilité doit être démontrée dans la démarche diagnostique initiale.
Prélèvements bronchiques non invasifs
L’étude de l’expectoration a été longtemps décriée en France : manque de spécificité, temps de laboratoire.
 Son premier intérêt est de permettre d’affirmer un diagnostic microbiologique lorsque Legionella pneumophila, Pneumocystis carinii, Mycobacterium tuberculosis et virus sont isolés, à condition qu’une demande spécifique soit faite au laboratoire (colorations et milieux spéciaux).
Pour les autres micro-organismes, l’interprétation de la culture est possible à condition de respecter les conditions suivantes : réelle expectoration obtenue en aidant le patient, transport immédiat au laboratoire, critères cellulaires (moins de dix cellules épithéliales et plus de 25 polynucléaires par champ), prédominance d’un ou éventuellement de deux types de bactéries, culture semi-quantitative. L’IDSA recommande cet examen. [30, 39]
Ces explorations restent donc à évaluer au cours des PAC, en termes de sensibilité et de spécificité, en tenant compte d’une antibiothérapie préalable qui peut modifier considérablement l’interprétation des résultats : le diagnostic était possible dans 80 % des cas chez les patients n’ayant pas d’antibiotique, [40] mais seulement dans 32,7 % des cas lorsque les patients recevaient des antibiotiques. [41]
Prélèvements non bronchopulmonaires
Ces prélèvements peuvent contribuer à l’identification de l’agent responsable :
• hémocultures (positives dans 7 à 27 % des cas, surtout pour le pneumocoque dans plus d’un tiers des cas), ponction pleurale ;
• antigènes urinaires de Legionella pneumophila du sérogroupe 1 ;
• antigènes urinaires pneumococciques ;
• détection de virus (influenza, virus respiratoire syncytial, adénovirus, para-influenza 1, 2 et 3) et plus récemment du coronavirus, responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ;
• en fonction du contexte, une sérologie VIH oriente les explorations ;
• les sérologies de Legionella pneumophila, Mycoplasma pneumoniae et Chlamydia pneumoniae ont un intérêt rétrospectif et l’élévation retardée des anticorps n’aide pas au diagnostic initial. Pour Chlamydia pneumoniae, le diagnostic sérologique est retenu pour une élévation de 4 fois du taux des immunoglobulines (Ig) G ou un taux d’IgM supérieur ou égal à 1 : 16 sur un seul prélèvement ;
• les agglutinines froides supérieures à 1 : 64 sont en faveur de Mycoplasma pneumoniae ;
• des techniques d’amplification génomique (polymerase chain reaction [PCR]) sont en cours d’évaluation pour ces microorganismes, en particulier Chlamydia pneumoniae, Legionella pneumophila et Mycoplasma pneumoniae.
Parmi ces examens complémentaires, de récentes publications sur les hémocultures et les antigènes urinaires pneumococciques ont abordé leur utilité dans la stratégie diagnostique.
• Les hémocultures sont recommandées pour les pneumonies sévères ; deux hémocultures à 1 ou 2 heures d’intervalle correspondent aux pratiques habituelles. Des réserves peuvent être faites sur leur utilité : [42, 43] le résultat n’est pas immédiat, le rendement est faible (de 4 à 18 % de l’ensemble des hémocultures) et le clinicien n’intègre pas toujours le résultat pour adapter l’antibiothérapie. À partir de facteurs indépendants prédictifs de bactériémie (maladie hépatique sousjacente, tension artérielle systolique < 90 mmHg, température < 35 °C ou > 40 °C, pouls > 125 battements min–1, urée sanguine > 11 mmol l–1, natrémie < 130 mmol l–1, leucocytes < 5 000 mm–3 ou > 20 000 mm–3), il est proposé de prélever deux hémocultures quand le risque de bactériémie est élevé (un facteur sans antibiothérapie antérieure ou deux facteurs) et une seule hémoculture pour un faible risque (pas de facteur ou un facteur avec une antibiothérapie préalable). Lorsque le risque est élevé, 14 % des hémocultures sont positives ; lorsqu’il est faible, seules 6 % d’entre elles le sont. Une autre manière de procéder est d’utiliser le score PSI pour les classes IV et V ; [44, 45]
• Les antigènes urinaires pneumococciques ont amélioré la documentation des PAC dues au pneumocoque. Ce test sur des urines non concentrées est simple et rapide (15 min environ) ; il est préférable de concentrer les urines au laboratoire.
Il détecte les polysaccharides de la paroi des pneumocoques communs à tous les sérotypes. Au cours des pneumonies bactériémiques, la sensibilité est de 70 à 90 %, la spécificité de 90 %. Une importante étude sur 452 patients ayant une PAC [46] montre que les antigènes sur des urines concentrées étaient positifs chez 70 % des 27 patients ayant une PAC à pneumocoque, et chez 26 % des 269 patients n’ayant pas d’agent pathogène isolé. Cependant, chez 10 % des 156 patients ayant une PAC due à un pathogène identifié, les antigènes étaient positifs, indiquant une spécificité insuffisante. En pratique, si les antigènes améliorent la documentation, ils ne peuvent justifier à eux seuls, au cours des PAC sévères, des modifications de l’antibiothérapie initiale.
Au terme de ces explorations, les pneumonies peuvent être classées, selon les critères de l’IDSA, [30] en :
• pneumonie certaine : syndromes clinique et radiologique compatibles, identification à l’examen direct et à la culture d’une bactérie à partir d’un prélèvement non contaminé (sang, liquide pleural etc.), isolement dans les sécrétions trachéales d’une bactérie pathogène (Mycobacterium tuberculosis, Legionella pneumophila, virus, Pneumocystis carinii etc.), positivité des antigènes urinaires de Legionella pneumophila du sérogroupe 1, positivité des antigènes urinaires pneumococciques ;
• pneumonie probable : syndromes clinique et radiologique compatibles et isolement dans les sécrétions (expectoration, aspiration trachéale, prélèvements bronchiques distaux protégés) d’une bactérie compatible avec une PAC. Les résultats des cultures sont exprimés en valeurs semiquantitatives (0 à + ++ ) ou quantitatives (unités formant colonies par millilitre : UFC ml–1).
Quand et à qui faire les prélèvements ?
Il est important, au cours des PAC admises en réanimation, d’établir un diagnostic microbiologique , à plus forte raison s’il existe une immunodépression, un échec d’une antibiothérapie préalable, une hospitalisation récente, ou une maladie sous-jacente pulmonaire. L’évolution des résistances bactériennes et la maîtrise de la consommation d’antibiotiques incitent aussi à isoler l’agent responsable.
Ces prélèvements doivent être effectués à l’admission avant tout traitement antibiotique ou toute modification, et en cours de traitement lorsqu’un échec est constaté.
Quelles que soient les explorations utilisées, elles ne contribuent pas au choix de l’antibiothérapie initiale qui est toujours probabiliste jusqu’au retour des résultats des prélèvements.
