Jacques Bernuau : Praticien hospitalier, médecin des hôpitaux de Paris
Service d'hépatologie et unité de physiopathologie hépatique (INSERM-U24), hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92118 Clichy France
Résumé
Les hépatites fulminantes et subfulminantes (HFSF) représentent la forme la plus grave, à court terme, des hépatites aiguës dues à une nécrose hépatique. Leur mortalité globale est de 75 à 80 % [3], mais la survie s'accompagne, le plus souvent, d'une guérison complète.
Actuellement, au prix d'une immunosuppression à vie, la transplantation hépatique (TH) orthotopique en urgence permet la survie prolongée d'au moins 50 % des malades qui seraient décédés [3].
Le principal problème pratique posé par les HFSF est celui de leur prévention. Celle-ci est fondamentalement basée sur l'hospitalisation précoce en hépatologie de toute hépatite aiguë dont le taux de prothrombine (ou le facteur V) est inférieur à 50 %. Quand I'HFSF est installée, le problème essentiel est celui de l'évaluation pronostique qui doit sélectionner les malades candidats à la TH et sera au mieux conduite en milieu hépatologique.
- SYMPTOMATOLOGIECLINIQUE ET BIOLOGIQUE AVANT L'ENCÉPHALOPATHIE CLINIQUE
- SYMPTOMATOLOGIECLINIQUE ET BIOLOGIQUE APRÈS L'APPARITION DE L'ENCÉPHALOPATHIE CLINIQUE
- Evolution deshépatites fulminantes et subfulminantes
- Pronostic deshépatites fulminantes et subfulminantes
- Diagnostic deshépatites fulminantes et subfulminantes
- Traitement deshépatites fulminantes et subfulminantes
DÉFINITIONS
Toutes les définitions des HFSF reposent sur l'association d'une lésion - l'hépatite aiguë - et de critères de défaillance fonctionnelle aiguë majeure des fonctions hépatiques.
Depuis1970,Trey et Davidson ont défini une hépatite fulminante comme une
hépatite aiguë compliquée d'encéphalopathie dans les 8 semaines suivant le début des symptômes de la maladie clinique [26]. Cette définition, encore largement utilisée par les Anglo- Saxons, ne recouvre pas tous les faits cliniques et ne repose que sur la notion nonquantitatived'encéphalopathiehépatique,symptômnonespécifiqued'insuffisance hépatique aiguë (IHA). Pour ces raisons, en 1986, nous avons proposé les notions d'hépatite aiguë sévère, fulminante et subfulminante, définies par l'association d'une hépatite aiguë et d'une IHA, sévère, fulminante ou subfulminante, respectivement [6]. Une IHA est définie comme sévère quand le taux de prothrombine - ou mieux la proaccélérine (ou facteur V) - est inférieur à 50 % de la normale, en l'absence de signes cliniques d'encéphalopathie. Une IHA sévère est définie comme fulminante quand elle est associée à une encéphalopathie clinique apparue moins de 2 semaines après le début de l'ictère. Elle est définie comme subfulminante quand elle est associée à une encéphalopathie clinique apparue entre 2 semaines et 3 mois après le début de l'ictère [6]. Ces trois définitions seront utilisées tout au long de cet article.
Actuellement, une controverse
- autant sur le fond que sur la terminologie
- existe entre les auteurs anglo-saxons et nous-mêmes concernant la définition de l'insuffisance hépatique aiguë (" acute liver failure " en langue anglaise). Les auteurs anglais continuent de considérer l'encéphalopathie hépatique comme un prérequis obligatoire pour parler d'insuffisance hépatique aiguë dont ils viennent de proposer une nouvelle classification en trois stades (hyperaigu, aigu et subaigu) en fonction du délai entre l'ictère et l'encéphalopathie [20]. A l'inverse, il nous paraît préférable de parler d'IHA dès que, dans le cours d'une maladie hépatique aiguë, le facteur V (ou le taux de prothrombine) devient inférieur à 50 % de la normale [4]. Cette anomalie purement biologique survient toujours avant l'encéphalopathie. Son diagnostic a donc le double avantage pratique de conduire précocement à la perception d'un risque accru d'encéphalopathie (c'est-à-dire d'insuffisance hépatique fulminante et subfulminante) et de faire prendre plus tôt, et plus vite, les mesures diagnostiques et préventives (cf. infra) qui permettent souvent la sauvegarde du pronostic et l'économie d'une transplantation hépatique [4]. Ces différences conceptuelles doivent être connues quand on se reporte à la littérature de langue anglaise.
ETIOLOGIES
Presque toutes les causes (virales, médicamenteuses, toxiques) d'hépatite aiguë avec nécrose hépatique sont des causes d'HFSF.
Hépatites virales aiguës
Elles sont la cause la plus fréquente d'HFSF : elles représentent environ 60 % des cas en France et 90 % des cas en Afrique et en Asie. Elles atteignent surtout les enfants, les adolescents et les adultes jeunes. Leur évolution est plus souvent fulminante que subfulminante [3].
Dans les pays occidentaux, les principaux virus responsables sont les virus A, B et D, non cytopathogènes. En France, le virus A cause environ 7 % et le virus B environ 70 % des hépatites fulminantes virales. Les hépatites fulminantes associées au virus B surviennent surtout chez les toxicomanes et leurs partenaires sexuels : elles peuvent être dues à une primo-infection par le virus B [5], ou à une co-infection par les virus B et D ou les virus B et C [14]. Chez les porteurs chroniques du virus B, une hépatite fulminante peut être due à une réactivation du virus B [17], une surinfection par le virus D ou le virus C [14], ou une autre cause intercurrente telle une hépatite médicamenteuse [3].
Le virus E, à transmission féco-orale comme le virus A, peut être la cause d'une hépatite fulminante, en particulier au 3e trimestre de la grossesse, en Afrique et en Asie, ou après un voyage récent dans ces continents [22].
Certains autres virus sont très rarement la cause d'une hépatite aiguë sévère ou fulminante [2]. Parmi eux, le virus herpès simplex, cytopathogène, peut provoquer, surtout chez les immunodéprimés, une nécrose hépatique aiguë sévère avec fièvre, leucopénie et aminotransférases à 80 ou 100 fois la normale. Le traitement antiviral par l'aciclovir est souvent efficace [2].
Hépatites aiguës médicamenteuses
Devant toute hépatite aiguë sévère, fulminante ou subfulminante, l'hypothèse d'une hépatite médicamenteuse doit systématiquement être envisagée, et une enquête médicamenteuse approfondie réalisée, même quand une origine virale apparaît comme très probable. Dans les pays occidentaux, les hépatites aiguës médicamenteuses sont responsables de 10 à 15 % des hépatites fulminantes ou, plus souvent, subfulminantes.Elles atteignent habituellement les adultes de plus de 30 ans.
Les médicaments les plus fréquemment responsables sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les antidépresseurs, la Dépakine®, certains anesthésiques halogénés (halothane et enflurane en particulier),
certains antituberculeux (isoniazide, pyrazinamide), mais aussi le paracétamol utilisé à dose thérapeutique chez des sujets alcooliques ou ne s'alimentant pas depuis plusieurs jours [21]. Le diagnostic d'hépatite médicamenteuse réclame d'avoir éliminé une cause virale.
Hépatites aiguës toxiques
Une hépatite fulminante peut être due à un accident de toxicité hépatique, par exemple l'ingestion accidentelle d'amanites phalloïdes ou de lépiote alvéolée [3], soit par intoxication volontaire, par exemple par ingestion d'une dose suprathérapeutique de paracétamol [3, 19].
Hépatites aiguës d'origine indéterminée
Selon les pays, entre 10 et 25 % des HFSF sont actuellement encore d'origine indéterminée.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
Toute HFSF est associée à une nécrose hépatocytaire plus ou moins étendue qui, après plusieurs jours d'évolution, entraîne une atrophie hépatique. Chez l'adulte, le foie, de couleur chamois clair, pèse souvent moins de 1 000 g. A sa surface, la capsule de Glisson peut être facilement plissée.