Elles ne doivent par ailleurs, ni retarder l’administration des antibiotiques qui doivent être administrés moins de 6 heures après l’admission à l’hôpital, ni décompenser une insuffisance respiratoire chez un patient non ventilé.
Inversement, l’urgence du traitement ne justifie pas l’absence de prélèvements.
Enfin, les résultats de ces prélèvements sont indispensables pour la réévaluation du troisième jour de traitement.



Épidémiologie des pneumonies communautaires graves de l’adulte



La répartition générale des micro-organismes est dominée, dans toutes les études
 épidémiologiques, par Streptococcus pneumoniae suivi de Haemophilus influenzae, des microorganismes intracellulaires (Chlamydia pneumoniae, Legionella pneumophila, Mycoplasma pneumoniae), de Staphylococcus aureus, des entérobactéries, des virus etc.Il y a des variations importantes selon les études, les pays, et les définitions utilisées. [11, 36, 37, 40, 41, 47]
Les traitements probabilistes des PAC sévères doivent tenir compte de la diversité des micro-organismes et de l’évolution des résistances bactériennes.
Répartition en réanimation
Plusieurs études épidémiologiques en réanimation [1-4] montrent que la répartition reste sensiblement identique à celle constatée parmi les patients non hospitalisés en réanimation (Tableau 4).
Il semble que Streptococcus pneumoniae, Legionella pneumophila et les bactéries à Gram négatif soient plus souvent graves. Des co-infections (pneumocoque et Chlamydia pneumoniae ou Mycoplasma pneumoniae) ont été rapportées.
Dans un nombre non négligeable de cas (de 28 à 48 %), l’agent responsable reste inconnu ; c’est une caractéristique importante des PAC.
Les PAC dues à Legionella pneumophila, maladies à déclaration obligatoire, peuvent survenir dans un contexte épidémique àpartir d’une source de l’environnement (tours aérorefroidissantes, établissements balnéaires...) ; ces épidémies imposent une enquête spécifique.
Le rôle et la fréquence de Pseudomonas aeruginosa au cours des PAC sont controversés. Sa fréquence est variable.Elle se retrouve le plus souvent chez des patients ayant des facteurs de risque particuliers (maladie sous-jacente pulmonaire,
immunodépression, hospitalisation récente, antibiothérapies fréquentes).
Les facteurs indépendants de risque de PAC due à Pseudomonas aeruginosa, isolé chez 11 % des patients admis pour une PAC aux urgences, étaient une maladie pulmonaire sous-jacente (OR 5,8) et une hospitalisation récente (OR 3,8) ; un délai de 1 semaine pour une hospitalisation antérieure était retenu dans cette étude. [48] Pour les autres bactéries à Gram négatif, deux autres facteurs de risque supplémentaires étaient identifiés : une inhalation (OR 2,3) et une antibiothérapie préalable (OR 1,9).
L’infection due à une bactérie à Gram négatif est un facteur prédictif indépendant de mortalité des PAC (OR 3,4).
Les virus peuvent être responsables de PAC sévères, en particulier chez les patients très âgés, ceux ayant une insuffisance respiratoire chronique (bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO]) ou ayant d’autres comorbidités dont l’immunodépression. Près de 75 % des virus « respiratoires » impliqués sont représentés par les virus influenza, syncytial respiratoire, para-influenza.
[49] D’autres sont plus rarement retrouvés : adénovirus, métapneumovirus, virus du groupe herpès, rougeole etc.
Un autre virus, coronavirus (SARS-CoV), a été responsable d’une épidémie qui a débuté fin 2002 en Chine dans la région de Guangdong et s’étendant durant le premier semestre 2003 dans plus de 28 pays d’Asie avec plus de 8 000 cas probables recensés. [50] En France, les cas importés ont été rares ; en revanche, au Canada, la ville de Toronto a fait l’expérience d’une épidémie intrahospitalière à partir de cas importés. [51] Le tableau clinique est peu spécifique, avec une hypoxémie sévère dans les formes graves et une lymphopénie. Un cas possible est défini par des signes d’appel pouvant faire évoquer le SRAS : fièvre supérieure à 38 °C associée à des signes d’atteinte respiratoire basse (toux, dyspnée, gêne respiratoire...) survenant chez une personne en provenance d’un pays où existe une transmission majeure active de SRAS, ou travaillant ou ayant travaillé dans un laboratoire manipulant ou ayant manipulé du coronavirus du SRAS. Un cas probable est défini sur des signes de pneumonie à la radiographie ou au scanner thoracique, pour lequel une exposition à un risque de SRAS est avérée et pour lequel les autres diagnostics différentiels ont été exclus. Le cas confirmé est un cas probable dont les paramètres biologiques sont positifs : RT-PCR positive pour le SARS-CoV avec une méthode validée, ou une séroconversion en enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa) ou en immunofluorescence, ou l’isolement du virus (culture cellulaire et confirmation par RT-PCR). Il n’y a pas de traitement antiviral spécifique ; en revanche, la maîtrise de la diffusion de ce virus dans l’entourage du patient et au personnel de santé est un objectif important ; les recommandations sont disponibles sur le site http://www. sante.gouv.fr.
Le contexte de bioterrorisme a réactualisé des pathologies pulmonaires oubliées dues à Bacillus anthracis, Francisella tularensis et Yersinia pestis.
Populations particulières
Patients vivant dans des centres de long séjour ou dans des maisons de retraite
L’incidence des PAC y est plus élevée que dans la population générale. Ces patients, dont le principal facteur de risque est la classe d’âge, peuvent présenter des maladies sous-jacentes, des troubles de déglutition, une diminution de l’immunité. [52, 53]
Les conditions de vie favorisent les épidémies par transmission interhumaine (virus, Mycobacterium tuberculosis etc.). [53, 54] La circulation importante de ces patients entre leur lieu de vie et les hôpitaux les expose à l’acquisition de bactéries résistantes (SARM, entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa etc.). [55]
 Les recommandations thérapeutiques, sauf les canadiennes, [56] sont rarement spécifiques à cette population.
Patients ayant une bronchopneumopathie chronique obstructive
Le diagnostic différentiel entre exacerbations de bronchite chronique et pneumonie est souvent difficile. Les signes radiologiques doivent faire l’objet d’une analyse précise : apparition d’une image compatible avec une pneumonie ou modification d’une image préexistante à condition de disposer d’un cliché antérieur.
Les prélèvements à visée microbiologique ne permettent pas toujours de différencier l’infection parenchymateuse de la colonisation bronchique, permanente chez ces patients ; un prélèvement dont la culture est significative ne peut signer à lui seul une pneumonie. Ainsi, dans l’étude de Fagon, [57] chez des patients ayant une BPCO sans signe de pneumonie, ventilés et n’ayant pas reçu d’antibiotique, la culture de brosse est positive dans 50 % des cas avec des bactéries habituellement isolées au cours des PAC. Dans une étude espagnole concernant des patients ayant une BPCO [58] (le diagnostic de pneumonie étant fait sur des modifications radiologiques), l’agent pathogène était isolé dans 59 % des cas.
Patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine
Si Pneumocystis carinii est caractéristique chez ces patients, d’autres bactéries sont responsables de PAC sévères : Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, anaérobies, bactéries à Gram négatif. [59] Les pneumonies à pneumocoque sont fréquemment bactériémiques. La fréquence d’isolement est plus importante chez ces patients (dans 74,4 % des cas) que chez les patients immunodéprimés non VIH (66 %), et les patients non immunodéprimés (51,2 %). [41]
Évolution de la résistance bactérienne
Résistance de « Streptococcus pneumoniae »
L’évolution de la résistance des pneumocoques aux ,b-lactamines continue de marquer la prise en charge des PAC.
Elle soulève des controverses dans les recommandations thérapeutiques : certaines ne modifient pas les schémas initiaux, d’autres au contraire en tiennent compte.
Un problème important est lié à la définition des concentrations critiques permettant de distinguer les souches sensibles des souches résistantes à l’antibiotique testé. La notion de « sensibilité intermédiaire » trouble le clinicien dans la prise en charge d’une PAC sévère dans la mesure où elle signifie que le succès thérapeutique est imprévisible. En France, les concentrations critiques déterminées par le Comité de l’antibiogramme sont les suivantes : pour les souches « résistantes », la concentration minimale inhibitrice (CMI) est supérieure à 1 μg ml–1 de pénicilline, et 2 μg ml–1 d’amoxicilline, de céfotaxime et ceftriaxone, pour les souches « sensibles » la CMI est inférieure ou égale à 0,06 μg ml–1 de pénicilline et 0,5 μg ml–1 des autres b-lactamines (www.sfm.asso.fr). En 2002, aux États-Unis, le National Committee on Clinical Laboratory Standard (NCCLS) a modifié les concentrations critiques en fonction du site de l’infection, méningites ou pneumonies. Elles sont plus élevées pour les souches isolées au cours des pneumonies : pour les souches « sensibles », la CMI est inférieure ou égale à 2 μg ml–1 d’amoxicilline et pour celles « résistantes », la CMI est supérieure à 8 μg ml–1 (Tableau 5). Les définitions des concentrations critiques sont différentes entre le Comité de l’antibiogramme et le NCCLS, ainsi qu’entre les différents pays européens. Dans un avenir proche, l’European Antimicrobial Resistance Surveillance System (EARSS) va tenter d’établir des concentrations critiques européennes consensuelles (www.earss.rivm.nl).
En France, la résistance globale à la pénicilline est en constante augmentation, passant de 3,8 % en 1987 à 53 % en 2002. [60] En 2002, parmi les souches ayant une modification de la sensibilité à la pénicilline, 9,6 % étaient résistantes (CMI ≥ 2 μg ml–1). Parmi les souches isolées chez l’adulte, 46,7 % avaient une modification de la sensibilité à la pénicilline, dont 7,6 % étaient résistantes.
Les prévisions de l’évolution des résistances sont pessimistes en raison de la diffusion interhumaine, d’une maîtrise insuffisante de la consommation d’antibiotiques et de la faible diffusion de la vaccination. Par ailleurs, cette résistance aux b-lactamines, due à une modification des protéines liant la pénicilline, s’étend à d’autres molécules.
Encore faut-il, en pratique, relativiser ces données alarmantes.
• Les données intéressent l’ensemble des souches, quelle que soit leur origine (otite, hémoculture, prélèvements respiratoires, méningite etc.).
En 1997, les taux de résistance étaient différents selon qu’il s’agissait de souches isolées dans les hémocultures (31,9 %) ou de souches d’origine pulmonaire (50,2 %) ; mais en 2002, chez l’adulte, 48 % des souches isolées dans les hémocultures étaient intermédiaires et résistantes. [60]
Les données du Centre de référence, en admettant qu’elles soient représentatives de l’ensemble du pays et qu’il n’y ait pas de biais dans l’envoi des souches, ont des limites locales au plan épidémiologique. Les Observatoires régionaux du pneumocoque (ORP) constituent une autre source d’information, basée sur le recueil d’un nombre plus important de souches. En 1997, la proportion des souches de sensibilité diminuée à la pénicilline était moins élevée dans les
Observatoires régionaux comparée à celle du Centre de référence (40,5%versus 48 %) ; parmi ces souches, 11%étaient résistantes contre 24 %. [61] En 1999, le pourcentage des souches de sensibilité diminuée à la pénicilline était en augmentation, 44 % avec 12 % de résistance. [61]
• Dans une étude française, [24] sur 465 patients adultes hospitalisés pour une PAC due au pneumocoque, celui-ci était isolé dans les hémocultures chez 47,5 % des patients, dans les prélèvements protégés chez 12,3 % et dans des prélèvements non protégés fiables chez 50,8 % des patients. Parmi ces souches, 43,4 % avaient une sensibilité diminuée à la pénicilline, 10 % étaient résistantes (CMI de la pénicilline supérieure à 1 μg ml–1). En revanche, si l’on s’intéresse à la sensibilité à l’amoxicilline et au céfotaxime, 23,6 % et 15,8 % avaient respectivement une sensibilité diminuée. Seulement 1,1 % des souches étaient résistantes à l’amoxicilline et aucune n’était résistante au céfotaxime.
• Les données d’un hôpital peuvent apporter des informations intéressantes : dans un hôpital de Barcelone, [62] la résistance à la pénicilline a augmenté sur une période de 11 ans (1979 à 1990) de 4,3 à 40 % et touche, dans 70 % des cas, d’autres classes d’antibiotiques (macrolides, cyclines).L’évolution de la résistance aux autres
antibiotiques (certaines molécules, céphalosporines de troisième génération,
ceftazidime exclue, sont des « références » dans des indications particulières :
 méningites ou pneumonies à pneumocoque résistant) est importante à surveiller.
• La résistance aux céphalosporines de troisième génération, céfotaxime ou ceftriaxone, est passée en Espagne de 2 % en 1984-1988 à 9 % en 1989-1993 [6] et à 13 % en 1996-1997. [63]
En France, en 2002, en regroupant les souches intermédiaires et résistantes, ces taux étaient de 12,3 %. [60] En 1999, ce taux de souches intermédiaires isolées dans les hémocultures chez l’adulte était de 14,9 % et celles résistantes de 0,1 %. [61] Dans l’étude de Jehl, [24] aucune souche n’était résistante. La ceftazidime est inactive sur les souches de sensibilité diminuée à la pénicilline. [64]
• La résistance aux fluoroquinolones s’est élevée en Ontario de 0%en 1993 à 1,7%en 1994 (p = 0,01). Les souches isolées chez les patients de plus de 65 ans sont plus souvent résistantes (2,6 %).[65]
L’apparition de la résistance aux fluoroquinolones nécessite deux niveaux de mutations au niveau d’une ADN gyrase (gyrA) et de la topo-isomérase IV (ParC) ; un mécanisme d’efflux peut être associé, il s’agit du rejet actif de l’antibiotique qui a pénétré dans la bactérie. La relation avec la consommation des autres quinolones a été évoquée ; quatre échecs d’un traitement par lévofloxacine ont été rapportés par la même équipe : un cas de souche résistante isolée dans les hémocultures et trois cas de souche résistante apparue en cours de traitement. [66] À Hong Kong, l’apparition de souches résistantes à la lévofloxacine et à la trovafloxacine dans respectivement 5,5 et 2,2 % des cas, après quelques mois d’utilisation de ces molécules, a été attribuée à une probable diffusion clonale d’une souche résistante dans une population à forte densité. [67] Dans les maisons de retraite, la résistance peut être plus élevée, 5,7 % versus 0,4 %, que dans la population de même âge vivant hors institution. [68] Si la résistance reste encore peu fréquente, mais avec des variations importantes entre les pays, de 0 à 4,8 %, et les villes, de 0 à 22%, une surveillance est nécessaire. En 2002, en France, les souches de bas niveau de résistance (ParC/E ou efflux) et de haut niveau de résistance (ParC/E + GyrA) représentaient 2,1 % des souches isolées dans les hémocultures. Comme pour les autres antibiotiques, l’apparition de ces résistances pose le problème du bon usage des antibiotiques.