Histologiquement, la structure lobulaire du parenchyme hépatique normal est conservée.
La nécrose hépatocytaire peut entraîner une désertification cellulaire panlobulaire ou des aspects de tassement réticulinique en pont. Les lésions de cholestase sont fréquentes dans les formes d'évolution prolongée.
Dans les cas d'évolution favorable, le réseau réticulinique normal étant le plus souvent conservé, la régénération aboutit habituellement à la restitutio ad integrum. Dans les formes fatales, de rares îlots d'hépatocytes en régénération peuvent exister au contact de la nécrose. Dans de nombreux cas d'hépatite subfulminante, se développe une régénération nodulaire, parfois pseudotumorale, à la surface du foie. Dans ces cas, les rares guérisons peuvent s'accompagner du développement d'une fibrose ou d'une cirrhose.
La cause de l'hépatite étant un important facteur pronostique des HFSF, le diagnostic étiologique est une urgence dès qu'il existe une IHA sévère. Les autres facteurs pronostiques indépendants sont principalement le facteur V (plus performant que le taux de prothrombine) [5] et l'âge, à un degré moindre l'alphafoetoprotéine sérique, la créatininémie et, à un très faible degré, l'existence d'un coma [19].
L'évaluation pronostique individuelle résulte d'une analyse multifactorielle de la gravité de l'IHA portant à la fois sur les facteurs pronostiques indépendants, la sévérité de l'encéphalopathie et la fonction rénale.
Cette évaluation pronostique peut donc être gênée par l'administration récente de neurosédatifs, pouvant majorer artificiellement l'encéphalopathie, ou celle de plasma frais congelé pouvant augmenter artificiellement le facteur V. L'un et l'autre sont donc contre-indiqués dès avant le développement de l'encéphalopathie.
SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE ET BIOLOGIQUE AVANT L'ENCÉ PHALOPATHIE CLINIQUE
Début clinique
Le début clinique des HFSF ne peut être distingué de celui des hépatites aiguës qui resteront bénignes.
Les hépatites virales aiguës sont souvent inaugurées par des symptômes pré-ictériques (nausées, dégoût des aliments, fièvre, myalgies, arthralgies, douleurs abdominales) sans signification pronostique. A l'occasion de ces symptômes, des médicaments antalgiques, antiémétiques ou sédatifs peuvent être consommés ; ils peuvent aggraver la situation clinique (cf. infra) et doivent être évités.
Au cours des hépatites aiguës médicamenteuses ou d'origine indéterminée, les symptômes préictériques précédents sont généralement absents ou très réduits et l'apparition de l'ictère inaugure la maladie clinique.
Hépatite aiguë sévère
L'aggravation de la maladie conduit à la phase d'IHA sévère. Sa définition implique que, l'encéphalopathie clinique n'étant pas encore apparue, la diminution des facteurs de coagulation (parfois trouvés à 20 % de la normale) demeure ignorées s'ils ne sont pas mesurés de parti pris. Cliniquement à ce stade, la fièvre a souvent disparu, l'ictère est déjà apparu ou peut encore manquer, et le foie est de volume normal ou petit. L'activité des aminotransférases sériques est souvent supérieure à 50 fois la normale. L'activité électrique cérébrale est souvent déjà ralentie.
Dès cette phase, où la maladie est à son acmé ou peut encore s'aggraver, le métabolisme hépatique des médicaments et leur pharmacocinétique sont perturbés et l'aggravation du fonctionnement rénal ou cérébral peut être d'origine médicamenteuse et non pas refléter l'aggravation propre de la fonction hépatique. Ce fait essentiel légitime une restriction médicamenteuse sévère chez ces malades.