• La résistance aux macrolides est en constante augmentation.
En 2002, en France, 51,5 % des souches étaient résistantes à l’érythromycine. Pour celles isolées chez l’adulte dans les hémocultures, le taux de résistance était de 52 %. [60] En 2002, en Europe, plus de 50 % des souches isolées au cours des infections pulmonaires étaient résistantes en France, contre 7 % aux Pays-Bas, 14 % au Royaume-Uni et en Allemagne (www.earss.rivm.nl : annual report 2002).
Aux États-Unis, la résistance concernait 20 % des souches.
• La résistance à la rifampicine ne concernait que 0,6 % des souches isolées dans les hémocultures chez l’adulte et aucune souche n’était résistante chez l’enfant en 2002. [60]
• Les facteurs de risque d’acquisition de pneumocoque résistant au cours des PAC bactériémiques sont multiples : prise de b-lactamines dans les 3 mois précédents, hospitalisation récente, pneumonie nosocomiale, pneumonie dans l’année et pronostic plus sévère à l’admission. [6] D’autres facteurs sont cités : l’immunodépression dont l’infection VIH, l’existence d’une méningite et/ou d’une bactériémie. [69, 70] Il a été suggéréque pour les souches de sensibilité diminuée à la pénicilline, ce mécanisme de résistance aurait un rôle protecteur à l’égard de la survenue de bactériémie. [70-73] Par ailleurs, cette résistance n’entraîne pas de surmortalité. [72]
La multirésistance des souches de sensibilité diminuée à la pénicilline peut amener à restreindre les choix thérapeutiques et mettre en valeur la place des b-lactamines, à condition de les utiliser à une posologie optimale.
Autres micro-organismes
Le taux de résistance de Haemophilus influenzae à l’amoxicilline variait en 2001 de 6,2 % à 33,1 % dans six pays européens [74] ; la production de b-lactamases (TEM1) en est le principal mécanisme de résistance. Un mécanisme identique est reconnu pour Moraxella catarrhalis, rarement impliqué au cours des PAC sévères, et concerne de 94,1 % à 100 % des souches.
L’association de b-lactamines et d’inhibiteur de b-lactamases, et les céphalosporines de troisième génération sont actives sur ces pathogènes.
Pour Staphylococcus aureus, la résistance à la méticilline au cours d’une PAC est exceptionnelle. Habituellement, l’acquisition d’une souche résistante à la méticilline s’est produite au cours d’une hospitalisation antérieure ; le patient porteur nasal ou colonisé à SARM peut avoir une PAC d’acquisition communautaire due à cette bactérie. Cependant, depuis une dizaine d’années, des souches de SARM « réellement » communautaires ont été isolées au cours des PAC ; résistantes uniquement aux b-lactamines, le caractère « réellement » communautaire est retenu en l’absence d’hospitalisation dans les années précédentes, de contact avec une personne hospitalisée ou travaillant dans une structure de soins, d’épuration extrarénale, d’infection à VIH, et éventuellement l’absence d’antibiothérapie récente.
Pour une partie d’entre elles, elles peuvent être responsables de pneumonies sévères nécrosantes, souvent précédées par un syndrome grippal chez des sujets jeunes (âge médian 15 ans), avec une mortalité de 37 %. Ces souches font partie d’un clone dominant possédant un gène de résistance aux b-lactamines (cassette de type IV SCCmec) et la leucocidine Panton-Valentine, responsable de la virulence. [13]
“ Points forts
Épidémiologie bactérienne
• La sévérité ne modifie pas la répartition des bactéries responsables des PAC.
• Le pneumocoque est la bactérie la plus souvent impliquée dans les PAC. L’évolution des résistances aux b-lactamines est inquiétante ; le taux de résistance vraie à l’amoxicilline et aux céphalosporines de troisième génération reste néanmoins peu élevé et ne justifie pas de délaisser cette classe thérapeutique.
• Dans des populations particulières (patients vivant en institution ou ayant une BPCO ou infectés par le VIH, ou ayant une hospitalisation récente), cette répartition peut être modifiée. Certaines souches virulentes de staphylocoque doré peuvent être responsables de pneumonie nécrosante.


Traitement des pneumonies communautaires graves de l’adulte


Le traitement d’une PAC sévère admise en réanimation implique :
• la prise en charge d’une ou des défaillances d’organes (insuffisance respiratoire aiguë avec ou sans SDRA, état de choc, troubles de coagulation, insuffisance rénale etc.) dans une structure de soins adaptée, c’est-à-dire en réanimation.
Ces traitements spécifiques (modalités de ventilation, remplissage vasculaire et drogues vasoactives etc.) ne seront pas exposés dans ce chapitre ;
• les prélèvements microbiologiques les plus adaptés avant toute antibiothérapie, sans retarder celle-ci ;
• l’urgence de l’antibiothérapie probabiliste. Celle-ci doit débuter rapidement après l’admission à l’hôpital ;
• une association d’antibiotiques dans le but d’élargir le spectre antibactérien intégrant les bactéries extracellulaires et intracellulaires ;
• l’utilisation de traitement adjuvant, protéine C activée en cas de sepsis sévère avec au moins deux défaillances. [10]
• une réévaluation au 3e jour de l’antibiothérapie : évaluation de l’efficacité et adaptation de l’antibiothérapie.
Antibiothérapie
Propriétés pharmacocinétiques des principaux antibiotiques
Le but du traitement est d’assurer la diffusion des antibiotiques au site de l’infection à une concentration suffisante. Au cours des infections dues à des bactéries extracellulaires, la diffusion extracellulaire, jugée sur la concentration dans le filmalvéolaire, est la plus importante, les défenses locales assurant secondairement l’éradication des bactéries. Au cours des infections dues aux bactéries à développement intracellulaire, la diffusion intramacrophagique de l’antibiotique est essentielle.Les conditions physicochimiques locales, en particulier le pH, les modalités d’administration et les doses, influencent la  diffusion et l’activité des antibiotiques. [75]
• Les b-lactamines. Après une injection unique, la concentration des b-lactamines dans le film alvéolaire est de 10 à 20 % de la concentration sérique ; après des injections multiples et à l’état d’équilibre, elle est probablement plus importante.