L'intérêt pronostique de la phase d'hépatite aiguë sévère est fondamental pour deux raisons : d'une part, un risque notable d'encéphalopathie clinique existe, d'autant plus grand que l'activité des facteurs de coagulation est plus diminuée et que la maladie causale est une hépatite aiguë médicamenteuse ou d'origine indéterminée ; d'autre part, il est bien établi que l'hospitalisation en hépatologie, dès ce stade, est associée à une survie spontanée importante, de l'ordre de 80 % ; cette constatation, d'un intérêt pratique fondamental, a été faite par plusieurs équipes [7, 19].
SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE ET BIOLOGIQUE APRÈS L'APPARITION DE L'ENCÉ PHALOPATHIE CLINIQUE
Encéphalopathie clinique
Par définition, quand le taux de prothrombine (ou le facteur V) est inférieur à 50 %, l'encéphalopathie clinique est le symptôme nécessaire et suffisant au diagnostic d'HFSF.Elle survient de quelques heures à quelques semaines après le début de l'ictère, exceptionnellement avant lui. Quand elle se développe après une ingestion récente, même à faible dose, de médicaments sédatifs ou antiémétiques, elle est au moins en partie liée à une majoration de leur action sédative, elle-même en rapport avec l'IHA sévère. Elle n'a pas alors, nécessairement, la même valeur pronostique que l'encéphalopathie clinique apparue sans ingestion préalable de ces médicaments. Cette interférence de certains médicaments avec l'insuffisance hépatocellulaire dans le développement de l'encéphalopathie clinique en diminue la spécificité et est l'un des principaux facteurs expliquant sa très faible valeur pronostique indépendante chez les malades atteints d'HFSF [5, 19].
L'encéphalopathie clinique évolue en trois stades de gravité croissante : stade I, astérixis et inversion du rythme nycthéméral ; stade II, syndrome confusionnel puis état stuporeux ; stade III, coma installé en quelques heures ou jours, souvent inauguré par une phase de grande agitation, et associé à une hypertonie oppositionnelle diffuse. Les Anglo-Saxons utilisent une classification en quatre stades [26]. L'activité électrique cérébrale est ralentie de façon diffuse, sans signes en foyer.
Au stade de coma, parfois dès celui de confusion stuporeuse, un oedème cérébral est habituel, souvent visible en tomodensitométrie [18]. Le débit sanguin cérébral peut être augmenté ou diminué. L'oedème cérébral est très souvent associé à une insuffisance rénale aiguë et une hyponatrémie est fréquente [13]. Le développement de l'oedème cérébral est la cause d'une hypertension intracrânienne aiguë, plus ou moins sévère. Celleci peut se manifester par des signes de souffrance du tronc cérébral : accès de tachypnée, irrégularités tensionnelles, bradycardie, opisthotonos, mouvements d'extension et de pronation des membres supérieurs. Une telle situation est associée à un risque élevé de mort cérébrale par engagement, mais quelques malades ayant certains des symptômes précédents ont guéri [3]. L'hypertension intracrânienne peut être mesurée à l'aide d'un capteur de pression. Mais, cette technique invasive comporte des risques sérieux de saignement intracrânien [10] et beaucoup d'auteurs, dont nous sommes, ne l'utilisent pas.