Ces antibiotiques ont une diffusion intracellulaire insuffisante.

• Les macrolides. La concentration intracellulaire d’érythromycine reste faible, voire indétectable.
En revanche, celle des nouveaux macrolides (clarithromycine et azithromycine) est importante, pouvant atteindre 500 μg ml–1 après des administrations répétées. [76] L’azithromycine n’a pas l’indication « pneumonie communautaire » en France.
• Les fluoroquinolones. Elles diffusent en intracellulaire, mais aussi dans le film alvéolaire et la muqueuse bronchique. La concentration intramacrophagique est plus élevée pour les nouvelles molécules.
• Les oxazolidinones. Seul le linézolide est disponible. Sa diffusion dans le film alvéolaire est importante, avec un rapport de 1 à 4 sur 1 par rapport à la concentration plasmatique. [77]
Traitements antibiotiques probabilistes : recommandations
Toutes les recommandations pour les PAC sévères, européennes ou nord-américaines, reposent tout simplement sur l’association d’une b-lactamine à un macrolide ou à une fluoroquinolone.
Le traitement, initialement probabiliste, repose pour le moment sur une association ayant pour but d’élargir le spectre et d’agir sur les bactéries extracellulaires et intracellulaires. Les recommandations des différentes sociétés savantes sont réunies dans le Tableau 6. [18, 20, 22, 27, 30, 78]
 Les plus récentes ont modifié le choix des fluoroquinolones, s’orientant vers les nouvelles molécules à activité antipneumococcique, ajoutant probablement un effet
supplémentaire sur le pneumocoque.
Il est possible que dans un avenir proche, une monothérapie avec ces nouvelles molécules soit démontrée comme étant aussi efficace qu’une association.
Pour la population particulière des patients ayant un risque de Pseudomonas aeruginosa, des recommandations spécifiques sont proposées : association d’une b-lactamine active sur
Pseudomonas aeruginosa mais aussi sur le pneumocoque (céfépime, imipénème) et de la ciprofloxacine, avec ou sans un aminoside.
Pour chaque association, le clinicien doit évaluer le risque d’effets indésirables. Outre l’allergie pour chacune des molécules, le patient est potentiellement exposé à des risques d’excitabilité ventriculaire, aussi bien avec l’érythromycine qu’avec les nouvelles fluoroquinolones. Les contre-indications et les précautions d’emploi doivent être prises en compte dans le choix des molécules.
Elles doivent être relativisées en fonction des pays où elles ont été établies, de leur date d’élaboration, de l’évolution des résistances dans un pays donné, de la mise au point de techniques diagnostiques, des progrès thérapeutiques ; elles sont réactualisées régulièrement.
Ces traitements d’une PAC sévère ont pour objectifs majeurs : le pneumocoque et les bactéries intracellulaires.
Premier objectif d’efficacité d’un traitement probabiliste : pneumocoque
L’objectif principal, quel que soit le choix de l’association probabiliste, est d’obtenir toujours une efficacité sur le pneumocoque, quelle que soit sa sensibilité.
Cependant, les recommandations concernant le choix des b-lactamines doivent-elles être modifiées compte tenu du niveau et de l’évolution de la résistance du pneumocoque aux b-lactamines ?
 Antibiothérapies probabilistes recommandées au cours des pneumonies aiguës communautaires (PAC) sévères par les principales sociétés.
Association
Sociétés Antibiotiques actifs sur les bactéries extracellulaires
Antibiotiques actifs sur les bactéries intracellulaires
Société de pathologie infectieuse de langue
française (SPILF), France 2000 [27]
Amoxicilline-acide clavulanique ou céfotaxime ou ceftriaxone
Macrolide ou fluoroquinolone (ofloxacine, ciprofloxacine,
fluoroquinolone antipneumococcique)
European Study On Community-Acquired
Pneumonia (ESOCAP), Europe 1998 [78]
Céphalosporine de deuxième génération ou céfotaxime ou ceftriaxone
Macrolide (érythromycine) ou fluoroquinolone (ofloxacine, ciprofloxacine) ± rifampicine
British Thoracic Society, Royaume-Uni 2004 [22] (www.brit-thoracic.org/guidelines)
Amoxicilline-acide clavulanique ou céfuroxime ou céfotaxime ou ceftriaxone
Macrolide (érythromycine ou clarithromycine b) ± rifampicine
Pénicilline G Fluoroquinolone antipneumococcique
American Thoracic Society, États-Unis 2001 [18] Céfotaxime ou ceftriaxone Macrolide (azithromycine c) ou fluoroquinolone
• Si risque de Pseudomonas aeruginosa
Céfépime ou imipénème ou méropénème ou pipéracilline-tazobactam
Ciprofloxacine
Céfépime ou imipénème ou méropénème
ou pipéracilline-tazobactam + aminoside
Macrolide (azithromycine c) ou fluoroquinolone
Infectious Diseases Society of America (IDSA),
États-Unis 2003 [20]
Céfotaxime ou ceftriaxone
Azithromycine c ou ampicilline-sulbactam ou ertapénème
Clarithromycine ou fluoroquinolone antipneumococcique (moxifloxacine a, gatifloxacine a, évofloxacine, gémifloxacine a)
• En cas d’allergie : fluoroquinolone antipneumococcique ± clindamycine
• Si maladie pulmonaire sous-jacente ou récente antibiothérapie ou hospitalisation récente
Pipéracilline-tazobactam ou méropénème a ou imipénème ou céfépime + aminoside
Macrolide ou fluoroquinolone antipneumococcique
• En cas d’allergie : aztréonam + lévofloxacine ou moxifloxacine a ou gatifloxacine a ± aminoside
Molécules et posologies recommandées.
• Absence de risque de Pseudomonas aeruginosa.
- Amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin® 2 g toutes les 8 h).
Cette posologie correspond à l’augmentation de posologie d’amoxicilline recommandée lors des PACsévères, soit 100 à 150mgkg-1 j-1 ; - Céfotaxime (Claforan® 2 g toutes les 8 h) ; ceftriaxone (Rocéphine®2 g toutes les 24 h) ;
- Érythromycine1gtoutes les8h(perfusion de 1 h) ; - Ofloxacine (Oflocet®200mgtoutes les 12 h), chez les patients ayant une fonction rénale normale, la posologie peut êtreaugmentéele premier jour :400mgtoutes les12hpour lesdeuxpremières injections ;
- Lévofloxacine (Tavanic®500mgtoutes les12h) ;
-Encas d’inhalation prouvée, métronidazole (Flagyl® 500 mg toutes les 8 h, peut être associé aux céphalosporines).
• Risque de Pseudomonas aeruginosa :
- Pipéracilline/tazobactam
(Tazocilline® 4 g toutes les 6 à 8 h) ;
- Ciprofloxacine (Ciflox® 400 mg toutes les 8 h) ;
- Céfépime (Axepim® 2 g toutes les 8 h) ; - Imipénème (Tienam® 1 g toutes les 6 à 8 h) : -Amikacine (Amiklin® 15mgkg-1 en injection unique quotidienne).
a Molécules non disponibles en France ; pour la moxifloxacine, la voie intraveineuse n’est pas disponible en Europe. b Pour la clarithromycine, pas d’indication « pneumonie communautaire » pour la voie intraveineuse.
Pourl’azithromycine, pas d’indication « pneumoniecommunautaire »enFrance.Lelecteur doit se reporteraudictionnaireVidal®pourles contre-indications, les précautions d’emploi, les adaptations de la dose selon la fonction rénale.
SPILF. Elles ont été augmentées à 100 à 150 mg kg–1 j–1. Cette augmentation de dose est justifiée par les variations pharmacocinétiques au cours de l’état septique. [27]
Afin de tenir compte de la sensibilité diminuée à la pénicilline, plusieurs alternatives sont possibles : l’amoxicilline à la place de la pénicilline G, une céphalosporine de troisième génération (ceftriaxone ou céfotaxime) ou l’ertapénème à la place de l’amoxicilline, une nouvelle fluoroquinolone à activité antipneumococcique à la place des b-lactamines ou un glycopeptide ou le linézolide.
Dans un récent rapport d’experts, [79] il est souligné que :
• pour les souches de sensibilité intermédiaire à la pénicilline (CMI de 0,1 à 1 μg ml–1), le traitement par pénicilline G ou amoxicilline par voie intraveineuse est efficace ;
• pour les souches résistantes (CMI de la pénicilline supérieure ou égale à 2 μg ml–1), les avis sont contradictoires. Les études dans ce domaine sont complexes, avec de nombreux facteurs confondants. [6, 80] Pour les souches de pneumocoque ayant une CMI de la pénicilline de moins de 4 μg ml–1, les b-lactamines restent efficaces.
Parmi les b-lactamines, les céphalosporines de troisième génération par voie parentérale (ceftriaxone ou céfotaxime, ceftazidime exclu) représentent probablement le meilleur choix actuel pour des raisons de pharmacocinétique et d’activité intrinsèque, même si l’activité de l’amoxicilline reste conservée et si la fréquence des souches avec une CMI de l’amoxicilline supérieure à 4 μg ml–1 est extrêmement rare. [70]
 Les nouvelles fluoroquinolones sont actives sur le pneumocoque, alors que les précédentes, ciprofloxacine et ofloxacine, ne le sont pas.Les fluoroquinolones à activité antipneumococcique sont proposées à la place des autres fluoroquinolones, en association aux b-lactamines, dans toutes les recommandations récentes. Pour le moment, seule la lévofloxacine est disponible en France et en Europe par voie intraveineuse ; la moxifloxacine dans sa forme intraveineuse est en cours d’évaluation. Aux États-Unis, plusieurs fluoroquinolones sont disponibles : gatifloxacine, grépafloxacine etc.
Ces molécules ne peuvent être proposées pour le moment en monothérapie ; en effet, les études randomisées, comparant une fluoroquinolone à activité antipneumococcique en monothérapie à une association, menées chez des patients sévères, ne sont pas encore publiées.
Des effets indésirables sont liés à la classe des fluoroquinolones (photosensibilisation, tendinopathies). Pour les molécules les plus récentes, des effets indésirables plus sévères
— atteintes hépatique et pancréatique, allongement du QT exposant le patient à des troubles du rythme ventriculaire (torsades de pointes)
— ont entravé le développement de certaines molécules et imposent au clinicien une évaluation du rapport bénéficerisque avant d’utiliser ces molécules, en particulier la moxifloxacine, en respectant les contre-indications et les précautions d’emploi. Par ailleurs, les fluoroquinolones sont contre-indiquées chez l’enfant et la femme enceinte.
L’intérêt d’une association au cours des pneumonies à pneumocoque bactériémiques a été suggéré par quelques travaux, en sachant que la monothérapie est admise lorsque le pneumocoque est l’agent pathogène de la PAC. Il s’agit là d’utiliser l’additivité ou éventuellement la synergie d’une association sur une bactérie, le pneumocoque, indépendamment de l’extension du spectre antibactérien. Trois études rétrospectives ont suggéré que l’association d’une b-lactamine à un macrolide réduirait la mortalité. [81-83] Ce ne sont pas des études prospectives et randomisées ; par ailleurs, le pneumocoque doit être sensible aux macrolides ; en France, la résistance des pneumocoques aux macrolides est supérieure à 50 %.
Une efficacité supérieure de l’association, si elle était démontrée, pourrait s’expliquer par les cas de co-infection avec Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae et Legionella pneumophila, ou par les effets immunomodulateurs des macrolides. [84]
Les glycopeptides (vancomycine, teicoplanine), pour lesquels il n’existe aucune résistance, sont actifs sur les pneumocoques résistants. Ils ne sont utilisés que dans des cas exceptionnels (allergie) afin de ne pas favoriser l’émergence de souches résistantes parmi Staphylococcus aureus et les entérocoques.
Le linézolide est indiqué dans les « pneumonies communautaires », mais son intérêt majeur réside dans le traitement des infections dues à des coques à Gram positif résistants, en particulier SARM.
En cas d’allergie grave et prouvée aux b-lactamines, une fluoroquinolone à activité antipneumococcique constitue une alternative possible.
Second objectif d’efficacité d’un traitement probabiliste : bactéries intracellulaires
Deux classes d’antibiotiques sont actives sur les bactéries à développement intracellulaire : les macrolides et les fluoroquinolones.Ces antibiotiques permettent un élargissement du spectre antibactérien quand ils sont associés aux b-lactamines.Le spectre des fluoroquinolones ayant une activité antipneumococcique intègre l’ensemble des bactéries le plus souvent impliquées dans les PAC. La résistance de Streptococcus pneumoniae aux macrolides étant très élevée, ces antibiotiques ne peuvent pas être une alternative en cas d’allergie aux b-lactamines.Pour le moment, deux macrolides sont disponibles par voie intraveineuse :
l’érythomycine et la spiramycine (Rovamycine® dosées en UI).
La spiramycine a une moindre activité in vitro sur Legionella pneumophila (CMI de 1 à 5 mg l–1 pour une concentration critique à 1 mg l–1) dont les souches sont classées modérément sensibles.
La clarithromycine n’est disponible que par voie orale. Elle est indiquée dans les « pneumopathies communautaires » chez des sujets sans facteur de risque, sans signe de gravité clinique, en l’absence d’éléments cliniques évocateurs d’une cause pneumococcique. L’azithromycine n’a pas l’indication « pneumonie communautaire » en France. Des effets indésirables graves à type de troubles de rythme (torsades de pointe) sont liés à l’érythromycine si elle est administrée rapidement par voie intraveineuse et si d’autres traitements allongeant l’espace QT sont prescrits. Leur utilisation doit respecter les précautions d’emploi.