Ictère, troubles de l'hémostase et autres symptômes cliniques et biologiques
Les signes directs de nécrose hépatique aiguë massive comprennent l'ictère à bilirubine conjuguée, l'augmentation majeure des aminotransférases, l'atrophie hépatique et, après 1 à 2 semaines d'ictère, une ascite due à une hypertension portale sinusoïdale [27]. Les anomalies de l'hémostase incluent un allongement du temps de Quick et une diminution, souvent inférieure à 30 % de la normale, des facteurs du complexe prothrombique (facteurs II, V, VII, X) [3]. Ces anomalies, insensibles à la vitamine K parentérale, reflètent l'effondrement de la synthèse hépatique et, seulement pour une très faible part, un processus de coagulation intravasculaire disséminée [3]. Malgré ces anomalies de l'hémostase, les hémorragies spontanées graves, en particulier neuroméningées, sont exceptionnelles.La pression artérielle reste longtemps normale. Une hypercinésie cardiocirculatoire, souvent peu sensible au remplissage vasculaire, est l'un des symptômes majeurs du syndrome cardiocirculatoire induit par l'insuffisance hépatocellulaire [8]. Une hyperstimulation sympathique est probablement un facteur contributif important de ce syndrome. La persistance d'une tachycardie sinusale et d'un index cardiaque élevé, témoins d'une vasodilatation généralisée, est péjorative. La survenue d'un collapsus cardiovasculaire peut traduire une majoration de cette vasodilatation, une défaillance myocardique ou une bactériémie.Une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle par hypovolémie, avec oligurie et natriurèse basse, est fréquente. Comme chez les malades atteints de cirrhose, une telle insuffisance rénale peut exister même quand la créatininémie est normale [12]. Elle est parfois aggravée par un médicament néphrotoxique ou par une bactériémie. L'azotémie, initialement basse, est associée à une hyperammoniémie et une hyperaminoacidémie. Une hyponatrémie et une hypokaliémie sont fréquentes [23].
La fonction ventilatoire est longtemps normale. La tachypnée est d'origine centrale et une alcalose ventilatoire avec hypobasémie est habituelle [3, 8] alors qu'une alcalose métabolique est rarement observée [3]. Une hyperlactatémie modérée est fréquente [8].
Dans les formes les plus graves, une véritable acidose lactique est présente, associée à une diminution du transfert de l'oxygène du sang aux tissus [8]. Celle-ci pourrait être due à l'ouverture de multiples shunts artérioveineux, est associée à un déficit tissulaire en oxygène [8] et pourrait être améliorée par l'administration parentérale de N-acétylcystéine [15]. Les principaux facteurs de risque d'insuffisance respiratoire aiguë sont l'aggravation du coma, l'épuisement musculaire, une pneumopathie de surinfection, voire unehypophosphorémie sévère, aggravée par les apports glucosés et surtout observée dans les intoxications au paracétamol [3]. La glycémie est souvent à la limite inférieure de la normale, mais l'hypoglycémie, surtout fréquente chez l'enfant, doit faire rechercher une infection bactérienne associée. La concentration des acides gras libres du plasma peut être élevée.Dans quelques cas, une hyperamylasémie et une hyperlipasémie témoignent d'une pancréatite aiguë d'étiologie incertaine.
La numération globulaire, les plaquettes et le temps de saignement sont souvent normaux au début de l'encéphalopathie. Au fur et à mesure de l'aggravation, une anémie normochrome peu régénérative apparaît. Une hyperleucocytose à polynucléaires ne traduit pas toujours une infection bactérienne.
Evolution des hépatites fulminantes et subfulminantes
L'évolution favorable traduit une régénération hépatique efficace, parfois associée à l'augmentation transitoire de l'alphafoetoprotéine sérique [1]. L'augmentation du facteur V précède de quelques heures ou jours la disparition des troubles nerveux dont la guérison est, en règle, complète.
L'évolution mortelle traduit l'absence d'une régénération hépatique efficace [1]. Le décès est dû aux diverses complications de l'insuffisance hépatocellulaire profonde. La mort cérébrale par engagement cérébral est fréquente dans les hépatites fulminantes [5, 13], surtout en cas d'insuffisance rénale aiguë sévère associée.
Les complications bactériennes, surtout surinfections pulmonaires et bactériennes [24], et les complications fongiques [25] sont fréquentes au cours des hépatites subfulminantes. Une hémorragie spontanée grave ou une pancréatite aiguë sont très rares.
Le taux de mortalité varie aussi selon la cause de l'hépatite. En cas d'hépatite virale, il est inférieur à 2 % en l'absence de coma, mais varie de 50 à 90 %, selon le virus causal, quand l'encéphalopathie atteint le coma [3]. Au cours des hépatites d'origine indéterminée avec confusion ou coma, la mortalité est supérieure à 90 % [3, 19].