Les fluoroquinolones sans activité sur le pneumocoque, disponibles en France par voie intraveineuse, sont l’ofloxacine et la ciprofloxacine. Elles sont actives sur les bactéries intracellulaires et sur Haemophilus influenzae et les entérobactéries. La ciprofloxacine a une activité sur Pseudomonas aeruginosa et ne doit être utilisée qu’en cas de forte suspicion d’infection due à cette bactérie. Les nouvelles fluoroquinolones actives également sur le pneumocoque ont les mêmes propriétés antibactériennes.
Une seule molécule est utilisable par voie intraveineuse, il s’agit de la lévofloxacine ; une autre est en cours d’évaluation dans sa forme intraveineuse, la moxifloxacine. Toutes les fluoroquinolones peuvent être relayées par voie orale avec une bonne biodisponibilité.
Réévaluation au troisième jour de l’efficacité du traitement antibiotique
Cette démarche a pour but d’évaluer l’efficacité clinique du traitement antibiotique et de modifier, si c’est nécessaire, l’antibiothérapie initiale. Cette réévaluation est complexe au cours des PAC sévères chez un patient sous ventilation mécanique et en état de choc : si les critères (cliniques, biologiques et radiologiques) nécessaires à l’évaluation sont relativement simples à interpréter au cours des PAC peu ou moyennement sévères, il n’en est pas de même des pneumonies graves. Les défaillances d’organes liées au sepsis peuvent évoluer en partie pour leur propre compte (insuffisance rénale, SDRA) malgré la stérilisation du foyer infectieux. Il reste que la persistance ou l’aggravation d’une défaillance (choc septique ou hypoxémie sévère) est synonyme d’une absence de contrôle du processus infectieux.
Outre l’évaluation de l’efficacité de l’antibiothérapie, les résultats des prélèvements effectués avant tout traitement antibiotique permettent d’adapter l’antibiothérapie probabiliste initiale.Si la bactérie isolée est considérée comme responsable de la pneumonie, les modifications se feront dans le sens d’une simplification (passage en monothérapie avec ou sans changement de l’antibiotique, modification pour un antibiotique d’efficacité identique et d’un moindre coût) ou d’un
 changement d’antibiotiques. En l’absence d’isolement d’une bactérie, il n’y a pas lieu de modifier l’antibiothérapie initiale si l’évolution est favorable ; en revanche, en cas d’échec, la démarche diagnostique doit être reprise.
La survenue d’un échec clinique et/ou bactériologique en cours ou à la fin du traitement impose une analyse précise de plusieurs facteurs. Dans un premier temps, le diagnostic de PAC doit être reconsidéré.Il peut s’agir d’une atélectasie, d’une embolie pulmonaire, d’un oedème pulmonaire hémodynamique, d’un cancer, d’une sarcoïdose, d’une toxicité pulmonaire d’un médicament, d’une hémorragie intra-alvéolaire, d’une
bronchiolitis obliterans organizing pneumonia (BOOP)... Dans un second temps, si le diagnostic de PAC est retenu, plusieurs facteurs peuvent expliquer l’échec :
• ceux liés à l’hôte : facteurs locaux (obstruction bronchique par compression ou présence d’un corps étranger) ; épanchement pleural purulent ; réponse inadéquate de l’hôte (splénectomie) ; découverte d’un sida chez un patient dont le statut sérologique était méconnu ;
• ceux liés aux traitements : antibiotiques inappropriés, posologie insuffisante, voie et rythme d’administration inadaptés, diffusion insuffisante au site de l’infection alors que le choix de l’antibiotique est correct (abcès intrapulmonaire, épanchement pleural), effets indésirables ;
• ceux liés au pathogène : résistance de la bactérie responsable, autre micro-organisme non intégré par l’antibiothérapie initiale ;
• ceux liés à des complications survenues en réanimation : infection nosocomiale (pneumonie acquise au cours de la ventilation mécanique, infection liée aux cathéters etc.).
Dans ce contexte d’échec, les incertitudes qui pesaient sur le choix des explorations à l’admission sont entièrement levées.
Les explorations invasives s’imposent : fibroscopie avec prélèvements bronchiques distaux (LBA, brosse etc.), éventuellement biopsie pulmonaire. Le laboratoire informé de cet échec mettra en oeuvre des techniques microbiologiques plus complexes : culture virale, sérologie particulière, PCR etc. Selon les autres causes évoquées, une exploration cardiaque, une recherche de maladie systémique seront effectuées.
Traitement en fonction de l’agent pathogène isolé
Pneumonie due à « Streptococcus pneumoniae »
Le traitement de référence est une aminopénicilline. Compte tenu de l’évolution des résistances, la détermination des CMI de la pénicilline, de l’amoxicilline et du céfotaxime est recommandée.
Afin de différencier les souches de sensibilité diminuée de celles résistantes, les repères pour le clinicien sont les valeurs inférieures ou égales à 2 μg ml–1 et supérieures à 2 μg ml–1 d’amoxicilline ; les souches ayant une CMI de l’amoxicilline à partir de 4 μg ml–1 exposent à un échec microbiologique, elles sont pour le moment exceptionnelles. Le choix et la posologie de la molécule en fonction de ces CMI s’orientent vers l’amoxicilline avec une dose minimale de 3 g/j, ou vers une céphalosporine de troisième génération (céfotaxime ou ceftriaxone). Une bactériémie ne modifie pas cette stratégie ; en revanche, d’autres localisations (méningite, endocardite) imposent d’autres choix de molécules, de doses et de durées.
Dans la réactualisation de la conférence française de consensus, il est possible de recourir à une dose de 100 à 150 mg kg–1 d’amoxicilline. [27] Pallares en 1998 propose une stratégie en fonction de la CMI de la pénicilline :
• souches sensibles, 6 MU de pénicilline G ou 4 g d’aminopénicilline par jour ;
• souches de sensibilité diminuée, augmentation des doses à 12 MU pour la pénicilline G et 8 g pour l’aminopénicilline ;
• souches résistantes, poursuite du traitement initial si l’évolution est satisfaisante, dans le cas contraire, imipénème ou vancomycine ou nouvelle fluoroquinolone. [85]
Traitements des PAC dues à d’autres micro-organismes

Durée des traitements
Aucune étude randomisée n’a évalué les durées de traitement.
Les dossiers d’évaluation de l’efficacité et de la tolérance de nouvelles molécules situent ces durées entre 7 et 14 jours, mais l’objectif principal de ces études cliniques n’était pas la durée de l’antibiothérapie.
Les critères d’arrêt tiennent compte :
• de l’évolution clinique, biologique et radiologique (régression du syndrome inflammatoire, de l’état de choc, amélioration des échanges gazeux, amélioration des images, bien que les anomalies puissent persister plusieurs semaines) ;
• de la bactérie en cause (la vitesse d’éradication de Streptococcus pneumoniae est différente de celle d’un micro-organisme intracellulaire comme Legionella pneumophila), des résistances (les durées devraient être plus longues) ;
• du patient (maladie sous-jacente modifiant l’immunité etc.) ;
• des antibiotiques utilisés (propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques).