Dans la plupart des variétés étiologiques, même en cas d'hépatite médicamenteuse, le taux de mortalité est nettement diminué quand le malade est hospitalisé au stade d'hépatite aiguë sévère, c'est-à-dire avant l'encéphalopathie.
Pronostic des hépatites fulminantes et subfulminantes
La cause de l'hépatite étant un important facteur pronostique des HFSF, le diagnostic étiologique est une urgence dès qu'il existe une IHA sévère. Les autres facteurs pronostiques indépendants sont principalement le facteur V (plus performant que le taux de prothrombine) [5] et l'âge, à un degré moindre l'alphafoetoprotéine sérique, la créatininémie et, à un très faible degré, l'existence d'un coma [19].
L'évaluation pronostique individuelle résulte d'une analyse multifactorielle de la gravité de l'IHA portant à la fois sur les facteurs pronostiques indépendants, la sévérité de l'encéphalopathie et la fonction rénale.
Cette évaluation pronostique peut donc être gênée par l'administration récente de neurosédatifs, pouvant majorer artificiellement l'encéphalopathie, ou celle de plasma frais congelé pouvant augmenter artificiellement le facteur V. L'un et l'autre sont donc contre-indiqués dès avant le développement de l'encéphalopathie.
Diagnostic des hépatites fulminantes et subfulminantes
Le diagnostic d'IHAfulminante ou subfulminanteconduit à éliminer les
autrescauses d'ictère à bilirubine conjuguée avec troubles de la conscience, en particulier les ictères, purement cholestatiques, des infections bactériennes sévères, parfois d'origine angiocholitique. Après un voyage récent en pays d'endémie palustre, un accès pernicieux à Plasmodium falciparum doit toujours être envisagé ; l'association à une maladie hépatique aiguë n'est pas une contre-indication à la quinine.Le diagnostic d'hépatite aiguë conduit à éliminer les autres causes d'IHA : ischémie hépatique aiguë [16], infiltrations malignes du foie (métastases, lymphome) [3]. Chez l'adolescent et l'adulte jeune, si une anémie récente coexiste, une maladie de Wilson avec hémolyse intravasculaire doit toujours être envisagée : son traitement précoce par la Dpénicillamine peut éviter la TH [3]. Dans quelques cas, les hépatites auto-immunes sont inaugurées par une poussée d'IHA [3].
Traitement des hépatites fulminantes et subfulminantes
Prévention
Bien qu'elle constitue, en termes de coût et de résultats, le meilleur traitement des HFSF, la prévention est trop souvent ignorée ou négligée.
Prévention de la cause
La prévention étiologique comporte essentiellement la vaccination contre le virusde l'hépatite B,
l'utilisation judicieuse et soigneusement surveillée desmédicaments potentiellement hépatotoxiques, et l'éducation régulière du public concernant la consommation des champignons sauvages.
Prévention de l'aggravation des hépatites aiguës
La prévention de l'aggravation des hépatites aiguës déclarées
- éviter l'évolution fulminante ou subfulminante
- passe par l'observation systématique des deux règlessuivantes : une origine médicamenteuse doit être envisagée ; toute administration médicamenteuse (excepté l'insuline chez le diabétique insulinodépendant et la quinine au cours d'un accès palustre à Plasmodium falciparum) doit être immédiatement suspendue.
Cette restriction vis-à-vis des médicaments a pour but d'éviter l'aggravation des hépatites médicamenteuses, dont le médicament responsable continuerait d'être ingéré après le début des symptômes, et celle des hépatites virales par des médicaments hépatotoxiques (tel le paracétamol). Toutefois, deux traitements médicamenteux peuvent être indiqués : la N-acétylcystéine, par voie intraveineuse, en cas d'hépatite au paracétamol [15] et l'aciclovir, par voie intraveineuse, en cas d'hépatite herpétique [2].
Prévention de l'aggravation iatrogène des hépatites aiguës sévères, fulminantes et subfulminantes
La prévention d'une aggravation iatrogène est essentielle au stade d'hépatite aiguë sévère comme après le début de l'encéphalopathie.