De rares recommandations sur la durée sont proposées :arrêt du traitement après 3 jours d’apyrexie pour une PAC due au pneumocoque, 2 semaines pour Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae,
Legionella pneumophila en l’absence d’immunodépression, et 3 semaines pour les bactéries responsables de pneumonies nécrosantes comme Klebsiella pneumoniae, Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa ou les anaérobies. [30]
Un relais oral est possible lorsque l’état clinique du patient s’améliore et que l’absorption digestive est optimale ; l’administration par une sonde gastrique peut perturber la biodisponibilité de certaines molécules présentées sous forme de gélules ou de comprimés pelliculés. L’idéal est d’utiliser, lorsque cette forme existe, une molécule identique à celle utilisée par voie parentérale. À condition que cette forme existe.
En dernier lieu, la guérison, but ultime de la prise en chargethérapeutique, doit être évaluée à distance, soit 2 à 3 semaines après la fin du traitement.

 Points forts
Traitement antibiotique et prise en charge des défaillances d’organes
• L’association d’une b-lactamine à une fluoroquinolone active sur le pneumocoque ou à un macrolide, intégrant les bactéries extracellulaires et intracellulaires s’impose lors du traitement probabiliste des PAC sévères ; elle doit être prescrite rapidement après les prélèvements microbiologiques. Pour certains patients, le risque de
Pseudomonas aeruginosa doit être pris en compte. Dans tous les cas, au moins une des molécules doit être active sur le pneumocoque.
• La prise en charge des défaillances d’organe, essentiellement insuffisance respiratoire aiguë et état dechoc septique, doit être rapidement optimale.
• L’efficacité du traitement probabiliste est évaluée au troisième jour. En fonction des résultats des prélèvements microbiologiques, l’antibiothérapie doit être modifiée si la bactérie responsable est isolée.
• L’échec de l’antibiothérapie impose une analyse critique précise de la démarche diagnostique et thérapeutique initiale.


Traitements adjuvants
Un traitement adjuvant ne peut être envisagé que lorsque la prise en charge de la PAC est optimale : antibiothérapie adaptée, prise en charge des défaillances d’organes.

Parmi les nombreux essais cliniques menés dans le traitement adjuvant du sepsis sévère, seule la protéine C activée recombinante a montré une réduction relative de la mortalité de 19,4 % au cours des infections sévères associées à au moins deux défaillances d’organe, le plus souvent hémodynamique et respiratoire. [10] Dans plus de 50 % des cas, il s’agissait de pneumonies majoritairement communautaires dont plus de 100 étaient associées à une bactériémie à pneumocoque. [86] Commercialisée en Europe depuis 2003, la drotrécogine alfa activé (Xigris®), son indication, sepsis sévère avec au moins deuxdéfaillances d’organes, répond à des conditions strictes : une prise en charge optimale (antibiothérapie adaptée, prise en charge des défaillances) et le respect des contre-indications en raison des risques hémorragiques liés à cette molécule.
L’inhibiteur du facteur tissulaire (TFPI) n’a pas montré de réduction de la mortalité. [87] L’analyse dans le sous-groupe des PAC documentées a montré une réduction de la mortalité (31,3 % contre 39,8 % pour les patients recevant le placebo).
Ces résultats ont justifié la reprise d’une étude sur l’efficacité de cette molécule au cours des PAC sévères.
L’efficacité des Ig au cours des PAC dues à des staphylocoques producteurs de la leucocidine de Panton-Valentine n’est suggérée qu’à partir de quelques cas. [88]
L’efficacité des facteurs de croissance (granulocyte colonystimulating factors) reste controversée : la seule étude randomisée incluant des PAC moyennement sévères n’a pas montré de modification de la mortalité et de la durée d’hospitalisation. [89]
Prévention
La prévention des PAC permet de réduire l’incidence et la mortalité des PAC. Elle dépend des vaccinations disponibles. Les deux vaccins faisant l’objet de recommandations sont le vaccin antipneumococcique et le vaccin antigrippal. Un bénéfice synergique des deux est retenu par la SPILF à partir des travaux de Nichol. [90]
C’est essentiellement la population de plus de 65 ans qui est la cible de la vaccination. Si la vaccination antigrippale est bien acceptée en France dans cette population, la diffusion du vaccin antipneumococcique est très limitée en France par rapport aux autres pays européens et à l’Amérique du Nord.
En France, le vaccin antipneumococcique polyosidique 23 valent est recommandé tous les 5 ans chez les sujets âgés de plus de 65 ans, particulièrement ceux vivant en institution, et chez les patients splénectomisés, les drépanocytaires homozygotes, les patients atteints de syndrome néphrotique, les insuffisants respiratoires, les patients alcooliques, les insuffisants cardiaques et les sujets ayant des antécédents d’infection pulmonaire ou invasive à pneumocoque. Cette vaccination peut être effectuée à la fin de l’hospitalisation.

 Points forts
Traitements adjuvants et prévention
• Malgré l’amélioration de la prise en charge des PAC sévères, la mortalité reste élevée. Des molécules adjuvantes, comme la protéine C activée recombinante, ont fait la preuve de leur efficacité au cours du sepsis sévère ; d’autres sont en cours d’évaluation.
• La vaccination antipneumococcique doit être plus largement diffusée en France chez les patients âgés.
Associée à la vaccination antigrippale, elle devrait améliorer la protection de cette population à risque.


Conclusion
La mortalité des PAC reste élevée. La rapidité de la prise en charge en réanimation et de l’antibiothérapie probabiliste est susceptible d’améliorer le pronostic. La mortalité des PAC sévères pourrait être diminuée par les nouveaux traitements modulant la réponse inflammatoire.
Le diagnostic de PAC sévère étant posé, l’isolement du microorganisme responsable est un objectif majeur. Les hémocultures et l’analyse de l’expectoration, autant que les prélèvements invasifs, permettent assez souvent l’identification du microorganisme.
Malgré l’apport de nouvelles techniques d’identification, dans un nombre non négligeable de cas, l’agent pathogène reste méconnu. Une recherche devrait permettre de réduire ces inconnues.
Les recommandations thérapeutiques, régulièrement réactualisées, tiennent compte de l’évolution des résistances bactériennes.
Pour le moment, l’évolution des résistances des pneumocoques ne justifie pas de modifier les schémas thérapeutiques proposés. Cependant, l’augmentation constante deces résistances rend l’avenir incertain et incite à valider l’efficacité et la tolérance de nouvelles thérapeutiques, incluant les fluoroquinolones actives sur le pneumocoque, dans le traitement des PAC sévères.
Si la vaccination contre la grippe est largement répandue en France, il n’en est pas de même pour la vaccination antipneumococcique.
Des campagnes de vaccination doivent être suscitées afin d’élargir la protection vaccinale de la population.



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