Le transfert médicalisé en milieuhépatologique est recommandé dans les plus courts délais : les malades agités doivent être attachés sans recevoir de neurosédatifs. Pour les longues distances, le transfert médicalisé en hélicoptère ou en avion est préférable avant l'apparition de l'encéphalopathie ou à son tout début (expérience personnelle). Plus que jamais, toute administration médicamenteuse doit être interrompue : plasma frais congelé, neurosédatifs, médicaments néphrotoxiques et corticoïdes sont contre-indiqués. Par ailleurs, le diagnostic étiologique justifie d'obtenir les examens sérologiques nécessaires en urgence.
Traitement curatif
Son but est de permettre au malade d'attendre soit la régénération efficace qui va lui permettre de guérir spontanément, soit la transplantation hépatique dont l'indication ne doit être portée ni trop tôt, ni trop tard.
Traitement symptomatique
Il comporte l'apport quotidien de 1 à 2 l d'eau (en évitant l'hyperhydratation), de 200 g de glucose, de phosphore (phosphate dipotassique ou disodique selon la kaliémie), des vitamines du groupe B, et des quantités adaptées de sodium et de potassium. Une voie veineuse périphérique est le plus souvent suffisante. Quand un abord veineux central doit être utilisé, nous recommandons l'abord haut (pré-sterno-cléido-mastoïdien) de la veine jugulaire interne. La ventilation artificielle est indiquée par la profondeur du coma et la surveillance du pH artériel, mais surtout de la capnie et de la pression partielle en oxygène. En cas d'hypertension intracrânienne sévère, le mannitol intraveineux (0,5 g/kg, en bolus éventuellement renouvelable) ne peut être utilisé que si la créatininémie est inférieure à 120 μmol/l.
En cas d'insuffisance rénale aiguë, l'indication d'une épuration extrarénale sera d'autant plus précoce que l'état neurologique est sévère ou s'aggrave rapidement. Chez les malades confus ou comateux, elle nous paraît indiquée dès que la créatininémie atteint 150 μmol/l.
L'hémofiltration, ou l'hémodiafiltration, est souvent mieux tolérée que l'hémodialyse.
La prévention des infections bactériennes passe davantage par la restriction des méthodes invasives de surveillance et de traitement (cathéter central) que par une antibiothérapie préventive qui ne modifie pas la survie [24].
Transplantation hépatique orthotopique
La décision de TH orthotopique en urgence doit être prise par une équipe
hépatologique graves). Ce critère décisionnel est donc fonction de l'âge : moins de 30 ans : association d'une confusion sévère ou d'un coma et du facteur V inférieur à 20 % ; plus de 30 ans : association d'une confusion sévère ou d'un coma et du facteur V inférieur à 30 %.
Tout traitement risquant d'altérer ces critères (cf. supra) est contre-indiqué avant la décision. Notre étude prospective de ces critères a montré qu'ils permettent de prévoir 95 % des survivants et que la TH pouvait être réalisée chez 85 % de ceux chez qui l'indication était protée [7]. La survie précoce, à 6 mois, des malades opérés est voisine de 75 % [9]. Les malades transplantés avec une TH orthotopique sont assujettis à une immunosuppression à vie.
CONCLUSION
L'essentiel du traitement des HFSF est leur prévention : son insuffisance est souvent retrouvée dans l'anamnèse.
La TH orthotopique, au prix d'une immunosuppression à vie, a certainement amélioré le pronostic global en permettant la survie de plus de 50 % des malades qui seraientdécédés. Toutefois, " l'idéal " serait le foie artificiel qui permettrait d'attendre les effets bénéfiques, parfois lents, de la régénération hépatique. Une étape dans ce sens vient d'être franchie avec les premiers résultats encourageants des greffes hépatiques auxiliaires en urgence dont le but, à l'aide d'une allogreffe temporaire, est d'attendre la régénération du foie natif laissé en place avant de débarrasser le malade du greffon [11].
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